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20/11/2020 | FRANCE | N°19NT03858

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 20 novembre 2020, 19NT03858


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Entreprise Rochette a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la communauté de communes Coeur de France à lui verser la somme de 65 644,03 euros TTC et les intérêts moratoires correspondants au titre du paiement des situations n° 15 et 16 relatives au lot n° 1 " réseaux d'eaux usées et tranchées d'enfouissement " d'un marché public de travaux.

Par un jugement n° 1801141 du 31 juillet 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande (article 1er) ainsi

que la demande reconventionnelle présentée par la communauté de communes Coeur de Fr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Entreprise Rochette a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la communauté de communes Coeur de France à lui verser la somme de 65 644,03 euros TTC et les intérêts moratoires correspondants au titre du paiement des situations n° 15 et 16 relatives au lot n° 1 " réseaux d'eaux usées et tranchées d'enfouissement " d'un marché public de travaux.

Par un jugement n° 1801141 du 31 juillet 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande (article 1er) ainsi que la demande reconventionnelle présentée par la communauté de communes Coeur de France (article 2) et a mis à la charge de la société Entreprise Rochette le versement à la communauté de communes Coeur de France de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3).

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 septembre 2019, la société Entreprise Rochette, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans en date du 31 juillet 2019 ;

2°) de condamner la communauté de communes Coeur de France à lui verser la somme de 65 644,03 euros TTC, de rejeter les conclusions reconventionnelles présentées en première instance tendant au paiement à la communauté de communes Coeur de France d'une somme de 311 907,65 euros et, si la cour ne s'estimait pas suffisamment informée, d'ordonner une expertise ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes Coeur de France la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le courrier du 18 juin 2015 ne constituait pas un projet de décompte final ; il s'agissait d'un décompte mensuel ;

- le courrier du 8 janvier 2016 ne constituait pas un décompte général ; en effet, il n'était pas signé ; il ne répondait pas à la notification au maître d'oeuvre du décompte final ; il ne faisait pas suite à l'établissement par le maître d'oeuvre d'un projet de décompte général ; ce courrier s'inscrivait dans le cadre de la contestation par la pouvoir adjudicateur du montant de l'acompte mensuel ; en tout état de cause, à supposer que ce courrier constitue un décompte général, celui-ci est irrégulier dès lors que la procédure prescrite par l'article 13.3 du CCAG Travaux n'a pas été respectée, faute de décompte final, d'achèvement de l'ensemble des travaux, la réception intervenue en juin 2014 n'étant que partielle, ce qui est attesté par l'existence d'un ordre de service d'arrêt temporaire des travaux au 1er juillet 2014 ;

- les délais applicables à la réclamation contre un décompte général n'étaient pas mentionnés dans le courrier du 8 janvier 2016 ; il n'y était pas même précisé qu'il était possible de former une réclamation ;

- elle n'a jamais été informée de ce que la communauté de communes reprenait la maîtrise d'oeuvre de l'opération ;

- les sommes figurant dans les situations n° 15 et n° 16, au demeurant validées par la maîtrise d'oeuvre, sont justifiées au regard des travaux effectivement réalisés ;

- elle a droit au paiement d'intérêts moratoires à hauteur de 12 107,01 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jouno, rapporteur,

- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 20 décembre 2012, la commune de Coust (Cher) a attribué à la société Entreprise Rochette un marché public de travaux portant sur la " création d'un réseau d'assainissement d'eaux usées collectif " dans le bourg de cette commune. Le montant de ce marché, évalué initialement à 1 254 122,01 euros TTC, a été porté à 1 537 555,30 euros TTC, soit 1 284 791,41 euros HT, par un avenant du 18 avril 2014 conclu avec la communauté de communes Coeur de France, venue entretemps aux droits et obligations de la commune de Coust. Le 25 juin 2014, la société Entreprise Rochette a établi une facture, dénommée " situation n° 15 ", laquelle faisait état de sommes à régler par le pouvoir adjudicateur à cette société d'un montant total de 52 009,70 euros TTC. Le 25 juillet 2014, elle a établi la " situation n° 16 ", qui faisait état de sommes à payer, au titre du dernier mois d'exécution du chantier, d'un montant de 18 918,00 euros TTC. Après que la société titulaire de la maîtrise d'oeuvre eut été placée, en novembre 2014, en liquidation judiciaire, et après qu'un relevé des " quantités réellement employées " eut été réalisé, la communauté de communes Coeur de France a adressé à la société Entreprise Rochette, le 8 janvier 2016, un courrier dans lequel elle indiquait que, selon elle, les travaux d'assainissement réellement effectués étaient d'une valeur inférieure de 311 907,65 euros TTC à ceux réglés par ses soins au titulaire du marché. N'ayant pas obtenu le paiement des sommes facturées par elle au titre des " situations " n° 15 et n° 16, la société Entreprise Rochette a présenté un mémoire en réclamation au pouvoir adjudicateur en décembre 2017 et a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la communauté de communes Coeur de France à lui verser la somme de 65 644,03 euros TTC au titre des sommes demeurées impayées sur ces deux situations. Par un jugement du 31 juillet 2019, dont il est relevé appel, cette demande a été rejetée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 13.3.1. du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG Travaux) dans sa rédaction issue de l'arrêté du 8 septembre 2009, auquel le cahier des clauses administratives particulières renvoie sans y déroger : " Après l'achèvement des travaux, un projet de décompte final est établi concurremment avec le projet de décompte mensuel afférent au dernier mois d'exécution des prestations ou à la place de ce dernier. / Ce projet de décompte final est la demande de paiement finale du titulaire, établissant le montant total des sommes auquel le titulaire prétend du fait de l'exécution du marché dans son ensemble, son évaluation étant faite en tenant compte des prestations réellement exécutées. (...) ". Aux termes de l'article 13.3.2. de ce même cahier : " Le titulaire transmet son projet de décompte final au maître d'oeuvre (...) dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux telle qu'elle est prévue à l'article 41.3 ou, en l'absence d'un telle notification, à la fin de l'un des délais de trente jours fixés aux articles 41.1.3 et 41.3 (...) ". Aux termes de l'article 13.3.4. : " Le maître d'oeuvre accepte ou rectifie le projet de décompte final établi par le titulaire. Le projet accepté ou rectifié devient alors le décompte final. (...) ". Aux termes de l'article 13.4.2. : " Le projet de décompte général est signé par le représentant du pouvoir adjudicateur et devient alors le décompte général. (...) " Aux termes de l'article 13.4.4. : " Dans un délai de quarante-cinq jours compté à partir de la notification du décompte général, le titulaire renvoie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'oeuvre, le décompte général revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou fait connaître les motifs pour lesquels il refuse de le signer. (...) ". Aux termes de l'article 13.4.5. : " Dans le cas où le titulaire n'a pas renvoyé le décompte général signé au représentant du pouvoir adjudicateur, dans le délai de quarante-cinq jours fixé à l'article 13.4.4, (...) ce décompte général est réputé être accepté par lui ; il devient alors le décompte général et définitif du marché ". Par ailleurs, aux termes de l'article 50.1.1. du CCAG Travaux : " Si un différend survient (...) entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. / Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d'oeuvre. / Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte général ".

