La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/11/2020 | FRANCE | N°19NT03854

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 20 novembre 2020, 19NT03854


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Entreprise Rochette a demandé au tribunal administratif d'Orléans, à titre principal, de condamner la communauté de communes Coeur de France à lui verser la somme de 49 048,95 euros TTC, majorée des intérêts moratoires, au titre du paiement des situations n° 2 et n° 4 de son marché et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise avant dire droit.

Par un jugement n° 1801132 du 31 juillet 2019, le tribunal administratif d'Orléans a condamné la communauté de communes Coeur de Fra

nce à verser à la société Entreprise Rochette la somme de 40 592,76 euros TTC (article...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Entreprise Rochette a demandé au tribunal administratif d'Orléans, à titre principal, de condamner la communauté de communes Coeur de France à lui verser la somme de 49 048,95 euros TTC, majorée des intérêts moratoires, au titre du paiement des situations n° 2 et n° 4 de son marché et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise avant dire droit.

Par un jugement n° 1801132 du 31 juillet 2019, le tribunal administratif d'Orléans a condamné la communauté de communes Coeur de France à verser à la société Entreprise Rochette la somme de 40 592,76 euros TTC (article 1er), ainsi que les intérêts moratoires au taux de 7,05 % portant sur la somme de 17 522,70 euros TTC à compter du 20 novembre 2014 et sur la somme de 23 070,06 euros TTC à compter du 23 octobre 2015 (article 2), a rejeté les conclusions reconventionnelles présentées par la communauté de communes Coeur de France tendant au versement de la somme de 16 016,32 euros TTC au titre d'un trop-perçu et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3), a mis à la charge de la communauté de communes Coeur de France le versement à la société Entreprise Rochette de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 4), et a rejeté le surplus des conclusions de la demande (article 5).

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 septembre 2019, la communauté de communes Coeur de France, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans en date du 31 juillet 2019 ;

2°) de rejeter la demande de première instance et de condamner la société Entreprise Rochette au versement d'une somme de 16 016,32 euros TTC au titre d'un trop-perçu ;

3°) de mettre à la charge de la société Entreprise Rochette la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que la communauté de communes n'apportait aucune justification à la retenue de 17 522,70 euros TTC opérée sur la situation n° 2 et que la retenue de 24 871,05 euros HT opérée sur la situation n° 4 n'était pas fondée ; c'est à tort également que le tribunal a écarté la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la réclamation de la société Entreprise Rochette ;

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, la réclamation adressée par la société Entreprise Rochette était tardive ; en effet, cette société disposait d'un délai de 45 jours courant à compter du 9 octobre 2015 pour adresser au pouvoir adjudicateur son mémoire en réclamation, ce qu'elle n'a pas fait puisqu'elle s'est bornée à introduire un référé provision le 15 janvier 2016 ; la société Entreprise Rochette était dans ces conditions irrecevable en première instance à contester le décompte général, lequel était devenu définitif ;

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, la procédure de résiliation de l'article 46.3.1 du CCAG Travaux a été mise en oeuvre régulièrement ; en effet, la société Entreprise Rochette avait omis de terminer ses travaux avant le 31 juillet 2015 ; en outre elle a reconnu le 27 août 2015 ne pas être en mesure d'exécuter ses prestations ; dès lors, le marché pouvait être résilié aux frais et risques de cette société le 31 août 2015, et une autre entreprise pouvait se voir attribuer un marché de substitution ;

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, la société Entreprise Rochette a effectivement établi un décompte final, la " situation n° 4 " en tenant lieu ;

- à titre subsidiaire, les sommes portées dans les factures de la société Entreprise Rochette, qui ne reflètent pas la réalité des travaux menés par cette société, ne sont pas exigibles ;

- la créance de la communauté de communes résulte d'une part de prestations non réalisées par la société Entreprise Rochette et d'autre part de travaux réalisés par une autre entreprise dans le cadre d'un marché de substitution.

