La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/10/2020 | FRANCE | N°19NT04361

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 20 octobre 2020, 19NT04361


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la commune de Yèvre-la-Ville à lui verser une somme de 121 740 euros majorée des intérêts moratoires et composés, au titre des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision implicite du 17 février 2012, portant rejet de sa demande de raccordement au réseau d'assainissement collectif.

Par un jugement n° 1704437 du 26 septembre 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande.

Procédure devan

t la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 novembre 2019 et 26 mars 2020...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la commune de Yèvre-la-Ville à lui verser une somme de 121 740 euros majorée des intérêts moratoires et composés, au titre des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision implicite du 17 février 2012, portant rejet de sa demande de raccordement au réseau d'assainissement collectif.

Par un jugement n° 1704437 du 26 septembre 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 novembre 2019 et 26 mars 2020, M. E... B..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1704437 du 26 septembre 2019 du tribunal administratif d'Orléans ;

2°) de condamner la commune de Yèvre-la-Ville à lui verser une somme de 121 740 euros majorée des intérêts moratoires et composés, au titre des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision implicite du 17 février 2012, portant rejet de sa demande de raccordement au réseau d'assainissement collectif ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Yèvre-la-Ville une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il ne comporte pas les signatures prescrites par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- les premiers juges n'ont pas exercé leur office en ne lui demandant pas la production de pièces permettant d'établir la réalité du préjudice tiré de la perte de subvention de l'agence du bassin ;

- la commune a commis une faute en refusant le permis de construire sollicité par M. B... ; si la cour administrative d'appel de Nantes a confirmé la légalité du refus, son arrêt a fait l'objet d'un pourvoi devant le Conseil d'Etat ;

- la commune adopte systématiquement un comportement fautif et vexatoire à son égard, en raison de son initiative tenant à l'annulation du plan local d'urbanisme et de la multiplication des procédures juridictionnelles ;

- l'article 6 du règlement d'assainissement n'interdit pas une externalisation des travaux envisagés, notamment dans l'hypothèse d'une sous-traitance ;

- le préjudice moral subi du fait de l'illégalité de la décision implicite du 17 février 2012, portant rejet de sa demande de raccordement au réseau d'assainissement collectif doit être évalué à la somme de 8 000 euros ;

- il a subi un préjudice lié au surcoût engendré par le retard dans l'exécution de son projet de construction, correspondant à la somme de 53 760 euros ;

- il a subi un préjudice lié à la perte de revenus locatifs, correspondant à la somme de

53 760 euros ;

