La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/11/2020 | FRANCE | N°19NT03650

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 24 novembre 2020, 19NT03650


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... G... et Mme F... G... ont demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler le certificat d'urbanisme pré-opérationnel négatif délivré, le 16 août 2016, par le maire de Plouguerneau pour un terrain cadastré à la section BE sous le n° 187, situé au lieu-dit " Rascolic ", d'autre part, de condamner la commune de Plouguerneau à leur verser la somme de 114 902, 35 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison des illégalités commises par la commune con

cernant le classement de leur terrain, ainsi que de la délivrance de renseigne...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... G... et Mme F... G... ont demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler le certificat d'urbanisme pré-opérationnel négatif délivré, le 16 août 2016, par le maire de Plouguerneau pour un terrain cadastré à la section BE sous le n° 187, situé au lieu-dit " Rascolic ", d'autre part, de condamner la commune de Plouguerneau à leur verser la somme de 114 902, 35 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison des illégalités commises par la commune concernant le classement de leur terrain, ainsi que de la délivrance de renseignements d'urbanisme erronés.

Par un jugement n°s 1604548 -1604628 du 11 juillet 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 septembre 2019, M. et Mme G..., représentés par Me H..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 11 juillet 2019 du tribunal administratif de Rennes en ce qu'il a rejeté leur demande indemnitaire ;

2°) de condamner la commune de Plouguerneau à leur verser la somme de 99 902, 35 euros, assortie des intérêts au taux légal, avec capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Plouguerneau la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs concernant l'urbanisation du secteur où se situe le terrain ;

- les premiers juges ont dénaturé leurs écritures en ne répondant pas au moyen tiré de ce que la commune de Plouguerneau a commis une faute résultant de ce que le plan local d'urbanisme, adopté le 25 juin 2008, a fait l'objet d'un recours en annulation dès le 18 août 2008 ;

- la commune de Plouguerneau ne pouvait estimer en 2010, sans commettre de faute, que le plan local d'urbanisme approuvé le 25 juin 2008 était applicable, alors même que celui-ci avait fait l'objet d'un recours en annulation dès le 18 août 2008 ;

- la commune a commis une faute en délivrant des certificats d'urbanisme illégaux, le plan local d'urbanisme adopté le 25 juin 2008 étant lui-même illégal ; à la date de l'acquisition de leur terrain le 12 juin 2010, le plan local d'urbanisme de la commune était illégal ;

- la commune a commis plusieurs fautes en n'émettant aucune réserve sur la constructibilité du terrain au regard de la loi du 3 janvier 1986 à l'occasion de la délivrance des certificats d'urbanisme des 18 février 2010, 6 octobre 2011 et 15 mai 2012, des arrêtés des 5 mai et 15 juillet 2010 portant non-opposition, respectivement, à la déclaration de division foncière du terrain et à la déclaration de travaux déposée pour la construction d'un abri de jardin sur ce terrain ;

- le préjudice financier tiré de la perte de valeur vénale de leur terrain s'élève à la somme de 59 759,40 euros ;

- des frais de notaire (5 012,06 euros), de bornage (699,06 euros), de sondage (215,28 euros), de busage (127,20 euros) de conception d'un dispositif assainissement (45 euros), d'études de sols (369,56 euros) et bancaires (28 674,79 euros) ont été engagés à perte ;

- le préjudice moral subi du fait des décisions illégales peut être évalué à une somme de 5 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 novembre 2019, la commune de Plouguerneau, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. et Mme G... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la commune de Plouguerneau.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... G... et Mme F... G... ont acquis, par acte du 12 juin 2010, un terrain cadastré à la section BE n° 187 situé au lieu-dit " Rascolic " à Plouguerneau, ayant fait l'objet d'un certificat d'urbanisme du 18 février 2010 leur indiquant que ce terrain était classé en zone UH constructible par le plan local d'urbanisme de la commune approuvé le 25 juin 2008. Par arrêté du 15 juillet 2010, le maire de Plouguerneau a autorisé la construction d'un abri de jardin sur cette parcelle. Les époux G... ont ensuite obtenu des certificats d'urbanisme, les 6 octobre 2011, 15 mai 2012 et 11 mars 2014, précisant que la parcelle était située en zone constructible par les documents d'urbanisme alors applicables. Ce dernier certificat ainsi que la décision du 12 août 2015 de le proroger ont, toutefois, indiqué que toute demande de permis de construire pourra faire l'objet d'un sursis à statuer en raison de l'élaboration en cours d'un nouveau plan local d'urbanisme. Le 20 juin 2016, les époux G... ont sollicité la délivrance d'un dernier certificat d'urbanisme. Le 16 août 2016, le maire de Plouguerneau a délivré un certificat d'urbanisme négatif aux motifs que le plan local d'urbanisme approuvé par la commune le 23 juin 2016 classe leur terrain en zone naturelle N et que le règlement dispose que les constructions de toute nature sont interdites dans cette zone. M. et Mme G... ont demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler ce dernier certificat, d'autre part, de condamner la commune de Plouguerneau à leur verser la somme de 114 902,35 euros, en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison des illégalités commises par la commune, notamment, du fait du classement de leur terrain en zone constructible et de la délivrance de renseignements d'urbanisme erronés. Par un jugement du 11 juillet 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes. M. et Mme G... relèvent appel de ce jugement en ce qu'il a rejeté leur demande indemnitaire.

