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06/11/2020 | FRANCE | N°19NT05052-20NT01577

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 06 novembre 2020, 19NT05052-20NT01577


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune nouvelle de Segré-en-Anjou-Bleu a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 19 juin 2017 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire lui a attribué la dotation globale de fonctionnement au titre de l'année 2017 en tant qu'elle n'inclut pas une somme de 314 523 euros au titre de la dotation de consolidation, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux, et d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui verser la somme de 314 523 euros avec intérêts au t

aux légal à compter du 24 août 2017 et capitalisation des intérêts, dans...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune nouvelle de Segré-en-Anjou-Bleu a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 19 juin 2017 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire lui a attribué la dotation globale de fonctionnement au titre de l'année 2017 en tant qu'elle n'inclut pas une somme de 314 523 euros au titre de la dotation de consolidation, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux, et d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui verser la somme de 314 523 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 août 2017 et capitalisation des intérêts, dans un délai d'un mois, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1711076 du 6 novembre 2019, le tribunal administratif de Nantes a, en premier lieu, annulé la décision du 19 juin 2017 notifiant à la commune nouvelle de Segré-en-Anjou-Bleu la dotation globale de fonctionnement au titre de l'année 2017 en tant qu'elle exclut cette collectivité territoriale du bénéfice de la dotation de consolidation, et en deuxième lieu, a enjoint au préfet de Maine-et-Loire, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, de procéder à un nouveau calcul de la dotation globale de fonctionnement de la commune nouvelle de Segré-en-Anjou-Bleu pour l'année 2017 en y incluant une dotation de consolidation d'un montant égal à la dotation d'intercommunalité qui aurait été allouée à la communauté de communes du canton de Segré, au titre de la même année, si la commune nouvelle n'avait pas été créée et de verser à la commune nouvelle de Segré-en-Anjou Bleu le solde résultant de la différence entre le montant ainsi recalculé et celui qui lui a été notifié le 19 juin 2017, avec intérêts au taux légal à compter du 24 août 2017 et capitalisation des intérêts échus à la date du 24 août 2018 puis à chaque échéance annuelle.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 31 décembre 2019 sous le numéro 19NT05052, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1711076 du tribunal administratif de Nantes du 6 novembre 2019 ;

2°) d'annuler l'injonction prononcée à l'encontre du préfet de Maine-et-Loire par l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 novembre 2019 :

3°) de rejeter la demande de la commune de Segré-en-Anjou-Bleu devant le tribunal administratif de Nantes, et notamment sa demande tendant à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif de Nantes a eu une interprétation erronée des dispositions du IV de l'article L. 2113-20 du code général des collectivités territoriales en élargissant le bénéfice de la dotation de consolidation visée par ces dispositions aux communes nouvelles créées à partir d'une même intercommunalité à fiscalité propre dont la population est supérieure à 15 000 habitants ; la loi de finances pour 2016 a instauré un plafond de 15 000 habitants au-delà duquel les communes nouvelles créées à partir de toutes les communes membres d'une même intercommunalité à fiscalité propre n'étaient plus éligibles aux avantages financiers et a introduit le troisième alinéa du IV de l'article L. 2113-20 du code, ainsi que cela ressort des débats parlementaires ; c'est la commission des finances du Sénat qui a souhaité maintenir pour une durée de trois ans la dotation de consolidation tout en lui appliquant le même plafond de 15 000 habitants que l'Assemblée nationale avait fixé pour les autres avantages financiers aux communes créées à partir d'une même intercommunalité ; c'est donc exclusivement aux communes nouvelles créées à partir de toutes les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la population n'excède pas 15 000 habitants que le législateur a entendu réserver non seulement la garantie de non baisse de la dotation de consolidation mais également son attribution pendant trois années ; le premier alinéa du IV de l'article L. 2113-20 n'est pas applicable seul et doit être lu complété par les autres alinéas du IV ;

- la lecture effectuée par le tribunal administratif de Nantes de l'articulation des alinéas du IV de l'article L. 2113-20 du code général des collectivités territoriales aboutit à recalculer chaque année, sans limitation de durée, une dotation d'intercommunalité " fictive " pour toute une série d'établissements publics de coopération intercommunale disparus pour l'attribuer à la commune nouvelle, mécanisme incompatible avec les modalités de calcul actuelles de la dotation d'intercommunalité qui est répartie au sein d'une enveloppe fermée ;

