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10/11/2020 | FRANCE | N°19NT03629

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 10 novembre 2020, 19NT03629


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... O... et Mme M... E..., M. et Mme C... B..., M. et Mme I... D..., M. K... J... et Mme L... H... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler, d'une part, l'arrêté du 9 juin 2017 par lequel le maire de la commune de Plérin a délivré à la SCCV Kerinnis un permis de construire portant sur la démolition d'une maison d'habitation et de ses annexes et la construction d'un immeuble de huit logements sociaux et d'un immeuble de vingt-trois logements, sur un terrain situé 15, rue Fleurie, ainsi

que la décision rejetant leur recours gracieux, d'autre part, l'arrêté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... O... et Mme M... E..., M. et Mme C... B..., M. et Mme I... D..., M. K... J... et Mme L... H... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler, d'une part, l'arrêté du 9 juin 2017 par lequel le maire de la commune de Plérin a délivré à la SCCV Kerinnis un permis de construire portant sur la démolition d'une maison d'habitation et de ses annexes et la construction d'un immeuble de huit logements sociaux et d'un immeuble de vingt-trois logements, sur un terrain situé 15, rue Fleurie, ainsi que la décision rejetant leur recours gracieux, d'autre part, l'arrêté du 16 mai 2019 par lequel le maire a délivré à cette société un permis de construire modificatif.

Par un jugement n° 1705357 du 11 juillet 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 septembre 2019 et 12 mars 2020, M. O... et Mme E..., M. et Mme B..., M. et Mme D..., M. J... et Mme H..., représentés par Me N..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 juin 2017 du maire de Plérin, la décision du maire portant rejet de rejet du recours formé contre cet arrêté et l'arrêté du 16 mai 2019 de ce maire ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Plérin le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils justifient d'un intérêt à agir en tant que voisins du projet et compte tenu des nuisances qu'il entraînera ;

- le dossier de permis de construire comporte des mentions erronées de nature à fausser l'appréciation de l'administration quant à la végétation et au respect de l'article UB 13 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Plérin ;

- le permis de construire contesté a été pris en méconnaissance des articles UB 3.1 et UB 3.2 du règlement du PLU ; la largeur de l'accès est insuffisante pour desservir 31 logements et 43 places de stationnement et ses caractéristiques entraîneront des risques pour la sécurité des véhicules et autres usagers de la rue Fleurie ; la rue Fleurie elle-même présente une dangerosité qui sera accentuée par le projet ;

- le permis de construire contesté a également été pris en méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- il a été pris en violation de l'article UB 6 du règlement du PLU ; la construction projetée ne respecte pas l'alignement des constructions avoisinantes ;

- il ne respecte pas les articles UB 11.1 et UB 11.2 du règlement du PLU et de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme compte tenu des caractéristiques du quartier et de l'emplacement des locaux à poubelles ;

- il a été pris en méconnaissance de l'article UB 12 du règlement du PLU, les places de stationnement étant sous-dimensionnées.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 janvier et 2 juillet 2020, la commune de Plérin, représentée par Me P...-F..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge solidairement des requérants la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

Par une ordonnance du 12 mars 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 22 avril 2020.

En application du I de l'article 16 de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, la clôture d'instruction a été reportée automatiquement au 24 juin 2020.

Par une lettre enregistrée le 21 septembre 2020, M. O... a été désigné par leur mandataire, Me N..., en qualité de représentant unique, destinataire de la notification de la décision à venir.

Par un courrier du 21 septembre 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de fonder sa décision sur un moyen d'ordre public tiré de ce que le permis de construire modificatif doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation du permis de construire initial.

Un mémoire, présenté pour M. O... et les autres requérants, en réponse au moyen d'ordre public, a été enregistré le 22 septembre 2020.

Par un courrier du 21 septembre 2020, les parties ont été informées, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, que la cour était susceptible de surseoir à statuer pour permettre la régularisation des vices tirés de la méconnaissance de l'article UB 3.1 et UB 6.1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Plérin.

