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16/10/2020 | FRANCE | N°20NT00615

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 16 octobre 2020, 20NT00615


Vu la procédure suivante :

La commune de La Trinité-sur-Mer a saisi la cour d'une demande, enregistrée le 16 mai 2019, tendant à l'exécution de l'arrêt n° 17NT01468 de la cour administrative d'appel de Nantes du 19 octobre 2018.

Par une ordonnance du 20 février 2020, le Président de la cour administrative d'appel a, en application de l'article R. 921-6 du code de justice administrative, décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle.

Par des mémoires, enregistrés le 31 janvier 2020 et le 28 août 2020, la commune de La Trinité-sur-Mer, représentée

par la SELARL Cabinet Coudray, demande à la cour, dans le dernier état de ses écri...

Vu la procédure suivante :

La commune de La Trinité-sur-Mer a saisi la cour d'une demande, enregistrée le 16 mai 2019, tendant à l'exécution de l'arrêt n° 17NT01468 de la cour administrative d'appel de Nantes du 19 octobre 2018.

Par une ordonnance du 20 février 2020, le Président de la cour administrative d'appel a, en application de l'article R. 921-6 du code de justice administrative, décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle.

Par des mémoires, enregistrés le 31 janvier 2020 et le 28 août 2020, la commune de La Trinité-sur-Mer, représentée par la SELARL Cabinet Coudray, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal :

- d'appliquer l'intérêt au taux légal ainsi que l'intérêt majoré prévu à l'article L. 313-3 du code monétaire et financier à la condamnation au principal résultant de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes n° 17NT01468 du 19 octobre 2018 et en conséquence, de condamner la SAS Société Touristique de la Trinité au paiement d'une somme de 767 745, 20 euros sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt ;

- d'enjoindre à la SAS Société Touristique de la Trinité, et au besoin à son locataire, de s'acquitter des formalités de publicité foncière nécessaires à ce que la commune recouvre la propriété de ses biens, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt ;

2°) à titre subsidiaire :

- d'inscrire au sein de l'arrêt à venir le contenu nécessaire à la prise d'effet du certificat de conformité, soit les termes suivants : " Madame la greffière, Valérie DESBOUILLONS, rédactrice de l'arrêt n° 17NT01468 en date du 19 octobre 2018, certifie que la formule de publication est conforme à l'original, enjoignant à la SAS TOURISTIQUE DE LA TRINITÉ de s'acquitter des formalités de publicité foncière nécessaires à ce que la commune recouvre la propriété de ses biens. "

- de faire signer manuscritement l'arrêt d'exécution par Madame la greffière, Valérie DESBOUILLONS, rédactrice du certificat de conformité sollicité ;

- d'enjoindre à la SAS Touristique de la Trinité, à défaut de mainlevée amiable, de saisir le juge judiciaire pour obtenir la radiation de l'inscription de l'hypothèque consentie au profit du Groupe Partouche sur l'immeuble situé 4-6 rue de Carnac à la Trinité-sur-Mer dans un délai d'un mois sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la SAS Société Touristique de la Trinité la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle demande l'exécution de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 19 octobre 2018 en application des dispositions des articles R. 911-4 et R. 921-7 du code de justice administrative ;

- l'arrêt n'a toujours pas été exécuté puisque la Société Touristique de la Trinité n'a toujours pas transféré effectivement la propriété des immeubles en cause et a au surplus irrégulièrement consenti une hypothèque conventionnelle de 2 900 000 euros sur ce bien de retour le 21 février 2020 au profit du Groupe Partouche ; l'immeuble est la propriété de la commune depuis son acquisition par le concessionnaire le 31 décembre 2003 et appartient à son domaine public ; en l'absence de la qualité de propriétaire, la société ne pouvait consentir une hypothèque sur l'immeuble ; les hypothèques sont en outre incompatibles avec le régime du domaine public, notamment en vertu du principe d'inaliénabilité ; l'exécution de l'arrêt du 19 octobre 2018 est impossible du fait de l'existence de l'hypothèque conventionnelle et exige que la société Touristique de la Trinité procède à la radiation de l'hypothèque avant le transfert effectif de la propriété de l'immeuble ; elle n'est pas formellement propriétaire de l'immeuble auprès du service de la publicité foncière du fait de l'obstruction faite par la société Touristique de la Trinité ;