- l'interprétation retenue par les premiers juges conduit à intégrer de façon pérenne la dotation d'intercommunalité de l'ancien établissement public de coopération intercommunale dans la dotation forfaitaire de toutes les communes nouvelles créées à partir d'une même intercommunalité à fiscalité propre, ce qui crée une inégalité entre communes se trouvant dans une situation identique, en méconnaissance du principe d'égalité entre les communes ; une commune nouvelle créée à partir de l'ensemble des communes membres d'une intercommunalité à fiscalité propre est tenue, en application de l'article L. 2113-9 du code général des collectivités territoriales, d'adhérer à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et bénéficiera donc d'une double dotation d'intercommunalité ; cela porte également atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques ; il est ainsi prévu de créer une nouvelle intercommunalité à fiscale propre regroupant, au nord-ouest du Maine-et-Loire, la communauté candéenne de coopérations intercommunales, la communauté de communes de Pouancé-Combrée et la communauté de communes du canton de Segré ; un nouvel établissement public de coopération intercommunale à fiscale propre, dénommé communauté de communes Anjou Bleu Communauté a été créé au 1er janvier 2017 et est éligible à la dotation d'intercommunalité conformément aux dispositions de l'article L. 5211-29 du code général des collectivités territoriales ;

- si le IV de l'article L. 2113-20 du code général des collectivités territoriales pouvait se lire de manière indépendante des deux alinéas suivants, il faudrait considérer que cet alinéa prévoit qu'une dotation de consolidation ne peut être intégrée à la dotation forfaitaire d'une commune nouvelle regroupant toutes les communes membres d'un ou plusieurs établissements publics de coopération intercommunale qu'à la condition qu'elle s'y substitue en l'absence de création de commune nouvelle ; la condition de pleine substitution n'est pas remplie par la commune de Segré-en-Anjou-Bleu, qui à compter du 1er janvier 2017, concomitamment à son érection en tant que commune nouvelle, a rejoint la communauté de communes Anjou Bleu Communauté ; la commune nouvelle de Segré-en-Anjou-Bleu ne s'est donc pas substituée à la communauté de communes du canton de Segré puisqu'elle n'a jamais exercé les compétences et obligations relevant d'une intercommunalité à fiscalité propre ; la commune de Segré-en-Anjou-Bleu ne s'étant pas substituée à l'ancienne communauté de communes du canton de Segré, elle ne remplit pas l'une des conditions nécessaires pour la rendre éligible à une dotation de consolidation ; la communauté de communes Anjou Bleu Communauté a été éligible et a perçu dès 2017 une dotation d'intercommunalité ; le bénéfice d'une dotation de consolidation intégrée à la dotation forfaitaire d'une commune nouvelle repose, entre autres, sur le souci d'allouer à la nouvelle collectivité une dotation correspondant à l'exercice de compétences et d'obligations relevant d'un autre type de structure institutionnelle, les établissements publics de coopération intercommunale, et donc à la substitution pleine et entière de la commune nouvelle à ses anciennes communes et intercommunalités.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2020, la commune de Segré-en-Anjou-Bleu, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 314 523 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 août 2017 et capitalisation des intérêts, dans un délai de huit jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle doit bénéficier d'une dotation de consolidation fixée au montant de la dotation d'intercommunalité en application des dispositions du IV de l'article L. 2113-20 du code général des collectivités territoriales ; le préfet de Maine-et-Loire a cependant omis d'intégrer le montant de la dotation d'intercommunalité précédemment perçue par la communauté de communes du Canton de Segré en 2016 pour un montant de 314 523 euros ; le préfet a ainsi commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation ; la garantie de principe du maintien de la dotation de consolidation n'a pas été affectée par le législateur qui n'a pas supprimé le premier alinéa, mais a simplement prévu que la durée de maintien de cette dotation pendant trois ans était réservée, pour les communes nouvelles créées entre le 2 janvier et le 30 septembre 2016 à celles dont la population est inférieure à 15 000 habitants ; dès lors, seule la garantie d'un montant pendant trois années a été introduite et limitée par la population composant la commune nouvelle, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Nantes ; pour l'année 2017, le législateur n'a ainsi pas entendu priver les communes nouvelles regroupant toutes les communes membres d'une établissement public de coopération intercommunale d'une dotation de consolidation égale au montant de la dotation d'intercommunalité qui aurait été perçue au titre de la même année par l'établissement public de coopération intercommunale ;

- le préfet n'est pas fondé à soutenir qu'une double dotation d'intercommunalité serait mise en oeuvre ; le tribunal administratif de Nantes n'a pas indiqué que le mécanisme de perception de la dotation de consolidation serait mis en oeuvre sans limite de temps, mais simplement rappelé que la garantie du maintien d'un montant était limitée à trois ans ; le mécanisme de l'article L. 2113-20 n'a pas pour objet ou pour effet de supprimer le bénéfice de la dotation pour l'établissement public de coopération intercommunale rejoint par la commune nouvelle.

