Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... A... D..., représentée par Me C..., a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler la décision du 16 février 2018 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation, ainsi que la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant son recours reçu le 16 avril 2018 contre cette décision préfectorale, d'autre part, d'enjoindre au ministre de l'intérieur, à titre principal, de lui accorder la nationalité française, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par une ordonnance n° 1806905 du 15 novembre 2019, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nantes a donné acte du désistement des conclusions de Mme A... D... à fin d'annulation et d'injonction (article 1er) et a rejeté les conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au bénéfice de Me C... (article 2).
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2019, et un mémoire, enregistré le 14 juillet 2020, Me C... demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 de cette ordonnance du 15 novembre 2019 du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son profit de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à raison de la procédure de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à raison de la procédure d'appel.
Elle soutient que :
- le prononcé d'un non-lieu à statuer ne fait pas obstacle à la mise à la charge d'une partie des frais exposés par l'autre partie et non compris dans les dépens ;
- le ministre de l'intérieur a indiqué, dans son mémoire en défense du 12 août 2019, avoir accordé la nationalité française à Mme A... par décret du 1er août 2019, concluant au non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction ; c'est donc en raison de son action contentieuse que Mme A... a été naturalisée ;
- le ministre de l'intérieur était en tout état de cause partie perdante en première instance.
Par un mémoire, enregistré le 14 janvier 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jouno, rapporteur,
- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... D... a présenté une demande de naturalisation auprès de la préfecture des Bouches-du-Rhône. Par une décision du préfet de ce département du 16 février 2018, sa demande a été ajournée. Par une lettre réceptionnée le 16 avril 2018, Mme A... D... a formé un recours administratif contre cette décision auprès du ministre de l'intérieur, chargé des naturalisations. Par une requête enregistrée le 20 juillet 2018, elle a demandé au tribunal d'annuler tant la décision d'ajournement du 16 février 2018 que la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur aurait rejeté son recours reçu le 16 avril 2018. Par un décret du 1er août 2019, publié le 3 août 2019, l'intéressée a été naturalisée française. Par un mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif de Nantes le 10 septembre 2019, Mme A... D... a déclaré se désister de ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction sous astreinte. Cependant elle a maintenu ses conclusions tendant au versement à son conseil, Me B... C..., de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par une ordonnance du 15 novembre 2019, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nantes a donné acte de ce désistement et a rejeté le surplus des conclusions au bénéfice de Me C.... Cette dernière relève appel de cette ordonnance en tant qu'elle a rejeté ces dernières conclusions.
2. D'une part, aux termes du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. / Si l'avocat du bénéficiaire de l'aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat. (...) ". L'article 111 du décret du 19 décembre 1991 dispose que : " En cas d'extinction de l'instance pour une autre cause qu'un jugement ou une transaction, le juge peut, sur demande de l'avocat, allouer à celui-ci une rétribution dont il fixe le montant en fonction des diligences accomplies au cours de l'instance et, le cas échéant, des pourparlers transactionnels ayant échoué ou d'une procédure participative n'ayant pas abouti à un accord total, sans qu'il y ait lieu à l'imputation prévue au premier alinéa de l'article 118-8. / Il en est de même, à la demande de l'avocat, en cas de radiation ou de retrait du rôle ou, devant les juridictions administratives, en cas de non-lieu ou de désistement. / Dans tous les cas, le montant de cette rétribution ne peut excéder la moitié de celle fixée par le barème applicable en aide totale sans autre imputation à ce titre ".
3. D'autre part, en vertu du premier alinéa de l'article 45 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française, dans les deux mois suivant la notification d'une décision par laquelle le préfet compétent ajourne une demande de naturalisation, cette décision peut faire l'objet d'un recours auprès du ministre chargé des naturalisations, à l'exclusion de tout autre recours administratif. Aux termes du troisième alinéa de ce même article : " Le silence gardé par le ministre chargé des naturalisations sur ce recours pendant plus de quatre mois vaut décision de rejet du recours ".
4. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que, lorsque Mme A... D... a introduit devant le tribunal administratif de Nantes sa demande d'annulation de la décision implicite de rejet qu'aurait prise le ministre de l'intérieur, le délai de quatre mois mentionné au point précédent n'était pas expiré et, ainsi, le recours contentieux était prématuré. D'autre part, au regard de la durée moyenne d'instruction d'une telle demande, le décret naturalisant Mme A... D... le 1er août 2019 est intervenu dans un délai très raisonnable et il apparaît que les explications données par l'intéressée elle-même dans son recours administratif ont été déterminantes. Dans ces conditions, les diligences de son avocate ne peuvent être regardées comme ayant eu un rôle essentiel et Me C... n'est pas fondée à prétendre que seul le recours contentieux qu'elle a formé devant le tribunal administratif de Nantes a permis à Mme A... D... d'acquérir la nationalité par décision de l'autorité publique. Dans ces conditions, ainsi que l'avait retenu le premier juge, il n'y avait pas lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à cette avocate d'une somme au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
5. Il résulte de tout ce qui précède que Me C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande présentée au titre des frais liés au litige. Par suite, sa requête, y compris les conclusions relatives aux frais liés au litige en appel, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Me C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me B... C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 15 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 janvier 2021.
Le rapporteur,
T. JounoLe président,
L. Lainé
Le greffier,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT04851
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