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08/12/2020 | FRANCE | N°19NT03815

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 08 décembre 2020, 19NT03815


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté son recours formé contre la décision implicite par laquelle l'autorité consulaire française à Dakar (Sénégal) a refusé de lui délivrer un visa de long séjour demandé au titre du regroupement familial.

Par un jugement n° 1903699 du 26 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa

demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 septembre 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté son recours formé contre la décision implicite par laquelle l'autorité consulaire française à Dakar (Sénégal) a refusé de lui délivrer un visa de long séjour demandé au titre du regroupement familial.

Par un jugement n° 1903699 du 26 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 septembre 2019, M. F... C..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) à titre liminaire, d'enjoindre au président de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France de communiquer les convocations envoyées aux membres de la commission, le nombre et la qualité des membres ayant délibéré et les justificatifs attestant que la commission a demandé à l'autorité consulaire les informations utiles à l'examen de son recours ;

2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

3°) d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté son recours formé contre la décision par laquelle l'autorité consulaire française à Dakar (Sénégal) a refusé de lui délivrer un visa de long séjour demandé au titre du regroupement familial ;

4°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa demandé, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé s'agissant du caractère inopérant du moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

- la décision attaquée n'a pas été prise par une commission de recours régulièrement composée ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen sérieux et complet de sa situation ;

- elle est entachée d'erreur dans l'appréciation du caractère probant des actes d'état civil produits à l'appui de sa demande de visa de long séjour ;

- son lien de filiation avec Mme E... est établi également par de nombreux éléments de possession d'état ;

- la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il se réfère au mémoire en défense de première instance et fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les observations de Me B..., substituant Me D..., pour M. C....

Une note en délibéré, présentée pour M. C..., a été enregistrée le 20 novembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 26 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de la décision implicite en date du 26 décembre 2018 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision implicite par laquelle l'autorité consulaire française à Dakar (Sénégal) a refusé de lui délivrer un visa de long séjour demandé au titre du regroupement familial. M. C... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les premiers juges ont écarté comme inopérant le moyen tiré de ce que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ne se serait pas régulièrement réunie, en mentionnant qu'il s'agissait d'une décision implicite. Ce faisant et alors au demeurant qu'un moyen inopérant peut être écarté implicitement dès lors qu'il a été visé, les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier pour insuffisance de motivation.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, le moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ne peut utilement être invoqué à l'encontre d'une décision implicite. Par suite, le moyen doit être écarté, sans qu'il soit besoin d'enjoindre au président de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France de communiquer les convocations envoyées aux membres de la commission, le nombre et la qualité des membres ayant délibéré et les justificatifs attestant que la commission a demandé à l'autorité consulaire les informations utiles à l'examen de son recours.

4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation de M. C... n'a pas fait l'objet d'un examen sérieux et complet.

5. En troisième lieu, l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

6. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

7. En réponse à une demande de communication des motifs de sa décision implicite, le courrier du 7 février 2019 mentionne que la commission de recours a fondé sa décision sur les motifs tirés de ce que " le jugement d'adoption plénière produit à l'appui de la demande comporte des incohérences tel, notamment dans l'orthographie des patronymes de la mère biologique et de la mère adoptive alléguées, ce qui lui ôte toute force probante et ne permet pas d'établir l'identité du demandeur " et, au surplus, de ce qu' " en l'absence d'une vérification d'opposabilité par le ministère public du jugement d'adoption de l'enfant par l'auteur de la demande de regroupement familial, un visa au titre demandé ne peut être utilement sollicité ".

8. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le document produit aurait un caractère frauduleux. En se bornant à relever quelques erreurs d'orthographe dans le jugement d'adoption plénière du 12 décembre 2006 et à soutenir que l'opposabilité de ce jugement n'a pas été vérifiée par le ministère public, la commission de recours n'établit pas le caractère frauduleux de l'acte produit aux fins d'établir un lien de filiation entre M. C... et la regroupante.

9. Cependant, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

10. Pour établir que la décision contestée était légale, le ministre de l'intérieur a invoqué, dans son mémoire en défense de première instance communiqué à M. C..., un autre motif tiré du caractère frauduleux des actes de naissance dressés, l'un le 25 février 2004, l'autre, le 2 décembre 2010.

11. D'une part, il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de visa, M. C... a produit la souche de l'acte de naissance dressé le 25 février 2004, sur la base de la réquisition du procureur de la République aux fins de reconstitution d'acte de naissance prononcée le 18 février 2004 ainsi que deux volets n° 1 de cet acte. La production de deux volets n° 1 est contraire à l'article 33 de la loi n° 073/84 du 17 octobre 1984 portant code de la famille congolais, relatif à la composition des registres, qui prévoit que chaque registre comprend des feuillets reliés composés chacun de trois volets, seul le volet n° 1 étant remis au déclarant. Si le requérant soutient que l'un des volets n° 1 produit serait en réalité un duplicata du volet n° 1, ce terme n'apparaît toutefois pas sur le document. En outre et surtout, les volets n° 1 produits présentent des incohérences importantes, dès lors qu'ils sont présentés comme ayant été dressés par un seul et même officier d'état civil, lequel n'a pourtant pas la même écriture dans les deux actes et utilise des timbres humides différents. Enfin, la seule attestation du 9 mars 2020, produite par le requérant, ne saurait justifier des incohérences ainsi relevées.

12. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le jugement du 12 décembre 2006 prononçant l'adoption plénière de M. C... par Mme E..., sa grand-mère alléguée, ordonne la transcription du jugement dans les registres d'état civil de l'année en cours, ainsi que l'établissement d'un nouvel acte de naissance devant porter la mention " enfant adopté " en marge. Le requérant a produit un acte de naissance n° 4159 établi le 2 décembre 2010 lequel ne porte pas la mention " enfant adopté " en marge. En outre, en cours d'instance, le requérant a produit de nouveau la souche et le volet n° 1 de l'acte de naissance du 25 février 2004, en marge desquels a été ajoutée, le 14 février 2020, une mention relative au jugement d'adoption plénière du 12 décembre 2006, là encore en méconnaissance de ce qu'ordonnait ce jugement. Par suite, il y a lieu de procéder à la substitution de motifs demandée par le ministre de l'intérieur, laquelle il ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

13. En quatrième lieu, le requérant se prévaut de la procédure de regroupement familial poursuivie par Mme E..., pendant plusieurs années, afin de lui permettre de la rejoindre en France. Il produit également une attestation, non datée, relative à des transferts d'argent par l'intermédiaire d'un tiers. Ces éléments ne permettent toutefois pas d'établir, par possession d'état, le lien de filiation dont se prévaut M. C... avec la regroupante.

14. En cinquième lieu, le lien familial n'étant pas établi entre la regroupante et le demandeur du visa, lequel est âgé de vingt-deux ans à la date de la décision attaquée et vit depuis plusieurs années au Sénégal où il ne soutient pas être dépourvu de toute attache familiale, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale. Le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Il suit de là que ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme Buffet, président assesseur,

- Mme A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2020.

Le président de la formation de jugement,

T. CELERIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT03815


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03815
Date de la décision : 08/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : MINIER MAUGENDRE et ASSOCIEES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-12-08;19nt03815 ?
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