- la société Touristique de la Trinité n'est pas fondée à demander le paiement de la valeur nette comptable des biens de retour et ne peut refuser d'exécuter l'arrêt au motif de l'absence du versement de cette valeur nette comptable ; en outre, la demande de la société n'est pas fondée :

o le cahier des charges de consultation excluait expressément tout droit à indemnisation en cas de déchéance de la concession du fait du retrait ou du non renouvellement de l'autorisation de jeu, en application des articles 9 et 10 du cahier des charges ; or c'est en raison de la décision de la société de stopper l'activité de casino que son autorisation de jeu n'a pas été renouvelée par la commission des jeux ;

o les investissements réalisés par la société Touristique de la Trinité ont été totalement amortis ; le délai d'exécution de 18 ans devait permettre l'amortissement de 8 585 326, 01 euros d'investissement ; seuls 4 493 807 euros ont été réellement engagés, pouvant être amortis en 9 années ; l'autorisation d'ouverture ayant été accordée en octobre 2003, les investissements étaient donc amortis depuis 2012 ;

o la société n'apporte aucune preuve de la valeur nette comptable des biens de retour puisqu'elle ne produit que deux tableaux dont l'origine n'est pas précisée et qui comportent une évaluation effectuée comme un propriétaire et non comme un simple concessionnaire ;

- à titre principal, elle sollicite donc comme mesures d'exécution :

o l'application de l'intérêt au taux légal et de l'intérêt majoré prévu par les dispositions de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier sur la condamnation au principal et en conséquence, la condamnation de la société Touristique de la Trinité à lui verser une somme globale de 767 745, 20 euros, avec astreinte ;

o l'injonction à la société Touristique de la Trinité, à défaut d'obtenir la mainlevée amiable de l'hypothèque conventionnellement consentie au groupe Partouche sur l'immeuble situé 4-6 rue de Carnac, de saisir le juge judiciaire pour faire procéder à la radiation de l'inscription de l'hypothèque, sous astreinte ;

o d'enjoindre à la société, ou à besoin, son locataire de s'acquitter des formalités de publicité foncières nécessaires, sous astreinte ;

- à titre subsidiaire, elle sollicite comme mesures d'exécution de lui permettre de s'acquitter elle-même des formalités de publicité foncière en produisant aux services compétents du centre des finances publiques un certificat de conformité établi par la greffière à l'origine de la rédaction de la décision, laquelle signera manuscritement le certificat de conformité.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 27 septembre 2019 et le 24 juillet 2020, la SAS Société Touristique de la Trinité-sur-Mer, représenté par Me B..., conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de La Trinité-sur-Mer en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 19 octobre 2018 a bien été exécuté ;

o elle a bien remis les clés de l'immeuble à la commune et a libéré les lieux en changeant de siège social ; en outre, la commune a perçu les fruits de l'occupation en s'adressant comme propriétaire au locataire-gérant du fonds d'hôtel-restaurant ;

o la formalité de publicité foncière nécessaire à ce que la commune de La Trinité-sur-Mer recouvre la propriété de l'immeuble situé 4-6 rue de Carnac consistant en la signature d'un acte authentique translatif de propriété susceptible d'être publié a été initiée puisqu'elle a demandé à son notaire pour la rédaction d'un tel acte ; la commune s'oppose depuis six mois à la signature de cet acte au motif de l'existence d'une inscription hypothécaire grevant l'immeuble ; il ne lui appartient pas de procéder unilatéralement à la radiation de l'hypothèque grevant un bien dont elle était jusqu'au 19 octobre 2018 le propriétaire apparent ;

o la commune n'invoque pas le fondement juridique de sa demande de certificat de conformité ; elle ne justifie pas avoir demandé la publicité en utilisant la minute exécutoire de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes ;

- il incombe à la commune de recouvrer les intérêts conformément au droit commun ; cette demande de paiement des intérêts de retard au taux légal et au taux majoré constitue une modification du contenu de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 19 octobre 2018 ; la commune a émis des titres exécutoires relatifs à la condamnation prononcée, dont la validité a été contestée devant le tribunal administratif de Rennes ;

- seule demeure en litige la question du paiement par la commune à son profit de la valeur nette comptable de l'immeuble en cause ; la valeur nette comptable représentait en 2018 2 909 688 euros.

