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20/10/2020 | FRANCE | N°19NT02001

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 20 octobre 2020, 19NT02001


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler, d'une part, la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours exercé contre la décision de l'autorité consulaire française à Cotonou (Bénin) du 19 juillet 2018 rejetant sa demande de visa de long séjour en qualité de conjoint de Français, ainsi que, d'autre part, cette décision de l'autorité consulaire.

Par un jugement no 1811555 du 5 av

ril 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler, d'une part, la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours exercé contre la décision de l'autorité consulaire française à Cotonou (Bénin) du 19 juillet 2018 rejetant sa demande de visa de long séjour en qualité de conjoint de Français, ainsi que, d'autre part, cette décision de l'autorité consulaire.

Par un jugement no 1811555 du 5 avril 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 mai 2019, M. F..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au profit de Me C..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- le refus de visa est entaché d'erreur d'appréciation ;

- il porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., ressortissant béninois, né en 1986, a épousé, le 26 janvier 2018, à Cotonou, Mme E..., ressortissante française, née en 1997. Par décision du 19 juillet 2018, l'autorité consulaire française à Cotonou a rejeté la demande de visa de long séjour présentée par l'intéressé en qualité de conjoint de Français. Le recours formé contre ce refus a été implicitement rejeté par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. M. F... relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande (...) ".

3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. F... a demandé communication des motifs de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Par suite, il ne peut utilement soutenir que cette décision est insuffisamment motivée.

4. En deuxième lieu, aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article ". En application de ces dispositions, il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français, dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire, le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude, de nature à justifier légalement le refus de visa. L'administration peut également refuser la délivrance du visa lorsque le demandeur présente une menace à l'ordre public.

5. Il ressort du mémoire en défense présenté par le ministre de l'intérieur devant le tribunal administratif de Nantes que la décision de la commission de recours est fondée tant sur l'existence d'une menace à l'ordre public que sur l'absence d'intention matrimoniale.

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier, notamment des informations transmises par les autorités allemandes à la demande des autorités françaises, que M. F... a fait l'objet en Allemagne d'une procédure pour escroquerie en bande organisée, escroquerie par voie informatique, falsification de documents et fraude sociale, en lien avec un réseau béninois de cybercriminalité. Par ailleurs, le requérant, qui a séjourné en situation irrégulière sur le territoire de l'espace Schengen pendant six ans, a fait usage d'au moins trois identités auprès des autorités allemandes et s'est soustrait à plusieurs mesures d'éloignement émanant de ces dernières ainsi qu'à une obligation de quitter le territoire français édictée par le préfet du Rhône, le 16 février 2016.

7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. F..., qui s'est déclaré en couple avec deux personnes différentes en 2014 et 2015, célibataire en 2016, puis en couple avec une troisième personne, en février 2017, lors de son interpellation par les autorités allemandes, n'a jamais mentionné sa relation avec Mme E... auprès des autorités françaises ou allemandes avant sa demande de visa. Si le requérant produit une attestation d'abonnement auprès d'un fournisseur d'énergie indiquant qu'il est connu comme client à l'adresse de son épouse depuis le mois de janvier 2017, il ressort de la décision du tribunal allemand versée au dossier qu'il était présent en Allemagne aux mois de février et d'avril 2017 et, comme il a été dit, qu'il a déclaré à la police allemande, en février 2017, être en couple avec une autre personne. En outre, alors que le ministre fait valoir, sans être contredit, que M. F... a été éloigné vers le Bénin en avril 2017, l'intéressé n'apporte aucune précision sur la date et les circonstances de sa rencontre avec Mme E.... À cet égard, la seule production en appel de billets de train allemands relatifs à des trajets entre Paris et Magdebourg par Mme E... en décembre 2016 et janvier et février 2017 ne permet pas de conclure que l'intéressée aurait rejoint à cette occasion M. F.... Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme E... se serait rendue au Bénin, dont elle originaire, avant le 3 octobre 2017, soit seulement quatre mois avant son mariage, lequel a été célébré, le 26 janvier 2018 à Cotonou, au cours du même séjour, avant son retour en France le 4 février 2018. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier, notamment de la seule production d'un visa obtenu en ligne autorisant Mme E... à se rendre au Bénin entre le 27 août et le 25 septembre 2018, que celle-ci aurait effectivement séjourné au Bénin à une date postérieure à son mariage ni, par suite, qu'elle aurait rendu visite à son mari au Bénin. Enfin, alors qu'aucun élément versé au dossier n'atteste de l'existence d'échanges quelconques entre les époux postérieurement au mariage, la seule production d'un document daté du 29 mars 2018 indiquant que Mme E... se serait vu prescrire des examens dans le cadre d'une procédure d'assistance médicale à la procréation et d'une demande d'accord préalable à des examens de biologie médicale datée du 8 août 2018 ne permettent pas de conclure à la réalité de l'intention matrimoniale des époux. Dès lors, l'administration doit être regardée comme établissant que le mariage de M. F... et Mme E... a été conclu à des fins étrangères à l'union matrimoniale.

8. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que la commission de recours a fait une inexacte application des dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que M. F... présentait une menace pour l'ordre public et que le mariage était entaché de fraude doit être écarté.

9. En dernier lieu, compte-tenu du caractère frauduleux du mariage contracté entre M. F... et Mme E..., le requérant n'est pas fondé à soutenir que le refus de visa litigieux a porté une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale.

10. Il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Dès lors, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 2 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme A..., présidente,

- M. Frank, premier conseiller,

- M. D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 octobre 2020.

Le rapporteur,

F.-X. D...Le président,

C. A...

Le greffier,

C. Popsé

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 19NT02001


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02001
Date de la décision : 20/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : ROUXEL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-20;19nt02001 ?
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