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06/11/2020 | FRANCE | N°19NT03068

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 06 novembre 2020, 19NT03068


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de La Chapelle-Bouëxic et la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles (CRAMA) Bretagne Pays de la Loire ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la société Caillot Potin à verser à la commune une somme de 7 046,67 euros TTC, majorée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, de condamner cette même société à verser à la CRAMA Bretagne Pays de la Loire une somme de 201 169,84 euros TTC, majorée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de La Chapelle-Bouëxic et la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles (CRAMA) Bretagne Pays de la Loire ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la société Caillot Potin à verser à la commune une somme de 7 046,67 euros TTC, majorée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, de condamner cette même société à verser à la CRAMA Bretagne Pays de la Loire une somme de 201 169,84 euros TTC, majorée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, et de la condamner à verser à la commune et à la société Groupama Loire Bretagne une somme de 5 715, 53 euros, majorée des intérêts aux taux légal, au titre des frais d'expertise.

Par un jugement n° 1700875 du 21 juin 2019, le tribunal administratif de Rennes a condamné la société Caillot Potin à verser à la CRAMA Bretagne Pays de la Loire la somme de 185 178,67 euros TTC, majorée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation (article 1er), a condamné cette société à verser à la commune de La Chapelle-Bouëxic la somme de 7 046,67 euros TTC, majorée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation (article 2), a mis à la charge de cette même société le versement à la CRAMA Bretagne Pays de la Loire de la somme de 5 715,53 euros, assortie des intérêts au taux légal, au titre des frais d'expertise (article 3), a mis à sa charge le versement à la commune de La Chapelle-Bouëxic et à la société CRAMA Bretagne Pays de la Loire de la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative (article 4) et a rejeté les conclusions présentées par la société Caillot Potin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et au titre des dépens (article 5).

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2019, et un mémoire, enregistré le 8 janvier 2020, la société Caillot Potin, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 21 juin 2019 ;

2°) de rejeter la demande indemnitaire de la commune de La Chapelle-Bouëxic et de la CRAMA Bretagne Pays de la Loire et de mettre à leur charge les dépens ;

3°) de mettre à la charge de la commune de La Chapelle-Bouëxic et de la CRAMA Bretagne Pays de la Loire la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le départ de feu ayant provoqué l'incendie à l'origine des désordres litigieux ne lui est en aucune manière imputable, la cause du sinistre n'ayant jamais été formellement identifiée et que dès lors la présomption d'imputabilité de la responsabilité décennale des constructeurs ne peut lui être appliquée.

Par un mémoire, enregistré le 2 janvier 2020, la commune de La Chapelle-Bouëxic et la CRAMA Bretagne Pays de la Loire demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement attaqué pour porter à 40 086,19 euros TTC la somme principale que la société Caillot Potin a été condamnée à verser à la commune de La Chapelle-Bouëxic, réduire à 161 726,25 euros la somme devant être versée à la CRAMA Bretagne Pays de la Loire et condamner la société requérante au versement des frais d'expertise, non seulement à la CRAMA Bretagne Pays de la Loire mais aussi à la commune ;

3°) de mettre à la charge de la société Caillot Potin une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir que :

- les désordres sont décennaux et imputables à la requérante alors qu'aucune faute exonératoire de responsabilité n'est imputable à la commune ;

- la CRAMA Bretagne Pays de la Loire est subrogée dans les droits de la commune à concurrence de 161 726,25 euros ;

- compte tenu du chiffrage des travaux de réparation par l'expert, à savoir 208 216,51 euros, et des honoraires de maître d'oeuvre relatifs aux travaux de réparation, à savoir 7 046,67 euros, la part du préjudice non couverte par les indemnités d'assurance s'élève à 40 086,19 euros ; cette somme doit être versée à la commune par la requérante ; les premiers juges se sont mépris à cet égard sur l'étendue de leurs demandes.

