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20/10/2020 | FRANCE | N°19NT03281

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 20 octobre 2020, 19NT03281


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Trébeurden Patrimoine et Environnement et M. A... H... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2016 par lequel le maire de Trébeurden a délivré à la SCCV Plein Sud un permis de construire un immeuble comportant neuf logements et un local commercial sur un terrain situé 38, rue de Trozoul, cadastré section AK nos 250 et 526, ainsi que les décisions de rejet de leurs recours gracieux.

Par un jugement no 1702154 du 14 juin 2019, le tribunal admi

nistratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Trébeurden Patrimoine et Environnement et M. A... H... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2016 par lequel le maire de Trébeurden a délivré à la SCCV Plein Sud un permis de construire un immeuble comportant neuf logements et un local commercial sur un terrain situé 38, rue de Trozoul, cadastré section AK nos 250 et 526, ainsi que les décisions de rejet de leurs recours gracieux.

Par un jugement no 1702154 du 14 juin 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 2 août 2019, 23 juin 2020, 18 août 2020 et 9 septembre 2020, l'association Trébeurden Patrimoine et Environnement et M. H..., représentés par la Selarl Martin Avocats, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2016 du maire de Trébeurden, ainsi que les décisions de rejet de leurs recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Trébeurden une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur requête d'appel est recevable ;

- le jugement attaqué est irrégulier faute d'avoir visé leur note en délibéré ;

- leur demande de première instance était recevable ;

- l'arrêté contesté méconnaît l'article L. 422-6 du code de l'urbanisme dès lors que l'avis conforme du préfet des Côtes-d'Armor n'a pas été recueilli dans le cadre de l'instruction de la demande de permis de construire ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme ;

- il méconnaît les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et de l'article UPM 3B 11 du règlement du plan d'occupation des sols de Trébeurden ;

- il méconnaît la vocation d'un emplacement réservé sur la parcelle AK no 250.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 février et 17 juillet 2020, la commune de Trébeurden, représentée par Me G..., demande à la cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de l'association Trébeurden Patrimoine et Environnement et de M. H... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance est irrecevable dès lors que ni l'association ni M. H... ne justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;

- elle est irrecevable en ce qui concerne les conclusions présentées par l'association en raison de leur tardiveté ;

- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 février, 20 juillet et 14 septembre 2020, la SCCV Plein Sud, représentée par Me E..., demande à la cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de l'association Trébeurden Patrimoine et Environnement et de M. H... une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable en tant qu'elle émane de l'association dès lors que son auteur ne justifie pas d'une habilitation régulière lui donnant qualité pour agir au nom de celle-ci ;

- la demande de première instance est irrecevable dès lors que ni l'association ni M. H... ne justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ; elle est également irrecevable en tant qu'elle émane de l'association en raison, d'une part, de sa tardiveté, dès lors que le recours gracieux n'a pas été valablement formé et n'a donc pu interrompre le délai de recours contentieux, et, d'autre part, de l'absence d'habilitation régulière donnant à son représentant qualité pour agir au nom de celle-ci ;

- les moyens soulevés par l'association Trébeurden Patrimoine et Environnement ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant l'association Trébeurden Patrimoine et Environnement et M. H..., et de Me B..., représentant la commune de Trébeurden.

Considérant ce qui suit :

1. Le 3 juin 2016, la SCCV Plein Sud a déposé en mairie de Trébeurden une demande de permis de construire un immeuble comportant neuf logements et un local commercial sur les parcelles cadastrées section AK nos 250 et 526 situées 38, rue de Trozoul. Par un arrêté du 25 novembre 2016, le maire de Trébeurden a délivré le permis sollicité. L'association Trébeurden Patrimoine et Environnement et M. H... relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande d'annulation de cet arrêté et des décisions de rejet de leurs recours gracieux.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la SCCV Plein Sud à la requête d'appel en tant qu'elle émane de l'association Trébeurden Patrimoine et Environnement :

2. Une association est régulièrement engagée par l'organe tenant de ses statuts le pouvoir de la représenter en justice, sauf stipulation de ces statuts réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif. Il appartient à la juridiction administrative saisie, qui en a toujours la faculté, de s'assurer, le cas échéant, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour agir au nom de cette partie. Tel est le cas lorsque cette qualité est contestée sérieusement par l'autre partie ou qu'au premier examen l'absence de qualité du représentant de la personne morale semble ressortir des pièces du dossier. À ce titre, si le juge doit s'assurer de la réalité de l'habilitation du représentant de l'association qui l'a saisi, lorsque celle-ci est requise par les statuts, il ne lui appartient pas, en revanche, de vérifier la régularité des conditions dans lesquelles une telle habilitation a été adoptée.

