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24/11/2020 | FRANCE | N°19NT03285,19NT03292

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 24 novembre 2020, 19NT03285,19NT03292


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 29 mars 2017 par lequel le maire de Tours a délivré un permis de construire à la société civile immobilière (SCI) Monphelia II en vue de la construction d'un immeuble d'habitation 10 bis, rue Georget, ainsi que le rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1703253 du 11 juin 2019, le tribunal administratif d'Orléans a annulé le permis de construire du 29 mars 2017 délivré par le maire de Tours à la s

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 29 mars 2017 par lequel le maire de Tours a délivré un permis de construire à la société civile immobilière (SCI) Monphelia II en vue de la construction d'un immeuble d'habitation 10 bis, rue Georget, ainsi que le rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1703253 du 11 juin 2019, le tribunal administratif d'Orléans a annulé le permis de construire du 29 mars 2017 délivré par le maire de Tours à la société Monphelia II et la décision du maire portant rejet du recours gracieux, en tant qu'ils autorisent la construction d'une partie du projet sur la parcelle ES 23, a fixé à huit mois, à compter de la notification du jugement, le délai dans lequel la société Monphelia II pourra demander la régularisation de ce permis et a rejeté le surplus des conclusions de M. et Mme B....

Procédure devant la cour :

I-Sous le n°19NT3285 :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 2 août 2019 et les 2 janvier et 17 février 2020, la société Monphelia II, représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a annulé le permis de construire du 29 mars 2017 délivré par le maire de Tours à la SCI Monphelia II et la décision du maire portant rejet du recours gracieux, en ce qu'ils autorisent la construction d'une partie du projet sur la parcelle ES 23 ;

2°) de rejeter dans sa totalité la demande présentée par M. et Mme B... devant le tribunal administratif d'Orléans ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme B... le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son appel est recevable ;

- les autorisations d'urbanisme sont délivrées sous réserve du droit des tiers ; la circonstance, à la supposer avérée, que le projet de la société Monphelia II se situe en partie sur la parcelle cadastrée section ES n°23 appartenant aux consorts B... n'est donc pas de nature à entacher d'illégalité le permis de construire litigieux ;

- son projet ne se situe pas, même en partie, sur la parcelle cadastrée section ES n°23 ; un procès-verbal de reconnaissance des limites de la parcelle cadastrée section ES n°24 a été établi par un géomètre et a été signé par toutes les parties, y compris par les consorts B... ; le périmètre du plan de sauvegarde et de mise en valeur suit les limites fixées par le cadastre qui est lui-même entaché d'une erreur en ce qui concerne les limites des parcelles cadastrées section ES n°23 et ES n°24 ;

- son projet se situe en intégralité au sein de la parcelle cadastrée section ES n°24, laquelle n'est pas protégée au titre du plan de sauvegarde et de mise en valeur ; le moyen tiré de la méconnaissance de l'article US 13.3.3 de ce plan est donc inopérant ;

- le document graphique du plan de sauvegarde et de mise en valeur est entaché d'une erreur matérielle et d'une erreur d'appréciation ; la petite partie du projet qui serait située dans le champ d'application du plan ne permet pas de mettre en valeur un bâtiment protégé ; en outre, elle présente une surface insuffisante et ne revêt pas un intérêt particulier au niveau de sa qualité ;

- les moyens tirés de la méconnaissance du plan de sauvegarde sont inopérants et, en tout état de cause, non fondés ; les autres moyens invoqués par les consorts B... en appel, qui ont écartés par les premiers juges, ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 novembre 2019 et 16 janvier 2020, M. et Mme B..., représentés par Me F..., concluent :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du 11 juin 2019 en tant qu'il a rejeté le surplus de conclusions de leur demande de première instance tendant à l'annulation du permis de construire du 29 mars 2017 et du rejet de leur recours gracieux, dans leur totalité ;

3°) à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge tant de la société Monphelia II et que de la commune de Tours, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'appel de la société Monphelia II est irrecevable ;

- les moyens soulevés par la société Monphelia II ne sont pas fondés ; le terrain d'assiette du projet de construction fait partie intégrante d'un espace protégé par le plan de sauvegarde et de mise en valeur ; le permis de construire litigieux a été délivré en méconnaissance de l'article 13.3.3 de ce plan ;