Les parties ont été informées de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions présentées par la commune de La Chapelle-Bouëxic et son assureur, tendant à l'allocation à la commune d'une indemnité principale de 40 086,19 euros TTC présentent le caractère de conclusions nouvelles en appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jouno, rapporteur,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la commune de La Chapelle-Bouëxic et la CRAMA Bretagne Pays de la Loire.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de La Chapelle-Bouëxic a entrepris, en 2011, de faire procéder à des travaux de rénovation et d'extension de sa salle polyvalente. Par un acte d'engagement du 20 décembre 2011, le lot n° 8 du marché, portant sur l'" électricité ", le " chauffage électrique ", les " courants faibles " et la " sécurité incendie ", a été attribué à la société Caillot Potin. Les travaux à la charge de cette société ont été réceptionnés le 18 octobre 2013. Dans la nuit du 17 au 18 novembre 2014, un incendie s'est déclaré à l'intérieur de la partie rénovée de la salle polyvalente, provoquant l'effondrement des fauxplafonds. Les dommages ont été découverts le 18 novembre au matin, vers 9 heures, sans qu'aucune flamme soit alors constatée. Afin de rechercher les causes de cet incendie, une expertise a été ordonnée par le président du tribunal administratif de Rennes par une ordonnance du 2 avril 2015. La mission de l'expert a été étendue par une ordonnance du 30 juin 2015. Celui-ci a rendu son rapport le 2 novembre 2016. Le 17 février 2017, la commune et son assureur dommages-ouvrage, la CRAMA Bretagne Pays de la Loire, ont saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande indemnitaire. Par un jugement du 21 juin 2019, les premiers juges ont condamné la société Caillot Potin, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, à verser à la CRAMA Bretagne Pays de la Loire, en réparation des dommages consécutifs à l'incendie, la somme de 185 178,67 euros TTC, majorée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, ont condamné au même titre cette société à verser à la commune de La Chapelle-Bouëxic la somme de 7 046,67 euros TTC, majorée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, et ont mis à la charge de cette même société le versement à la seule CRAMA Bretagne Pays de la Loire de la somme de 5 715,53 euros, assortie des intérêts au taux légal, au titre des frais d'expertise. La société Caillot Potin relève appel de ce jugement tandis que, par la voie de l'appel incident, la commune et la CRAMA Bretagne Pays de la Loire demandent de porter à 40 086,19 euros TTC l'indemnité principale due à la commune, de réduire à 161 726,25 euros celle due à la CRAMA Bretagne Pays de la Loire et d'allouer le montant des frais d'expertise non seulement à cette caisse mais également à la commune.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les premiers juges ont retenu que le prix des travaux nécessaires à la réparation des désordres devait être évalué à 208 216,51 euros TTC, vétusté déduite, somme retenue par l'expert judiciaire et non contestée devant eux par la société Caillot Potin. Par ailleurs, ils ont relevé, d'une part, que, si la CRAMA Bretagne Pays de la Loire demandait le versement à son profit d'une somme de 201 169,84 euros, elle ne justifiait être subrogée dans les droits de la commune, son assurée, qu'à hauteur de 185 178,67 euros en sorte qu'il convenait le lui allouer une indemnité de ce dernier montant et, d'autre part, que la commune ne demandait le versement que d'une indemnité de 7 046,67 euros, somme correspondant, selon elle, aux frais non pris en charge par son assureur.

3. A l'appui de leur appel incident, la commune de La Chapelle-Bouëxic et la CRAMA Bretagne Pays de la Loire soutiennent qu'elles avaient demandé au tribunal administratif le versement à leur profit d'une somme totale de 201 812,44 euros correspondant, à hauteur de 161 726,25 euros à l'indemnité revenant à la CRAMA Bretagne Pays de la Loire et, à hauteur de 40 086,19 euros à l'indemnité revenant à la commune. Elles doivent être regardées comme faisant valoir, ainsi, que les premiers juges se sont mépris sur l'étendue de leurs demandes. A l'appui de ce moyen, elles invoquent une note en délibéré produite devant le tribunal administratif. Celle-ci mentionne que la CRAMA Bretagne Pays de la Loire " a réglé à la commune 175 176,99 euros (dont 13 450,95 euros correspondant à la vétusté indemnisable faisant l'objet d'un abandon de recours entre compagnies) ", que, selon elles, la " subrogation de [l'assureur] s'élève en conséquence à 161 726,25 euros " et que " compte tenu du chiffrage du préjudice [retenu par l'expert] (208 216,51 euros) et du découvert de garantie de l'assuré pour les honoraires de maîtrise d'oeuvre (7 046,67 euros) le découvert de garantie de la commune est de 40 086,19 euros " en sorte que " le recours total à exercer est de 201 812,44 euros ".

4. Toutefois, il ressort clairement de leurs écritures de première instance que les demanderesses se sont bornées à demander, avant la clôture de l'instruction, le versement à la CRAMA Bretagne Pays de la Loire d'une somme de 201 169,84 euros TTC et à la commune d'une somme de 7 046,67 euros TTC en réparation des désordres consécutifs à l'incendie de la salle polyvalente. Eu égard à ce qui a été dit au point 2 ci-dessus, et quelles que soient les indications, au demeurant peu explicites, données tardivement par la commune et son assureur par la voie d'une note en délibéré, le tribunal administratif ne s'est donc pas mépris sur l'étendue des conclusions indemnitaires dont il était saisi.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'appel principal :

5. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

6. En l'espèce, l'expert a, dans son rapport, procédé par élimination pour déterminer les causes de l'incendie ayant affecté la salle polyvalente. Il a relevé que ni le système de climatisation situé dans les combles, ni l'éclairage de sécurité, ni le système de chauffage par cassettes rayonnantes à basse température n'étaient à l'origine de ce sinistre. Après un examen des débris retrouvés sur les lieux, notamment des restes des circuits électriques, il a en revanche estimé qu'un court-circuit était à l'origine de l'incendie et que celui-ci s'était déclenché autour d'un spot d'éclairage situé dans le plénum. Continuant à procéder par élimination, il a par ailleurs précisé que, eu égard à l'espace sous les combles, la cause précise du sinistre ne tenait pas à un défaut de ventilation de la zone où était placé le spot d'éclairage concerné et qu'il était par ailleurs peu probable que l'incendie trouve son origine dans un échauffement d'origine électrique ayant affecté l'alimentation du spot. Enfin, il a indiqué qu'il ne lui était pas possible de préciser avec un degré suffisant de certitude si le départ de feu résultait d'un défaut du spot d'éclairage concerné de nature à causer un échauffement excessif de celui-ci ou bien encore de l'échauffement d'une pièce de bois qui aurait été située à trop grande proximité du transformateur compris dans le spot, mais que ces causes étaient, toutes deux, probables. Il résulte ainsi des énonciations du rapport d'expertise, dont les conclusions ne sont contredites par aucun élément issu de l'instruction, que, quelle que soit leur cause précise, les désordres engendrés par l'incendie de la salle polyvalente de La Chapelle-Bouëxic, dont le caractère décennal n'est pas contesté en appel, procèdent d'un vice ayant affecté un spot d'éclairage ou le système électrique posés par la société Caillot-Potin et ne peuvent pas, en toute hypothèse, être regardés comme n'étant en aucune manière imputables à cette société dès lors qu'ils trouvent leur origine dans les travaux qu'elle a réalisés. Comme l'ont retenu les premiers juges, ces désordres engagent donc la responsabilité décennale de la société.

En ce qui concerne l'appel incident :

7. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 4 ci-dessus, la commune de La Chapelle-Bouëxic et son assureur n'ont demandé, en première instance, que la condamnation de la société Caillot Potin au versement à la commune d'une indemnité principale de 7 046,67 euros TTC. Par conséquent, les conclusions présentées devant la cour et tendant à l'allocation à la commune d'une indemnité principale de 40 086,19 euros TTC présentent, dès lors qu'elles ne sont justifiées par aucun élément nouveau intervenu depuis le jugement attaqué, le caractère de conclusions nouvelles en appel. Elles sont donc irrecevables.

8. En deuxième lieu, si la CRAMA Bretagne Pays de la Loire et la commune de La Chapelle-Bouëxic demandent à la cour de réduire le montant de l'indemnité alloué à la caisse par le tribunal administratif pour la fixer à 161 726,25 euros, elles doivent être regardées comme liant la présentation de ces conclusions d'appel incident à la majoration concomitante, par la cour, de l'indemnité principale allouée par les premiers juges à la commune. Compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, ces conclusions ne peuvent donc qu'être rejetées.

9. En troisième lieu, la CRAMA Bretagne Pays de la Loire et la commune de La Chapelle-Bouëxic demandent à la cour d'allouer le montant des frais d'expertise non seulement à la caisse mais également à la commune et de réformer en ce sens le jugement. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment d'un courrier adressé à l'expert judiciaire par le conseil de la caisse le 30 décembre 2016 et de la copie du chèque lui étant joint, que seule la caisse a réglé à l'expert le montant des frais d'expertise. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont alloué à la seule CRAMA une somme correspondant au montant des frais d'expertise.

10. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la société Caillot Potin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamnée à verser les indemnités mentionnées au point 1 ci-dessus, d'autre part que les conclusions d'appel incident de la commune de La Chapelle-Bouëxic et de la CRAMA Bretagne Pays de la Loire doivent être également rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de La Chapelle-Bouëxic et de la CRAMA Bretagne Pays de la Loire, qui ne sont pas parties perdantes, au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Il n'y a par ailleurs pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de la société Caillot Potin à ce même titre.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Caillot Potin est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident et les conclusions présentées au titre des frais liés au litige par la commune de La Chapelle-Bouëxic et la CRAMA Bretagne Pays de la Loire sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Caillot Potin, à la commune de La Chapelle-Bouëxic et à la CRAMA Bretagne Pays de la Loire.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- M. Jouno, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 novembre 2020.

Le rapporteur,

T. JounoLe président,

L. Lainé

Le greffier,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 19NT03068

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03068
Date de la décision : 06/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Thurian JOUNO
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : CABINET ACTB

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-11-06;19nt03068 ?
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