Par un mémoire, enregistré le 20 février 2020, la société Entreprise Rochette, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la communauté de communes Coeur de France la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la situation n° 4 ne constituait pas un décompte final ; la réception des travaux n'ayant pas été prononcée, aucun décompte général ne pouvait être notifié ; les stipulations de l'article 47.1.1 du CCAG Travaux n'ont pas été respectées ;

- les travaux dont la mauvaise exécution ou la non-exécution est invoquée par la communauté de communes portent sur des travaux supplémentaires, non prévus au marché initial, alors que les situations n° 2 et n° 4 portent sur des travaux antérieurs, prévus à ce marché, lesquels doivent être payés ;

- la communauté de communes ne dispose d'aucune créance à son encontre.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jouno, rapporteur,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la communauté de communes Coeur de France.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 27 décembre 2012, la communauté de communes du Berry Charentonnais (Cher) a attribué à la société Entreprise Rochette un marché public de travaux portant sur la " réfection du réseau d'eaux pluviales " et sur " l'aménagement de trottoirs sur la commune de Coust ". Le montant de ce marché, fixé à 154 236,16 euros TTC, a été ramené à 134 956,64 euros TTC par la mise au point du même jour faisant suite à la négociation, puis réévalué, à la suite d'une augmentation de la masse des travaux, par l'avenant du 31 mars 2014, à 152 756,66 euros TTC. Par un courrier du 31 août 2015, la communauté de communes Coeur de France, avec laquelle la communauté de communes du Berry Charentonnais avait entretemps fusionné, le 1er janvier 2013, a, d'une part, indiqué à la société Entreprise Rochette que sa " mission " était " terminée " et qu'une autre entreprise finirait les travaux à sa charge et, d'autre part, demandé à cette société de libérer le chantier. La communauté de communes a fait établir, par un huissier de justice, le 16 septembre 2015, un constat de l'état du chantier. Par courrier du 24 septembre 2015, la communauté de communes a demandé à la société Entreprise Rochette d'intervenir " sans délai " pour réaliser divers travaux, faute de quoi " une autre entreprise [serait] missionnée ". Antérieurement, le 11 juin 2015, la société Entreprise Rochette avait adressé à la communauté de communes une facture, dénommée " situation n° 4 ", dont il ressortait que la communauté de communes restait redevable à son égard de la somme totale de 59 916,51 euros TTC au titre de l'exécution du marché. Par courrier du 9 octobre 2015, la communauté de communes a répondu à cet envoi en transmettant une " situation modifiée " par ses soins en déduisant notamment de la somme précitée le prix des travaux qu'elle avait fait réaliser par une entreprise tierce. Il en résultait, selon elle, que la société Entreprise Rochette était redevable à son égard de la somme de 16 016,32 euros TTC. Par courrier du 14 décembre 2017, réceptionné 15 décembre 2017, la société Entreprise Rochette a adressé à la communauté de communes un mémoire en réclamation dans lequel elle demandait le paiement d'une somme principale de 47 367,96 euros TTC au titre des travaux mentionnés dans les situations n° 2 et n° 4, assortie d'intérêts moratoires. Par courrier du 12 février 2018, la communauté de communes a rejeté cette réclamation. Par une demande enregistrée le 27 mars 2018, la société Entreprise Rochette a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la communauté de communes Coeur de France à lui verser la somme de 49 048,95 euros TTC au titre du paiement des travaux mentionnés dans les situations n° 2 et n° 4 ainsi que les intérêts moratoires correspondants. Par des conclusions reconventionnelles, la communauté de communes Coeur de France a demandé au tribunal le versement de la somme précitée de 16 016,32 euros TTC. Par un jugement du 31 juillet 2019, dont la communauté de communes Coeur de France relève appel, les premiers juges ont condamné la collectivité maître d'ouvrage à verser à la société Entreprise Rochette la somme de 40 592,76 euros TTC majorée des intérêts moratoires au taux de 7,05 % et ont rejeté les conclusions reconventionnelles présentées par la communauté de communes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La communauté de communes soutient, d'une part, que les premiers juges ont estimé, à tort, qu'elle n'apportait aucune justification aux retenues opérées sur les situations n° 2 et n° 4 et fait valoir, d'autre part, qu'ils se sont mépris en écartant l'exception de tardiveté de la réclamation. Elle en déduit que le tribunal administratif a entaché son jugement d'irrégularité. Toutefois, les erreurs ainsi alléguées sont insusceptibles de révéler une irrégularité du jugement mais relèvent du bien-fondé de celui-ci.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la tardiveté du mémoire en réclamation :