Par l'ordonnance n° 19NT05052 du 16 juin 2020 le président de la 4ème chambre de la cour administrative d'appel a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune de Segré-en-Anjou-Bleu.

II. Par une demande, enregistrée le 16 avril 2020, la commune de Segré-en-Anjou-Bleu a saisi la cour d'une demande tendant à l'exécution du jugement n° 1711076 du tribunal administratif de Nantes du 6 novembre 2019.

Par une ordonnance du 8 juin 2020 n° 20NT01577, le Président de la cour administrative d'appel de Nantes a décidé l'ouverture de la procédure juridictionnelle prévue à l'article R. 921-6 du code de justice administrative sur la demande d'exécution présentée par la commune de Segré-en-Anjou-Bleu.

Par un mémoire, enregistré le 10 septembre 2020, la commune de Segré-en-Anjou-Bleu, représentée par Me A..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'enjoindre à l'Etat dans un délai de huit jours de procéder à un nouveau calcul de sa dotation globale de fonctionnement pour l'année 2017, en y incluant une dotation de consolidation d'un montant égal à la dotation d'intercommunalité qui aurait été allouée à la communauté de communes du canton de Segré, au titre de la même année, si la commune nouvelle n'avait pas été créée et de lui verser le solde résultant de la différence entre le montant ainsi recalculé et celui qui lui a été notifié le 19 juin 2017, avec intérêts au taux légal à compter du 24 août 2017 et capitalisation au 24 août 2018 et à chaque échéance annuelle, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

2°) d'enjoindre à l'Etat dans un délai de huit jours de procéder au versement de la somme de 1 500 euros due en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, avec intérêts depuis la date du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les services préfectoraux n'ayant ni exécuté l'injonction du tribunal administratif de Nantes ni versé la somme de 1 500 euros, elle est obligée de saisir la cour administrative d'appel sur le fondement des dispositions des articles L. 911-2, L. 911-3, L. 911-4, R. 921-2, R. 921-5 et R. 921-6 du code de justice administrative ; il doit donc être enjoint à l'Etat de procéder à un nouveau calcul de sa dotation globale de fonctionnement pour 2017 en y incluant une dotation de consolidation d'un montant égal à la dotation d'intercommunalité qui aurait été allouée à la communauté de communes du canton de Segré au titre de la même année si la commune nouvelle n'avait pas été créée, et de lui verser le solde résultant de la différence entre le montant ainsi recalculé et celui qui lui a été notifié le 19 juin 2017, avec intérêts au taux légal à compter du 24 août 2017 et capitalisation des intérêts ;

- s'agissant du versement de la somme due au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le préfet ne justifie pas qu'il a procédé au versement de la somme le 7 février 2020 sur le compte CARPA spécifique à l'affaire ; des recherches ont néanmoins permis de relever qu'un mandatement serait intervenu sur un compte générique du barreau d'Angers ;

- s'agissant des difficultés d'exécution alléguées par le préfet de Maine-et-Loire, il ne lui appartient pas de supporter les difficultés d'organisation interne entre les services centraux ou déconcentrés de l'Etat ; il ne s'agit pas d'une cause légitime faisant obstacle à l'exécution d'une décision exécutoire ; le préfet n'établit, en outre, pas les difficultés d'exécution alléguées ; il n'existe aucune difficulté puisque le préfet a pu procéder à ces calculs lors d'autres communes nouvelles créées et regroupant intégralement le territoire d'une établissement public de coopération intercommunale dans le département.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 juillet 2020 et le 18 septembre 2020, le préfet de Maine-et-Loire demande à la cour :

1°) de surseoir à statuer sur la demande d'exécution de la commune de Segré-en-Anjou-Bleu dans l'attente de l'arrêt statuant sur l'appel interjeté par le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ;