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en ce qu'il fait une application erronée des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme ; l'illégalité relevée impliquait une annulation du permis de construire dans sa totalité ;

- le signataire du permis de construire litigieux ne justifie pas de sa compétence ;

- les articles UC 10.3.2.2, UC 12 et UC 13 du règlement du plan local d'urbanisme ont été méconnus ;

- les articles US 12.4, US 13.1.2 et US 13.3.3 du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur ont été méconnus ;

- les modifications apportées au règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Tours, notamment à son article UC 13, par la délibération du 20 juin 2016 sont entachées de détournement de pouvoir ; la modification de cet article n'est motivée par aucune considération d'intérêt général ou urbanistique ; elle a pour seul objet de permettre la régularisation de la construction réalisée par la société Monphelia II.

La commune de Tours, représentée par Me H..., a présenté des observations le 16 janvier 2020.

II-Sous le n°19NT03292 :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 août 2019 et 26 février 2020, la commune de Tours, représentée par Me H..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a annulé, à la demande de M. et Mme B..., le permis de construire du 29 mars 2017 délivré par le maire de Tours à la société Monphelia II et le rejet par ce maire de leur recours gracieux en ce qu'ils autorisent la construction d'une partie du projet sur la parcelle ES 23 ;

2°) de rejeter, dans sa totalité, la demande présentée par M. et Mme B... devant le tribunal administratif d'Orléans ;

3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de fixer, le cas échéant, le délai dans lequel le titulaire du permis de construire pourra en demander la régularisation, sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

4°) de mettre à la charge solidaire de M. et Mme B... le versement de la somme de

2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est suffisamment motivée et donc recevable ;

- M. et Mme B... ne justifient pas d'un intérêt à contester le permis de construire en cause ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UC 10 est inopérant et les autres moyens invoqués par les consorts B... en appel, qui ont été écartés par les premiers juges, ne sont pas fondés ; les modifications apportées au plan local d'urbanisme de la commune de Tours ne sont pas entachées de détournement de pouvoir ; elles visent à clarifier la rédaction de certains articles du règlement du plan, et notamment celle des articles UC 9 et UC 13 ;

- les moyens tirés de la méconnaissance du plan de sauvegarde sont inopérants et, en tout état de cause, non fondés ; en dépit de la modification mineure apportée aux limites parcellaires de la parcelle ES 24, celle­ci demeure, au regard du règlement graphique du plan de sauvegarde arrêté le 6 février 2014, exclue de ce périmètre ;

- il pourra, le cas échéant, être fait application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires, enregistrés les 30 novembre 2019 et 6 mars 2020, M. et Mme B..., représentés par Me F..., concluent :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du 11 juin 2019 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de leur demande de première instance tendant à l'annulation du permis de construire du 29 mars 2017 et du rejet de leur recours gracieux dans sa totalité ;

3°) à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge tant de la commune de Tours que de la société Monphelia II, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la requête de la commune de Tours est irrecevable en ce qu'elle n'est pas suffisamment motivée ;

- les moyens soulevés par la commune de Tours ne sont pas fondés ; le terrain d'assiette du projet de construction fait partie intégrante d'un espace protégé par le plan de sauvegarde et de mise en valeur ; le permis de construire litigieux a été délivré en méconnaissance de l'article 13.3.3 de ce plan ;

- le jugement du tribunal administratif est entaché d'irrégularité en ce qu'il fait une application erronée des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme ; l'illégalité relevée impliquait une annulation du permis de construire dans sa totalité ;

- le signataire du permis de construire litigieux ne justifie pas de sa compétence, notamment au regard des dispositions de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales ;

- les articles UC 10.3.2.2, UC 12 et UC 13 du règlement du plan local d'urbanisme ont été méconnus ;

- les articles US 12.4, US 13.1.2 et US 13.3.3 du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur ont été méconnus ;

- les modifications apportées au règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Tours, notamment à son article UC 13, par la délibération du 20 juin 2016 sont entachées de détournement de pouvoir ; la modification de cet article n'est motivée par aucune considération d'intérêt général ou urbanistique ; elle a pour seul objet de permettre la régularisation de la construction réalisée par la société Monphelia II.