3. En vertu de l'article 14 des statuts de l'association Trébeurden Patrimoine et Environnement : " Le conseil d'administration a compétence pour décider d'ester en justice devant toutes les instances arbitrales et juridictionnelles nationales, communautaires ou internationales. / Le président, ou son mandataire, représente Trébeurden Patrimoine et Environnement en justice. (...) / Toutefois, en cas d'urgence, justifiée par la nature de la procédure elle-même ou par des impératifs liés à des délais de procédure, le bureau a compétence pour décider de contracter et d'ester en justice. Le bureau en informera le conseil d'administration. " L'association Trébeurden Patrimoine et Environnement produit, en vue d'attester l'habilitation de son président à agir, un extrait du registre des délibérations du 2 août 2019 du conseil d'administration de l'association qui mentionne, notamment, que le conseil d'administration autorise, à l'unanimité, le président à interjeter appel du jugement du 14 juin 2019 du tribunal administratif de Rennes. Dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif de vérifier la régularité des conditions dans lesquelles une telle habilitation a été adoptée, la SCCV Plein Sud ne peut utilement soutenir que cet extrait du registre des délibérations ne comporte aucune indication concernant les membres présents de sorte qu'il ne serait pas établi que le quorum des membres imposé par l'article 6 des statuts de l'association a été respecté, ni le nom du président de séance et du secrétaire de séance. Par conséquent, la fin de non-recevoir opposée à la requête de l'association Trébeurden Patrimoine et Environnement par la SCCV Plein Sud, tirée de ce que son président n'était pas habilité à la présenter doit être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...). / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont il est fait application / (...) / Mention est également faite de la production d'une note en délibéré. / (...) ".

5. Après l'audience publique, qui a eu lieu le 17 mai 2019, l'association Trébeurden Patrimoine et Environnement et M. H... ont adressé au tribunal administratif de Rennes une note en délibéré datée du 5 juin 2019, qui a été enregistrée au greffe du tribunal le même jour. Les visas du jugement attaqué ne font, toutefois, pas mention de la production de cette note. Les requérants sont donc fondés à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité pour ce motif. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'association Trébeurden Patrimoine et Environnement et M. H... devant le tribunal administratif de Rennes.

Sur la recevabilité de la demande présentée par l'association Trébeurden Patrimoine et Environnement et M. H... :

En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées par la SCCV Plein Sud à cette demande en tant qu'elle émane de l'association Trébeurden Patrimoine et Environnement :

7. En premier lieu, en vertu de l'article 2 de ses statuts, l'association Trébeurden Patrimoine et Environnement a, notamment, pour objet de contribuer à " la protection de la nature, la conservation, la restauration des espaces, des ressources, milieux et habitats naturels, (...), des sites, des paysages (...) " ainsi que " la protection de l'ensemble du littoral ". Son action, qui a vocation à s'exercer notamment " à l'encontre de toutes les autorisations administratives relatives à (...) l'utilisation du sol (...) qui pourraient avoir un impact sur les milieux et les intérêts qu'elle entend protéger ", s'exerce sur l'ensemble du territoire de la commune de Trébeurden. Eu égard à son objet statutaire, suffisamment circonscrit matériellement et géographiquement, l'association Trébeurden Patrimoine et Environnement justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour contester l'arrêté litigieux par lequel le maire de Trébeurden a autorisé la réalisation d'un immeuble collectif d'habitation de neuf logements et d'un commerce, sur un terrain jouxtant le site classé des Roches Blanches et situé dans la bande littorale des 100 mètres à compter de la limite haute du rivage.

8. En deuxième lieu, si le délai dans lequel un demandeur doit introduire un recours contentieux peut être prorogé par un recours administratif formé dans ce délai par une personne qu'il mandate à cet effet, c'est à la condition que ce mandat soit exprès. Rien ne s'oppose, en principe, sauf texte spécial en disposant autrement, à ce qu'un tel mandat ne soit pas écrit. Dans le cas où le mandat serait seulement verbal, si son existence ne peut être présumée à raison des seuls termes du recours administratif, il appartient au juge administratif d'apprécier, au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, si le recours administratif peut être regardé comme ayant été présenté par une personne qui avait qualité pour ce faire au nom du demandeur.