Par une ordonnance du 23 juin 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 août 2020.

Un mémoire, enregistré le 15 septembre 2020, présenté pour la SAS Société Touristique de la Trinité-sur-Mer n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code monétaire et financier ;

- le code des procédures civiles d'exécution ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C..., première conseillère,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la commune de la Trinité-sur-Mer et de Me B..., représentant la SAS Société Touristique de la Trinité-sur-Mer.

Considérant ce qui suit :

1. Par une convention signée le 15 septembre 1999, la commune de la Trinité-sur-Mer (Morbihan) a confié à la société Grand Casino de la Trinité-sur-Mer, devenue société Touristique de la Trinité, l'exploitation d'un casino pour une durée de dix-huit ans à compter de la date de l'autorisation d'ouverture. Par une délibération du 17 septembre 2015 le conseil municipal de la Trinité-sur-Mer a décidé la résiliation de cette convention pour faute du délégataire, a approuvé le principe d'une nouvelle délégation de service public et a autorisé le maire à signer une convention d'occupation du domaine public. Par un jugement du 9 mars 2017, le tribunal administratif de Rennes, d'une part, a rejeté la demande de la société Touristique de la Trinité tendant à l'annulation de cette délibération du 17 septembre 2015, d'autre part, a condamné solidairement les sociétés Touristique de la Trinité et Groupe Partouche à verser à la commune de la Trinité-sur-Mer la somme de 128 670 euros au titre des contributions aux associations locales versées pour les années 2011 à 2015, enfin, a rejeté le surplus de la demande indemnitaire de la commune. Par un arrêt n° 17NT01468 du 19 octobre 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a, notamment, augmenté à 730 170 euros la somme mise à la charge de la société Touristique de la Trinité au profit de la commune de La Trinité-sur-Mer et enjoint à cette même société, et au besoin à son locataire, dans un délai de deux mois, de libérer les locaux correspondant à l'ensemble immobilier du casino et hôtel restaurant appartenant à la commune de La Trinité-sur-Mer et de s'acquitter des formalités de publicité foncière nécessaires à ce que la commune recouvre la jouissance de ses biens. Le pourvoi de la société Touristique de la Trinité dirigé contre cet arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes a été rejeté par une décision du Conseil d'Etat n° 426421 du 23 janvier 2020. La commune de La Trinité-sur-Mer demande l'exécution de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 19 octobre 2018.

2. L'article L. 911-4 du code de justice administrative dispose que : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte ". Par ailleurs l'article R. 921-7 du code de justice administrative dispose que : " A compter de la date d'effet de l'astreinte prononcée, même à l'encontre d'une personne privée, par le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, le président de la juridiction ou le magistrat qu'il désigne, après avoir accompli le cas échéant de nouvelles diligences, fait part à la formation de jugement concernée de l'état d'avancement de l'exécution de la décision. La formation de jugement statue sur la liquidation de l'astreinte. / Lorsqu'il est procédé à la liquidation de l'astreinte, copie du jugement ou de l'arrêt prononçant l'astreinte et de la décision qui la liquide est adressée au ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière ".

