Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Beauvoir-sur-Mer a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la société Ardissa, aux droits de laquelle vient la société Quartus Résidentiel, à lui verser la somme de 650 797,56 euros en réparation du préjudice subi en conséquence de la mauvaise exécution par celle-ci du contrat qui les liait.
Par un jugement n° 1705035 du 22 mai 2019, le tribunal administratif de Nantes a condamné la société Quartus Résidentiel à verser à la commune de Beauvoir-sur-Mer une somme de 650 797,56 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2017 avec capitalisation à compter du 1er juin 2018 et à chaque échéance annuelle.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2019, la société Quartus résidentiel, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 mai 2019 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter les conclusions de la commune de Beauvoir-sur-Mer tendant à ce qu'elle soit condamnée à lui verser la somme de 650 797,56 euros, assortie des intérêts au taux légal et capitalisation ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Beauvoir-sur-Mer la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le jugement fait droit à la demande de la commune alors que la créance est prescrite ; l'annulation de l'acte de création de la ZAC n'impliquait pas la conclusion du protocole de résiliation amiable du 7 mai 2015 ; le délai de prescription quinquennale de l'action litigieuse à l'égard de l'exposante a commencé à courir au plus tard à la date de notification du jugement du 2 novembre 2011 annulant la création de la ZAC ;
- en tout état de cause, la société Quartus résidentiel n'a commis aucune faute contractuelle de nature à engager sa responsabilité ; il n'existe aucun lien de causalité entre l'insuffisance de l'étude d'impact et les préjudices invoqués par la commune.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 septembre 2019, la commune de Beauvoir-sur-Mer, représentée par la société Richer et associés droit public, conclut au rejet de la requête, subsidiairement à la condamnation de la société Quartus résidentiel à lui verser la somme de 650 797,56 euros avec intérêts au taux légal et capitalisation, et elle demande de mettre à la charge de cette même société une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Quartus résidentiel ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la société Quartus Résidentiel, et de Me D..., représentant la commune de Beauvoir-sur-Mer.
Une note en délibéré, enregistrée le 16 octobre 2020, a été présentée pour la société Quartus Résidentiel.
Une note en délibéré, enregistrée le 26 octobre 2020, a été présentée pour la commune de Beauvoir-sur-Mer.
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte d'engagement du 1er août 2005, la commune de Beauvoir-sur-Mer a confié à la société Ardissa un marché d'études portant sur l'aménagement de secteurs urbanisables et la réalisation d'études pré-opérationnelles en vue d'élaborer le dossier de création d'une zone d'aménagement concertée (ZAC) multi-sites, comprenant la réalisation de 130 000 m² de surface hors oeuvre nette de logements, d'équipements publics et d'une zone d'activité économique sur 87,5 hectares. Par un contrat de sous-traitance du 15 septembre 2005, la société Ardissa a confié à la société Burgeap la réalisation et le pilotage de l'étude d'impact. Un dossier de création de la ZAC du 13 février 2006, comprenant l'étude d'impact, a été remis à la commune par la société Ardissa et, par une délibération du 15 février suivant, le conseil municipal de la commune a décidé de créer la ZAC. Par une concession d'aménagement du 7 juin 2006, la commune en a confié la réalisation à la société B3M, aux droits de laquelle est venue sa filiale, la société La Grande Filée, par un avenant n° 1 du 18 février 2008. Par une délibération du 18 février 2008, le conseil municipal a approuvé le dossier de réalisation de la ZAC. Par une délibération du 27 juillet 2009, il a approuvé le schéma global d'aménagement du secteur 1 de la zone ainsi que le cahier des charges de cession des terrains et ses annexes. Par une délibération du 8 février 2010, il a approuvé le programme des équipements publics. Enfin, par une délibération du 18 juillet 2011, il a approuvé le compte-rendu d'activités de l'opération et l'avenant n° 2 à la concession d'aménagement portant cession du contrat de concession à la société d'économie mixte Oryon. Par un jugement n° 0905678-1002758 du 2 novembre 2011, le tribunal administratif de Nantes a annulé les délibérations du 15 février 2006, du 27 juillet 2009 et du 8 février 2010. Par un arrêt n° 12NT00004 du 2 mai 2014, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement en tant seulement qu'il a annulé cette dernière