La société Monphelia II, représentée par Me G..., a présenté des observations le 21 janvier 2020.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me G..., pour la société Monphelia II, et de Me C... substituant Me F..., pour M. et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 29 mars 2017, le maire de Tours a délivré à la société Monphelia II un permis de construire en vue de l'édification d'un immeuble collectif à usage d'habitation. Par un jugement du 11 juin 2019, le tribunal administratif d'Orléans a, en faisant application des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, annulé, à la demande de M. et Mme B..., le permis de construire du 29 mars 2017 et le rejet par le maire de Tours de leur recours gracieux, en tant qu'ils autorisent la construction d'une partie du projet sur la parcelle ES 23, a fixé à huit mois, à compter de la notification du jugement, le délai dans lequel la société Monphelia II pourra demander la régularisation de ce permis et a rejeté le surplus des conclusions de M. et Mme B.... La société Monphelia II et la commune de Tours relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a annulé partiellement le permis de construire du 29 mars 2017 et la décision portant rejet du recours gracieux formé par M. et Mme B.... Par la voie de l'appel incident, M. et Mme B... demandent l'annulation de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de leur demande tendant à l'annulation de l'intégralité de ce permis de construire et de la décision rejetant leur recours gracieux.

2. Les requêtes de la société Monphelia II et de la commune de Tours sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur l'appel de la société Monphelia II et celui de la commune de Tours :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée à la demande présentée par M. et Mme B... devant le tribunal administratif d'Orléans :

3. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

5. La maison d'habitation de M. et Mme B... est implantée sur le terrain voisin de la parcelle d'assiette, d'une superficie de 286 m2, du projet autorisé par l'arrêté litigieux, lequel porte sur la construction d'un immeuble collectif de 5 logements. Ce projet est susceptible de porter atteinte aux conditions dans lesquelles les requérants occupent leur bien, par la constitution de vues à l'avant comme à l'arrière de leur propriété, ainsi qu'ils en justifient dans leurs écritures, et par la perte d'ensoleillement et de luminosité. Dans ces conditions, les requérants justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour contester cet arrêté et leur demande de première instance était recevable.

En ce qui concerne la légalité du permis de construire du 29 mars 2017 en tant qu'il autorise la construction d'une partie du projet sur la parcelle ES 23 :

6. Aux termes de l'article US 13.3.3 du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur relatif aux espaces à dominante végétale : " Toute construction en élévation et en sous-sol est interdite à l'exclusion de celles autorisées dans l'article US.9.3, 2ème et 3ème. ".

7. D'une part, le plan de sauvegarde et de mise en valeur de Tours, établi le 6 février 2014, a délimité des espaces à dominante végétale protégés au titre de la qualité du paysage urbain et du cadre de vie qui font l'objet de prescriptions particulières dans son règlement. Le rapport de présentation de ce plan précise que " Comme pour le bâti, chacune des parcelles a fait l'objet d'une analyse ayant pour objet de déterminer la valeur patrimoniale des espaces libres. Ces éléments de description et d'appréciation qui justifient et qualifient les protections, reflètent un état de la connaissance lors de l'élaboration du PSMV [plan de sauvegarde et de mise en valeur], fondé sur la documentation historique, des visites, des reportages photographiques et des fiches d'enquête. Les espaces libres ont par ailleurs fait l'objet d'une étude typologique et historique retranscrite dans les diagnostics du rapport de présentation ayant entre autres permis de fonder les choix en matière de protection sur la base des critères suivants : - L'importance patrimoniale considérée du point de vue historique, culturel et esthétique. - La cohérence entre architecture et projet paysager (cour ou jardin), le paysage, au-delà des ordonnances sur l'espace public, étant considéré comme une donnée fondamentale du patrimoine tourangeau. La protection du patrimoine paysager prend également en compte sa cohérence avec les intérieurs et les coeurs d'îlot. - L'évaluation des risques d'altération ou de destruction, aussi bien que leur valeur d'usage, notamment du point de vue de la densité des constructions et des équilibres écologiques ". Il précise, également, que ces espaces correspondent " aux jardins et espaces verts constitués, d'une surface suffisante pour assurer leur pérennité, qui mettent en valeur une architecture identifiée comme protégée ou qui constituent en eux-mêmes un ensemble paysager évolutif, mais de qualité " qui " doivent être conservés, mis en valeur et éventuellement requalifiés, principalement pour leur rôle dans les équilibres écologiques, dans le respect du patrimoine du secteur sauvegardé (...) N'y sont constructibles en élévation que des ouvrages d'accès aux étages réalisés en l'absence de toute solution possible à l'intérieur des immeubles (...) " et à " des jardins des quartiers à dominante résidentielle de l'extension du secteur sauvegardé, ainsi que des jardins des résidences construites ces dernières décennies, constituant, par leur juxtaposition, des continuités végétalisées, participant très largement à la trame verte de la ville ".