3. Les dispositions du livre IX du code de justice administrative ne s'appliquent qu'aux injonctions et astreintes que, depuis la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 et la loi n° 95-125 du 8 février 1995, les juridictions administratives peuvent prononcer à l'encontre d'une personne morale de droit public ou d'un organisme privé chargé de la gestion d'un service public. Elles ne sont, en revanche, pas applicables lorsque le juge du contrat, saisi par l'administration en vue de prononcer une obligation de faire à l'encontre de l'ancien cocontractant de l'administration, fait application du principe général selon lequel les juges ont la faculté de prononcer une injonction assortie d'une astreinte en vue de l'exécution de leurs décisions. La demande présentée par la commune de La Trinité-sur-Mer est fondée sur les dispositions des articles L. 911-4 et R. 921-7 du code de justice administrative, incluses dans le livre IX de ce code. Il résulte, en outre, de l'instruction que par l'arrêt dont elle demande l'exécution, la cour administrative d'appel de Nantes, saisie en qualité de juge du contrat, a enjoint à la société Touristique de la Trinité, personne privée cocontractante, et au besoin à son locataire, de libérer les locaux correspondant à l'ensemble immobilier du casino et hôtel-restaurant appartenant à la commune de la Trinité-sur-Mer et de s'acquitter des formalités de publicité foncière nécessaires à ce que la commune recouvre la jouissance de ses biens, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt et a rejeté les conclusions à fin d'astreinte présentées par la commune de La Trinité-sur-Mer. La demande d'exécution de l'arrêt de la cour du 19 octobre 2018 doit donc être regardée comme fondée non sur les dispositions du livre IX du code de justice administrative mais sur le caractère exécutoire de l'arrêt résultant en particulier de l'article L. 11 de ce code.

Sur les conclusions à fin d'exécution présentées à titre principal par la commune de La Trinité-sur-Mer :

4. En premier lieu, l'article 1231-7 du code civil dispose que : " En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 313-2 du code monétaire et financier : " Le taux de l'intérêt légal est, en toute matière, fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie. / Il comprend un taux applicable lorsque le créancier est une personne physique n'agissant pas pour des besoins professionnels et un taux applicable dans tous les autres cas. / Il est calculé semestriellement, en fonction du taux directeur de la Banque centrale européenne sur les opérations principales de refinancement et des taux pratiqués par les établissements de crédit et les sociétés de financement. / Les taux pratiqués par les établissements de crédit et les sociétés de financement pris en compte pour le calcul du taux applicable lorsque le créancier est une personne physique n'agissant pas pour des besoins professionnels sont les taux effectifs moyens de crédits consentis aux particuliers. / Les modalités de calcul et de publicité de ces taux sont fixées par décret ". Par ailleurs, l'article L. 313-3 du même code dispose que : " En cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision. (...) / Toutefois, le juge de l'exécution peut, à la demande du débiteur ou du créancier, et en considération de la situation du débiteur, exonérer celui-ci de cette majoration ou en réduire le montant ". La majoration prévue par ces dernières dispositions s'applique à l'expiration du délai de deux mois à compter de la date de notification de la décision de justice exécutoire, et non à compter de la date à laquelle courent les intérêts. Enfin, l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution dispose que : " Seuls constituent des titres exécutoires : / 1° Les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif lorsqu'elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire (...) ".

5. Par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 19 octobre 2018 dont elle demande l'exécution, la commune de La Trinité-sur-Mer a déjà obtenu la condamnation de la SAS Société Touristique de la Trinité à lui verser une somme au principal de 730 170 euros. Par ailleurs, sans qu'il fût nécessaire de le prévoir explicitement, la somme allouée par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes était productrice d'intérêts, notamment dans les conditions prévues par l'article 1231-7 du code civil et l'article L. 313-3 du code monétaire et financier. Par ailleurs, et dès lors que la commune de La Trinité-sur-Mer dispose, avec l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes, et en application des dispositions de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, d'un titre exécutoire sur la SAS Touristique de la Trinité, il n'y a pas lieu de prononcer à l'encontre de cette dernière une astreinte en vue d'obtenir le paiement de la somme dont elle est redevable.

6. En second lieu, par l'arrêt du 19 octobre 2018 dont la commune de La Trinité-sur-Mer demande l'exécution, la cour administrative d'appel de Nantes a déjà fait droit aux conclusions de la commune tendant à ce qu'il soit enjoint à la société Touristique de la Trinité de s'acquitter des formalités de publicité foncière nécessaires à ce que la commune recouvre la jouissance de ses biens, dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt, et a par ailleurs rejeté les conclusions de la commune tendant à ce que cette injonction soit assortie d'une astreinte de 1 000 euros par jour de retard. Les conclusions de la présente demande d'exécution ayant le même objet doivent donc être rejetées comme dénuées d'objet.

