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08/01/2021 | FRANCE | N°20NT03149

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 08 janvier 2021, 20NT03149


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler les arrêtés du 18 juin 2020 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a ordonné son transfert aux autorités italiennes et prononcé son assignation à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de 45 jours, d'autre part, d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de prendre en charge sa demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale ou, à titre subsidiaire,

de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quarante-huit heures...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler les arrêtés du 18 juin 2020 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a ordonné son transfert aux autorités italiennes et prononcé son assignation à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de 45 jours, d'autre part, d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de prendre en charge sa demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quarante-huit heures.

Par un jugement n° 2007239 du 31 juillet 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 octobre 2020, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes en date du 31 juillet 2020 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 18 juin 2020 du préfet de Maine-et-Loire et d'enjoindre au préfet de prendre en charge sa demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quarante-huit heures ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- compte tenu de ses attaches familiales en France, la décision de transfert méconnait son droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; elle viole l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la décision portant assignation à résidence repose sur une décision de transfert illégale ; l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été violé en l'absence de perspective raisonnable d'éloignement.

Par un mémoire, enregistré le 4 novembre 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 août 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- et les observations de Me D..., représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., ressortissant nigérian né le 22 février 1996, a présenté une demande d'asile, laquelle a été enregistrée par la préfecture de la Loire-Atlantique le 19 février 2020. A la suite du relevé de ses empreintes digitales, il a été constaté qu'il avait déposé une demande d'asile auprès des autorités italiennes, ses empreintes digitales ayant été enregistrées les 10 juin 2014 et 8 mai 2017 en tant que demandeur d'asile dans le système Eurodac par ces autorités. Le préfet de Maine-et-Loire a saisi les autorités italiennes, le 20 février 2020, d'une demande de reprise en charge de l'intéressé. Ces autorités ont implicitement accepté de le reprendre en charge. Par deux arrêtés du 18 juin 2020, dont M. B... demande l'annulation, le préfet de Maine-et-Loire a décidé, d'une part, de le transférer en Italie et, d'autre part, de l'assigner à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de 45 jours. Par un jugement du 30 juillet 2020, dont il est relevé appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur l'arrêté de transfert :

2. En premier lieu, si le requérant soutient qu'il a pour compagne, depuis trois ans, une compatriote séjournant désormais en France sous couvert d'une attestation de demande d'asile, ni la durée effective de cette relation ni la réalité de la vie commune ne sont établies au vu des pièces du dossier. Le requérant fait certes valoir qu'il est le père d'une enfant née de cette union en décembre 2019, sur le territoire français. Toutefois, d'une part, il n'a reconnu cette enfant qu'en juillet 2020, soit postérieurement à l'arrêté de transfert contesté. D'autre part, alors qu'il séjourne en un lieu distinct de celui de sa compagne et de cette enfant, il ne justifie ni de la réalité des liens qui l'unissent à cette dernière ni de la réalité de l'attention qu'il lui porte. Par suite, en adoptant l'arrêté de transfert contesté, le préfet n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, une atteinte disproportionnée aux buts que cet acte poursuivait. Pour les mêmes motifs, il n'a pas non plus méconnu l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, alors au surplus qu'il n'est pas établi que l'enfant qu'il a reconnu ne pourrait pas, au même titre que sa mère, le suivre en cas de transfert en Italie.

3. En second lieu, aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

4. Eu égard à ce qui a été dit au point 2 et en l'absence d'autres éléments susceptibles de justifier que les autorités françaises examinent, dans les conditions dérogatoires prévues par l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, sa demande de protection internationale, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation, au regard de ces dispositions, en le transférant en Italie.

Sur l'arrêté d'assignation à résidence :

5. D'une part, compte tenu de ce qui vient d'être dit, l'exception d'illégalité de l'arrêté de transfert vers l'Italie ne peut qu'être écartée.

6. D'autre part, il n'est pas établi qu'à la date à laquelle a été adopté l'arrêté de transfert litigieux, le 18 juin 2020, le transfert du requérant en Italie ne demeurait pas, eu égard notamment à l'amélioration relative du contexte sanitaire, une perspective raisonnable au sens de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par suite, sa requête, y compris les conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 janvier 2021.

Le rapporteur,

T. A...Le président,

L. Lainé

Le greffier,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20NT03149

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03149
Date de la décision : 08/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Thurian JOUNO
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : GUILBAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-01-08;20nt03149 ?
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