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06/11/2020 | FRANCE | N°19NT00724

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 06 novembre 2020, 19NT00724


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Languidic a demandé au tribunal administratif de Rennes, premièrement, de condamner solidairement la société BS Architectes, la société Bureau Veritas Construction, la société Constructions Lanvaudanaises, la société Celt'Etanch et la société Réalu à lui verser la somme de 269 343,89 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, au titre du coût des travaux de reprise des désordres affectant une crèche municipale, deuxièmement, de condamner solidairement ces mêmes socié

tés à lui verser une somme de 51 928,93 euros, assortie des intérêts et de leur capi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Languidic a demandé au tribunal administratif de Rennes, premièrement, de condamner solidairement la société BS Architectes, la société Bureau Veritas Construction, la société Constructions Lanvaudanaises, la société Celt'Etanch et la société Réalu à lui verser la somme de 269 343,89 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, au titre du coût des travaux de reprise des désordres affectant une crèche municipale, deuxièmement, de condamner solidairement ces mêmes sociétés à lui verser une somme de 51 928,93 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, au titre des préjudices consécutifs à ces désordres, et troisièmement, de les condamner solidairement au versement d'une somme de 16 348,94 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, au titre des frais d'expertise et de constat.

Par un jugement n° 1701257 du 20 décembre 2018, entaché d'une erreur matérielle rectifiée par une ordonnance n° 1701257 du 10 janvier 2019, le tribunal administratif de Rennes a condamné solidairement M. B... et les sociétés Constructions Lanvaudanaises, Réalu et Bureau Veritas Construction à verser à la commune de Languidic une somme de 265 449,85 euros assortie des intérêts et de leur capitalisation (article 1er), a rejeté le surplus des conclusions de la commune de Languidic (article 2), a condamné M. B... à garantir les sociétés Bureau Veritas Construction et Constructions Lanvaudanaises à hauteur de 60 % de la condamnation prononcée à l'article 1er (article 3), a condamné la société Bureau Veritas Construction à garantir M. B... et la société Constructions Lanvaudanaises à hauteur de 20 % de la condamnation prononcée à leur encontre à l'article 1er (article 4), a condamné la société Constructions Lanvaudanaises à garantir M. B... et la société Bureau Veritas Construction à hauteur de 10 % de la condamnation prononcée à l'article 1er (article 5), a condamné la société Réalu à garantir M. B... et les sociétés Bureau Veritas Construction et Constructions Lanvaudanaises à hauteur de 10 % de la condamnation prononcée à l'article 1er (article 6), a mis à la charge solidaire de M. B... et des sociétés Constructions Lanvaudanaises, Réalu et Bureau Veritas Construction le versement à la commune de Languidic d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 7) et a mis à la charge de la commune de Languidic le versement à la société Celt'Etanch d'une somme de 1 500 euros au titre de ces mêmes dispositions (article 8).

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 février 2019, et un mémoire, enregistré le 26 septembre 2019, M. A... B..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 20 décembre 2018 et de rejeter la demande de la commune de Languidic ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer ce jugement, de réduire le montant de l'indemnité au versement duquel il a été solidairement condamné et de condamner les sociétés Celt'Etanch, Constructions Lanvaudanaises, Réalu et Bureau Veritas Construction à le garantir à hauteur de l'intégralité de cette condamnation ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Languidic ou de toute autre partie perdante la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande de première instance méconnaissait l'article R. 411-1 du code de justice administrative en ce qu'elle visait une société I..., dépourvue d'existence ; il ne pouvait être condamné au paiement d'une indemnité alors qu'il n'était pas visé par la demande de première instance ;

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le lot de la société Celt'Etanch était réceptionné ; cette société doit dès lors être condamnée solidairement avec les autres constructeurs au paiement de l'indemnité mentionnée dans le jugement ;

- sa part de responsabilité a été surévaluée par les premiers juges et n'excède pas 20 % ;

- les désordres résultent d'un apport d'eau excessif et non d'une insuffisance de diagnostic avant le début de la construction ; ainsi, les entrepreneurs en sont principalement responsables ; la société Constructions Lanvaudanaises a commis des fautes graves à l'origine d'infiltrations d'eau ; la baie sur le mur ouest a été incorrectement posée par la société Réalu, de sorte que de l'eau a pu s'infiltrer ; le couvreur a également improprement réalisé son ouvrage de sorte que des infiltrations d'eau ont été constatées au niveau de la cheminée nord ; le contrôleur technique n'a pas réalisé sa mission ;

