Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... E... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les deux arrêtés des 13 et 15 mai 2020 par lesquels le préfet du Loiret, d'une part, a décidé son transfert aux autorités allemandes, d'autre part, l'a assigné à résidence.
Par un jugement n° 2002090 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 août 2020, M. E..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 2 juillet 2020 ;
2°) d'annuler les arrêtés des 13 et 15 mai 2020 du préfet du Loiret.
Il soutient que :
en ce qui concerne l'arrêté de transfert :
- l'arrêté procède d'une application manifestement erronée de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile dès lors qu'il a le droit de mener en France la vie privée qu'il souhaite alors qu'il réside avec sa soeur, à qui a été reconnue la qualité de réfugiée, et qu'il présente une santé déficiente ; il n'a en conséquence pas à apporter la preuve d'une atteinte au droit d'asile en cas de remise aux autorités allemandes ;
- la décision méconnait pour les mêmes motifs les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour les mêmes motifs ;
en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
- elle n'est pas fondée en fait en l'espèce.
M. B... E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... E..., ressortissant centrafricain né en 1986, s'est présenté à la préfecture du Loiret pour y déposer une demande d'asile. La consultation du système Eurodac ayant permis de constater qu'il avait préalablement formulé une demande d'asile en Allemagne, une demande de reprise en charge a été adressée le 21 avril 2020 aux autorités allemandes, qui l'ont explicitement acceptée le 27 avril 2020 sur le fondement du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Le préfet du Loiret a décidé la remise de M. E... aux autorités allemandes par un arrêté du 13 mai 2020 et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable par un arrêté du 15 mai 2020. Par un jugement du 2 juillet 2020 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté son recours formé contre ces décisions préfectorales.
Sur la décision de transfert :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Par suite, et alors même que M. E... réside depuis le mois de décembre 2019 en France chez sa soeur, à qui la qualité de réfugiée a été reconnue, le préfet du Loiret n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la faculté dérogatoire que lui accorde l'article 17 précité du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
4. En deuxième lieu, il résulte des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article 3 de la même convention stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. E..., né en 1986, aurait quitté la Centrafrique en 2013 pour l'Allemagne où il a déposé une demande d'asile en 2018, avant de gagner la France en décembre 2019. L'intéressé se déclare par ailleurs célibataire sans enfant. Sa soeur, établie en France, ne l'héberge que depuis cinq mois à la date de la décision contestée. Par ailleurs, si M. E... fait état de problèmes de santé, les documents produits ne permettent pas d'en apprécier la réalité à la date de l'arrêté contesté. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 8 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
Sur la décision d'assignation à résidence :
6. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride. ". Il résulte de ces dispositions que le préfet peut prendre à l'encontre d'un étranger qui fait l'objet d'une décision de transfert et qui présente des garanties propres à prévenir le risque de soustraction à l'exécution de cette mesure d'éloignement, une mesure d'assignation à résidence.
7. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté du 15 mai 2020 assignant M. E... à résidence dans le département du Loiret son éloignement vers l'Allemagne demeurait une perspective raisonnable suite à l'accord donné par les autorités de ce pays à son transfert. Par suite, alors même que l'intéressé disposait d'une domiciliation, c'est sans méconnaitre ces dispositions législatives que le préfet du Loiret a décidé de l'assigner à résidence.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés des 13 et 15 mai 2020.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. B... E... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. A..., président de la formation de jugement,
- M. Jouno, premier conseiller,
- Mme D... première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 décembre 2020.
Le président rapporteur,
C. A...
L'assesseur le plus ancien,
T. Jouno
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT02375