- il est fondé à demander l'indemnisation d'un préjudice tenant à la perte subvention de l'agence de bassin, correspondant à la somme de 4 140 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 janvier et 15 mai 2020, la commune de Yèvre-la-Ville, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête, et à ce que soit mis à la charge de M. B..., une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. E... B... est propriétaire, sur le territoire de la commune de Yèvre-la-Ville, de deux parcelles contigües, l'une cadastrée AC 181 donnant sur la rue Saint-Lubin au numéro 110 où est implantée sa maison d'habitation, et l'autre cadastrée AC 22, donnant sur la ruelle de l'Eglise, également appelée venelle de l'Eglise. En 2003, à l'occasion d'une enquête publique portant sur l'assainissement collectif de la commune, M. B... a demandé l'extension de ce réseau rue Saint Lubin jusqu'à sa propriété. La commune a fait droit à cette demande. Par courrier du 7 juin 2005, le maire a demandé à l'intéressé de lui indiquer sa préférence entre le raccordement de sa propriété au réseau d'assainissement par la rue Saint-Lubin ou le même raccordement par la ruelle de l'Eglise. Le 15 juillet 2005, M. B... a sollicité le branchement de la parcelle AC 22 sur la ruelle de l'Eglise, ainsi que l'autorisation d'effectuer une double arrivée pour son pavillon situé sur l'autre parcelle. La commune n'a toutefois pas répondu à cette demande. En 2006, M. B... a demandé un permis de construire en vue de l'édification d'un pavillon en second rang sur la parcelle cadastrée AC22 et une exonération à l'obligation de raccordement au réseau public communal d'assainissement des eaux usées. Le permis de construire lui a été accordé le 15 février 2007 sous réserve d'un raccordement et d'un accès par la rue Saint Lubin. M. B... n'a pas contesté cette décision, mais a formulé une demande d'exonération de l'obligation de raccordement au réseau public d'assainissement concernant cette parcelle, laquelle lui a été refusée. Cette décision de refus a été annulée par la cour administrative d'appel de Nantes, par un arrêt du 12 novembre 2010. En exécution de cet arrêt, par arrêté du 28 décembre 2010, le maire de la commune de Yèvre-la-Ville a exonéré M. B... de l'obligation de raccorder sa parcelle au réseau d'assainissement et l'a autorisé à conserver un assainissement autonome. Par courrier du 16 décembre 2011, M. B... a formulé une demande d'autorisation de raccordement au réseau d'assainissement collectif par la ruelle de l'Eglise, laquelle a été implicitement rejetée. Cette décision implicite a été annulée par la cour administrative d'appel de Nantes, par un arrêt du 3 avril 2015. En exécution de cette décision, le maire de la commune a autorisé M. B..., par un arrêté du 22 mai 2015, à raccorder l'immeuble situé sur le terrain constitué des parcelles AC 181 et 22 par la ruelle de l'Eglise. Le 3 décembre 2015, M. B... a déposé une nouvelle demande de permis de construire en vue d'édifier un pavillon sur le terrain cadastré AC22, refusé par un arrêté du maire de la commune de Yèvre-la-Ville du 1er juillet 2016. Par un arrêt n° 18NT02582 du 18 octobre 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté le recours dirigé contre cet arrêté. Le 27 octobre 2017, M. B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la commune de Yèvre-la-Ville à lui verser une somme de 121 740 euros en raison des préjudices subis. Par un jugement n° 1704437 du 26 septembre 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Il ressort des pièces de la procédure que la minute du jugement attaqué comporte l'ensemble des signatures requises par les dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement serait entaché d'une irrégularité, faute d'être revêtu des signatures du président, du rapporteur et du greffier, doit être écarté.

3. En second lieu, le juge qui reconnait la responsabilité de l'administration et ne met pas en doute l'existence d'un préjudice ne peut, sans méconnaître son office ni commettre une erreur de droit, rejeter les conclusions indemnitaires dont il est saisi en se bornant à relever que les modalités d'évaluation du préjudice proposées par la victime ne permettent pas d'en établir l'importance et de fixer le montant de l'indemnisation. Il lui appartient d'apprécier lui-même le montant de ce préjudice, en faisant usage, le cas échéant de ses pouvoirs d'instruction. Toutefois, il n'en va pas de même lorsqu'il se borne à constater que la réalité même du préjudice invoqué n'est pas démontrée.

4. En l'espèce, pour refuser de faire droit aux prétentions indemnitaires de M. B... liée à la perte de subvention de l'agence du bassin, le tribunal s'est borné à constater que le requérant n'apportait pas la moindre précision ni le moindre élément de nature à justifier de la réalité du préjudice allégué. Ainsi, M. B... n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges auraient manqué à leur office en ne procédant pas aux mesures d'instruction nécessaires pour suppléer à sa carence dans l'administration de la preuve de l'existence du préjudice invoqué.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité :

5. En premier lieu, en faisant valoir que l'arrêt n° 18NT02582 du 18 octobre 2019, par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté le recours dirigé contre le refus de permis de construire opposé à M. B... le 1er juillet 2016, a fait l'objet d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat, le requérant n'établit pas l'illégalité de cette décision de refus et l'existence d'une faute susceptible d'engager la responsabilité de la commune de Yèvre-la-Ville.

6. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que la commune de Yèvre-la-Ville aurait adopté à l'égard de M. B... un " comportement vexatoire " en raison de ce que l'intéressé aurait initié une procédure en annulation du plan local d'urbanisme et aurait plus généralement multiplié des procédures juridictionnelles depuis 2006.

7. En troisième lieu, par une décision implicite, le maire de Yèvre-la-Ville a rejeté la demande de M. B... tendant au raccordement de sa propriété au réseau d'assainissement collectif par la venelle de la place de l'Eglise. Par un arrêt du 3 avril 2015, devenu définitif et revêtu de l'autorité absolue de chose jugée, la cour a annulé cette décision de refus au motif d'une erreur d'appréciation sur les contraintes financières liées à l'éventualité d'une desserte en deux endroits différents, et sur les contraintes techniques de réalisation et de maintenance liées à la faible largeur pour l'accès des engins de terrassement et au risque de déchaussement des fondations des murs. Cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Yèvre-la-Ville à l'égard de M. B.... Ce dernier peut, dès lors, prétendre à la réparation des conséquences dommageables de cette illégalité fautive sous réserve de justifier d'un préjudice direct et certain.

En ce qui concerne les préjudices :

8. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'impossibilité pour M. B... d'obtenir le permis de construire sollicité le 31 décembre 2015 en vue de l'édification d'un pavillon sur le terrain cadastré AC n°22 a pour seule origine le non-respect par le projet de la réglementation d'urbanisme applicable, et notamment l'article UA3 du règlement du plan d'occupation des sols (POS) de la commune de Yèvre-la-Ville. Dans ces conditions, les préjudices consécutifs à l'absence de réalisation de la construction projetée n'ont pas de lien direct avec la décision illégale, prise en 2012, lui refusant le raccordement de sa propriété au réseau d'assainissement collectif par la venelle de la place de l'Eglise. Par suite, M. B... n'est pas fondé à demander l'indemnisation des surcoûts engendrés par le retard pris pour la réalisation de son projet, ainsi que la perte des revenus locatifs.

9. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que l'article 6 du règlement d'assainissement de la commune impose que les travaux de raccordement au réseau public soient réalisés par le service d'assainissement de la ville ou par un organisme agréé. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait subi un préjudice en lien avec l'illégalité fautive, tiré de ce qu'il ne peut plus entreprendre lui-même les travaux de raccordement compte tenu de son âge et de l'écoulement du temps.

10. En troisième lieu, M. B... ne justifie pas de ce que l'illégalité fautive mentionnée au point 7 aurait entraîné pour lui la perte d'une subvention accordée par l'agence de bassin, alors même que, par un courrier du 10 décembre 2018, la directrice générale de l'agence de l'eau Seine-Normandie l'a informé de ce que " les aides de l'agence de l'eau pour les travaux de mise en conformité des branchements en domaine privé ne peuvent être accordées que sur des actions groupées à l'échelle d'une collectivité ".

11. En quatrième et dernier lieu, et ainsi qu'il a été dit au point 8, il ne résulte pas de l'instruction que le préjudice moral et le préjudice de jouissance dont se prévaut M. B..., tirés de ce que son projet de construction aurait pris du retard, résultent directement de la décision illégale lui ayant refusé de raccorder sa propriété au réseau d'assainissement collectif.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Yèvre-la-Ville, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. B... d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. B... le versement à la commune de Yèvre-la-Ville d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à la comme de Yèvre-la-Ville une somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et à la commune de Yèvre-la-Ville.

Délibéré après l'audience du 2 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme C..., présidente-assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 octobre 2020.

Le rapporteur,

A. A...Le président,

T. CELERIER

Le greffier,

C. POPSE

La République mande et ordonne au préfet du Loiret, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 19NT04361


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04361
Date de la décision : 20/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : SELARL PUBLI-JURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-20;19nt04361 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award