- parmi les travaux chiffrés par l'expert, ceux concernant les traitements des bois conservés, la couverture en ardoises et la reprise des joints de pierre ainsi que la cheminée et le ravalement, qui s'élèvent respectivement à 4 694,32 euros, 19 500 euros et 14 000 euros, soit la somme totale de 38 194,32 euros, doivent rester à la charge de la commune car il s'agit de travaux d'amélioration ; le coût de réaménagement des locaux dans lesquels la crèche a été provisoirement transférée durant les travaux, qui s'élève à 30 380,40 euros, correspond à un enrichissement injustifié de la commune.

Par des mémoires, enregistrés les 2 mai 2019 et 29 mai 2019, la commune de Languidic, représentée par la SELARL Cabinet Coudray, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par des mémoires, enregistrés les 9 mai 2019 et 4 octobre 2019, la société Celt'Etanch, représentée par Me G..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. B... une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;

- en particulier, investie uniquement d'une mission de vérification de la couverture, elle n'a réalisé aucun ouvrage, de sorte que sa responsabilité ne peut être recherchée sur le terrain de la garantie décennale des constructeurs ; ses travaux sont exempts de tout vice

- sa responsabilité contractuelle ou délictuelle n'est pas engagée.

Par un mémoire, enregistré le 10 mai 2019, la société Bureau Veritas Construction, représentée par Me H..., demande à la cour :

1°) à titre principal, par la voie de l'appel provoqué, d'annuler le jugement en tant qu'il la condamne solidairement avec d'autres constructeurs au paiement d'une indemnité de 265 449,85 euros et de rejeter la demande de la commune de Languidic en tant qu'elle est dirigée contre elle ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement M. B..., par la voie de l'appel incident, et les sociétés Constructions Lanvaudanaises, Celt'Etanch et Réalu, par la voie de l'appel provoqué, à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;

3°) de mettre à la charge solidaire des parties perdantes une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;

- les désordres ne lui sont pas imputables ; ainsi, sa responsabilité décennale ne peut être retenue ; elle ne peut être condamnée solidairement avec les autres constructeurs ;

- ceux-ci doivent la garantir des condamnations prononcées à son encontre.

Par un mémoire, enregistré le 11 octobre 2019, la société Réalu, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour :

1°) de condamner M. B..., par la voie de l'appel incident, et les sociétés Constructions Lanvaudanaises, Celt'Etanch et Bureau Veritas Construction, par la voie de l'appel provoqué, à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

2°) de mettre à la charge de M. B... ou de toute partie perdante une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;

- les infiltrations sont sans lien avec le mode de pose des menuiseries ; l'apparition de mérule ne lui est pas imputable ;

- ses appels en garantie sont fondés.

Par un mémoire, enregistré le 14 octobre 2019, la société Constructions Lanvaudanaises, représentée par la SCP Grunberg, Moissard, Bellec, Martin, Liaud, demande à la cour :

1°) à titre principal, par la voie de l'appel provoqué, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 20 décembre 2018 et de rejeter la demande de la commune de Languidic en tant qu'elle est dirigée contre elle ainsi que toute demande de condamnation solidaire dirigée à son encontre ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer ce jugement, de condamner solidairement M. B..., par la voie de l'appel incident, ainsi que les sociétés Celt'Etanch, Réalu et Bureau Veritas Construction, par la voie de l'appel provoqué, à la garantir de toute condamnation ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, de rejeter la requête ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Languidic ou de toute autre partie perdante les dépens ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la demande de première instance était bien dirigée en substance contre M. B... ;

- sa responsabilité n'est pas engagée à raison des désordres liés à la présence de mérule dès lors que ces désordres ne lui sont pas imputables, son marché étant limité à la reprise de quelques joints ;

- compte tenu en particulier de la petitesse de son marché, qui s'élevait à 750 euros HT, l'indemnité mise à sa charge solidaire ne saurait inclure ni le prix des travaux de réfection de la couverture, du traitement de la charpente et de la démolition des parties intérieures dégradées ni le coût du déménagement temporaire de la micro-crèche.