Par un mémoire en observations, enregistré le 10 octobre 2020 et non communiqué, la commune de Plérin conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- les observations de Me N..., pour M. O... et autres, et celles de Me G..., substituant Me P...-F..., pour la commune de Plérin.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 9 juin 2017, le maire de Plérin a délivré à la SCCV Kerinnis un permis de construire portant sur la démolition d'une maison d'habitation et de ses annexes et sur la construction d'un immeuble de 8 logements sociaux et d'un immeuble de 23 logements collectifs, sur un terrain situé 15, rue Fleurie. M. O... et Mme E..., M. et Mme B..., M. et Mme D..., M. J... et Mme H... ont présenté auprès du maire un recours gracieux qui a été rejeté par une décision du 2 octobre 2017. Par une requête du 29 novembre 2017, ils ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler cet arrêté ainsi que la décision rejetant leur recours gracieux. En cours d'instance, le maire de Plérin a délivré, le 16 mai 2019, un permis de construire modificatif dont l'annulation a, également, été demandée par les intéressés au tribunal. Par un jugement du 11 juillet 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande. M. O... et Mme E..., M. et Mme B..., M. et Mme D..., M. J... et Mme H... relèvent appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance :

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme O...-E..., M. et Mme B..., M. et Mme D... et M. et Mme J...-H... sont propriétaires des parcelles jouxtant ou voisines du terrain d'assiette du projet litigieux. Eu égard à ses dimensions, à son implantation en limite séparative des parcelles et de la présence de terrasses et de baies vitrées en surplomb des propriétés des requérants, la construction projetée aura des conséquences sur leur vue, leur ensoleillement et, plus généralement, leur cadre de vie. Dans ces conditions, elle est de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leurs biens. Par suite, la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir des intéressés doit être écartée.

En ce qui concerne la légalité du permis de construire du 9 juin 2017 :

5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu (...) ". La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

6. Il ressort des pièces du dossier de demande de permis de construire, notamment du plan du sous-sol, que la future construction doit être implantée sur la totalité du terrain d'assiette du projet de sorte que la végétation existante doit être supprimée. Il ressort, également, des plans du rez-de-chaussée que quelques espaces végétalisés sont prévus entre les deux bâtiments ainsi qu'aux angles nord-est et sud-ouest de la parcelle. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la mention " pleine terre " qui apparaît dans le seul angle dans lequel le projet n'est pas implanté, n'est pas erronée, les autres espaces libres de construction en surface étant désignés sous le terme " espaces végétalisés - plantations basses ". Par suite, les pièces du dossier de la demande de permis de construire sont suffisamment précises et claires pour permettre au service instructeur d'apprécier l'impact du projet quant aux plantations maintenues, supprimées ou créées et de s'assurer que le projet respecte l'alinéa premier de l'article UB 13.2 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Plérin, selon lequel " les plantations existantes seront conservées dans la mesure du possible ". Les requérants soutiennent, par ailleurs, qu'il ne sera pas possible de planter des cerisiers bigarreaux dans les espaces végétalisés, comme le prévoient les plans, dès lors qu'il s'agit d'espaces situés au-dessus de la dalle de béton du parking en sous-sol. Outre qu'une telle circonstance relève de l'exécution du permis de construire et n'est pas de nature à affecter sa légalité, le règlement du PLU applicable à la zone UB n'impose pas la plantation d'arbres de haute tige. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions précitées de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme ont été méconnues doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Aux termes de l'article UB 3.1 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Plérin : " Un terrain pour être constructible doit disposer d'un accès minimum de 2,5 m de large sur une voie publique ou privée (...). Le projet peut être refusé ou subordonné au respect de prescriptions spéciales ou à la réalisation d'aménagements particuliers si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour les utilisateurs des accès. ".

8. Le projet de construction autorisé par le permis de construire contesté prévoit un parking en sous-sol comptant 43 places de stationnement pour les voitures et 25 emplacements pour les deux-roues. Il ressort des pièces du dossier, notamment des plans du sous-sol figurant dans les dossiers de demande du permis de construire initial du 9 juin 2017 et du permis de construire modificatif du 16 mai 2019, que l'accès au parc de stationnement souterrain doit se faire, depuis la rue Fleurie, par une rampe d'une longueur de plus de 30 mètres et d'une largeur comprise entre 2,50 mètres, à l'intersection de la rampe avec la rue, et 3,11 mètres, dans le virage situé en bas de la rampe, à l'entrée même du parking souterrain. Il n'est pas contesté que cet unique accès au parking souterrain depuis la voie publique est trop étroit pour permettre aux véhicules de se croiser et qu'aucun emplacement n'est prévu pour permettre aux véhicules entrants de marquer l'arrêt ou de manoeuvrer en toute sécurité, pour permettre la sortie de véhicules déjà engagés dans la rampe. Eu égard à ses caractéristiques et au nombre important d'utilisateurs du parking souterrain, l'accès à la construction projetée, quand bien même la largeur minimale de 2,50 m est respectée, n'est pas adaptée au projet et présente un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques et pour les utilisateurs de l'accès. En outre, la double circonstance que la rue Fleurie présente, au droit du terrain d'assiette du projet, une largeur de 6 mètres et que la vitesse de circulation y soit limitée à 30 km/h n'a pas pour effet de rendre moins dangereux l'accès concerné. Par suite, en délivrant le permis de construire contesté, le maire a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des prescriptions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Pour les mêmes raisons, en délivrant ce permis, le maire a fait une inexacte application des dispositions de l'article UB 3.1 du règlement du PLU.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article UB 3.2 du règlement du PLU : " La réalisation d'un projet est subordonnée à la desserte du terrain par une voie dont les caractéristiques répondant à sa destination et à l'importance du trafic généré par le projet. Les caractéristiques des voies doivent permettre d'assurer la défense incendie, et être configurées pour prendre en compte la circulation des piétons et des cyclistes. ".

