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06/11/2020 | FRANCE | N°19NT03294

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 06 novembre 2020, 19NT03294


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Caen, d'une part, de prononcer l'annulation des onze titres de recette exécutoires, émis du 23 juillet 2012 au 10 février 2016, par lesquels la commune de Villedieu-les-Poêles-Rouffigny a mis à leur charge le paiement d'une somme totale de 54 933,81 euros et de les décharger de l'obligation de payer cette somme, d'autre part, de condamner la commune de Villedieu les Poêles-Rouffigny à leur rembourser la somme de 5 325 euros dont elle aurait indûment

obtenu le paiement par le moyen d'un avis à tiers détenteur dépourvu de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Caen, d'une part, de prononcer l'annulation des onze titres de recette exécutoires, émis du 23 juillet 2012 au 10 février 2016, par lesquels la commune de Villedieu-les-Poêles-Rouffigny a mis à leur charge le paiement d'une somme totale de 54 933,81 euros et de les décharger de l'obligation de payer cette somme, d'autre part, de condamner la commune de Villedieu les Poêles-Rouffigny à leur rembourser la somme de 5 325 euros dont elle aurait indûment obtenu le paiement par le moyen d'un avis à tiers détenteur dépourvu de fondement légal.

Par un jugement n° 1700584 du 14 juin 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande et a rejeté les conclusions présentées par la commune de Villedieu-les-Poêles-Rouffigny au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 août 2019, et un mémoire, enregistré le 15 janvier 2020, M. et Mme C..., représentés par la SELARL Juriadis, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen en date du 14 juin 2019 ;

2°) d'une part, de prononcer l'annulation des onze titres exécutoires, émis du 23 juillet 2012 au 10 février 2016, par lesquels la commune de Villedieu-les-Poêles-Rouffigny a mis à leur charge le paiement d'une somme totale de 54 933,81 euros et de les décharger de l'obligation de payer cette somme, d'autre part, de condamner la commune de Villedieu les Poêles-Rouffigny à leur rembourser la somme de 5 325 euros dont elle a indûment obtenu le paiement par le moyen d'un avis à tiers détenteur dépourvu de fondement légal ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Villedieu-les-Poêles-Rouffigny la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- si un pli dont il est allégué par la commune qu'ils contiendrait les titres exécutoires autres que le titre exécutoire n° 34 émis le 10 février 2016 a été notifié le 14 octobre 2015, ce pli a été réceptionné par une personne autre qu'eux ; en effet, le signataire de l'accusé de réception du pli n'est pas identifié, son nom et son prénom n'étant pas indiqués ; en outre, rien ne démontre que les titres exécutoires étaient compris dans ce pli ; dès lors, ils étaient recevables à demander l'annulation de ces titres devant le tribunal administratif ;

- les titres exécutoires contestés ne comportent pas l'indication, en des termes compréhensibles, de l'objet de la créance sur laquelle ils portent ; ils ne mentionnent pas non plus les bases de la liquidation ; ainsi, ils méconnaissent l'article 24 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

- les engagements de caution souscrits par M. et Mme C... étaient disproportionnés par rapport à leur patrimoine et à leurs revenus dès lors que la disproportion des engagements de caution doit être appréciée en prenant en considération, non pas le patrimoine global du couple, mais les seuls revenus et patrimoine détenus en propre par chacune des cautions solidaires ; ainsi, l'article L. 343-4 du code de la consommation a été méconnu ;

- les titres exécutoires n° 632, émis le 6 novembre 2012, n° 612, émis le 16 octobre 2012, n° 353, émis le 23 juillet 2012, et n° 631, émis le 6 novembre 2012, portent sur des créances atteintes par la prescription quadriennale dès lors que M. et Mme C... ont reçu notification des onze titres exécutoires litigieux le 7 février 2017 ;

- l'avis à tiers détenteur portant sur la somme de 5 325 euros, visant au recouvrement d'une partie des créances mentionnées dans les titres exécutoires, est dépourvu de base légale.

Par un mémoire, enregistré le 16 janvier 2020, la commune de Villedieu-les-Poêles-Rouffigny, représentée par la SELARL Médéas, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge solidaire de M. et Mme C... une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 11 décembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 janvier 2020.

