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08/12/2020 | FRANCE | N°19NT03676

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 08 décembre 2020, 19NT03676


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme G... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 7 décembre 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision du 17 août 2016 par laquelle l'autorité consulaire française à Marrakech (Maroc) a refusé de délivrer à Mme C... G... un visa de long séjour au titre d'une kafala.

Par un jugement n° 1701263 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a re

jeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 se...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme G... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 7 décembre 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision du 17 août 2016 par laquelle l'autorité consulaire française à Marrakech (Maroc) a refusé de délivrer à Mme C... G... un visa de long séjour au titre d'une kafala.

Par un jugement n° 1701263 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 septembre 2019, M. A... G... et Mme D... E... épouse G..., représentés par Me F..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 7 décembre 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision du 17 août 2016 par laquelle l'autorité consulaire française à Marrakech (Maroc) a refusé de délivrer à Mme C... G... un visa de long séjour au titre d'une kafala ;

3°) d'enjoindre à l'administration de délivrer le visa demandé ou de réexaminer la demande, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier ; il a rejeté leur requête pour irrecevabilité, sans les avoir invités au préalable à régulariser leur demande ;

- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est entachée d'illégalité du fait de l'illégalité de la décision de l'autorité consulaire prise par une autorité incompétente, le signataire ne justifiant pas d'une délégation de signature ;

- elle est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est fondée sur des faits matériellement inexacts ; l'enfant a été confiée par kafala à l'âge de 14 ans et non de 17 ans et 11 mois.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mars 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable, à défaut pour M. G... de pouvoir agir pour Mme C... G..., majeure et en capacité d'ester en justice, et de justifier d'un intérêt à agir ;

- aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. et Mme G... tendant à l'annulation de la décision du 7 décembre 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision du 17 août 2016 par laquelle l'autorité consulaire française à Marrakech (Maroc) a refusé de délivrer à Mme C... G... un visa de long séjour au titre d'une kafala. M. et Mme G... relèvent appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 612-1 du code de justice administrative : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. / Toutefois, la juridiction d'appel ou de cassation peut rejeter de telles conclusions sans demande de régularisation préalable pour les cas d'irrecevabilité tirés de la méconnaissance d'une obligation mentionnée dans la notification de la décision attaquée conformément à l'article R. 751-5. / La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. La demande de régularisation tient lieu de l'information prévue à l'article R. 611-7. ".

3. Un parent ne justifie, en cette seule qualité, d'un intérêt lui permettant de contester devant le juge administratif la légalité d'un refus de visa opposé à son enfant que si ce dernier est mineur. La majorité de l'enfant s'apprécie en vertu des dispositions applicables dans le pays dont il a la nationalité.

4. La requête de M. et Mme G... a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nantes le 9 février 2017, date à laquelle Mme C... G..., née le 20 décembre 1998, avait atteint l'âge de la majorité, fixé à dix-huit ans au Maroc. Le ministre de l'intérieur n'ayant pas produit de mémoire en défense, aucune fin de non-recevoir n'a été opposée. Si les premiers juges ont adressé aux requérants une demande de pièces pour compléter l'instruction, ce courrier du 3 mai 2019, se bornant à demander à l'avocat des requérants de préciser s'il représentait le demandeur de visa devenu majeur, n'a pas été pris dans les formes prévues par l'article R. 612-1 du CJA et ne peut être regardé comme une mesure d'invitation à régularisation, au sens de ces dispositions. En outre, l'envoi de la lettre du 5 juin 2019 informant les parties de ce qu'en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité de la requête, sans mentionner la possibilité de régulariser cette dernière ni fixer un délai à cette fin, ne peut tenir lieu de l'invitation à régulariser prévue à l'article R. 612-1 du code de justice administrative. Dès lors, M. et Mme G... sont fondés à soutenir que le jugement a rejeté leur requête comme étant irrecevable sans les avoir invités au préalable à la régulariser. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme G... devant le tribunal administratif de Nantes.

Sur la légalité de la décision de la commission de recours du 7 décembre 2016 :

5. En vertu des dispositions de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prise sur recours préalable obligatoire du 7 décembre 2016, s'est substituée à la décision consulaire du 17 août 2016. Il suit de là que le moyen invoqué par les requérants, tiré de ce que le signataire de la décision de l'autorité consulaire ne justifie pas d'une délégation de signature n'est pas opérant à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours. Le moyen doit dès lors être écarté.

6. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France fonde sa décision sur le motif tiré de ce que l'intérêt supérieur de l'enfant C... G..., confiée par kafala alors qu'elle est âgée de 17 ans et 11 mois, qui a toujours vécu auprès de ses parents au Maroc, n'est pas de s'établir en France auprès de M. et Mme G..., dont les revenus (hors allocations familiales) sont insuffisants pour leur permettre de prendre en charge la demanderesse dans des conditions satisfaisantes.

7. Il ressort des pièces du dossier que l'acte dit de " kafala ", dressé devant notaire, par lequel la jeune C... G..., a été confiée à M. et Mme G..., ses oncle et tante, a fait l'objet d'une homologation par le tribunal de première instance de Zagora, le 22 mars 2016, date à laquelle l'intéressée était âgée de dix-sept ans et non de quatorze ans comme le prétendent les requérants. Les actes dits de " kafala adoulaire ", au Maroc, ne concernent pas les orphelins ou les enfants de parents se trouvant dans l'incapacité d'exercer l'autorité parentale. Leurs effets sur le transfert de l'autorité parentale sont variables. Le juge se borne à homologuer les actes dressés devant notaire. Dès lors, l'intérêt supérieur de l'enfant à vivre auprès de la personne à qui il a été confié par une telle " kafala " ne peut être présumé et doit être établi au cas par cas. Il appartient au juge administratif d'apprécier, au vu de l'ensemble des pièces du dossier, si le refus opposé à une demande de visa de long séjour pour le mineur est entaché d'une erreur d'appréciation au regard de l'exigence définie par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant.

8. M. et Mme G... se bornent à soutenir que toutes les vérifications ont été réalisées avant l'homologation par le juge marocain et que leurs ressources, provenant de leur travail et non des prestations sociales, sont suffisantes pour subvenir aux besoins de Mme C... G... et ne produisent aucune pièce relative à la situation des intéressés au Maroc et en France. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision de la commission de recours est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande de première instance, que M. et Mme G... ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 7 décembre 2016. Par suite, leurs conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 4 juillet 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme G... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... G..., à Mme D... E... épouse G... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme Buffet, président assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2020.

Le président de la formation de jugement,

T. CELERIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT03676


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03676
Date de la décision : 08/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : CHABBIA

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-12-08;19nt03676 ?
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