Par une ordonnance du 1er octobre 2019, la clôture de l'instruction, initialement fixée, par une ordonnance du 28 août 2019, au 1er octobre 2019 à 11 heures, a été reportée au 15 octobre 2019, à 11 heures.

Un mémoire a été déposé pour la commune de Languidic le 13 novembre 2019.

Les parties ont été informées de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que la société Réalu n'est pas recevable à demander pour la première fois en appel à être garantie par les autres constructeurs responsables des désordres, dès lors qu'elle n'a pas présenté en première instance de conclusions d'appel en garantie.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jouno, rapporteur,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,

- et les observations de Me G... représentant la société Celt'Etanch, et Me D..., représentant la commune de Languidic.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Languidic (Morbihan) a entrepris en 2010 une opération d'extension et de rénovation d'un bâtiment communal en vue de la création d'une " micro-crèche ". Par un acte d'engagement du 8 octobre 2010, la maîtrise d'oeuvre de l'opération a été confiée à un groupement conjoint composé de M. B..., architecte, et de M. F..., économiste de la construction. Par une convention du 26 novembre 2010, la société Bureau Veritas Construction a été chargée du contrôle technique. Les lots n° 1 " gros-oeuvre ", n° 2 " couverture étanchéité " et n° 3 " menuiserie extérieures aluminium-serrurerie " ont été attribués respectivement aux sociétés Constructions Lanvaudanaises, Celt'Etanch et Réalu par des actes d'engagement du 5 juillet 2011. La réception sans réserve des travaux des lots nos 1, 2 et 3 a été prononcée avec effet au 5 avril 2012. Le 28 octobre 2014, le maître d'ouvrage a observé le fléchissement anormal des planchers de l'une des pièces situées au premier étage du bâtiment. L'expert désigné par le président du tribunal administratif de Rennes à sa demande a constaté le 5 décembre 2014 la présence de mérule pleureuse dans le bâtiment et a recommandé son évacuation compte tenu des risques pour la sécurité et la santé des personnes. Ce même expert a été désigné afin de rechercher les causes et la nature des désordres ainsi constatés. Il a déposé son rapport le 31 mars 2016. La commune de Languidic a alors présenté au tribunal administratif de Rennes une demande tendant à l'indemnisation des préjudices résultant des désordres affectant la micro-crèche. Par un jugement du 20 décembre 2018, rectifié par une ordonnance du 10 janvier 2019, les premiers juges ont condamné solidairement M. B... et les sociétés Constructions Lanvaudanaises, Réalu et Bureau Veritas Construction à verser à la commune de Languidic, en réparation de ces désordres, une somme de 265 449,85 euros assortie des intérêts et de leur capitalisation et a rejeté le surplus de la demande de la commune de Languidic. M. B... relève appel de ce jugement. Des appels incidents et provoqués sont par ailleurs présentés par les sociétés Bureau Veritas Construction, Réalu et Construction Lanvaudanaises.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'appel principal :

S'agissant de la recevabilité de la demande de première instance :

2. M. B... soutient que la demande de première instance méconnaît l'article R. 411-1 du code de justice administrative en ce qu'elle vise une société I..., laquelle serait dépourvue d'existence, et ajoute que les premiers juges ont ainsi accueilli des conclusions indemnitaires partiellement irrecevables. Toutefois, la requête de la commune de Languidic devant le tribunal administratif répond à l'ensemble des exigences de cet article, et notamment à celle tenant à la désignation du nom des parties.

