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08/01/2021 | FRANCE | N°20NT02788

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 08 janvier 2021, 20NT02788


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 26 mai 2020 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités suisses pour l'examen de sa demande d'asile et la décision du même jour par laquelle le préfet l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2005512 du 19 juin 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 septembre 202

0, M. C... A..., représenté par Me D... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 26 mai 2020 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités suisses pour l'examen de sa demande d'asile et la décision du même jour par laquelle le préfet l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2005512 du 19 juin 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2020, M. C... A..., représenté par Me D... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2005512 du tribunal administratif de Nantes du 19 juin 2020 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 26 mai 2020 par lesquelles le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités suisses et l'a assigné à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale d'un mois dans un délai de huit jours et de transmettre sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides pour examen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

. en ce qui concerne la décision portant transfert aux autorités suisses :

- les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ; les informations requises par ces dispositions lui ont été remises tardivement puisqu'il ne s'est vu remettre aucune information ni brochure lors de son passage au centre de pré-accueil alors que c'est le moment où il doit être considéré comme ayant introduit sa demande de protection internationale ;

- les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ; aucune information n'étant communiquée quant à l'identité et la qualité de la personne ayant mené l'entretien, il n'est pas établi qu'il a été mené par une personne qualifiée ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; sa demande d'asile en Suisse a été rejetée et il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement, désormais définitive ; il existe un risque très important de renvoi par ricochet vers l'Erythrée ; la Suisse a répondu à la demande de transfert sur le fondement de l'article 18.1 d) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; dès que les renvois contraints deviendront matériellement possibles, la Suisse mettra à exécution les décisions d'éloignement comme celle dont il fait l'objet ; . en ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant transfert vers la Suisse.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 3 août 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant érythréen né en janvier 1993, après avoir fait l'objet d'un premier transfert en Suisse exécuté le 14 janvier 2020 et être entré une seconde fois en France, a déposé une demande d'asile qui a été enregistrée le 17 février 2020. Par une décision du 26 mai 2020, le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités suisses pour l'examen de sa demande d'asile, et par une décision du même jour, a également prononcé son assignation à résidence. M. A... relève appel du jugement du 19 juin 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 26 mai 2020.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre, le 17 février 2020, le jour même de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture, et à l'occasion de l'entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées, en langue tigrinya qu'il a déclaré comprendre. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".

6. Il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par M. A... qu'il a bénéficié le 17 février 2020, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. Cet entretien s'est tenu en langue tigrinya, qu'il a déclaré comprendre, avec le concours par téléphone d'un interprète, dont l'identité est portée sur le compte rendu d'entretien, intervenant pour le compte de la société ISM Interprétariat, agréée par le ministère de l'intérieur. Il n'est pas établi que l'intéressé n'aurait pas été en capacité de comprendre les informations qui lui ont été délivrées et de faire valoir toutes observations utiles relatives à sa situation au cours de l'entretien, ainsi que cela ressort du compte-rendu qui en a été établi. D'autre part, aucun élément ne permet de démontrer que l'entretien ne se serait pas tenu dans des conditions conformes aux exigences de l'article 5 précité. En particulier, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. En outre, l'absence d'indication de l'identité et de la qualité de l'agent ayant conduit l'entretien n'a pas privé l'intéressée de la garantie que constitue le bénéfice de cet entretien individuel. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...)".

8. M. A... invoque les risques qu'il encourt en cas de retour en Erythrée et soutient qu'il risque d'y être renvoyé par les autorités helvétiques, qui ont rejeté sa demande d'asile et l'ont obligé à quitter le territoire suisse. Toutefois, il ressort d'un courriel du secrétariat d'Etat suisse aux migrations du 4 janvier 2019 que les ressortissants érythréens dont la demande de protection internationale a été rejetée en Suisse ne se voient certes pas attribuer de titre de séjour, mais peuvent, de fait, séjourner dans ce pays où ils reçoivent une " aide d'urgence " et ne sont, en tout état de cause, pas éloignés à destination de l'Erythrée. Dans ces conditions, le préfet de Maine-et-Loire n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne se saisissant pas de la faculté d'instruire la demande d'asile en France que lui offrait l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.

9. En dernier lieu, l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; (...) / Les huit derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois pour les cas relevant des 1° et 2° à 7° du présent I, ou trois fois pour les cas relevant du 1° bis (...) ". L'article L. 561-1 du même code dispose que : " (...) La décision d'assignation à résidence est motivée. Elle peut être prise pour une durée maximale de six mois, renouvelable une fois dans la même limite de durée, par une décision également motivée (...) ".

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 8 du présent arrêt que M. A... n'est pas fondé à se prévaloir, à l'encontre de la décision prononçant son assignation à résidence, de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités suisses.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de Maine-et-Loire du 26 mai 2020. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 janvier 2021.

La rapporteure,

M. E...Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT02788


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02788
Date de la décision : 08/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : RODRIGUES-DEVESAS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-01-08;20nt02788 ?
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