3. D'une part, aux termes de l'article 13.3.1. du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG Travaux) dans sa rédaction issue de l'arrêté du 8 septembre 2009, auquel le cahier des clauses administratives particulières renvoie sans y déroger : " Après l'achèvement des travaux, un projet de décompte final est établi concurremment avec le projet de décompte mensuel afférent au dernier mois d'exécution des prestations ou à la place de ce dernier. / Ce projet de décompte final est la demande de paiement finale du titulaire, établissant le montant total des sommes auquel le titulaire prétend du fait de l'exécution du marché dans son ensemble, son évaluation étant faite en tenant compte des prestations réellement exécutées. (...) ". Aux termes de l'article 13.3.2. de ce même cahier : " Le titulaire transmet son projet de décompte final au maître d'oeuvre (...) dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux telle qu'elle est prévue à l'article 41.3 ou, en l'absence d'une telle notification, à la fin de l'un des délais de trente jours fixés aux articles 41.1.3 et 41.3 (...) ". Aux termes de l'article 13.3.4. : " Le maître d'oeuvre accepte ou rectifie le projet de décompte final établi par le titulaire. Le projet accepté ou rectifié devient alors le décompte final. (...) ". Aux termes de l'article 13.4.2. : " Le projet de décompte général est signé par le représentant du pouvoir adjudicateur et devient alors le décompte général. (...) ". Aux termes de l'article 13.4.4. : " Dans un délai de quarante-cinq jours compté à partir de la notification du décompte général, le titulaire renvoie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'oeuvre, le décompte général revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou fait connaître les motifs pour lesquels il refuse de le signer. (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 47.1.1. du CCAG Travaux : " En cas de résiliation, il est procédé, le titulaire ou ses ayants droit, tuteur, administrateur ou liquidateur, dûment convoqués dans les conditions prévues par les documents particuliers du marché, aux constatations relatives aux ouvrages et parties d'ouvrages exécutés, à l'inventaire des matériaux approvisionnés ainsi qu'à l'inventaire descriptif du matériel et des installations de chantier. Il est dressé procès-verbal de ces opérations dans les conditions prévues à l'article 12. Ce procès-verbal comporte l'avis du maître d'oeuvre sur la conformité aux dispositions du marché des ouvrages ou parties d'ouvrages exécutés. ". Aux termes de l'article 47.2.1. du même cahier " En cas de résiliation du marché, une liquidation des comptes est effectuée. Le décompte de liquidation du marché, qui se substitue au décompte général prévu à l'article 13.4.2, est arrêté par décision du représentant du pouvoir adjudicateur et notifié au titulaire. ".

5. Enfin, aux termes de l'article 50.1.1. du CCAG Travaux : " Si un différend survient entre le titulaire et le maître d'oeuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. / Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d'oeuvre. / Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte général ".

6. En l'espèce, la communauté de communes soutient que le courrier, mentionné au point 1 ci-dessus, qu'elle a adressé à la société Entreprise Rochette le 9 octobre 2015, constituait le décompte général ou décompte de liquidation du marché. Toutefois, en premier lieu, ce courrier, qui n'employait d'ailleurs pas l'expression " décompte général ", se bornait à répondre à une lettre du 11 juin 2015 de la société Entreprise Rochette, qui portait sur une demande de paiement intermédiaire et n'était pas présentée par le titulaire du marché comme constituant le projet de décompte final au sens de l'article 13.3.2. du CCAG Travaux. En outre, contrairement aux exigences issues de l'article 13.3.1. du CCAG Travaux, ce courrier de la communauté de communes ne faisait pas suite à l'achèvement des travaux de la société Entreprise Rochette et à leur réception. Ainsi, il ne présentait pas le caractère d'un décompte général, au sens de l'article 13.4.2. du CCAG Travaux.