S'agissant du moyen tiré de ce que la requête serait mal dirigée :

3. Il est exact, ainsi que le relève le requérant, que, d'une part, la demande indemnitaire présentée par la commune dans sa requête introductive d'instance devant le tribunal administratif tendait, en particulier, à la condamnation d'une société I..., en sa qualité de mandataire du groupement de maîtrise d'oeuvre, et ne visait, en tout état de cause, pas explicitement M. B... et que, d'autre part, le nom " I... " correspond, non pas à la dénomination d'une société membre du groupement de maîtrise d'oeuvre, mais à la désignation commerciale de l'entreprise individuelle de M. B.... Toutefois ce dernier était en revanche nommément visé dans le mémoire en réplique de la commune enregistré le 24 juillet 2018 au greffe du tribunal et, dans l'acte d'engagement du marché de maîtrise d'oeuvre, M. B... avait indiqué qu'il agissait " au nom et pour le compte de I... ". Ainsi, en dirigeant sa demande indemnitaire, en première instance, contre une société " I... ", la commune de Languidic a nécessairement entendu viser M. B..., en sa qualité d'architecte exerçant à titre individuel. M. B... n'est, ainsi, pas fondé à soutenir, devant la cour, que le jugement aurait admis à tort une requête mal dirigée.

S'agissant de l'inclusion des travaux réalisés par la société Celt'Etanch dans le champ d'application de la garantie décennale des constructeurs :

4. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

5. Il résulte de l'instruction, notamment du procès-verbal de réception du lot n° 2 produit devant la cour, que les travaux de la société Celt'Etanch, titulaire du lot " couverture étanchéité " ont été réceptionnés sans réserve antérieurement à la survenue des désordres. Ainsi, c'est à tort que, se fondant sur la circonstance que ce lot n'avait pas été réceptionné, les premiers juges ont estimé, au point 4 du jugement attaqué, que la responsabilité décennale de cette société ne pouvait pas être engagée. Il appartient ainsi à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de rechercher si la responsabilité décennale de la société Celt'Etanch est engagée.

S'agissant de l'imputabilité des désordres :

6. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que le bâtiment ancien dans lequel a été installée la " micro-crèche " était, à la date des opérations d'expertise, infesté de mérule pleureuse. Tel était le cas, en particulier, des planchers bas du rez-de-chaussée ainsi que, plus encore, du plancher bas du premier étage. Par ailleurs, le plancher bas du rez-de-chaussée était infesté de xylophages tels que la vrillette. La présence des xylophages était ancienne car, antérieurement à la rénovation litigieuse, la structure du plancher bas du rez-de-chaussée avait été renforcée au niveau des têtes des solives par des éléments en béton. La présence largement généralisée de mérule pleureuse, désordre dont le caractère décennal n'est pas contesté par M. B..., résulte d'une rupture de l'équilibre hydrique du bâtiment, ayant entraîné un taux d'humidité anormalement élevé dans les éléments en bois le constituant. Cette situation résulte elle-même, de manière déterminante, de deux facteurs. En premier lieu, aucun diagnostic n'a été réalisé en vue de déterminer la présence cachée d'insectes nuisibles ou de champignons lignivores dans le bâtiment préalablement à l'engagement des travaux de rénovation. En second lieu, de multiples infiltrations ont conduit, postérieurement à la rénovation, au maintien ou au renforcement d'une grande humidité dans le bâti. Ont ainsi été mises en évidence, à la suite notamment d'un arrosage de la toiture et des façades au cours des opérations d'expertise, d'une part, des infiltrations au niveau du solin situé entre les ardoises et les pierres composant la façade de la capucine située au dernier niveau du bâtiment sur la façade ouest, d'autre part, des infiltrations au niveau des jointements entre les pierres entourant la baie du premier étage nouvellement posée sous la capucine. Par ailleurs, ont été relevées, premièrement, des traces d'infiltrations anciennes, à l'intérieur du bâtiment, au niveau des cheminées, deuxièmement, l'absence de jointoiement sur les encadrements en pierre des baies donnant sur la terrasse située au sud-ouest, troisièmement, l'absence de jointement entre diverses pierres entourant la capucine, l'absence, à ce même endroit, de bandes de redressement et de rejingots ainsi que l'absence de calfeutrement et de joints " compriband " autour de la fenêtre de la capucine, quatrièmement, la présence d'une importante fissure ouverte sur le pignon sud-ouest et, cinquièmement, la présence de petits végétaux entre les joints, notamment autour de la capucine.

7. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la cause déterminante des désordres tient à ce que M. B..., qui était en particulier titulaire des missions " diagnostic de l'existant " (DIAG) et " direction de l'exécution des travaux " (DET), n'a ni fait réaliser ni réalisé lui-même le diagnostic du bâti existant, alors même que, comme cela a été mis en évidence lors des opérations d'expertise, des traces d'humidité préexistaient, selon toute vraisemblance, aux travaux de rénovation. Une autre cause des désordres est le suivi défaillant du chantier, M. B... n'ayant notamment pas relevé qu'une baie était incorrectement posée, ce qui accroissait les infiltrations d'eau dans la structure.