8. Il ressort des pièces du dossier, notamment du périmètre du plan de sauvegarde qui ne suit pas, dans le secteur considéré, strictement les limites parcellaires, que la partie non bâtie à usage de jardin de la parcelle ES 23 a été identifiée, dans sa totalité, y compris dans la portion sud située, sur le plan cadastral, au-delà du mur qui y est édifié, jusqu'à la limite séparative avec la parcelle ES 24, comme faisant partie des espaces à dominante végétale à protéger au titre de la qualité du paysage urbain et du cadre de vie et a été classée, à ce titre, par le plan de sauvegarde dans lesquels, ainsi qu'il vient d'être dit, ne sont constructibles en élévation que " des ouvrages d'accès aux étages réalisés en l'absence de toute solution possible à l'intérieur des immeubles ". Compte tenu du parti d'urbanisme retenu par les auteurs du plan et des éléments décrits ci-dessus qui ont déterminé leur choix, lesquels ne se réduisent pas, contrairement à ce qui est soutenu par la société Monphelia II à une protection accordée aux constructions, les moyens tirés de ce que ce classement serait entaché d'une erreur " matérielle " et d'une erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.

9. D'autre part, l'article US 13.3.3 du règlement du plan de sauvegarde interdit, ainsi qu'il a été dit, dans ces espaces à dominante végétale protégés, les constructions en élévation " autres que celles prévues à l'article US.9.3, 2ème et 3ème " du même règlement. Il ressort des pièces du dossier que la construction projetée, dont il n'est pas contesté qu'elle n'entre pas dans les exceptions autorisées, est implantée sur la portion de terrain protégée par le plan, ainsi qu'il vient d'être dit au point précédent. Par suite, et alors même que la société Monphelia II produit un plan de bornage établi par un géomètre-expert, le 14 décembre 2013, signé par M. et Mme B... et fixant les limites de leur propriété au mur de clôture, cette partie de la construction édifiée au sein des espaces à dominante végétale protégés méconnait les prescriptions prévues à l'article 13-3-3.

En ce qui concerne les conclusions de la commune de Tours tendant à l'application par la cour des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

10. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".

11. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Le juge n'est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d'une part, si les conditions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme sont réunies et qu'il fait le choix d'y recourir, d'autre part, si le bénéficiaire de l'autorisation lui a indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

12. La commune de Tours se borne à demander à la cour de faire usage des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sans apporter aucun élément à l'appui de ces conclusions, et sans contester, notamment, que les conditions de mise en oeuvre par les premiers juges des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme auxquelles ils ont fait le choix de recourir, étaient réunies. Par suite, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions d'appel incident de M. et Mme B... :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué en ce qu'il a annulé seulement partiellement, en application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, le permis de construire et la décision du maire portant rejet du recours gracieux :

13. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme: " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé. ".

14. Ainsi qu'il a été dit plus haut, le tribunal administratif d'Orléans a, par le jugement attaqué, annulé le permis de construire délivré à la société Monphelia II et la décision du maire rejetant le recours gracieux formé contre ce permis en tant seulement qu'ils autorisent la construction d'une partie du projet sur la parcelle ES 23, en méconnaissance des dispositions de l'article US 13.3.3 du règlement du plan de sauvegarde. Une telle illégalité ne concerne qu'une partie identifiable du projet et peut être régularisée, sans apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. Par suite, le tribunal ne s'est pas mépris sur les pouvoirs qu'il tient de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme et n'a pas méconnu son office en annulant seulement partiellement le permis de construire et la décision du maire portant rejet du recours gracieux. Dès lors, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité sur ce point.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué en ce qu'il a annulé seulement partiellement le permis de construire et la décision du maire portant rejet du recours gracieux :

15. Il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, les moyens tirés de que le permis de construire émane d'une autorité incompétente, de ce qu'il a été délivré en méconnaissance des dispositions de l'article UC 12 du règlement du plan local d'urbanisme et des articles US 12.4 et US 13.1.2 du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur, moyens que M. et Mme B... reprennent en appel sans apporter de précisions nouvelles.

