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24/11/2020 | FRANCE | N°19NT02213

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 24 novembre 2020, 19NT02213


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 8 décembre 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur a maintenu l'ajournement à deux ans de sa demande de naturalisation à compter du 22 septembre 2016.

Par un jugement no 1700606 du 30 avril 2019, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision du ministre de l'intérieur.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 juin 2019 et 7 janvier 2020, le

ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 8 décembre 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur a maintenu l'ajournement à deux ans de sa demande de naturalisation à compter du 22 septembre 2016.

Par un jugement no 1700606 du 30 avril 2019, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision du ministre de l'intérieur.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 juin 2019 et 7 janvier 2020, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. A... B... ;

Il soutient que :

- il n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en ajournant à deux ans la demande de naturalisation de M. A... B... ;

- à titre subsidiaire, le motif tiré de la précarité de la situation financière de l'intéressé, qui n'avait pas alors pleinement acquis son autonomie financière, doit être ajouté à celui tiré de son insuffisante insertion professionnelle.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 décembre 2019 et 29 janvier 2020, M. A... B..., représenté par Me F... G..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du ministre de l'intérieur ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de reprendre l'instruction de sa demande de naturalisation dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au profit de Me F... G... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés.

Par une décision du 8 octobre 2019, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nantes a accordé à M. A... B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret no 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- et les observations de Mme E..., représentant le ministre de l'intérieur.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant tunisien né le 21 février 1982, est entré en France au cours de l'année 2000 et a épousé, le 19 décembre 2015, Mme C..., ressortissante française. De leur union sont nés six enfants en 2010, 2011, 2013, 2015, 2016 et 2018. L'examen de la demande de naturalisation de M. A... B... a, par une décision du préfet des Hauts-de-Seine du 22 septembre 2016, été ajournée à deux ans. Saisi d'un recours préalable, le ministre chargé des naturalisations a, par décision du 6 décembre 2016, également ajourné à deux ans la demande de M. A... B.... Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes, à la demande de M. A... B..., a annulé sa décision du 6 décembre 2016.

2. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " Hors le cas prévu à l'article 21-14-1, l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". Aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions ". En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité française à l'étranger qui la sollicite.

3. Il ressort des pièces du dossier que, à la date de la décision contestée du 6 décembre 2016, M. A... B... avait été recruté depuis plus de sept mois, à compter du 20 avril 2016, en qualité d'agent privé de sécurité, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, dont la période d'essai de deux mois était expirée, pour une rémunération mensuelle brute d'environ 1 524 euros. Cependant, cette embauche était alors récente et succédait à une longue période d'inactivité de M. A... B..., qui était en recherche d'emploi du 17 décembre 2011 au 31 mai 2012, du 22 juin 2012 au 8 septembre 2013, du 17 septembre 2013 au 31 décembre 2014, puis du 24 janvier 2015 au 19 avril 2016. M. A... B... n'avait d'ailleurs perçu aucun revenu en 2012 et 2014, n'avait déclaré que 188 euros de salaires à l'administration fiscale en 2013, n'avait travaillé que 17 jours en 2015 et percevait le revenu de solidarité active en 2016 avant d'être recruté en tant qu'agent privé de sécurité. Alors même que le retour à l'emploi de M. A... B... a été rendu plus difficile par le contexte de crise économique et sociale et par son absence de domicile fixe jusqu'en 2015, le ministre de l'intérieur a pu, sans entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation, ajourner à deux ans sa demande d'acquisition de la nationalité française au motif que l'examen de son parcours professionnel, apprécié dans sa globalité, ne permettait pas de considérer qu'il avait réalisé pleinement son insertion professionnelle, sans que l'intéressé puisse utilement se prévaloir des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans l'examen des demandes d'accès à la nationalité française par les circulaires du 16 octobre 2012 et du 21 juin 2013 relatives aux procédures d'accès à la nationalité française.

4. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 6 décembre 2016. Il en résulte également que les conclusions à fin d'injonction de M. A... B... doivent être rejetées, de même que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 30 avril 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... B... devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. H... A... B... et à Me F... G....

Délibéré après l'audience du 6 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme Buffet, président-assesseur,

- M. D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2020.

Le rapporteur,

F.-X. D...Le président,

T. Célérier

Le greffier,

C. Popsé

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 19NT02213


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02213
Date de la décision : 24/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : AUDOLLENT BOUGHANDJIOUA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-11-24;19nt02213 ?
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