7. En second lieu, le courrier du 9 octobre 2015 n'indiquait pas expressément qu'il comprenait un décompte de liquidation. En outre, dès lors que les opérations de constat opérées par voie d'huissier le 16 septembre 2015 ne présentaient pas un caractère contradictoire, le rapport de constat établi à leur issue ne présente pas le caractère du procès-verbal de constat relatif aux ouvrages et parties d'ouvrages exécutés mentionné à l'article 47.1.1. du CCAG Travaux. Enfin, si, par le courrier du 31 août 2015 mentionné au point 1 ci-dessus, la communauté de communes a indiqué à la société Entreprise Rochette que sa " mission " était " terminée ", ce courrier ne fait pas expressément état de la résiliation du marché. Il a d'ailleurs été suivi, le 24 septembre 2015, d'un nouveau courrier dans lequel la communauté de communes demandait au titulaire du marché d'intervenir à nouveau sur le chantier. Par conséquent, le document joint au courrier du 9 octobre 2015 ne saurait être regardé comme un décompte de liquidation au sens de l'article 47.2.1. du CCAG Travaux.

8. Il suit de là que le différend faisant l'objet du présent litige, qui porte sur le paiement des travaux mentionnés dans la " situation n° 4 " et sur le paiement du solde des travaux mentionnés dans la " situation n° 2 ", demandé à la communauté de communes par le titulaire du marché dans sa lettre du 11 juin 2015, ne porte pas, au sens et pour l'application de l'article 50.1.1. du CCAG Travaux, sur le décompte général du marché. Dans ces conditions, et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un décompte général soit par ailleurs intervenu, la société Entreprise Rochette pouvait, sans méconnaître le délai de 45 jours mentionné à l'article 50.1.1. du CCAG Travaux, ne présenter un mémoire en réclamation au sujet de ce différend que le 15 décembre 2017.

En ce qui concerne les travaux mentionnés dans les situation n°2 et n° 4 :

9. Aux termes de l'article 3.5 du cahier des clauses administratives particulières du marché : " (...) Les comptes sont réglés mensuellement, suivant les dispositions de l'article 13.1 et 13.2 du CCAG Travaux (...) ". Aux termes de l'article 13.1. du CCAG Travaux : " 13.1.8. Le projet de décompte mensuel établi par le titulaire constitue la demande de paiement (...) / 13.1.9. Le maître d'oeuvre accepte ou rectifie le projet de décompte mensuel établi par le titulaire. Le projet accepté ou rectifié devient alors le décompte mensuel. (...) ". Aux termes de l'article 13.2. du même cahier : " 13.2.1. A partir du décompte mensuel, le maître d'oeuvre détermine le montant de l'acompte mensuel à régler au titulaire. (...) / 13.2.2. Le maître d'oeuvre notifie par ordre de service au titulaire l'état d'acompte mensuel et propose au représentant du pouvoir adjudicateur de régler les sommes qu'il admet. (...) / En cas de contestation sur le montant de l'acompte, le représentant du pouvoir adjudicateur règle les sommes admises par le maître d'oeuvre. Après résolution du désaccord, il procède, le cas échéant, au paiement d'un complément, majoré, s'il y a lieu, des intérêts moratoires, courant à compter de la date de la demande présentée par le titulaire. ".

10. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le projet de décompte mensuel intitulé " situation n° 2 ", établi le 30 septembre 2014, a été accepté par le maître d'oeuvre, la société Route et VRD Concept, le 20 octobre 2014. Si la communauté de communes fait valoir en appel, en des termes particulièrement succincts, que les sommes mentionnées dans ce décompte mensuel ne reflètent pas l'avancement effectif des travaux, elle ne l'établit par aucun élément probant. Au demeurant, ainsi qu'il résulte des énonciations de l'article 13.2.2 précité du CCAG Travaux, la contestation, par la communauté de communes, sur le montant de l'acompte correspondant à la " situation n° 2 " ne justifiait pas que celle-ci refuse de le payer partiellement. Par suite, la communauté de communes Coeur de France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la société Entreprise Rochette pouvait prétendre, au titre de la " situation n° 2 ", au paiement complémentaire d'une somme de 17 522,70 euros TTC, demeurée impayée par le pouvoir adjudicateur.

