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26/11/2020 | FRANCE | N°18NT04049

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 26 novembre 2020, 18NT04049


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SC Acco-Man SRL a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la même période.

Par un jugement n° 1701083 du 14 septembre 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et u

n mémoire, enregistrés les 19 novembre 2018 et 25 octobre 2020, la société SC Acco-Man SRL, représe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SC Acco-Man SRL a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la même période.

Par un jugement n° 1701083 du 14 septembre 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 novembre 2018 et 25 octobre 2020, la société SC Acco-Man SRL, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle ne dispose pas d'un établissement stable situé en France ;

- elle n'effectue pas un cycle complet de production en France ;

- elle n'a jamais eu d'existence en France, ni enseigne, ni notoriété, ni installation fixe d'affaires, ni centre décisionnel autonome, ni activité détachable, matérielle ou commerciale de celle de source roumaine ; elle a construit son identité en Roumanie, sa marque, son savoir-faire et l'ensemble de ses moyens techniques et industriels ; elle exploite le bois en Roumanie ; elle détache dans les pays où sont situés ses clients les responsables des chantiers ; son gérant intervient en tant que superviseur ; les maisons élaborées en pièces détachées sont transportées par convois spéciaux avec du personnel employé en Roumanie ; elle effectue donc en France des opérations accessoires et non détachables des opérations conduites dans leur totalité en Roumanie ;

- elle se prévaut de l'instruction référencée BOI-IS-CHAMP-60-10-30 dès lors qu'elle n'effectue pas un cycle complet de production en France et que ses locaux sont de simples bureaux de liaison.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 mai 2019 et 6 novembre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société SC Acco-Man SRL ne sont pas fondés.

Des pièces, enregistrées le 10 novembre 2020, ont été présentées pour la société SC Acco-Man SRL.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention fiscale du 27 septembre 1974 conclue entre la France et la Roumanie ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant la société SC Acco-Man SRL.

Considérant ce qui suit :

1. La société SC Acco-Man SRL, société de droit roumain, créée en 2007, dont l'activité est la fabrication, la commercialisation et le montage de maisons en bois, a fait l'objet d'une procédure de visite et de saisie autorisée par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Laval le 20 février 2013, puis d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012. Par une proposition de rectification du 15 décembre 2014, l'administration a constaté l'existence d'un établissement stable de la société en France et procédé, en droits et pénalités, à des impositions d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2011 et 2012 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la même période. Par un jugement du 14 septembre 2018, dont la société relève appel, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces cotisations et rappels.

Sur le principe de l'imposition de la société SC Acco-Man SRL à l'impôt sur les sociétés en France :

2. Aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, (...) ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que ne sont passibles de l'impôt sur les sociétés que les seuls bénéfices réalisés dans des entreprises exploitées en France dans le cadre d'un établissement autonome ou dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions.

3. Aux termes de l'article 7 de la convention fiscale franco-roumaine du 27 septembre 1974 : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un État contractant ne sont imposables que dans cet État, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre État contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre État mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable. / (...) ". Aux termes de l'article 5 de cette même convention : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. / 2. L'expression " établissement stable " comprend notamment : / a) Un siège de direction ; / (...) / c) Un bureau ; (...) / 4. Une personne agissant dans un Etat contractant pour le compte d'une entreprise de l'autre Etat contractant, autre qu'un agent jouissant d'un statut indépendant, visé au paragraphe 5, est considérée comme "établissement stable" dans le premier Etat si elle dispose dans cet Etat de pouvoirs qu'elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l'entreprise, à moins que l'activité de cette personne ne soit limitée à l'achat de marchandises pour l'entreprise (...). ".

4. L'administration a estimé que la société SC Acco-Man SRL disposait d'un établissement stable au 14, rue Isambard à Evreux puis, à compter du 1er avril 2012, au 3, place de Jean Nouzille à Caen, au sein d'un centre d'affaire géré par une société dont l'objet social est l'administration et la domiciliation commerciale et fiscales des entreprises. Toutefois, il résulte de l'instruction que la première adresse n'a été utilisée par le gérant, M. B..., que pour la confection de ses cartes de visite, la facturation de certains fournisseurs et des contrats d'assurance et sa mention sur des cartes grises de véhicules immatriculés en France. La seconde adresse n'a servi que comme adresse de domiciliation pour la conclusion de contrats d'assurance et élément de la plaquette francophone de présentation de la société. Dans ces conditions, la société requérante n'a pas installé un bureau en France au sens des stipulations du 2 de l'article 5 de la convention fiscale franco-roumaine.