8. En deuxième lieu, il ressort de la convention de contrôle technique du 26 novembre 2010 que la société Bureau Veritas Construction était titulaire d'une mission de contrôle des existants (mission LE). Or, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que, si cette société soutient avoir réalisé un " contrôle visuel " de l'état du bâti ancien, elle n'a effectué aucun travail de vérification de la solidité de la structure de l'immeuble ancien et de son adéquation à sa destination future. Au surplus, à l'issue des opérations d'expertise, l'expert a souligné que l'état des façades, notamment, était manifestement dégradé, les joints étant fissurés à de multiples endroits et une importante fissure ouverte étant même observable, ainsi qu'il a été dit, au pignon sud-ouest, ce qui tend à indiquer que le simple " contrôle visuel " de l'existant dont se prévaut cette société n'a pas même été réalisé. Ces défaillances du contrôle technique ont permis que la présence de mérule et de xylophages, et plus généralement la faiblesse du bâti ancien, restent non détectées. Elles ont donc contribué, dans une proportion significative, à la survenue des désordres.

9. En troisième lieu, le point 2.4 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du lot n° 2 prévoyait, au titre des missions de " vérification " de la toiture existante du bâtiment ancien, dévolues à la société Celt'Etanch, le " remplacement des ardoises cassées et crochets défectueux ", la " reprise de la zinguerie " et la " reprise des solins ". Or, ainsi qu'il a été précisé au point 6 ci-dessus, les opérations d'expertise ont révélé que de l'eau s'infiltrait dans la structure du bâtiment par des fissures situées au niveau des solins, entre la capucine et les ardoises. Le manque de diligence de la société Celt'Etanch dans les travaux de vérifications et de reprises, fussent-ils minimes, qui lui avaient été confiés a donc contribué à la survenue des désordres décennaux.

10. En quatrième lieu, les points 1.3.5.1 et 1.3.5.2 du CCTP du lot n° 1 prévoyaient la réalisation, par la société Constructions Lanvaudanaises, de bandes de dressement et de rejingots au niveau de la capucine. Or, ces prestations n'ont pas été effectuées. De même, le point 1.3.5.8 du CCTP prévoyait le " dégarnissage des joints ", leur " humidification " et un " rejointement " au niveau notamment de l'entourage des baies. Or, ainsi qu'il a été mentionné au point 6 ci-dessus, ces dernières prestations ont été réalisées de manière lacunaire. Ce double manquement de la société Constructions Lanvaudanaises a permis des infiltrations d'eau à l'origine des désordres décennaux.

11. En cinquième lieu, si un rapport établi par une société " SRIO " à la demande de la commune, afin de rechercher des infiltrations d'eau, n'a pas mis directement en évidence de manquement de la société Réalu à ses obligations contractuelles ayant entraîné des infiltrations d'eau dans le bâti, les opérations d'expertise ont révélé que cette société avait omis de réaliser les calfeutrements nécessaires autour de la fenêtre de la capucine ainsi que les joints " compriband ", qui étaient prévus, et que l'absence de ces éléments a permis des infiltrations d'eau. Cette société a donc également contribué à la réalisation des désordres.

12. Il résulte de tous ces éléments que M. B... ainsi que les sociétés Bureau Veritas Construction, Celt'Etanch, Constructions Lanvaudanaises et Réalu ont concouru aux désordres litigieux. La société Celt'Etanch doit ainsi être condamnée solidairement avec les autres constructeurs précités au paiement du prix des travaux nécessaires à leur réparation. M. B... est par conséquent fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté la demande tendant à la condamnation de la société Celt'Etanch solidairement avec les autres constructeurs. En revanche, il n'est pas fondé à soutenir que les désordres ne lui sont aucunement imputables.