M. et Mme C... ont produit un mémoire, enregistré le 31 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jouno, rapporteur,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant M. et Mme C..., et Me B..., représentant la commune de Villedieu-les-Poêles-Rouffigny.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte notarié du 9 mars 2007, la SARL Camping Les Chevaliers, dont l'intégralité des parts était détenue par M. et Mme D... C..., a conclu un bail emphytéotique d'une durée de 25 ans avec la commune de Villedieu-les-Poêles-Rouffigny, en vue de la reprise du camping municipal de cette ville. Ce bail stipulait que M. et Mme C... se portaient caution personnelle et solidaire " à concurrence du montant du loyer et des charges ainsi que de tous les intérêts, frais et accessoires s'appliquant à ce montant ". La SARL Camping Les Chevaliers n'ayant pas honoré l'intégralité de ses engagements envers la commune de Villedieu-les-Poêles-Rouffigny, cette dernière, sur le fondement de cet engagement de caution, a émis notamment onze titres exécutoires à l'encontre des époux C..., échelonnés du 23 juillet 2012 au 10 février 2016, en vue d'obtenir le paiement des sommes dues par sa cocontractante, pour un montant total s'élevant à 54 933,81 euros. En l'absence de paiement de cette somme par la SARL Camping Les Chevaliers ou par M. et Mme C..., la commune a notifié le 8 juin 2016 des avis à tiers détenteur à trois personnes physiques prenant à bail des locaux à usage d'habitation auprès de M. et Mme C.... Un de ces trois locataires a versé à la commune l'ensemble de ses loyers sur la période de juillet 2016 à février 2017, soit une somme de 5 325 euros. Le 31 mars 2017, M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Caen, d'une part, d'annuler les onze titres exécutoires et de les décharger de l'obligation de payer la somme de 54 933,81 euros et, d'autre part, de condamner la commune de Villedieu-les-Poêles-Rouffigny à leur rembourser la somme de 5 325 euros. Par un jugement du 14 juin 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande, tout en rejetant les conclusions présentées par la commune de Villedieu-les-Poêles-Rouffigny au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Devant la cour, M. et Mme C... relèvent appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes du dernier alinéa du 1° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite ". Il résulte de ces dispositions que le recours formé contre un titre exécutoire émis par une collectivité territoriale ou un établissement public local doit être présenté, à peine de forclusion, dans un délai de deux mois.

3. En l'espèce, par une lettre datée du 12 octobre 2015 adressée à M. et Mme C..., le trésorier en charge de la trésorerie de Villedieu-Percy a informé ces derniers que la commune de Villedieu-les-Poêles-Rouffigny avait émis des " avis des sommes à payer " portant sur les créances détenues par celle-ci sur eux, en leur qualité de caution solidaire de la SARL Camping Les Chevaliers, pour un montant total de 67 664,30 euros. Cette lettre précisait qu'elle comportait, en pièces jointes, ces " avis des sommes à payer " ainsi qu'un " récapitulatif ". M. et Mme C... persistent à soutenir qu'ils n'ont pas reçu le pli et qu'en tout état de cause, il n'est pas établi que ce pli ait compris les dix titres exécutoires dont il s'agit. Toutefois, d'une part, la commune de Villedieu-les-Poêles-Rouffigny a produit l'accusé de réception du pli, lequel indique qu'il a été adressé au domicile de M. et Mme C..., c'est-à-dire à l'adresse indiquée par ces derniers à l'administration. Dans ces conditions, et dès lors que les requérants ne démontrent pas que le signataire de l'accusé de réception n'avait pas qualité pour recevoir le pli, le moyen tiré de ce que sa notification serait irrégulière doit être écarté.

4. D'autre part, alors que le récapitulatif des sommes dues par M. et Mme C..., dont il n'est pas contesté qu'il était compris dans le pli litigieux, mentionnait précisément les sommes portées sur les dix premiers titres exécutoires litigieux, les requérants ne présentent aucun commencement de preuve de ce que ces titres, lesquels d'ailleurs comportent tous la mention des voies et délais de recours, n'auraient, contrairement aux indications claires portées dans la lettre d'accompagnement, pas été également compris dans ce pli.

