Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... C..., agissant pour le compte de sa fille Mlle G... C..., et M. H... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision en date du 23 mai 2019 par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a confirmé la décision de l'autorité consulaire française à Islamabad refusant un visa d'entrée et de long séjour à M. H... B... et à Mlle G... C... en qualité de membres de famille d'un réfugié.
Par un jugement n° 1907592 du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 7 février 2020 et 7 juillet 2020, MM. C... et B..., représentés par Me Chemin, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 décembre 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 22 mai 2019 de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France et les décisions de l'autorité consulaire française au Pakistan du 24 janvier 2019 ;
3°) d'enjoindre à l'autorité consulaire française au Pakistan de délivrer les visas sollicités dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le tribunal a méconnu les droits de la défense en se fondant sur un mémoire en défense produit le 13 novembre 2019 mais communiqué à leur conseil le 14 novembre 2019 à 12 heures, après la clôture de l'instruction ;
- en estimant que l'acte de naissance de Mlle G... C... n'était pas authentique, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a commis une erreur d'appréciation ;
- M. C... a déclaré son divorce à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;
- l'authenticité de l'acte de naissance de M. H... B... n'est pas contestée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Douet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. F... C..., ressortissant pakistanais né le 1er janvier 1979, s'est vu reconnaitre la qualité de réfugié le 18 février 2015. Il a sollicité le 22 mars 2017 de l'autorité consulaire française à Islamabad (Pakistan) des visas d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale pour M. H... B... et Mlle G... C..., présentés comme ses enfants, nés respectivement les 3 mai 2000 et 25 mai 2004. M. C... et M. B..., désormais majeur, relèvent appel du jugement du 19 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 22 mai 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Islamabad refusant de délivrer des visas d'entrée et de long séjour à Mlle G... C... et M. H... B....
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En vertu de l'article L. 5 du code de justice administrative, l'instruction des affaires est contradictoire. Aux termes de l'article R. 613-3 de ce code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction. ". L'article R. 613-4 du même code dispose : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision (...) notifiée dans les mêmes formes que l'ordonnance de clôture. / La réouverture de l'instruction peut également résulter d'un jugement ou d'une mesure d'investigation ordonnant un supplément d'instruction. / (...) ". Enfin, l'article R. 613-2 prévoit qu'en l'absence d'ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience.
3. Il ressort du dossier de la procédure que, par une ordonnance du 26 juillet 2019, la clôture de l'instruction a été fixée, devant le tribunal, au 14 novembre 2019 à douze heures. Un premier mémoire en défense présenté par le ministre de l'intérieur a été enregistré le 13 novembre 2019 à douze heures et dix-huit minutes, lequel a été communiqué au conseil des requérants le 14 novembre 2019 à douze heures et neuf minutes, soit postérieurement à la clôture de l'instruction. En ayant procédé à la communication de ce mémoire en défense, le tribunal doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction. Ainsi, en l'absence d'une nouvelle ordonnance fixant la clôture de l'instruction, celle-ci est intervenue, en vertu de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, trois jours francs avant l'audience, soit le 24 novembre 2019 à minuit. Le tribunal a ainsi laissé aux requérants un délai suffisant pour répliquer aux écritures du ministre. Dès lors doit être écarté le moyen tiré de ce que le caractère contradictoire de la procédure et, en tout état de cause, les droits de la défense, ont été méconnus.
Sur la légalité des refus de visas :
4. Pour refuser les visas sollicités la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur la circonstance que l'acte de naissance de Mlle G... C... produit lors de la demande de visa ne figure pas dans les registres de l'état civil pakistanais, qu'il a été falsifié et que la production d'un tel document relève d'une intention frauduleuse, que M. F... C... n'a pas déclaré son divorce en date du 5 mai 2014 auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, que l'intérêt supérieur des enfants, dont la mère présumée n'est ni décédée ni déchue de ses droits parentaux, commande qu'ils restent dans leur pays d'origine auprès de leur mère et qu'en l'absence d'élément probant de possession d'état, l'identité des demandeurs de visas et leur lien familial à l'égard de M. C... ne sont pas établis.
En ce qui concerne Mlle G... C... :
5. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " et aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
6. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
7. A l'appui du dossier de demande de visa a été produit un extrait d'acte de naissance portant le n°CRMS B343034-15-0485, délivré par le secrétaire du " conseil de l'Union " (Union council) de la municipalité de Hafizabad indiquant que Mlle C... est née le 25 mai 2004, de F... C... et I... C... et que cette naissance a été enregistrée le 27 mai 2004 sous l'ancien numéro 221. Le cabinet d'avocats et de conseil Qureshi Law associates, accrédité auprès des autorités consulaires françaises au Pakistan, a constaté, après vérification sur place, l'inexistence de cet acte dans les registres d'état civil, ainsi qu'en atteste le rapport du 18 août 2018, et les annexes à ce dernier, produites par le ministre de l'intérieur. Si le courrier du 27 octobre 2017 par lequel l'autorité consulaire a saisi le cabinet Qureshi Law associates aux fins de vérifications des actes de naissance des demandeurs mentionne à tort la date du " 25-2-2004 " et non le " 25-5-2004 " comme date de naissance de Mlle G... C..., cette erreur de plume n'est pas de nature à fausser les conclusions de ce cabinet alors qu'il ressort des pièces du dossier que ce dernier a bien reçu communication, à fin de vérification, de l'acte de naissance produit par les demandeurs qui indiquait la date du 25 mai 2004.
8. S'il a été versé aux débats un nouvel extrait de certificat d'enregistrement de naissance relatif à Mlle C..., ce document porte un numéro n°CMRS (B 700131-19-12374) et un ancien numéro d'acte (n°266) différents de ceux portés sur l'acte produit à l'appui de la demande de visa et ce document indique au demeurant une déclaration de naissance le 6 juillet 2004 et non le 27 mai 2004. Les requérants n'apportent pas d'explications sur ces discordances, se bornant à alléguer que les certificats de naissance comportent des numéros différents à chaque demande d'extrait d'acte de naissance. Dès lors, les différents actes de naissance produits sont dépourvus de valeur probante et ne peuvent attester du lien de filiation de Mlle G... C... vis-à-vis de M. C....
9. En tout état de cause, les requérants ne contestent pas le second motif tiré de l'intérêt supérieur de l'enfant à rester auprès de sa mère et il résulte de l'instruction que la commission aurait pris la même décision en se fondant sur ce second motif, qui suffit à fonder la décision contestée.
En ce qui concerne M. H... B... :
10. Si les requérants font valoir que ni la commission ni le ministre de l'intérieur ne contestent le caractère authentique de l'acte de naissance de M. B..., ils ne contestent pas l'autre motif de la décision attaquée, fondé sur l'intérêt supérieur de M. B... à demeurer au Pakistan auprès de sa mère, alors qu'il résulte de l'instruction que la commission aurait pris la même décision si elle n'avait retenu que ce seul motif, qui suffisait à fonder le refus de visa.
11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que MM. C... et B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... et de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C..., à M. H... B... et au ministre de l'intérieur
Délibéré après l'audience du 6 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
- M. Couvert-Castéra, président de la cour,
- Mme Douet, présidente assesseur,
- M. L'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 octobre 2020.
Le rapporteur,
H. Douet
Le président,
O. COUVERT-CASTÉRA
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 20NT00440