10. Il ressort des pièces du dossier qu'aux droits du terrain d'assiette du projet, la rue Fleurie présente une largeur d'environ six mètres avec trottoirs et un tracé en ligne droite, sans déclivité. Cette voie est à double sens, avec une vitesse limitée à 30 km/h. Les photographies produites par les requérants montrant une voie à sens unique, avec une circulation des vélos à contre-sens et des places de stationnement ont été prises dans une autre portion de la rue Fleurie, située au nord de l'emprise du projet. Dans ces conditions, le projet de construction de trente-et-un logements est desservie par une voie dont les caractéristiques sont adaptées pour assurer la sécurité des usagers de la voirie publique et des futurs résidents. Par suite, en délivrant le permis de construire contesté, le maire n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article UB 3.2 du règlement du PLU.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article UB 6.1 du règlement du PLU : " Principe : A défaut d'indications graphiques les constructions s'implanteront selon l'alignement particulier défini par les constructions avoisinantes en respectant la continuité du front de rue afin de ne pas rompre l'harmonie de l'ensemble. En l'absence d'alignement dominant et pour les opérations d'ensemble (lotissements, permis valant division), les constructions pourront s'implanter à l'alignement ou en retrait maximum de 5 m par rapport à cet alignement (...) ".

12. Il ressort des pièces du dossier, notamment, du plan de situation joint au dossier de demande du permis de construire initial, que les constructions avoisinantes de la rue Fleurie, que ce soit au sud ou au nord du terrain d'assiette du projet, ne sont pas implantées en bordure de la voie publique sans, toutefois, que leur implantation ne caractérise un alignement dominant au sens de l'article UB 6.1 du règlement du PLU. Il ressort, également, des plans du dossier de demande de permis de construire que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le bâtiment projeté n'est pas implanté à l'alignement de la rue mais en retrait de moins de cinq mètres, conformément aux prescriptions des dispositions de l'article UB 6.1 du règlement du PLU. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescription spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ". Aux termes de l'article UB 11 du règlement du PLU : " 11.1 - Généralités : Tout projet de construction devra présenter un volume, une implantation et un aspect satisfaisant, permettant une bonne intégration dans l'environnement tout en tenant compte du site général dans lequel il s'inscrit et notamment la qualité et l'identité globale du quartier, l'ambiance de la rue, l'architecture des constructions voisines ainsi que la végétation existante. La qualité recherchée visera aussi bien les volumes, y compris la forme de la toiture, que les percements, les couleurs des matériaux apparents et les détails architecturaux (...) / 11.2.2 - Façades et pignons : (...) Le dispositif destiné à abriter les poubelles devra être prévu soit en bordure de clôture, soit accolé au bâtiment existant. Dans tous les cas, son traitement devra être en harmonie avec les matériaux utilisés pour la construction du bâtiment principal ou de la clôture (...) ". Ces dernières dispositions ont le même objet que celles, également invoquées par les requérants, de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et posent des exigences qui ne sont pas moindres. Dès lors, c'est par rapport aux dispositions du règlement du plan que le juge doit apprécier, au terme d'un contrôle normal, la légalité de la décision contestée.