5. Cependant, l'administration fait valoir que l'établissement stable résulte de la présence en France, auprès des clients français, de M. B..., agissant pour le compte de la société SC Acco-Man SRL en France, et se prévaut des stipulations du 4 de l'article 5 de la convention fiscale franco-roumaine.

6. Il résulte des éléments recueillis dans le cadre de la procédure de visite et de saisie et lors de la vérification de comptabilité que M. B..., qui en tant qu'associé de la société SC Acco-Man SRL, était juridiquement dépendant de celle-ci, assurait les missions de prospection commerciale compte tenu de l'usage de cartes de visite à son nom et de dépliants sur la société en langue française, des relations contractuelles avec des clients français en établissant notamment des devis et en suivant les chantiers des clients français. Il avait le pouvoir de contracter avec des sous-traitants et d'acheter des matériaux nécessaires à la construction des maisons commercialisées. Ainsi, il était l'interlocuteur de la société SC Acco-Man SRL auprès des clients français grâce à son numéro de téléphone qui était mentionné sur un site internet de langue francophone bien qu'étant installé en Roumanie. Par ailleurs, la société SC Acco-Man SRL possédait, au cours des années vérifiées, des véhicules utilitaires immatriculés et assurés en France qui étaient utilisés sur les chantiers en France et entreposés, en dehors des périodes d'utilisation, à l'adresse personnelle de son gérant, M. B..., située sur le territoire de la commune de Saint-Samson (Mayenne). M. B... disposait ainsi d'un pouvoir décisionnel en France sur un plan tant financier que commercial. Dès lors, compte tenu de ses pouvoirs habituellement exercés en France au nom de la société requérante, l'activité de M. B... doit être regardée comme un établissement stable en France alors même que la société soutient que, d'une part, M. B... est résident fiscal depuis 2007 en Roumanie où il dispose d'une maison d'habitation en location, de son foyer familial et de ses intérêts professionnels et déclare ses revenus personnels, et, d'autre part, elle est enregistrée dans ce pays où elle dispose de locaux, d'une ligne téléphonique, d'un site internet, d'un compte bancaire et de services comptables et financiers. La société n'apporte pas davantage d'éléments à l'appui de ses affirmations selon lesquelles les relations commerciales obtenues par M. B... ne sont pas détachables de son activité commerciale initiée en Roumanie et les dossiers sont étudiés avec les services administratifs et financiers de la société situés dans ce pays. Par suite, l'administration est fondée à estimer que la société SC Acco-Man SRL disposait en France en 2011 et 2012 d'un établissement stable sur le seul fondement des stipulations du 4 de l'article 5 de la convention fiscale franco-roumaine et qu'elle était passible de l'impôt sur les sociétés sur les bénéfices réalisés en France en application des dispositions du I de l'article 209 du code général des impôts.

7. S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale, la société SC Acco-Man SRL n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des paragraphes 90, 140, 150 et 220 du BOI-IS-CHAMP- 60-10-30 du 3 décembre 2012 relatifs aux notions de " bureaux d'achats " et de " cycle commercial complet " pour qualifier l'existence d'un établissement stable dès lors que ces notions ne sont pas utilisées en l'espèce pour relever une telle qualification.

Sur le principe de l'imposition en France de la société SC Acco-Man SRL à la taxe sur la valeur ajoutée en France :

8. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...). ". Aux termes de l'article 259 du même code : " Le lieu des prestations de services est situé en France : (...) / 2° Lorsque le preneur est une personne non assujettie, si le prestataire (...) / b) ou dispose d'un établissement stable en France à partir duquel les services sont fournis ; (...). ". Le 2° de l'article 259 A du même code dispose que : " Par dérogation à l'article 259, est situé en France le lieu des prestations de services suivantes : (...) 2° Les prestations de services se rattachant à un bien immeuble situé en France (...) ".

9. Le lieu des prestations de services fournis par la société SC Acco-Man SRL est situé en France où elle dispose d'un établissement stable en la personne de son gérant, comme il a été dit au point 6, à partir duquel les services consistant à poser ou construire des maisons en bois sont fournis à des preneurs ou clients français non assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée et les prestations se rattachent à la construction d'immeubles en bois situés en France. Compte tenu de ces éléments, la société était redevable de cette taxe due sur ses prestations au cours de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 en application des dispositions précitées. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale l'a assujettie à cette taxe.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société SC Acco-Man SRL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société SC Acco-Man SRL est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société SC Acco-Man SRL et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. A..., président,

- M. Brasnu, premier conseiller,

- Mme Picquet, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2020.

Le président-rapporteur,

J.-E. A...

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau

H. Brasnu

Le greffier,

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT04049


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NT04049
Date de la décision : 26/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GEFFRAY
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : COURREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-11-26;18nt04049 ?
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