9. Il ressort des pièces du dossier que le recours gracieux daté du 23 janvier 2017 contre l'arrêté contesté du 25 novembre 2016 a été signé, pour l'association Trébeurden Patrimoine et Environnement, par M. H... qui était, à cette date, son secrétaire. Si la commune de Trébeurden soutient qu'en vertu des stipulations de l'article 8 des statuts de cette association, relatives aux attributions du président et des autres membres du bureau, seul le président de l'association avait compétence pour représenter celle-ci dans tous les actes de la vie civile, il ressort de ces mêmes stipulations que le président peut déléguer partiellement ses pouvoirs à un ou plusieurs mandataires de son choix, membres ou non du conseil d'administration, avec l'autorisation préalable du conseil d'administration. Ces stipulations n'imposent pas qu'un tel mandat soit écrit. Dans ces conditions, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, le recours gracieux daté du 23 janvier 2017 doit être regardé comme ayant été présenté par une personne qui avait qualité pour ce faire au nom de l'association Trébeurden Patrimoine et Environnement. En tout état de cause, l'éventuel défaut de mandat exprès accordé au signataire du recours gracieux a été implicitement régularisé par l'association Trébeurden Patrimoine et Environnement lorsqu'elle a saisi, le 10 mai 2017, le tribunal administratif de Rennes de sa demande d'annulation de l'arrêté contesté. Il s'ensuit que la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande présentée par l'association Trébeurden Patrimoine et Environnement, au motif que le défaut de recours administratif valablement formé n'a pu prolonger le délai de recours contentieux, doit être écartée.

10. En troisième lieu, l'association Trébeurden Patrimoine et Environnement produit, en vue d'attester l'habilitation de son président à agir, un extrait du registre des délibérations du conseil d'administration de l'association du 30 avril 2017 qui précise que le conseil d'administration autorise le président ou le vice-président à agir devant le juge administratif contre le permis de construire accordé, le 25 novembre 2016, par le maire de Trébeurden à la SCCV Plein Sud. Dès lors que, comme il a été dit au point 2 ci-dessus, il n'appartient pas au juge administratif de vérifier la régularité des conditions dans lesquelles une telle habilitation a été adoptée, la SCCV Plein Sud ne peut utilement soutenir que cet extrait du registre des délibérations ne comporte aucune indication concernant les membres présents, de sorte qu'il ne serait pas établi que le quorum des membres imposé par l'article 6 des statuts de l'association a été respecté, ni le nom du président de séance et du secrétaire de séance. Par ailleurs, la seule circonstance que cette délibération mentionne que le conseil d'administration autorise le président ou le vice-président de l'association à agir en justice " en application de l'article 8 des statuts de l'association ", qui est relatif aux attributions du président de l'association et des autres membres du bureau, ne permet pas de regarder cette délibération comme n'émanant pas du conseil d'administration de l'association. Par conséquent, la fin de non-recevoir opposée à la demande de l'association Trébeurden Patrimoine et Environnement par la SCCV Plein Sud, tirée de ce que son président n'était pas habilité à la présenter doit être écartée.

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la SCCV Plein Sud à la demande en tant qu'elle émane de M. H... :

11. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, dans sa version alors applicable : " Une personne autre que l'État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement (...) ".

12. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci.

13. M. H..., propriétaire d'une maison d'habitation située 55, rue de Trozoul, à proximité immédiate du terrain d'assiette du projet, soutient que ce dernier affectera substantiellement la qualité de la vue en direction de la mer et du site inscrit des " Roches Blanches " dont il bénéficie. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la photographie prise du balcon de la maison de M. H..., que celui-ci bénéficie d'une vue latérale directe sur le rivage et sur le site classé des Roches Blanches, situé à quelques dizaines de mètres de sa propriété, du côté opposé de la rue de Trozoul. La réalisation du projet litigieux sur des parcelles non bâties aura donc pour effet, comme il le soutient, d'affecter directement les conditions de jouissance de son bien. M. H... justifie, dès lors, d'un intérêt personnel lui donnant qualité pour demander l'annulation de l'arrêté contesté. Par conséquent, la fin de non-recevoir opposée sur ce point ne peut qu'être écartée.