Sur la régularité du jugement attaqué en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire :

2. En premier lieu, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'une contradiction de motifs n'est, en tout état de cause, pas susceptible d'entacher sa régularité, mais seulement son bien-fondé.

3. En second lieu, il ressort des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Rennes a expressément répondu aux moyens contenus dans les écritures produites par M. et Mme G.... En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen tiré du défaut de " vigilance " de la commune dans la délivrance des certificats d'urbanisme, qu'il a écarté comme infondé. Par suite, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme G..., le jugement n'est pas entaché d'irrégularité sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire :

4. L'illégalité d'une décision administrative est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration à l'égard de son destinataire s'il en est résulté pour lui un préjudice direct et certain.

5. Aux termes du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, issue de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, désormais repris à l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme : " L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement (...) ". Il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais que, en revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages. Par ailleurs, aux termes du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, désormais repris à l'article L. 121-13 du même code : " L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 précitée doit être justifiée et motivée, dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. (...) ".

6. Il résulte de l'instruction, et notamment des plans et des photographies produits, que le terrain des époux G... est situé au sud du lieu-dit " Rascolic ". Ce lieu-dit s'étend vers le nord puis sur un axe sud-est / nord-ouest, et comprend près de quatre-vingt-dix constructions regroupées autour de trois voies de circulation. Dans ces conditions, le lieu-dit " Rascolic " s'inscrit dans un ensemble urbanisé qui présente un nombre et une densité significatifs de constructions et peut être qualifié de village existant au sens du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, devenu l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, en extension duquel l'urbanisation n'est pas interdite. La seule circonstance que le terrain litigieux soit situé dans un espace proche du rivage, au sens du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, désormais repris à l'article L. 121-13, ne suffit pas à démontrer son caractère inconstructible, l'objectif de limitation des extensions de l'urbanisation dans ces espaces ne faisant pas obstacle à l'édification de toute construction. Par suite, le classement, par le plan local d'urbanisme approuvé le 25 juin 2008, du terrain des époux G... en zone Uh constructible et les certificats d'urbanisme positifs délivrés les 18 février 2010 et 6 octobre 2011 indiquant que ce terrain était constructible, ne sont pas entachés d'illégalité au regard des dispositions précitées de la loi du 3 janvier 1986 dite loi " littoral ". Pour les mêmes raisons, en délivrant, les 15 mai 2012 et 11 mars 2014, aux époux G... des certificats d'urbanisme positifs, sur la base du plan d'occupation des sols approuvé le 21 juillet 1982 qui classait leur parcelle en zone Uhd constructible, plan dont les dispositions sont redevenues applicables à la suite de l'annulation, par le jugement du 2 mars 2012 du tribunal administratif de Rennes, du plan local d'urbanisme du 25 juin 2008, en raison de vices de procédure et d'une erreur de classement d'une autre parcelle cadastrée B0 n°68, et, plus généralement, en n'émettant aucune réserve sur la constructibilité de leur terrain au regard de la loi " littoral ", la commune de Plouguerneau n'a pas commis d'illégalité. Compte tenu des développements qui précèdent et en l'absence d'illégalité fautive, M. et Mme G... ne peuvent rechercher la responsabilité de la commune et lui demander réparation des préjudices qu'ils allèguent.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme G... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande indemnitaire.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Plouguerneau, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. et Mme G... d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. et Mme G... le versement à la commune de Plouguerneau de la somme qu'ils demandent au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme G... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Plouguerneau tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... G..., à Mme F... G... et à la commune de Plouguerneau.

Délibéré après l'audience du 6 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme D..., présidente,

- M. C..., premier conseiller,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 novembre 2020.

Le rapporteur,

A. C...La présidente,

C. D...

Le greffier,

C. POPSÉ

La République mande et ordonne au préfet du Finistère, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT03650


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03650
Date de la décision : 24/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : VALLANTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-11-24;19nt03650 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award