S'agissant des préjudices :

13. M. B... soutient que, parmi les travaux chiffrés par l'expert, ceux concernant les traitements des bois conservés, la couverture en ardoises et la reprise des joints de pierre ainsi que la cheminée et le ravalement, qui s'élèvent respectivement à 4 694,32 euros, 19 500 euros et 14 000 euros, doivent rester à la charge de la commune dès lors qu'il s'agit de travaux d'amélioration. Toutefois, et d'ailleurs, précisément pour ce motif, les premiers juges ont exclu, au point 12 du jugement, le prix de ces travaux du montant de l'indemnisation qu'ils ont allouée à la commune. Le moyen est donc inopérant.

14. M. B... ajoute que le coût de réaménagement des locaux dans lesquels la crèche a été provisoirement transférée durant les travaux de reprise des désordres, lequel s'élève à 30 380,40 euros, correspond à un enrichissement injustifié de la commune. Toutefois, les premiers juges ont également écarté sur ce point la demande indemnitaire de la commune, au point 13 du jugement. Le moyen est donc également inopérant.

S'agissant des appels en garantie :

15. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 6 à 11 ci-dessus, M. B..., qui a gravement failli à ses missions de maîtrise d'oeuvre et a notamment omis de solliciter les diagnostics appropriés, a une responsabilité prépondérante dans la survenue des désordres. La part de responsabilité de la société Bureau Veritas Construction, qui a omis d'effectuer les contrôles inhérents à la mission " LE " qui lui était assignée, est plus restreinte. Enfin, celle des sociétés Celt'Etanch, Constructions Lanvaudanaises et Réalu, dont les missions ne portaient pas sur la réalisation de diagnostics avant le commencement des travaux ou sur leur contrôle, apparaît moindre. Dès lors, il sera fait une juste appréciation des responsabilités de ces constructeurs en fixant à 60 % la part de responsabilité de M. B..., 16 % celle de la société Bureau Veritas Construction, 10 % celle de la société Constructions Lanvaudanaises, en qualité de titulaire du lot " gros-oeuvre ", et 7 % celle de chacune des deux autres entreprises précitées. M. B... n'est donc pas fondé à soutenir que les premiers juges ont surévalué sa part de responsabilité.

En ce qui concerne les appels incidents et provoqués :

S'agissant des conclusions d'appel incident et provoqué de la société Bureau Veritas Construction :

16. Eu égard à ce qui a été dit, la société Bureau Veritas Construction n'est fondée à soutenir ni que les désordres ne lui sont aucunement imputables, ni qu'elle ne pouvait être condamnée solidairement avec les autres constructeurs auxquels les désordres sont imputables. Elle est seulement fondée à soutenir que sa part de responsabilité devait être fixée à 16 % et non, comme l'avait retenu le tribunal administratif, à 20 % et à demander que la garantie qui lui est due par les autres constructeurs condamnés soit rehaussée en conséquence.

S'agissant des conclusions d'appel incident et provoqué de la société Constructions Lanvaudanaises :

17. Compte tenu de ce qui a été dit, la société Constructions Lanvaudanaises n'est fondée à soutenir ni que les désordres ne lui sont pas imputables, ni que sa part de responsabilité est inférieure à 10 %. En revanche, elle est fondée à demander que la société Celt'Etanch, au même titre que les autres constructeurs responsables des désordres, soit condamnée à la garantir, à hauteur de 7 %, de la condamnation mise à sa charge solidaire.

18. Par ailleurs, cette société soutient que le prix des travaux de réfection de la couverture, du traitement des bois conservés et du déménagement temporaire de la micro-crèche ne doivent pas être intégrés au préjudice indemnisable. Toutefois, ce moyen est inopérant, pour les motifs exposés aux points 13 et 14 ci-dessus.

19. Enfin, si la société Constructions Lanvaudanaises soutient que le coût des démolitions des zones infestées par la mérule ne doit pas être inclus dans le préjudice indemnisable, il résulte de l'instruction que de telles opérations de démolition sont, ainsi que l'ont souligné les premiers juges, le préalable nécessaire à la réparation définitive des désordres précédemment décrits, dont il n'est d'ailleurs pas établi qu'ils aient été apparents à la date de la réception des travaux.