Sur la légalité de l'arrêté du 25 novembre 2016 du maire de Trébeurden :

14. En premier lieu, l'autorité administrative chargée de délivrer le permis de construire est tenue de refuser toute demande, même émanant de la personne bénéficiaire de la réserve, dont l'objet ne serait pas conforme à la destination de l'emplacement réservé, tant qu'aucune modification du plan local d'urbanisme emportant changement de la destination n'est intervenue.

15. Aux termes de l'article L. 600-12 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " L'annulation ou la déclaration d'illégalité (...) d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale a pour effet de remettre en vigueur (...) le plan local d'urbanisme, le document d'urbanisme en tenant lieu ou la carte communale immédiatement antérieur. "

16. Par un jugement no 0601079 du 14 mai 2009 du tribunal administratif de Rennes devenu irrévocable, le plan local d'urbanisme de Trébeurden approuvé, le 13 janvier 2006, par le conseil municipal a été annulé en tant qu'il classait en zone naturelle la parcelle cadastrée section AK no 250. Cette annulation a eu pour effet de remettre en vigueur le plan d'occupation des sols de Trébeurden, partiellement élaboré, approuvé par délibération du 23 janvier 1998. Le document graphique de ce plan d'occupation des sols fait apparaître l'institution d'un emplacement réservé no 1 sur la parcelle cadastrée section AK no 250. Il ressort de la liste des emplacements réservés, qui figure en annexe 4-1 du règlement du plan d'occupation des sols, que cet emplacement réservé a pour objet de préserver un " espace naturel de dégagement des Roches Blanches ". Le rapport de présentation mentionne, d'ailleurs, que " cette parcelle est classée en Emplacement Réservé permettant une maîtrise de l'aménagement du site par la collectivité, dont l'objet est de conserver le caractère naturel du lieu, dans le prolongement du site classé des Roches Blanches ". En se bornant à soutenir que le classement de cette parcelle en zone naturelle ND, par le plan d'occupation des sols approuvé le 23 janvier 1998, est illégal pour les mêmes motifs que ceux retenus par le jugement no 0601079 du 14 mai 2009 du tribunal administratif de Rennes, la SCCV Plein Sud ne conteste pas utilement la légalité de l'institution de l'emplacement réservé précité.

17. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté autorise la construction d'un immeuble comportant neuf logements et un local commercial qui sera principalement implanté sur la parcelle cadastrée section AK no 250. Cette construction n'est pas conforme à la destination de l'emplacement réservé, laquelle tend, ainsi qu'il vient d'être dit, à préserver un " espace naturel de dégagement des Roches Blanches ". Si la commune de Trébeurden fait valoir que l'objet de cet emplacement réservé a été abandonné dès lors que le projet de nouveau plan local d'urbanisme, arrêté le 20 mai 2016 et soumis à enquête publique du 3 octobre au 4 novembre 2016, ne prévoyait aucun emplacement réservé sur le terrain en cause, il demeure qu'à la date de délivrance du permis de construire litigieux, aucune modification du plan d'occupation des sols emportant changement de destination n'était intervenue. Il en résulte que le maire de Trébeurden était tenu de rejeter la demande de permis de construire présentée par la SCCV Plein Sud et que l'arrêté contesté est, pour ce motif, entaché d'illégalité.

18. En second lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Aux termes de l'article UPM 3B 11 du règlement du plan d'occupation des sols de Trébeurden : " 1. Les constructions et installations autorisées doivent s'harmoniser avec l'environnement naturel et bâti. Elles doivent être de grande qualité architecturale dans leur simplicité et dans l'emploi des matériaux. (...) / Les constructions bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier ne doivent pas porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales, du fait de leur situation, de leur architecture, de leurs dimensions ou de l'aspect extérieur. ". Ces dispositions ont le même objet que celles de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et posent des exigences qui ne sont pas moindres. Dès lors, c'est par rapport aux dispositions du règlement du plan d'occupation des sols que le juge doit apprécier, au terme d'un contrôle normal, la légalité de la décision en litige.

19. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la construction projetée est implantée sur les parcelles non bâties qui jouxtent l'est du site naturel classé des Roches Blanches, lequel constitue un amoncellement pittoresque et caractéristique de rochers de la côte de granit rose, inscrit à l'inventaire des sites pittoresques par un arrêté du 3 décembre 1935 pris en application de la loi du 2 mai 1930. Ce site naturel est lui-même entouré, au sud, par la plage de Tresmeur formant un coude aboutissant au promontoire de granit du Castel, à l'ouest, par une aire de stationnement prolongée par des bâtiments accueillant des services du port de plaisance et des commerces, et au nord, par une parcelle accueillant le bâtiment de l'ancien restaurant de la Potinière. Au nord-est, le site s'ouvre, au-delà de la rue de Trozoul, sur un quartier du bourg de Trébeurden composé essentiellement de maisons d'habitation de type pavillonnaire de deux à trois niveaux maximum, implantées en retrait de la voie publique avec une emprise au sol limitée.

20. D'autre part, le projet en litige consiste en l'édification, sur des parcelles vierges de toute construction, d'un immeuble comportant neuf logements et un local commercial, d'une surface de plancher de 615,27 mètres carrés, présentant une emprise au sol de 362 mètres carrés sur un terrain d'une superficie de 1 865 mètres carrés. Il ressort des documents graphiques et clichés photographiques versés au dossier que le projet sera implanté à une distance de 18 mètres des premiers rochers du chaos granitique des Roches Blanches, en retrait d'au moins 7 mètres du rivage situé au sud et en retrait de 10 mètres d'un immeuble collectif existant situé à l'est. En outre, la hauteur des bâtiments, conçus en R+1, sera limitée à 7 mètres (13,05 mètres NGF), équivalente à celle du bâtiment collectif limitrophe et inférieure à l'amas rocheux qui culmine à 23,8 mètres NGF, tandis que le traitement architectural imitant les maisons traditionnelles favorisera l'intégration du projet avec les constructions avoisinantes. Néanmoins, la réalisation du projet litigieux, en particulier sur la parcelle cadastrée section AK no 250, aura pour effet de priver les Roches Blanches d'une partie de leur écrin naturel et de réduire considérablement les perspectives dignes d'intérêt sur ce site classé depuis le rivage ainsi que, plus marginalement, depuis la partie orientale de la rue de Trozoul. Par conséquent, le projet litigieux, par sa situation et ses dimensions, est de nature à porter significativement atteinte au caractère et à l'intérêt du site classé des Roches Blanches. Il en résulte qu'en accordant le permis de construire sollicité, le maire de Trébeurden a fait une inexacte application des dispositions de l'article UPM 3B 11 du règlement du plan d'occupation des sols de Trébeurden.

21. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens invoqués par les requérants n'est susceptible, en l'état du dossier, de fonder l'annulation de l'arrêté contesté du maire de Trébeurden.

22. Il résulte de ce qui précède que l'association Trébeurden Patrimoine et Environnement et M. H... sont fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 25 novembre 2016 du maire de Trébeurden, ainsi que, par voie de conséquence, des décisions de rejet de leurs recours gracieux.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des requérants, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que la commune de Trébeurden et la SCCV Plein Sud demandent au titre des frais exposés par elles à l'occasion du litige soumis au juge.

24. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Trébeurden le versement de la somme de 750 euros à l'association Trébeurden Patrimoine verser et Environnement et le versement de la somme de 750 euros à M. H..., au titre des frais liés à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 14 juin 2019 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 25 novembre 2016 par lequel le maire de Trébeurden a délivré à la SCCV Plein Sud un permis de construire un immeuble comportant neuf logements et un local commercial sur un terrain situé 38, rue de Trozoul, ainsi que les décisions de rejet des recours gracieux formés par l'association Trébeurden Patrimoine et Environnement et M. H..., sont annulés.

Article 3 : La commune de Trébeurden versera à l'association Trébeurden Patrimoine et Environnement une somme de 750 euros et à M. H... une somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Trébeurden et de la SCCV Plein Sud tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Trébeurden Patrimoine et Environnement, à M. A... H..., à la commune de Trébeurden et à la société SCCV Plein Sud.

Copie en sera adressée au préfet des Côtes-d'Armor et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc.

Délibéré après l'audience du 2 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme C..., présidente,

- M. Frank, premier conseiller,

- M. F..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 octobre 2020.

Le rapporteur,

F.-X. F...La présidente,

C. C...

Le greffier,

C. Popsé

La République mande et ordonne au préfet des Côtes-d'Armor en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 19NT03281


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03281
Date de la décision : 20/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : ENJEA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-20;19nt03281 ?
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