Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2015 par lequel la présidente du conseil départemental du Finistère a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la dépression ayant entraîné son placement en congé pour longue maladie à compter du 28 avril 2014.
Par un jugement n° 1503974 du 22 juin 2017, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour avant cassation :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 aout 2017 et 28 mars 2018 le département du Finistère, représenté par Me B..., a demandé à la cour :
1°) d'annuler, au besoin après avoir ordonné une expertise médicale, le jugement du tribunal administratif de Rennes du 22 juin 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Rennes ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutenait que :
- le jugement attaqué était insuffisamment motivé ;
- la preuve de l'imputabilité au service de l'affection dont souffre Mme A... n'était pas apportée, et au-delà des expertises médicales produites par l'intéressée, il était nécessaire de prendre en considération les faits dans leur globalité ;
- la perte du bénéfice du concours d'attaché territorial était systématiquement écartée des analyses médicales figurant au dossier, alors qu'il s'agissait à l'évidence d'une préoccupation majeure de l'intéressée.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 septembre 2017 Mme A..., représentée par Me C..., a conclu au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du département du Finistère la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle faisait valoir que :
- la requête était irrecevable, dès lors que la présidente du conseil départemental du Finistère ne justifie pas avoir été régulièrement autorisée par le conseil départemental à exercer un recours ;
- les moyens soulevés par le département du Finistère étaient infondés.
Par un arrêt n° 17NT02566 du 3 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel ainsi formé par le département du Finistère.
Par une décision n°427660 du 13 février 2020, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé devant la cour l'affaire, qui porte désormais le n°20NT00508.
Procédure devant la cour après cassation :
Par un mémoire enregistré le 23 mars 2020 Mme A..., représentée par Me C..., maintient ses conclusions antérieures tendant au rejet de la requête du département du Finistère et conclut à ce que soit mise à la charge de cette collectivité la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le département du Finistère ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 21 mai 2020 le département du Finistère, représenté par Me B..., maintient ses conclusions antérieures telles que visées ci-dessus.
Il soutient que :
- Mme A... n'établit pas que ses conditions de travail étaient de nature à provoquer le développement de sa pathologie ;
- les expertises médicales qu'elle a produites sont fondées sur ses seules déclarations ;
- la circonstance que Mme A... a perdu le bénéfice du concours d'attaché territorial le 30 avril 2014 doit être, en l'espèce, regardée comme un fait personnel de l'agent de nature à détacher la survenance de sa maladie du service ;
- les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme A... sont devenues sans objet dans la mesure où, en exécution du jugement attaqué du tribunal administratif de Rennes, il a pris le 30 août 2017 un arrêté reconnaissant l'imputabilité au service de la maladie de Mme A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- les observations de Me F..., représentant le département du Finistère, et de Me C..., représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a été recrutée le 1er octobre 2003 par le conseil départemental du Finistère en qualité d'adjointe administrative stagiaire et a été titularisée dans ce grade le 1er octobre 2004. Après avoir réussi le concours de rédacteur territorial, elle a été nommée le 1er janvier 2012 sur un poste d'assistante comptable budgétaire au sein du service du pilotage et de la préparation budgétaire (SPPB), rattaché à la direction des finances et de la commande publique du conseil départemental. Elle a été titularisée le 1er janvier 2013. Mme A... a également réussi les épreuves du concours d'attaché territorial en 2011, mais a perdu le bénéfice de ce concours le 30 avril 2014. Elle a été placée en congé pour longue maladie du 28 avril 2014 au 17 octobre 2015 en raison d'un état dépressif. Par un courrier du 11 janvier 2015 elle a demandé que ce congé soit pris en charge au titre d'une maladie professionnelle contractée en service. Par un arrêté du 17 juillet 2015, la présidente du conseil départemental du Finistère a rejeté sa demande. Mme A... a saisi le tribunal administratif de Rennes d'un recours tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 22 juin 2017, ce tribunal a fait droit à sa demande. Le département du Finistère a relevé appel de ce jugement. Par un arrêt du 3 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête. Par une décision du 13 février 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt du 3 décembre 2018 et a renvoyé devant la cour l'affaire, qui porte désormais le n°20NT00508.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable à la date de la décision en litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ".
3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
4. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que Mme A... est entrée en conflit avec sa chef de service en 2013 et que ce conflit est directement à l'origine de l'état dépressif dont elle a souffert, pour lequel elle a bénéficié d'un premier arrêt de travail le 13 août 2013, puis d'un congé pour longue maladie du 28 avril 2014 au 17 octobre 2015. Mme A... attribue la détérioration de sa relation de travail avec sa supérieure hiérarchique au comportement de celle-ci, qu'elle qualifie de " harcèlement ", et qui se serait notamment manifesté par des injonctions contradictoires, par l'attribution d'une charge de travail excessive destinée à l'épuiser, par la rétention d'informations et de documents afin de la déstabiliser, par une mise à l'écart, par des propos vexatoires et menaçants et par un comportement violent. Toutefois, l'intéressée ne produit aucun élément concret (courriels, attestations, témoignages, etc.) et ne rapporte aucun incident précis permettant de confirmer ses allégations. En revanche, le département produit plusieurs témoignages de collègues de travail de Mme A... qui établissent que ses difficultés relationnelles avec sa supérieure trouvent leur origine dans son propre comportement, caractérisé par une tendance à l'isolement, par des difficultés à remplir efficacement certaines de ses missions et par un état de tension croissant généré par son obligation de trouver un emploi d'attaché territorial au sein du département du Finistère pour ne pas perdre le bénéfice de son concours. Par suite, et en dépit du fait que les médecins qui ont examiné Mme A... en 2014 et 2015 ont conclu, en l'absence d'antécédents, et sur la base de ses seules déclarations, à l'imputabilité au service de sa pathologie, et alors même qu'il ressort des pièces du dossier que certaines des collègues de Mme A... ont connu des difficultés transitoires d'adaptation lors de leur affectation au SPPB, le comportement de la requérante doit être regardé en l'espèce comme un fait personnel conduisant à détacher la survenance de sa maladie du service. C'est donc à tort que les premiers juges, au motif que la pathologie de Mme A... était imputable au service, ont annulé l'arrêté contesté du 17 juillet 2015.
5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par Mme A... devant le tribunal administratif de Rennes.
6. La décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie d'un agent doit être regardée comme refusant un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir, au sens de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, alors en vigueur, et est ainsi au nombre de celles qui, en application de cet article, doivent être motivées.
7. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté du 17 juillet 2015 rappelle l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles il est fondé et précise en particulier que les faits invoqués par l'agent ne sont pas matériellement établis. Il est donc suffisamment motivé.
8. Il résulte de ce qui précède que le département du Finistère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 17 juillet 2015 refusant à Mme A... la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie.
Sur l'injonction :
9. Le présent arrêt, eu égard aux motifs qui le fondent, n'implique aucune mesure d'exécution.
Sur les frais liés au litige :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge des parties les frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°1503974 du tribunal administratif de Rennes du 22 juin 2017 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par le département du Finistère et par Mme A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au département du Finistère et à Mme E... A....
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. D..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 novembre 2020.
Le rapporteur
E. D...Le président
I. PerrotLe greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion et des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT00508