délibération. Par un jugement n° 1109099 du 11 décembre 2013, le tribunal administratif de Nantes a annulé la délibération du 18 juillet 2011. La commune a alors conclu le 7 mai 2015 un avenant n° 2 à la concession d'aménagement avec la société La Grande Filée, après délibération du conseil municipal du 4 mai précédent, afin de résilier la concession d'aménagement du 7 juin 2006 et d'indemniser la société pour ses dépenses déjà engagées, soit la somme de 448 719,17 euros HT (538 463 euros TTC). Invoquant l'annulation de la délibération du 15 février 2006 portant création de la ZAC au motif de l'insuffisance de l'étude d'impact figurant dans le projet, la commune a, par un courrier du 31 mai 2017 notifié le 1er juin suivant, sollicité l'indemnisation de son préjudice auprès de la société Ardissa pour un total de 650 797,56 euros. Par un jugement du 22 mai 2019 dont la société Quartus résidentiel relève appel, le tribunal administratif de Nantes a condamné cette société venue aux droits de la société Ardissa à verser à la commune de Beauvoir-sur-Mer la somme de 650 797,56 euros en réparation des préjudices subis.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'exception de prescription quinquennale :
2. Aux termes de l'article 2224 du code civil : "Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.".
3. Par un courrier notifié le 1er juin 2017 à la société Ardissa, à laquelle la commune de Beauvoir-sur-Mer avait confié la réalisation et le pilotage de l'étude d'impact préalable à la réalisation d'une ZAC multi-sites, cette même commune a présenté une réclamation indemnitaire consécutivement à l'abandon de cette opération d'urbanisme. D'une part, il résulte de l'instruction que c'est au terme de la négociation et de la signature le 7 mai 2015 avec la société La Grande Filée, aménageur qui avait été choisie pour réaliser cette ZAC, d'un accord transactionnel de résiliation de la concession et d'indemnisation que la commune a connu avec la précision nécessaire le dommage né pour elle des conséquences de l'annulation de la délibération du 15 février 2006 décidant de la création de la ZAC. Cet accord détermine ainsi notamment les conditions financières de cette résiliation au vu d'un arrêté des comptes établi par la société La Grande Filée et d'un état détaillé des dépenses engagées, pour un total de 538 463 euros TTC. C'est en conséquence à cette date que le délai de prescription quinquennale prévu à l'article 2224 du code civil a commencé à courir. D'autre part, pour les motifs exposés au point 7 du présent arrêt, la conclusion d'un tel accord s'imposait à la commune au cas d'espèce. Par suite, la société Quartus résidentiel n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges ont écarté à tort l'exception de prescription quinquennale qu'elle avait opposée en première instance.
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle de la société Quartus résidentiel :
4. Si l'exécution de l'obligation du débiteur d'une prestation d'étude prend normalement fin avec la remise de son rapport et le règlement par l'administration du prix convenu, sa responsabilité reste cependant engagée, en l'absence de toute disposition ou stipulation particulière applicable à ce contrat, à raison des erreurs ou des carences résultant d'un manquement aux diligences normales attendues d'un professionnel pour la mission qui lui était confiée, sous réserve des cas où, ces insuffisances étant manifestes, l'administration aurait, en payant la prestation, nécessairement renoncé à se prévaloir des fautes commises.
5. En premier lieu, il résulte de l'arrêt du 2 mai 2014 de la cour administrative d'appel de Nantes, devenu définitif, que la censure de la délibération du 15 février 2006 du conseil municipal de Beauvoir-sur-Mer décidant la création de la ZAC multi-sites est exclusivement motivée par les insuffisances de l'étude d'impact environnementale préalable, requise par l'article R. 311-2 du code de l'urbanisme et réalisée par la société Ardissa. Cet arrêt relève ainsi que malgré l'importante sensibilité environnementale du site et les risques que comporte le projet de ZAC pour la préservation d'un site d'intérêt communautaire Natura 2000, les auteurs de cette étude se sont bornés à effectuer des relevés incomplets de la flore pour les milieux aquatiques et les prairies et à renvoyer à une "étude des potentialités faunistiques et floristiques des milieux" s'agissant de l'état initial du site, de l'impact du projet sur le milieu naturel et des mesures compensatoires ainsi qu'à une " étude d'incidence Natura 2000 " ultérieure et facultative à effectuer par le futur aménageur de la zone. De telles carences caractérisent un manquement aux diligences normales attendues d'un professionnel pour la mission qui lui était confiée.
