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18/12/2020 | FRANCE | N°20NT02930

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 18 décembre 2020, 20NT02930


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les deux arrêtés du 3 juin 2020 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a décidé son transfert aux autorités suisses, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2005964 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 septembre 2020, M. D..., représenté par Me C... B..., demande à la cour :

1

) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 30 juin 2020 ;

2°) d'annuler les arrêtés...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les deux arrêtés du 3 juin 2020 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a décidé son transfert aux autorités suisses, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2005964 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 septembre 2020, M. D..., représenté par Me C... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 30 juin 2020 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 3 juin 2020 du préfet de Maine-et-Loire ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale d'un mois, dans le délai de huit jours suivant l'arrêt à intervenir, et de transmettre sa demande d'asile à l'OFPRA pour examen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

en ce qui concerne l'arrêté de transfert :

- il est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté procède d'une application manifestement erronée de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile avec un risque de violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que la Suisse a pris à son encontre une décision de refus d'asile assortie d'une obligation de quitter le territoire vers l'Erythrée où il craint pour sa vie et qu'il présente des problèmes de santé requérant un traitement ;

en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant réadmission en Suisse.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 et 14 octobre 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés et précise que ce dernier a été transféré en Suisse.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 août 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant érythréen né en 1986, a présenté une demande d'asile en France au mois de mars 2020. Par deux arrêtés du 3 juin 2020, le préfet de Maine-et-Loire a décidé le transfert de l'intéressé aux autorités suisses, responsables de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement du 30 juin 2020, dont M. D... relève appel, le tribunal administratif de Nantes, a rejeté sa demande d'annulation de ces arrêtés.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. D... s'est vu remettre, le 11 mars 2020, le jour même de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture, et à l'occasion de l'entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées, en langue tigrinya qu'il a déclaré comprendre. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".

6. Il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par M. D... qu'il a bénéficié le 11 mars 2020, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. Cet entretien s'est tenu en langue tigrinya, que l'intéressé a déclaré comprendre, avec le concours par téléphone d'un interprète, dont l'identité est portée sur le compte rendu d'entretien. Par ailleurs, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. En outre, l'absence d'indication de l'identité et de la qualité de l'agent ayant conduit l'entretien n'a pas privé le requérant de la garantie que constitue le bénéfice de cet entretien individuel. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

8. M. D... invoque les risques qu'il encourt en cas de retour en Erythrée et soutient qu'il risque d'y être renvoyé par les autorités helvétiques, qui ont rejeté sa demande d'asile et l'ont obligé à quitter le territoire suisse. Toutefois, il ressort d'un courriel du secrétariat d'Etat suisse aux migrations du 4 janvier 2019 que les ressortissants érythréens dont la demande de protection internationale a été rejetée en Suisse ne se voient certes pas attribuer de titre de séjour, mais peuvent, de fait, séjourner dans ce pays où ils reçoivent une " aide d'urgence " et ne sont, en tout état de cause, pas éloignés à destination de l'Erythrée. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une décision d'éloignement devenue définitive aurait été prise à l'encontre de l'intéressé par les autorités suisses et qu'il ne pourrait faire valoir de nouveaux éléments sur sa situation personnelle ou ses craintes en cas de retour dans son pays d'origine. Enfin, si M. D... fait état de sa santé défaillante, il ressort des pièces du dossier que ses troubles oculaires préexistaient à son entrée en France, qu'il a reçu des soins pour ce motif en Suisse comme en France, et que les troubles psychologiques dont il fait état ne sont pas autrement renseignés que par la présentation de la prescription en juillet 2020 d'un antidépresseur. Dans ces conditions, le préfet de Maine-et-Loire n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne se saisissant pas de la faculté d'instruire la demande d'asile en France que lui offrait l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.

9. En dernier lieu, l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (...) ".

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 8 du présent arrêt que M. D... n'est pas fondé à se prévaloir, à l'encontre de la décision prononçant son assignation à résidence, de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités suisses.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 3 juin 2020 du préfet du Maine-et-Loire. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. E... D... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. A..., président assesseur,

- M. Jouno, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2020.

Le rapporteur,

C. A...

Le président,

L. Lainé

La greffière,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT02930


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02930
Date de la décision : 18/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : RODRIGUES-DEVESAS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-12-18;20nt02930 ?
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