2°) en application des dispositions de l'article R. 921-1 du code de justice administrative de lui apporter des éclaircissements sur les modalités selon lesquelles doit s'effectuer le calcul de la dotation d'intercommunalité au titre de l'exercice 2017 de l'ancienne communauté de communes du canton de Segré ou à défaut de transmettre la demande d'éclaircissement au Conseil d'Etat ;

Il soutient que :

- en ce qui concerne les mesures prises en vue de l'exécution, il doit solliciter une délégation complémentaire de crédits auprès du ministre en charge des collectivités ce qu'il a fait par courriers du 8 novembre 2019 et du 4 mai 2020 sollicitant du ministre qu'il procède à un nouveau calcul de la dotation d'intercommunalité de la commune de Segré-en-Anjou-Bleu et qu'il lui délègue les crédits nécessaires ; il n'a pas été destinataire des crédits ; les services du ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales l'ont informé de difficultés sérieuses ;

- en ce qui concerne les difficultés sérieuses dans l'exécution de l'injonction prononcée par le tribunal administratif, l'Etat est dans l'impossibilité de procéder au calcul impliqué par le jugement ; le calcul du montant de la dotation d'intercommunalité, nécessaire pour exécuter le jugement, repose sur des indicateurs financiers qui ne peuvent être déterminés s'agissant d'une communauté de communes qui n'existe plus, s'agissant notamment du potentiel fiscal de l'établissement public de coopération intercommunale et de son coefficient d'intégration fiscale, en application des dispositions des II et III de l'article L. 5211-30 du code général des collectivités territoriales ; l'établissement public de coopération intercommunale n'existant plus n'a pas voté les taux de fiscalité directe locale et ne dispose plus de produits intercommunaux et d'attributions de compensation permettant de calculer son potentiel fiscal et son coefficient d'intégration fiscale ; le montant de consolidation des autres communes nouvelles invoquées par la commune de Segré-en-Anjou-Bleu n'a pas été déterminé en application du premier alinéa du IV de l'article L. 2113-20 du code général des collectivités territoriales mais en application des dispositions des deuxième et troisième alinéa du IV du même article, qui ne sont précisément pas applicables à la commune de Segré-en-Anjou-Bleu qui a une population supérieure au seuil de 15 000 habitants ;

- en ce qui concerne le versement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il n'y a pas lieu de prononcer les mesures d'exécution réclamées, la commune de Segré-en-Anjou-Bleu reconnaissant que le virement a bien été effectué.

Par une ordonnance du 23 juin 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 septembre 2020.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la Constitution ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B..., première conseillère,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la commune de Segré-en-Anjou-Bleu.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 28 septembre 2016, a été créée, à compter du 15 décembre 2016, la commune nouvelle de Segré-en-Anjou Bleu, comprenant les anciennes communes d'Aviré, Le Bourg-d'Iré, la Chapelle-sur-Oudon, Chatelais, La Ferrière-de-Flée, L'Hôtellerie-de-Flée, Louvaines, Marans, Montguillon, Noyant-la-Gravoyère, Nyoiseau, Sainte-Gemmes-d'Andigné, Saint-Martin-du-Bois, Saint-Sauveur de Flée et Segré. La commune nouvelle regroupant les communes qui formaient anciennement la communauté de communes du canton de Segré, cette dernière a disparu à compter de la même date. Par une décision du 19 juin 2017, le préfet de Maine-et-Loire a notifié à la commune nouvelle de Segré-en-Anjou-Bleu le montant de sa dotation globale de fonctionnement pour l'année 2017, composée de 562 436 euros de dotation de solidarité urbaine, de 630 889 euros de dotation de solidarité rurale, de 2 065 966 euros de dotation forfaitaire et de 44 654 euros de dotation nationale de péréquation. La commune de Segré-en-Anjou-Bleu a exercé un recours gracieux par un courrier du 24 août 2017 parvenu le 28 août suivant auprès des services de la préfecture, en sollicitant le versement d'une dotation de consolidation de 341 523 euros en complément des autres dotations. Ce recours gracieux a été implicitement rejeté. Saisi par la commune de Segré-en-Anjou-Bleu, le tribunal administratif de Nantes, par un jugement n° 1711076 du 6 novembre 2019, a annulé la décision du 19 juin 2017 notifiant à la commune de Segré-en-Anjou-Bleu la dotation globale de fonctionnement au titre de l'année 2017 en tant qu'elle avait exclu cette collectivité territoriale du bénéfice de la dotation de consolidation et a enjoint au préfet de Maine-et-Loire de procéder, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, à un nouveau calcul de la dotation globale de fonctionnement de la commune nouvelle pour l'année 2017 en y incluant une dotation de consolidation d'un montant égal à la dotation d'intercommunalité qui aurait été allouée à la communauté de communes du canton de Segré, au titre de la même année, si la commune nouvelle n'avait pas été créée, et de verser à la commune nouvelle de Segré-en-Anjou Bleu le solde résultant de la différence entre le montant ainsi recalculé et celui qui lui a été notifié le 19 juin 2017, avec intérêts au taux légal à compter du 24 août 2017, et capitalisation de ces intérêts au 24 août 2018 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