11. En second lieu, la " situation n° 4 " n'a été ni acceptée ni modifiée par le titulaire de la mission de maîtrise d'oeuvre, la société Route et VRD Concept ayant été placée en liquidation judiciaire en novembre 2014 et sa fonction reprise par les services de la communauté de communes. Cette " situation n° 4 " faisait état de travaux nouveaux d'un montant de 24 871,05 euros HT. La communauté de communes a, ainsi qu'il a été dit au point 1 ci-dessus, refusé de payer cette somme à titre d'acompte. Les premiers juges ont estimé qu'il était justifié qu'une somme de 5 646 euros HT correspondant à la fourniture et à la mise en oeuvre de grave bitume demeure impayée dès lors que la société Entreprise Rochette avait posé, au droit des bordures côté gauche en direction de Charenton-du-Cher, une couche de grave bitume de 5 centimètres, et non de 10 centimètres conformément aux prescriptions techniques. Par ailleurs, ils ont estimé que la société Entreprise Rochette avait droit au paiement du surplus des prestations mentionnées sur la " situation n° 4 ", correspondant à la somme de 23 070,06 euros TTC. Pour contester cette appréciation, la communauté de communes se borne, en appel, à faire valoir, sans autre précision, que les sommes figurant sur la " situation n° 4 " ne correspondent pas aux travaux réellement effectués. Toutefois, elle n'assortit aucunement cette affirmation des précisions et justifications permettant d'établir que l'appréciation du tribunal administratif serait erronée.

12. Au surplus, il ressort du courrier, mentionné au point 1 ci-dessus, du 9 octobre 2015, que le désaccord avec la société Entreprise Rochette quant à la " situation n° 4 " portait sur la pose d'une couche de grave bitume de 5 centimètres, et non de 10 centimètres, côté gauche en direction de Charenton-du-Cher et sur l'application du mortier au niveau des joints entre les caniveaux et les bordures de trottoir sur le tronçon compris entre l'église de la commune de Coust et la route des Gagneries. Or, d'une part, ainsi qu'il vient d'être dit, les malfaçons affectant la mise en oeuvre du grave bitume ont donné lieu à une réfaction, sur le montant de la " situation n° 4 ", d'un montant non contesté en appel de 5 646 euros HT. D'autre part, ni les photographies produites par la communauté de communes, ni le constat non contradictoire établi par huissier de justice le 16 septembre 2015, bien qu'ils révèlent l'existence de fissurations des joints entre la chaussée en bitume et les bordures de trottoir et autour de certains éléments en métal encastrés dans le sol ainsi que la présence d'éclats et de fissurations dans les éléments en béton des bordures de trottoirs, ne justifient avec une précision suffisante que le paiement de la somme de 23 070,06 euros TTC devrait être refusé à la société Entreprise Rochette.

En ce qui concerne les travaux réalisés à la demande de la communauté de communes par une entreprise tierce :

13. D'une part, aux termes de l'article 46.3.1 du CCAG Travaux : " Le représentant du pouvoir adjudicateur peut résilier le marché pour faute du titulaire dans les cas suivants : / (...) c) Le titulaire, dans les conditions prévues à l'article 48, ne s'est pas acquitté de ses obligations dans les délais contractuels, après que le manquement a fait l'objet d'une constatation contradictoire et d'un avis du maître d'oeuvre, et si le titulaire n'a pas été autorisé par ordre de service à reprendre l'exécution des travaux ; dans ce cas, la résiliation du marché décidée peut être soit simple, soit aux frais et risques du titulaire et, dans ce dernier cas, les dispositions des articles 48.4 à 48.7 s'appliquent ; / (...) g) Le titulaire déclare, indépendamment des cas prévus à l'article 46.1.1, ne pas pouvoir exécuter ses engagements (...) ". D'autre part, aux termes de l'article 47.2.2. : " Le décompte de liquidation comprend : / a) au débit du titulaire : / (...) le cas échéant, le supplément des dépenses résultant de la passation d'un marché aux frais et risques du titulaire dans les conditions fixées à l'article 48. (...) ".