6. En deuxième lieu, eu égard à l'importance de ces manquements et de la technicité requise pour la réalisation d'une étude d'impact environnementale, la société Quartus résidentiel ne peut utilement se prévaloir pour s'exonérer de sa responsabilité de la circonstance que la délibération approuvant la création de la ZAC n'a pas appelé d'observation lors de l'exercice du contrôle de légalité, de déclarations favorables d'un ancien maire de Beauvoir-sur-Mer à propos du dossier présenté, ou même de la poursuite du projet jusqu'en 2015, qui sont des circonstances sans lien avec ses manquements.
7. En troisième lieu, la société soutient que l'annulation de la délibération du 15 février 2006 n'impliquait pas l'abandon du projet de ZAC, et notamment pas la conclusion de l'accord indemnitaire conclu en conséquence le 7 mai 2015 entre la commune et la société concessionnaire La Grande Filée. Toutefois, eu égard au motif de la censure qui nécessitait le recours à une nouvelle étude d'impact, dont les conclusions auraient nécessairement eu des conséquences sur la consistance même du projet de ZAC, et à la nécessité alors de procéder à une nouvelle recherche d'un délégataire pour son aménagement, la société Quartus résidentiel n'est pas fondée à soutenir que l'abandon du projet, et la conclusion de l'accord financier avec la société concessionnaire initialement choisie, ne s'imposaient pas. Par ailleurs, la circonstance que la commune de Beauvoir-sur-Mer a conclu cet accord financier avec la société La Grande Filée est sans influence sur son droit à engager la présente action indemnitaire contre la société Quartus résidentiel, alors même que les deux sociétés appartiendraient désormais au même groupe. Il n'est par ailleurs pas établi par l'instruction que les censures par la juridiction des délibérations du 27 juillet 2009 portant approbation du schéma global d'aménagement du secteur 1 de la zone et du cahier des charges de cession des terrains et ses annexes et du 18 juillet 2011 approuvant le compte-rendu d'activité de l'opération et l'avenant n° 2 à la concession d'aménagement portant cession du contrat de concession à la société d'économie mixte Oryon auraient à elles-seules conduit à l'abandon du projet. Ainsi, la société Quartus résidentiel n'est pas fondée à soutenir que l'annulation de la délibération du 5 février 2006 du conseil municipal de Beauvoir-sur-Mer décidant la création de la ZAC multi-sites n'était pas de nature à fonder les demandes indemnitaires de cette commune.
En ce qui concerne l'indemnisation de la commune :
8. En ses points 9 et 10 le jugement attaqué met à la charge de la société Quartus résidentiel la somme de 538 463 euros correspondant au montant de l'indemnité versée par la commune à la société La Grande Filée, ainsi que les sommes de 17 581,20 euros correspondant aux frais d'assistance à maîtrise d'ouvrage engagés pour le choix du concessionnaire d'aménagement de la ZAC, de 3 043,78 euros correspondant aux frais de publicité engagés dans le cadre de la procédure de mise en place de la ZAC et de 91 709,58 euros au titre des frais d'études pré-opérationnelles engagés dans le cadre de la préparation de l'aménagement de la ZAC. De telles indemnités sont la conséquence du préjudice subi par la commune, né de l'abandon du projet de ZAC consécutivement aux manquements de la société Ardissa dans l'exercice de ses missions. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné cette société au versement de la somme de 650 797,56 euros.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Quartus résidentiel n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes l'a condamnée à verser à la commune de Beauvoir-sur-Mer une somme de 650 797,56 euros.
Sur les frais d'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par la société Quartus résidentiel. En revanche, il convient, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Beauvoir-sur-Mer.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Quartus résidentiel est rejetée.
Article 2 : La société Quartus résidentiel versera à la commune de Beauvoir-sur-Mer la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Quartus résidentiel et à la commune de Beauvoir-sur-Mer.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 novembre 2020.
Le rapporteur,
C. A...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au préfet de la Vendée en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT02893