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08/01/2021 | FRANCE | N°20NT01761

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 08 janvier 2021, 20NT01761


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 17 mars 2017 par laquelle le directeur adjoint du centre pénitentiaire de Nantes a décidé son placement provisoire à l'isolement.

Par un jugement n° 1703208 du 29 octobre 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 juin 2020, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du t

ribunal administratif de Nantes du 29 octobre 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 17 mars 2017 par l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 17 mars 2017 par laquelle le directeur adjoint du centre pénitentiaire de Nantes a décidé son placement provisoire à l'isolement.

Par un jugement n° 1703208 du 29 octobre 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 juin 2020, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 octobre 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 17 mars 2017 par laquelle le directeur adjoint du centre pénitentiaire de Nantes a décidé son placement provisoire à l'isolement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier ; en effet, d'une part, l'article R. 711-3 du code de justice administrative a été méconnu dès lors que le rapporteur public n'a pas mentionné avant l'audience sur l'application Sagace le sens précis de ses conclusions ; à cet égard, la mention " rejet au fond " est insuffisante ; d'autre part, le jugement n'était pas signé par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier ;

- la publication au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'arrêté par lequel une délégation de signature a été consentie au profit du directeur adjoint, pour signer notamment les décisions de placement à l'isolement n'est ni adéquate, ni suffisante ; elle ne permettait pas aux personnes détenues d'en avoir connaissance ; elle ne leurs est donc pas opposable ;

- une décision de placement provisoire à l'isolement ne peut être prise que si cette mesure constitue l'unique moyen pour préserver l'ordre dans l'établissement ; or tel n'était pas le cas en l'espèce.

Par un mémoire, enregistré le 29 septembre 2020, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le moyen tiré du caractère inopposable de la délégation de signature est irrecevable faute d'avoir été soulevé dans le délai contentieux en première instance ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 29 septembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 octobre 2020.

M. A... a produit un mémoire postérieurement à cette clôture, enregistré le 7 décembre 2020.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jouno, rapporteur,

- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., incarcéré au centre pénitentiaire de Nantes, au sein du quartier " maison d'arrêt ", depuis le 19 octobre 2016, a été placé provisoirement à l'isolement par décision du 17 mars 2017, sur le fondement de l'article R. 57-7-65 du code de procédure pénale. Par un jugement du 29 octobre 2019, dont il relève appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ". La communication aux parties du sens des conclusions, prévue par ces dispositions, a pour objet de les mettre en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public.

3. En l'espèce, il est constant que le sens des conclusions du rapporteur public, tendant au " rejet au fond " de la demande de M. A..., a été mis en ligne, dans l'application " Sagace ", dans un délai raisonnable avant l'audience du 1er octobre 2019 à laquelle a été appelée cette affaire. Or, cette indication d'un " rejet au fond " était, contrairement à ce qui est soutenu, suffisante pour mettre en mesure les parties d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique et de préparer, le cas échéant, les observations orales utiles en vue de l'audience, le rapporteur public ayant ainsi indiqué aux parties le sens de ses conclusions, en indiquant les éléments du dispositif de la décision qu'il comptait proposer à la formation de jugement d'adopter.

4. En second lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". En l'espèce, le requérant prétend que les signatures exigées par cet article n'auraient pas été apposées sur la minute du jugement attaqué. Toutefois, ce moyen manque en fait.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 221-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'entrée en vigueur d'un acte réglementaire est subordonnée à l'accomplissement de formalités adéquates de publicité, notamment par la voie, selon les cas, d'une publication ou d'un affichage, sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires ou instituant d'autres formalités préalables. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 57-6-24 du code de procédure pénale : " (...) Pour l'exercice des compétences définies par le présent code, le chef d'établissement peut déléguer sa signature à son adjoint, à un fonctionnaire appartenant à un corps de catégorie A ou à un membre du corps de commandement placé sous son autorité. (...) ".

6. Par une décision du 7 septembre 2015, le chef d'établissement du centre pénitentiaire de Nantes a donné délégation de signature au directeur adjoint, directeur du quartier " maison d'arrêt " et du quartier " semi-liberté ", pour signer notamment les décisions de placement provisoire à l'isolement prises sur le fondement des dispositions de l'article R. 57-7-65 du code de procédure pénale. Cette décision a été publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Loire-Atlantique le 11 septembre 2015. Eu égard à l'objet d'une délégation de signature qui, quoique constituant un acte réglementaire, n'a pas la même portée à l'égard des tiers qu'un acte modifiant le droit destiné à leur être appliqué, sa publication au recueil des actes administratifs de la préfecture, qui permet de lui donner date certaine, a constitué une mesure de publicité suffisante pour la rendre opposable aux tiers, notamment à l'égard des détenus de l'établissement pénitentiaire. La délégation du 7 septembre 2015 étant ainsi opposable à M. A..., celui-ci n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée, qui a été prise par le directeur adjoint, directeur du quartier " maison d'arrêt " et du quartier " semi-liberté ", de l'établissement, aurait été adoptée par une autorité incompétente.

7. En second lieu, aux termes de l'article R. 57-7-65 du code de procédure pénale : " En cas d'urgence, le chef d'établissement peut décider le placement provisoire à l'isolement de la personne détenue, si la mesure est l'unique moyen de préserver la sécurité des personnes ou de l'établissement. Le placement provisoire à l'isolement ne peut excéder cinq jours. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une mesure de placement provisoire à l'isolement ne peut intervenir, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que dans l'hypothèse où elle est strictement nécessaire afin d'assurer la sécurité de l'établissement pénitentiaire ou des personnes.

8. En l'espèce, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, il ressort des pièces du dossier et notamment d'un courrier adressé le 16 mars 2017 par la surveillante du centre scolaire à la directrice de la maison d'arrêt que ce même jour, M. A..., qui avait commis une prise d'otage sur un codétenu au centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne en mai 2015, a déclaré qu'il allait prochainement commettre un attentat et faire parler de l'établissement dans la presse. Il ressort de ce courrier que M. A... a, en outre, ajouté : " je ne suis pas un beau parleur, tout ce que je dis je le fais, j'avais dit que je ferai une prise d'otage, je l'ai fait ". Par ailleurs, contrairement aux allégations du requérant, il ressort des pièces du dossier, plus particulièrement de la fiche de synthèse des observations produite par l'administration, qu'il a tenu des propos menaçants et inquiétants dès le 20 octobre 2016. M. A... n'a présenté ni devant les premiers juges ni devant la cour d'éléments de nature à remettre en cause la véracité des énonciations du courrier précité du 16 mars 2017, au demeurant particulièrement circonstancié. Ces faits, eu égard au caractère répété des actes de violence commis par M. A... en détention, révèlent un risque de comportement susceptible de porter gravement atteinte, de manière imminente, à la sécurité de l'établissement. Dans ces conditions, et alors même que M. A... n'était pas en possession d'une arme à la date des faits en cause, le directeur adjoint en charge de la maison d'arrêt a pu légalement décider son placement à l'isolement à titre provisoire.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par suite, sa requête, y compris les conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- M. Jouno, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 janvier 2021.

Le rapporteur,

T. JounoLe président,

L. Lainé

Le greffier,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20NT01761

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01761
Date de la décision : 08/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Thurian JOUNO
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : DAVID

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-01-08;20nt01761 ?
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