S'agissant des conclusions d'appel incident et provoqué de la société Réalu :

20. Compte tenu de ce qui a été dit, la société Réalu n'est fondée à soutenir ni que les désordres ne lui sont pas imputables ni qu'elle n'en est pas partiellement responsable. Par ailleurs, si, pour les motifs précédemment indiqués, elle est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont fixé sa part de responsabilité à 10 %, un taux de 7 % ayant vocation à être appliqué, elle n'est pas recevable à demander pour la première fois en appel à être garantie de la condamnation par les autres constructeurs responsables des désordres, dès lors qu'elle n'avait pas présenté en première instance de conclusions d'appel en garantie.

21. Il résulte de tout ce qui précède que l'indemnité principale allouée à la commune de Languidic par le tribunal administratif de Rennes doit être mise à la charge solidaire de M. B..., de la société Bureau Veritas Construction ainsi que des sociétés Celt'Etanch, Constructions Lanvaudanaises et Réalu et que ces constructeurs doivent être condamnés à se garantir de la condamnation prononcée à leur encontre dans les proportions mentionnées ci-dessus. L'appel principal de M. B... ainsi que les appels incidents et provoqués des sociétés Bureau Veritas Construction, Constructions Lanvaudanaises et Réalu, doivent être accueillis dans cette seule mesure.

Sur les dépens :

22. Les dépens comprennent, d'une part, les frais de constat liquidés et taxés par une ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Rennes à la somme de 2 520,05 euros, et d'autre part, les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 13 828,89 euros par une autre ordonnance du 1er juin 2016. Le montant total de ces frais, s'élevant à 16 348,94 euros initialement mis à la charge de la commune de Languidic, doit être mis à la charge solidaire de M. B... et des sociétés Constructions Lanvaudanaises, Réalu, Celt'Etanch et Bureau Veritas Construction.

Sur les frais liés au litige :

23. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'accueillir les conclusions présentées par les parties au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L'indemnité principale allouée à la commune de Languidic par le jugement n° 1701257 du 20 décembre 2018 du tribunal administratif de Rennes doit être mise à la charge solidaire, non seulement de M. B..., de la société Bureau Veritas Construction, de la société Constructions Lanvaudanaises et de la société Réalu, mais également de la société Celt'Etanch.

Article 2 : M. B... sera garanti par les sociétés Bureau Veritas Construction, Constructions Lanvaudanaises, Celt'Etanch, et Réalu à hauteur respectivement de 16 %, 10 %, 7 % et 7 % de la condamnation prononcée à l'article 1er du jugement n° 1701257 du 20 décembre 2018 du tribunal administratif de Rennes.

Article 3 : La société Bureau Veritas Construction sera garantie par M. B... ainsi que les sociétés Celt'Etanch, Réalu et Constructions Lanvaudanaises à hauteur respectivement de 60 %, 7 %, 7 % et 10 % de cette condamnation.

Article 4 : La société Constructions Lanvaudanaises sera garantie par M. B... et par les sociétés Bureau Veritas Construction, Celt'Etanch et Réalu à hauteur respectivement de 60 %, 16 %, 7 % et 7 % de cette même condamnation.

Article 5 : Les frais de constat et d'expertise, s'élevant au montant total de 16 348,94 euros, sont mis à la charge solidaire de M. B... et des sociétés Constructions Lanvaudanaises, Réalu, Celt'Etanch et Bureau Veritas Construction.

Article 6 : Le jugement n° 1701257 du 20 décembre 2018 du tribunal administratif de Rennes, tel que rectifié par l'ordonnance n° 1701257 du 10 janvier 2019, est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er à 5 du présent arrêt.

Article 7 : Le surplus de la requête de M. B... et des conclusions d'appel incident et provoqué de la société Bureau Veritas Construction, de la société Constructions Lanvaudanaises et de la société Réalu est rejeté.

Article 8 : Les conclusions présentées par la commune de Languidic et par la société Celt'Etanch au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Languidic, à M. B..., à la société Bureau Veritas Construction, à la société Celt'Etanch, à la société Constructions Lanvaudanaises et à la société Réalu.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- M. Jouno, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 novembre 2020.

Le rapporteur,

T. JounoLe président,

L. Lainé

Le greffier,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 19NT00724

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00724
Date de la décision : 06/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Thurian JOUNO
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : GRUNBERG

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-11-06;19nt00724 ?
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