14. Il ressort des pièces du dossier, notamment des nombreuses photographies produites par la commune de Plérin que, si le nord de la rue Fleurie est bordé de maisons très ressemblantes, le projet se situe dans une autre portion de la rue qui accueille des constructions dont l'architecture est très hétérogène. En outre, sur la parcelle faisant face au terrain d'assiette du projet se trouve un bâtiment de service appartenant à la commune de Plérin, dénué d'intérêt architectural. Le projet litigieux est constitué de deux bâtiments dont l'un seulement longe la rue. Il est composé de trois niveaux et présente une toiture à deux pans en zinc de teinte grise comme l'ardoise des toitures avoisinantes et des murs clairs. Dans ces conditions, la volumétrie plus importante du projet et son architecture contemporaine ne contreviennent pas à sa bonne intégration. Par suite, et alors que les requérants ne peuvent utilement se prévaloir du cahier des recommandations architecturales annexé au PLU, lequel ne présente pas un caractère réglementaire, en délivrant le permis de construire contesté, le maire n'a pas fait une inexacte application des dispositions 11.1 de l'article UB 11 du règlement du PLU de Plérin.

15. Les dispositions 11.2.2 de l'article UB 11 du règlement du PLU de Plérin, relatives à l'aspect extérieur des constructions, n'imposent pas que le dispositif à poubelles des constructions soit implanté à l'extérieur du bâtiment. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut donc qu'être écarté.

16. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article UB 12 du règlement du PLU : " Le stationnement des véhicules correspondant aux besoins des constructions ou installations devra être assuré en dehors des voies publiques. / Le nombre de places doit être en rapport avec l'utilisation des constructions et des installations. / Pour le calcul du nombre de places nécessaires en fonction des critères définis dans le règlement, il sera tenu compte des caractéristiques suivantes : / - une place de stationnement équivaut à une surface moyenne de 25 m² (accès et stationnement) / - les dimensions minimales d'une place seront de 2.50 m x 5.00 m. / (...) Le calcul du nombre de places sera apprécié sur la base des données suivantes : / Pour les logements collectifs : 1,5 place de stationnement automobile par logement et 1 emplacement pour deux-roues par logement créé. / (...) Modalités d'application pour les deux-roues : / La surface minimale d'un emplacement s'établit à 1,5 m² sauf dans le cas d'un garage commun automobile plus deux-roues. (...) ".

17. Lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Les irrégularités ainsi régularisées à la suite de la modification de son projet par le pétitionnaire et en l'absence de toute intervention du juge ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial.

18. Il ressort des plans joints au dossier du permis de construire modificatif délivré le 16 mai 2019, que toutes les places de stationnement pour automobiles prévues par le projet respectent les dimensions minimales de 2,50 mètres sur 5 mètres, alors qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que la présence d'éléments de structure tels que des piliers réduirait la largeur de certains emplacements. Il ressort, également, de ces mêmes plans que quatre locaux à vélos sont prévus, dont trois au sous-sol. La surface ainsi dédiée aux vélos respecte la surface minimale de 1,5 m² par vélo et, en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que tous les emplacements ne sont pas accessibles. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UB 12 du règlement du PLU doit être écarté.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

19. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".

20. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Le juge n'est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d'une part, si les conditions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme sont réunies et qu'il fait le choix d'y recourir, d'autre part, si le bénéficiaire de l'autorisation lui a indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

21. Les vices dont le présent arrêt reconnaît, au point 8, qu'ils entachent d'illégalité le permis de construire du 9 juin 2017 et le rejet de leur recours gracieux, et par voie de conséquence, le permis de construire modificatif du 16 mai 2019, sont susceptibles, eu égard à ce qui précède, de faire l'objet d'une mesure de régularisation. Dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et de fixer à la SCCV Kerinnis et à la commune de Plérin un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt aux fins de produire la mesure de régularisation nécessaire.

D E C I D E :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête, présentée par M. et Mme O...-E..., M.et Mme B..., M. et Mme D..., M. et Mme J...-H..., jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois, à compter de la notification du présent arrêt, imparti à la société SCCV Kerinnis et à la commune de Plérin pour produire une mesure de régularisation des vices tirés de la méconnaissance des articles UB 3.1 du règlement du plan local d'urbanisme de Plérin et R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... O..., représentant unique désigné par Me N..., à la commune de Plérin et à la société SCCV Kerinnis.

Délibéré après l'audience du 16 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, président assesseur,

- M. Frank, premier conseiller,

- Mme A..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 10 novembre 2020.

Le rapporteur,

C. A...

Le président,

C. BUFFET

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au

préfet des Côtes d'Armor

en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis

en ce qui concerne les voies de droit commun

contre les parties privées, de pourvoir

à l'exécution de la présente décision.

8

N° 19NT03629


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03629
Date de la décision : 10/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : SCP ARES BOIS COLLET LEDERF-DANIEL LE DANTEC

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-11-10;19nt03629 ?
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