3. D'une part, il résulte de l'instruction que le procès-verbal des opérations préalables à la réception, établi le 16 juin 2014, précise qu'il porte sur " la réception de l'ouvrage " et non sur une simple réception partielle, dont la case n'est pas cochée, que les épreuves " ont été effectuées ", que les travaux et prestations prévues au marché " ont été exécutés " et que les ouvrages " sont conformes aux spécifications du marché public ". La décision de réception intervenue le 16 juin 2014, établie sur le formulaire " EXE6 ", porte sur l'ensemble du marché correspondant au lot n° 1 relatif au réseau de canalisations d'eaux usées et aux tranchées d'enfouissement de celles-ci, constate " l'achèvement des travaux " et fixe la date de cet achèvement au 16 juin 2014 pour l'ensemble du lot n° 1. Les réserves mentionnées à l'annexe 1 de cette décision ne portent que sur le " nettoyage du chantier sur la deuxième partie des OPR " ainsi que la " finition des revêtements sur cette même partie " " avant fin juin 2014 " et la levée des réserves a été constatée par un procès-verbal du 3 juillet 2014 dont la société Entreprise Rochette a accusé réception par un courrier du 10 juillet 2014. Dans ces conditions, la requérante ne peut sérieusement prétendre que ne serait intervenue qu'une réception partielle en juin 2014.

4. D'autre part, le document adressé à la communauté de communes par la lettre recommandée avec accusé de réception du 18 juin 2015 de la société Entreprise Rochette récapitule le montant des acomptes payés sur les situations n° 1 à n° 14, sur " la situation n° 15 de juin 2014 " et sur " la situation n° 16 de juillet 2014 " et en déduit le solde dû hors taxes assorti de la TVA pour aboutir à un " montant solde dû TTC " de 53 427,66 euros. Bien que simplifié, ce contenu correspond aux éléments sur le relevé des travaux exécutés et les montants correspondants qui doivent figurer dans le projet de décompte final en vertu de l'article 13.3.1 du CCAG Travaux qui le définit comme " ... établissant le montant total des sommes auquel le titulaire prétend du fait de l'exécution du marché dans son ensemble ".

5. Enfin, par un courrier du 8 janvier 2016, notifié avec demande d'accusé de réception, la communauté de communes a transmis un " tableau récapitulatif des quantités réellement employées, après mesures sur place ". Elle y indiquait que, " dans ce décompte (...), le montant des travaux d'assainissement réellement effectués s'élève à 1 124 856,94 euros TTC " et que " le montant (...) déjà réglé pour ces travaux [s'élève] à 1 436 764,58 euros TTC ". Etait adjoint à ce courrier un tableau indiquant, pour chaque élément facturé, les quantités retenues par le pouvoir adjudicateur, les quantités facturées, le montant des acomptes payés et le montant des travaux dont le paiement était en définitive accepté. Il résulte de ce qui précède qu'eu égard à son contenu ce courrier du 8 janvier 2016 se présentait comme un décompte général. Sa notification faisait donc courir le délai de 45 jours mentionné à l'article 50.1.1. du CCAG Travaux, sans que puisse être utilement invoquée la circonstance que le courrier en cause ne rappelait pas les voies et délais de réclamation contractuellement définis. Or, le mémoire en réclamation de la société Entreprise Rochette n'a été notifié à la collectivité maître d'ouvrage que le 15 décembre 2017. Il était donc tardif, le décompte général notifié étant alors devenu définitif par application des délais prévus par les stipulations rappelées au point 2. Dans ces conditions, la société Entreprise Rochette n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que sa demande tendant à un paiement supplémentaire au titre du marché devait être rejetée comme irrecevable en raison de l'intervention d'un décompte général et définitif. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'une somme soit mise à la charge de la communauté de communes Coeur de France, qui n'est pas partie perdante, au titre des frais exposés par la requérante et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête la société Entreprise Rochette est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes Coeur de France et à la société Entreprise Rochette.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- M. Jouno, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2020.

Le rapporteur,

T. JounoLe président,

L. Lainé

Le greffier,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au préfet du Cher en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 19NT03858

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03858
Date de la décision : 20/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Thurian JOUNO
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : LALOUM

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-11-20;19nt03858 ?
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