16. Aux termes de l'article UC 10.1 du règlement du plan local d'urbanisme : " La hauteur des constructions est mesurée à partir du sol naturel existant avant les travaux d'exhaussement ou d'affouillement du sol nécessaires pour la réalisation du projet (...) ". Aux termes de l'article UC 10.3.3.2 de ce règlement : " (...) 10.3.2.2 (...) La hauteur des constructions annexes autorisées à l'article UC 7.2.3, ne peut excéder 2,50 mètres ".

17. La commune de Tours et la société Monphelia II soutiennent, sans être contredites sur ce point, que la hauteur par rapport au terrain naturel de la structure en bois dénommée " carport " surplombant le stationnement aérien situé à l'arrière du bâtiment, s'établit à 2,50 mètres, avant la réalisation des travaux de terrassement, et non à 2,61 mètres, cette hauteur dont se prévalent M. et Mme B... étant calculée par rapport au terrain après terrassement. Par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UC 10 du règlement du plan local d'urbanisme doit être écarté.

18. Aux termes de l'article UC 13 du règlement du plan local d'urbanisme de Tours : " (...) 13.1 Espaces libres / Les espaces libres sont les espaces non occupés par les constructions, les voiries (sauf voies dédiées aux circulations douces) et les aires de stationnement (sauf celles dédiées aux vélos) / L'espace libre doit représenter au moins un tiers de l'emprise au sol non bâtie et doit recevoir un traitement végétal de qualité et être le moins morcelé possible (...) ". Aux termes de l'article UC 9 de ce règlement : " (...) On entend par emprise au sol, la projection verticale du volume du bâtiment au sol (...) "

19. D'une part, l'article UC 13 du règlement du plan local d'urbanisme de Tours a été modifié par une délibération du 20 juin 2016 du conseil municipal. Il n'est pas établi, alors même qu'elle est intervenue alors que le précédent permis de construire accordé sur le même terrain à la même société était contesté par M. et Mme B... devant la cour, que la modification des dispositions de l'article UC 13, dont la rédaction applicable à ce précédent permis pouvait donner lieu à des interprétations divergentes, n'était pas justifiée par des motifs d'urbanisme et ne répondait pas à des considérations d'intérêt général. Par suite, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de ce que la délibération du 20 juin 2016 serait, sur ce point, entachée de détournement de pouvoir doit être écarté.

20. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, notamment des plans joints au dossier de demande de permis de construire, que la surface d'emprise au sol non bâtie, calculée conformément à la définition de l'emprise au sol donnée à l'article UC 9 et incluant ainsi les places de stationnement, s'établit à 124,5 m² et non à 161,5 m2. La surface libre de 44 m², mentionnée sur le plan du rez-de-chaussée et destinée à être un espace vert, est ainsi supérieure au tiers de l'emprise au sol non bâtie et respecte donc les exigences de l'article UC 13. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté.

21. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par M. et Mme B..., à la requête de la société Monphelia II et à celle de la commune de Tours, que la société Monphelia II et la commune de Tours ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé partiellement le permis de construire du 29 mars 2017 délivré par le maire de Tours à la société Monphelia II et le rejet par ce maire du recours gracieux formé contre ce permis, en ce qu'ils autorisent la construction d'une partie du projet sur la parcelle ES 23, d'autre part, que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal a rejeté le surplus des conclusions de leur demande tendant à l'annulation totale de ce permis de construire et de cette décision.

Sur les frais liés au litige :

22. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions présentées par l'ensemble des parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de la société Monphelia II et de la commune de Tours sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident de M. et Mme B... et leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI société Monphelia II, à la commune de Tours à M. E... B... et à Mme D... B....

Délibéré après l'audience du 6 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme A..., présidente-assesseur,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 novembre 2020.

Le rapporteur,

C. A...Le président,

T. CELERIER

La greffière,

C. POPSE

La République mande et ordonne au préfet d'Indre-et-Loire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT03285,19NT03292


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03285,19NT03292
Date de la décision : 24/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : SELARL WALTER et GARANCE (TOURS)

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-11-24;19nt03285.19nt03292 ?
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