2. Par la requête n° 19NT05052, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales relève appel du jugement n° 1711076 du tribunal administratif de Nantes du 6 novembre 2019. Par ailleurs, par la requête n° 20NT01577, la commune de Segré-en-Anjou-Bleu demande l'exécution du même jugement. Les requêtes n° 19NT05052 et 20NT01577 sont relatives à un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour que la cour se prononce par un arrêt commun.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. L'article L. 2113-20 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable, dispose que : " I. - Les communes nouvelles mentionnées à l'article L. 2113-1 bénéficient de la dotation forfaitaire prévue aux articles L. 2334-7 à L. 2334-12. / (...) Au cours des trois premières années suivant le 1er janvier de l'année de leur création, l'article L. 2334-7-3 ne s'applique pas à la dotation forfaitaire des communes nouvelles dont l'arrêté de création a été pris entre le 2 janvier 2016 et le 1er janvier 2017 en application de délibérations concordantes des conseils municipaux regroupant soit des communes dont la population globale est inférieure ou égale à 10 000 habitants, soit toutes les communes membres d'un ou de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la population globale est inférieure ou égale à 15 000 habitants. / II. - La première année de la création de la commune nouvelle, sa dotation forfaitaire est égale à la somme des dotations forfaitaires versées aux communes anciennes l'année précédant la fusion, majorée ou minorée du produit de la différence entre la population de la commune nouvelle et les populations des communes anciennes l'année précédente par un montant compris entre 64,46 € et 128,93 € par habitant en fonction croissante de la population de la commune nouvelle. Cette dotation est calculée dans les conditions prévues au III de l'article L. 2334-7. / (...) Au cours des trois premières années suivant leur création, les communes nouvelles dont l'arrêté de création a été pris entre le 2 janvier 2016 et le 1er janvier 2017 en application de délibérations concordantes des conseils municipaux regroupant soit des communes dont la population globale est inférieure ou égale à 10 000 habitants, soit toutes les communes membres d'un ou de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la population globale est inférieure ou égale à 15 000 habitants perçoivent une attribution au titre de la dotation forfaitaire prévue au même article L. 2334-7 au moins égale à la somme des dotations perçues par chacune des anciennes communes l'année précédant la création de la commune nouvelle. / II bis. - (...) Au cours des trois premières années suivant leur création, les communes nouvelles dont l'arrêté de création a été pris entre le 2 janvier 2016 et le 1er janvier 2017 en application de délibérations concordantes des conseils municipaux regroupant une population comprise entre 1 000 et 10 000 habitants bénéficient, en outre, d'une majoration de 5 % de leur dotation forfaitaire calculée dès la première année dans les conditions prévues aux I et II du présent article. / III. - La commune nouvelle regroupant toutes les communes membres d'un ou plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre perçoit en outre une part "compensation" telle que définie à l'article L. 5211-28-1, égale à l'addition des montants perçus à ce titre par le ou les établissements publics de coopération intercommunale dont elle est issue, indexés selon le taux d'évolution fixé par le comité des finances locales et minorés, le cas échéant, du prélèvement prévu au 1.2.4.2 de l'article 77 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 précitée. / (...) Au cours des trois premières années suivant le 1er janvier de l'année de leur création, les communes nouvelles dont l'arrêté de création a été pris entre le 2 janvier 2016 et le 1er janvier 2017 en application de délibérations concordantes des conseils municipaux regroupant toutes les communes membres d'un ou de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la population globale est inférieure ou égale à 15 000 habitants perçoivent une part " compensation " au moins égale à la somme des montants de la dotation de compensation prévue au même article L. 5211-28-1 et perçus par le ou les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre l'année précédant la création de la commune nouvelle. / IV. - Lorsque la commune nouvelle regroupe toutes les communes membres d'un ou plusieurs établissements publics de coopération intercommunale, sa dotation forfaitaire comprend en outre les attributions d'une dotation de consolidation égale au montant de la dotation d'intercommunalité qui aurait été perçue, au titre de la même année, en application des articles L. 5211-29 à L. 5211-33 par le ou les établissements publics de coopération intercommunale auxquels elle se substitue en l'absence de création de commune nouvelle. / (...) / Au cours des trois premières années suivant leur création, les communes nouvelles dont l'arrêté de création a été pris entre le 2 janvier 2016 et le 1er janvier 2017 en application de délibérations concordantes des conseils municipaux regroupant toutes les communes membres d'un ou de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la population globale est inférieure ou égale à 15 000 habitants perçoivent une dotation de consolidation au moins égale à la somme des montants de la dotation d'intercommunalité perçus par le ou les établissements publics de coopération intercommunale l'année précédant la création de la commune nouvelle ".