5. Par conséquent, c'est sans entacher leur jugement d'irrégularité que les premiers juges ont rejeté comme présentées tardivement devant eux les conclusions tendant à l'annulation des titres exécutoires émis les 23 juillet 2012, 16 octobre 2012, 6 novembre 2012, 31 décembre 2012, 24 juillet 2014, 9 décembre 2014, 23 avril 2015, 18 août 2015 et 29 septembre 2015.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le titre exécutoire émis le 10 février 2016 :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 24 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, applicable notamment aux collectivités territoriales : " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. (...) ".

7. Il résulte de l'instruction que le titre exécutoire émis le 10 février 2016 porte sur une créance de 3 170,77 euros. Il comporte, comme objet, la mention : " REMBOURSEMENT CONSO + ABONT ELECTRICITE DE AOUT A DECEMEBRE P/ CAMPING - CONSO DU 04/08 AU 31/12 ". Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, cette mention indique, en des termes suffisamment clairs et précis, que ce titre exécutoire tend au remboursement des consommations d'eau et d'électricité de la SARL Camping Les Chevaliers pour la période du 4 août au 31 décembre 2015. Conformément aux dispositions de l'article 24 du décret précité du 7 novembre 2012, elle permet ainsi aux requérants de connaître les bases de calcul de la somme portée sur le titre, de sorte à pouvoir la contester utilement.

8. En second lieu, les requérants soutiennent que les engagements de caution qu'ils ont souscrits étaient disproportionnés par rapport à leurs revenus et à leurs patrimoines, ces derniers devant être appréciés distinctement pour chacun d'entre eux. A l'appui de ce moyen, ils affirment que l'engagement de caution porte sur un loyer de 250 000 euros, alors que le patrimoine net de M. C... et celui de son épouse, mariés sous le régime de la séparation de biens, s'élèvent respectivement à 125 000 euros et 716 500 euros.

9. Il résulte toutefois des énonciations de l'acte notarié du 9 mars 2007 que les engagements de caution, sur le fondement desquels la commune a émis le 10 février 2016 à l'encontre de M. et Mme C... le titre exécutoire contesté, portent, ainsi qu'il a été dit au point 1, sur le " montant du loyer et des charges ainsi que [sur] tous les intérêts, frais et accessoires s'appliquant à ce montant ". Ainsi, dès lors qu'il résulte des énonciations de ce même acte notarié que le montant du loyer annuel s'élève, avant révision, non pas à 250 000 euros mais à 10 000 euros et que les autres frais sur lesquels portent l'engagement de caution présentent un caractère accessoire par rapport au loyer, les engagements de caution souscrits à l'égard de la commune, d'une part, par M. C..., et d'autre part, par son épouse ne sont en tout état de cause pas disproportionnés. La circonstance que ces derniers aient par ailleurs souscrit, auprès d'autres personnes, publiques ou privées, d'autres engagements de caution est par ailleurs sans incidence sur la validité des engagements souscrits auprès de la commune et le bien-fondé du titre exécutoire émis sur le fondement de ces derniers.

En ce qui concerne les avis à tiers détenteurs :

10. Les requérants soutiennent que des avis à tiers détenteurs ont été émis afin d'obtenir le recouvrement des sommes portées sur les titres exécutoires contestés et excipent de l'illégalité de ces titres. Toutefois, l'illégalité des titres exécutoires émis à l'encontre de M. et Mme C... n'étant pas démontrée, cette exception ne peut qu'être écartée.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Villedieu-les-Poêles-Rouffigny, qui n'est pas partie perdante, au titre des frais exposés par M. et Mme C... et non compris dans les dépens. Il n'y a par ailleurs pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge des requérants à ce même titre.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Villedieu-les-Poêles-Rouffigny au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... et à la commune de Villedieu-les-Poêles-Rouffigny.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- M. Jouno, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 novembre 2020.

Le rapporteur,

T. JounoLe président,

L. Lainé

Le greffier,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au préfet de la Manche en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 19NT03294

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03294
Date de la décision : 06/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Thurian JOUNO
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : SELARL AUGER VIELPEAU LE COUSTUMER - MEDEAS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-11-06;19nt03294 ?
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