14. Enfin, aux termes de l'article 48.1. du CCAG Travaux : " A l'exception des cas prévus aux articles 15.2.2, 15.4 et 47.2, lorsque le titulaire ne se conforme pas aux dispositions du marché ou aux ordres de service, le représentant du pouvoir adjudicateur le met en demeure d'y satisfaire, dans un délai déterminé, par une décision qui lui est notifiée par écrit. / Ce délai, sauf pour les marchés intéressant la défense ou en cas d'urgence, n'est pas inférieur à quinze jours à compter de la date de notification de la mise en demeure. ". Aux termes de l'article 48.2. de ce cahier : " Si le titulaire n'a pas déféré à la mise en demeure, la poursuite des travaux peut être ordonnée, à ses frais et risques, ou la résiliation du marché peut être décidée. " Aux termes de l'article 48.3. du même cahier : " Pour assurer la poursuite des travaux, en lieu et place du titulaire, il est procédé, le titulaire étant présent ou ayant été dûment convoqué, à la constatation des travaux exécutés et des approvisionnements existants ainsi qu'à l'inventaire descriptif du matériel du titulaire et à la remise à celui-ci de la partie de ce matériel qui n'est pas utile à l'achèvement des travaux. / Dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision de poursuite des travaux, en lieu et place du titulaire, ce dernier peut être autorisé par ordre de service à reprendre l'exécution des travaux s'il justifie des moyens nécessaires pour les mener à bonne fin. / Après l'expiration de ce délai, la résiliation du marché est prononcée par le représentant du pouvoir adjudicateur. " Aux termes de l'article 48.4. : " En cas de résiliation aux frais et risques du titulaire, les mesures prises en application de l'article 48.3 sont à la charge de celui-ci. Pour l'achèvement des travaux conformément à la réglementation en vigueur, il est passé un marché avec un autre entrepreneur. (...) ".

15. Ainsi qu'il a été dit au point 7 ci-dessus, il résulte de l'instruction que le procès-verbal de constat relatif aux ouvrages et parties d'ouvrages exécutés, mentionné à l'article 47.1.1. du CCAG Travaux, n'a pas été réalisé. De même, il n'est pas établi que la constatation contradictoire des travaux exécutés et des approvisionnements existants ainsi que l'inventaire descriptif du matériel du titulaire du marché, exigés par l'article 48.3. du CCAG Travaux, aient été réalisés. Dès lors, et à supposer que la communauté de communes ait effectivement entendu, par le courrier du 31 août 2015, procéder à une résiliation pour faute du titulaire du marché voire à une résiliation aux frais et risques de ce dernier, celle-ci était, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, irrégulière. En outre, faute de constatation contradictoire de l'inexécution des obligations contractuelles du titulaire du marché et en l'absence d'éléments suffisamment probants indiquant que ce dernier aurait effectivement déclaré, le 27 août 2015, ne pas pouvoir assumer ses engagements contractuels, il n'est pas établi que la communauté de communes était en présence d'une des situations mentionnées au c) et au g) de l'article 46.3.1 du CCAG Travaux justifiant une résiliation pour faute. Par suite, la communauté de communes n'était pas fondée à mettre à la charge de la société Entreprise Rochette une somme de 16 016,32 euros TTC au titre du prix d'un marché de substitution, passé pour l'achèvement des travaux.

16. Au surplus, la communauté de communes, qui se borne à produire, au demeurant pour la première fois en appel, des factures d'une société tierce, ne produit, ainsi que l'avaient déjà relevé les premiers juges, aucune des pièces contractuelles relatives à un marché de substitution, en sorte qu'il est, en tout état de cause, impossible de déterminer si les sommes mentionnées sur les factures produites par elle correspondent effectivement à un supplément de dépenses résultant de la passation d'un marché de substitution, au sens de l'article 47.2.2. du CCAG Travaux.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté de communes Coeur de France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans l'a condamnée à verser à la société Entreprise Rochette la somme de 40 592,76 euros TTC majorée des intérêts moratoires au taux de 7,05 % et a rejeté ses conclusions reconventionnelles.

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Entreprise Rochette, qui n'est pas partie perdante, au titre des frais exposés par la communauté de communes et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de la communauté de communes Coeur de France au titre de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la communauté de communes Coeur de France est rejetée.

Article 2 : La communauté de communes Coeur de France versera une somme de 1 500 euros à la société Entreprise Rochette au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes Coeur de France et à la société Entreprise Rochette.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- M. Jouno, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2020.

Le rapporteur,

T. JounoLe président,

L. Lainé

Le greffier,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au préfet du Cher en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

2

N° 19NT03854

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03854
Date de la décision : 20/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Thurian JOUNO
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : FIDUCIAL LEGAL BY LAMY

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-11-20;19nt03854 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award