4. Il résulte des dispositions précitées du IV de l'article L. 2113-20 du code général des collectivités territoriales, en particulier de ses premier et troisième alinéas qui ne peuvent être interprétés indépendamment l'un de l'autre, telles qu'éclairées par les travaux parlementaires, que le législateur a entendu réserver aux communes nouvelles regroupant toutes les communes membres d'un ou plusieurs établissements publics de coopération intercommunale dont la population globale est inférieure ou égale à 15 000 habitants, quand elles ont été créées après le 1er janvier 2016, à la fois le bénéfice du maintien d'une dotation de consolidation au moins égale à la somme des montants de la dotation d'intercommunalité perçus par le ou les établissements publics de coopération l'année précédant la création de la commune nouvelle, maintien prévu par le troisième alinéa du IV de l'article, mais aussi le bénéfice d'une dotation de consolidation égale au montant de la dotation d'intercommunalité qui aurait été perçue, au titre de la même année, en application des articles L. 5211-29 à L. 5211-33 par le ou les établissements publics de coopération intercommunale auxquels la commune nouvelle s'est substituée. Il est constant en l'espèce que la commune de Segré-en-Anjou-Bleu, qui a été créée le 28 septembre 2016 et qui regroupe l'ensemble des communes qui constituaient auparavant la communauté de communes du canton de Segré, a une population supérieure à 15 000 habitants. C'est donc en faisant une exacte application des dispositions citées ci-dessus du IV de l'article L. 2113-20 du code général des collectivités territoriales que le préfet de Maine-et-Loire a exclu du calcul de la dotation globale de fonctionnement allouée à cette commune nouvelle au titre de l'année 2017 le versement d'une dotation de consolidation.

5. Il résulte de ce qui précède, aucun autre moyen n'ayant été invoqué par la commune nouvelle de Segré-en-Anjou-Bleu devant les premiers juges, que la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du préfet de Maine-et-Loire du 19 juin 2017 en tant qu'elle exclut la commune de Segré-en-Anjou-Bleu du bénéfice de la dotation de consolidation et qu'elle a enjoint au préfet de Maine-et-Loire de procéder à un nouveau calcul de la dotation globale de fonctionnement de la commune de Segré-en-Anjou-Bleu pour l'année 2017.

Sur la demande d'exécution du jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 novembre 2019 :

6. Le présent arrêt annulant le jugement n° 1711076 du tribunal administratif de Nantes du 6 novembre 2019, la demande de la commune de Segré-en-Anjou-Bleu tendant à l'exécution de ce jugement est sans objet. Les conclusions du préfet de Maine-et-Loire tendant par ailleurs à ce que la Cour précise les mesures d'exécution de ce jugement en application des dispositions de l'article R. 921-1 du code de justice administrative ou transmette la demande d'éclaircissements au Conseil d'Etat sont, en tout état de cause, également sans objet.

Sur les frais du litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans les deux instances, soit condamné à verser à la commune de Segré-en-Anjou-Bleu la somme que cette dernière demande en application de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1711076 du tribunal administratif de Nantes du 6 novembre 2019 est annulé.

Article 2 : La demande de la commune de Segré-en-Anjou-Bleu présentée devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Segré-en-Anjou-Bleu dans la requête à fin d'exécution n° 20NT01577 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Segré-en-Anjou-Bleu et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme B..., première conseillère.

Lu en audience publique le 6 novembre 2020.

La rapporteure,

M. B...Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT05052 - 20NT01577


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT05052-20NT01577
Date de la décision : 06/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : LEXCAP ANGERS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-11-06;19nt05052.20nt01577 ?
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