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20/10/2020 | FRANCE | N°19NT03604

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 20 octobre 2020, 19NT03604


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Eau et Rivières de Bretagne a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté en date du 30 mai 2016 par lequel le préfet du Morbihan a autorisé, au titre des articles L. 214-1 à L. 214-4 du code de l'environnement, le département du Morbihan à installer des ouvrages hydrauliques assurant la gestion des eaux pluviales et à mettre en oeuvre des mesures compensatoires à la suite de la destruction des zones humides liée à la réalisation des travaux sur la RD 767, pour la dév

iation de Locminé, section Locminé à Siviac.

Par un jugement n° 1702509 du 4...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Eau et Rivières de Bretagne a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté en date du 30 mai 2016 par lequel le préfet du Morbihan a autorisé, au titre des articles L. 214-1 à L. 214-4 du code de l'environnement, le département du Morbihan à installer des ouvrages hydrauliques assurant la gestion des eaux pluviales et à mettre en oeuvre des mesures compensatoires à la suite de la destruction des zones humides liée à la réalisation des travaux sur la RD 767, pour la déviation de Locminé, section Locminé à Siviac.

Par un jugement n° 1702509 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 30 mai 2016 du préfet du Morbihan.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 septembre 2019, le ministre de la transition écologique demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1702509 du 4 juillet 2019 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de rejeter la demande de l'association Eau et Rivières de Bretagne.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, en ce qu'il n'a pas répondu à la fin de non-recevoir opposée en défense par le département du Morbihan, tirée de la tardiveté de la requête ;

- les travaux autorisés par l'arrêté du 30 mai 2016 ne sont pas de nature à entraîner des dangers ou des inconvénients pour les éléments énumérés à l'article L. 211-1 du code de l'environnement ; dès lors, le préfet du Morbihan n'avait pas à se fonder sur l'article R. 214-18 du code de l'environnement pour édicter de telles prescriptions complémentaires ;

- les autres prescriptions de l'arrêté, prolongeant de 100 mètres une bretelle de sortie afin de permettre de desservir une zone d'activités, ne revêtent pas une importance telle qu'elles auraient dû être précédées d'une enquête publique ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 214-6 du code de l'environnement est inopérant.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 janvier, 8 mai, et 9 juillet 2020, l'association Eau et Rivières de Bretagne, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat, et à défaut, solidairement de l'Etat et du département du Morbihan, une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête d'appel est irrecevable en raison de sa tardiveté ;

- aucun des moyens soulevés par l'Etat n'est fondé ;

- l'arrêté contesté méconnaît, par ailleurs, le point 3.1.24 du plan d'aménagement et de gestion durable du schéma d'aménagement et de gestion des eaux du Blavet.

Le département du Morbihan, représenté par Me E..., a présenté des observations enregistrées les 8 avril, 8 juin, et 23 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant l'association Eau et Rivières de Bretagne, et de Me D..., représentant le département du Morbihan.

Une note en délibéré présentée pour le département du Morbihan a été enregistrée le 7 octobre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 9 mars 2009, le préfet du Morbihan a déclaré d'utilité publique le projet d'aménagement routier de la déviation de Locminé (56), prévoyant l'aménagement à 4 voies des axes routiers " Pontivy-Loudéac-Saint-Brieuc ", Pontivy-Baud-Lorient " et " Pontivy-Locminé-Vannes ". Par un arrêté du 24 mars 2009, le même préfet a autorisé le département, en application des articles L. 214-1 à L. 214-6 du code de l'environnement, à procéder aux travaux sur les eaux superficielles et les milieux aquatiques dans le cadre de l'aménagement de la route départementale n°767, pour la déviation de Locminé et l'aménagement de la section allant de Locminé à Siviac. A la suite de ces arrêtés, le département du Morbihan a adressé au préfet plusieurs dossiers modificatifs du projet initial, afin de tenir compte des évolutions de qualification des parcelles impactées relevant des zones humides et de permettre l'allongement de la bretelle de sortie sud en vue de créer un accès vers la zone d'activité du Talvern et de Kerforho. Par un arrêté complémentaire du 30 mai 2016, le préfet du Morbihan a autorisé les modifications relatives aux équipements hydrauliques et aux mesures compensatoires. Le 20 mai 2017, l'association Eau et Rivières de Bretagne a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler cet arrêté complémentaire. Par un jugement du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté. Le ministre de la transition écologique relève appel de ce jugement.

Sur " l'intervention " du département du Morbihan :

2. Le département du Morbihan, bénéficiaire de la décision contestée, était partie au litige de première instance et avait qualité pour faire appel du jugement attaqué, ce qu'il n'a pas fait dans le délai de recours contentieux. Il a été invité par la cour à présenter des observations sur la requête n° 19NT03604 présentée par le ministre de la transition écologique. Dès lors, ses écritures doivent être prises en compte en tant que simples observations.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Le ministre fait valoir que le jugement attaqué n'a pas répondu à la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête et soulevée en défense par le département du Morbihan. Toutefois, cette circonstance n'affecte pas la régularité du jugement à son égard et ne saurait, dès lors, être utilement invoquée par lui. Dès lors, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué est entaché de défaut de réponse à ce moyen de défense doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Il appartient au juge du plein contentieux des autorisations environnementales d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et à la procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant le projet en cause au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce. Les obligations relatives à la composition du dossier de demande d'autorisation relèvent des règles de procédure. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant ce dossier ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d'entacher d'irrégularité l'autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

5. Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; (...) 2° La protection des eaux et la lutte contre toute pollution par déversements, écoulements, rejets, dépôts directs ou indirects de matières de toute nature et plus généralement par tout fait susceptible de provoquer ou d'accroître la dégradation des eaux en modifiant leurs caractéristiques physiques, chimiques, biologiques ou bactériologiques, qu'il s'agisse des eaux superficielles, souterraines ou des eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales. ". Aux termes de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles.(...) ". L'article L. 214-4 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que : " I.- L'autorisation est accordée après enquête publique et, le cas échéant, pour une durée déterminée (...) IV.-Un décret détermine les conditions dans lesquelles les autorisations de travaux ou d'activités présentant un caractère temporaire, périodique et dépourvu d'effet important et durable sur le milieu naturel seront accordées, sans enquête publique préalable, aux entreprises hydroélectriques autorisées qui en feront la demande pour la durée du titre à couvrir.(...) ". L'article R. 214-6 du même code fixe la liste exhaustive des documents compris dans la demande d'autorisation. Aux termes de l'article R. 214-17 du même code : " A la demande du bénéficiaire de l'autorisation ou à sa propre initiative, le préfet peut prendre des arrêtés complémentaires après avis du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques. Ces arrêtés peuvent fixer toutes les prescriptions additionnelles que la protection des éléments mentionnés à l'article L. 211-1 rend nécessaires, ou atténuer celles des prescriptions primitives dont le maintien n'est plus justifié. Ils peuvent prescrire en particulier la fourniture des informations prévues à l'article R. 214-6 ou leur mise à jour. (...) ". L'article R. 214-18 du même code, dans sa rédaction applicable, prévoit que " Toute modification apportée par le bénéficiaire de l'autorisation à l'ouvrage, à l'installation, à son mode d'utilisation, à la réalisation des travaux ou à l'aménagement en résultant ou à l'exercice de l'activité ou à leur voisinage, et de nature à entraîner un changement notable des éléments du dossier de demande d'autorisation, doit être portée, avant sa réalisation, à la connaissance du préfet avec tous les éléments d'appréciation. / Le préfet fixe, s'il y a lieu, des prescriptions complémentaires, dans les formes prévues à l'article R. 214-17. (...) / S'il estime que les modifications sont de nature à entraîner des dangers ou des inconvénients significatifs pour les éléments énumérés à l'article L. 211-1, le préfet invite le bénéficiaire de l'autorisation à déposer une nouvelle demande d'autorisation. Celle-ci est soumise aux mêmes formalités que la demande d'autorisation primitive ".

6. Il résulte de l'instruction que l'arrêté d'autorisation du préfet du Morbihan du 24 mars 2009 mentionne, pour l'aménagement routier de la route départementale 767 et la déviation de Locminé, des travaux impactant des zones humides d'une surface de 4,5 hectares. Postérieurement à cette décision, le département du Morbihan a entrepris un nouveau travail d'appréciation de l'impact de ce projet routier sur les zones humides et d'identification de nouveaux espaces de compensation, lequel a abouti à un nouveau calcul de la surface des zones humides impactées, désormais évaluée à 17 hectares. Par ailleurs, le département a précisé aux services préfectoraux, le 31 octobre 2014, que la phase d'études du projet de déviation supposait des adaptations du projet initial portant notamment sur la modification du débit de fuite des ouvrages de rétention des eaux pluviales, la prise en compte des écoulements des eaux pluviales de la RN 24 et de la RD 724, le nouveau dimensionnement des ouvrages de franchissement et l'adaptation des mesures compensatoires compte tenu de l'étendue actualisée des zones humides impactées. Enfin, le département a fait état, par courriers des 30 juin 2015 et 24 mars 2016, d'une modification du projet initial de déviation afin d'y intégrer une bretelle d'accès à la zone de Talvern, nécessitant la destruction de 112 m² supplémentaires de zones humides et l'augmentation de la longueur de l'ouvrage hydraulique n°13.

7. D'une part, de telles modifications sont de nature à entraîner des dangers ou des inconvénients significatifs pour les objetcifs énumérés à l'article L. 211-1 du code de l'environnement, et devaient ainsi faire l'objet d'une nouvelle demande d'autorisation soumise aux mêmes formalités que la demande d'autorisation primitive. D'autre part, et en tout état de cause, l'arrêté contesté a pour effet de délivrer de nouvelles autorisations au titre des rubriques 3.1.2.0, 3.1.3.0, 3.1.4.0, 3.1.5.0, 3.2.3.0 et 3.3.1.0., et ne se limite donc pas à édicter des prescriptions complémentaires additionnelles au sens de l'article R. 214-17 précité du code de l'environnement. Dans ces conditions, l'association eau et Rivières de Bretagne est fondée à soutenir que ladite décision est entachée d'un vice de procédure ayant privé le public du droit d'être informé et de présenter des observations sur ce projet, en ce qu'elle devait être précédée d'une nouvelle enquête publique, et que le préfet du Morbihan s'est prononcé au regard de dossiers de demandes ne respectant pas les formalités prévues par les dispositions de l'article

R. 214-6 du code de l'environnement.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête d'appel, que le ministre de la transition écologique n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de l'association eau et Rivières de Bretagne, l'arrêté du 30 mai 2016 du préfet du Morbihan.

Sur les frais liés au litige :

9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à l'association eau et Rivières de Bretagne d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de la transition écologique est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à l'association eau et Rivières de Bretagne une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et à l'association Eau et Rivières de Bretagne.

Copie en sera adressée au préfet du Morbihan et au département du Morbihan.

Délibéré après l'audience du 2 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme B..., présidente-assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 octobre 2020.

Le rapporteur,

A. A...Le président,

T. CELERIER

Le greffier,

C. POPSE

La République mande et ordonne au préfet du Morbihan, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

N° 19NT03604


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03604
Date de la décision : 20/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : DUBREUIL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-20;19nt03604 ?
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