Sur les conclusions à fin d'exécution présentées à titre subsidiaire par la commune de La Trinité-sur-Mer :

7. Dans le cadre d'une délégation de service public ou d'une concession de travaux mettant à la charge du cocontractant les investissements correspondant à la création ou à l'acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public, l'ensemble de ces biens, meubles ou immeubles, appartient, dans le silence de la convention, dès leur réalisation ou leur acquisition à la personne publique.

8. Par l'arrêt du 19 octobre 2018, confirmé par une décision du Conseil d'Etat du 23 janvier 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a rappelé que les locaux en cause, situés 4-6 rue de Carnac à La Trinité-sur-Mer, qui abritent le casino et l'hôtel-restaurant objets de la délégation de service public constituent des biens de retour et qu'ils appartiennent dès leur acquisition à la personne publique.

9. En premier lieu, l'article L. 11 du code de justice administrative dispose que : " Les jugements sont exécutoires ". Par ailleurs, l'article R. 741-7 du même code dispose que : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". L'article R. 751-2 du même code dispose que : " Les expéditions des décisions sont signées et délivrées par le greffier en chef ou, au Conseil d'Etat, par le secrétaire du contentieux ". Enfin, l'article R. 751-1 du même code dispose que : " Les expéditions de la décision délivrées aux parties portent la formule exécutoire suivante : "La République mande et ordonne au (indiquer soit le ou les ministres, soit le ou les préfets soit le ou les autres représentants de l'Etat désignés par la décision) en ce qui le (les) concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision" ".

10. Par son article 2, l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes dont il est demandé l'exécution a enjoint à la seule Société Touristique de la Trinité, et au besoin à son locataire, notamment de s'acquitter des formalités de publicité foncière nécessaires à ce que la commune recouvre la jouissance de ses biens. Dans ces conditions, l'exécution de l'arrêt n° 17NT01468 du 19 octobre 2018 n'implique pas, comme le demande la commune de La Trinité-sur-Mer, de lui permettre d'effectuer elle-même les formalités de publicité foncière et d'obtenir à ce titre un " certificat de conformité " signé par la greffière de la quatrième chambre de la cour administrative d'appel de Nantes, laquelle au demeurant a apposé sa signature sur la minute de l'arrêt du 19 octobre 2018 conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, ainsi que sur la minute du présent arrêt.

11. En second lieu, l'article L. 2311-1 du code général de la propriété des personnes publiques dispose que : " Les biens des personnes publiques mentionnées à l'article L.1 sont insaisissables ". L'article L. 1 du même code dispose que : " Le présent code s'applique aux biens et aux droits, à caractère mobilier ou immobilier, appartenant à l'Etat, aux collectivités territoriales et à leurs groupements, ainsi qu'aux établissements publics ". Par ailleurs, l'article 2443 du code civil, inscrit au sein du chapitre IV du sous-titre III du titre II du Livre IV de ce code " De l'inscription des privilèges et des hypothèques ", dispose que : " La radiation doit être ordonnée par les tribunaux, lorsque l'inscription a été faite sans être fondée ni sur la loi, ni sur un titre, ou lorsqu'elle l'a été en vertu d'un titre soit irrégulier, soit éteint ou soldé, ou lorsque les droits de privilège ou d'hypothèque sont effacés par les voies légales ".

12. Il résulte de l'instruction que la société Touristique de la Trinité a consenti, en avril 2015, une hypothèque conventionnelle d'un montant de 2 900 000 euros sur l'immeuble situé 4-6 rue de Carnac au profit de la société Partouche, dont elle est la filiale. Par ailleurs, postérieurement à la décision du Conseil d'Etat du 23 janvier 2020 confirmant l'arrêt de la cour, la société a consenti, le 21 février 2020, une nouvelle hypothèque conventionnelle de ce même montant au profit de la société Partouche. Une telle hypothèque est nécessairement nulle et de nul effet car incompatible avec la domanialité publique des immeubles en cause, depuis leur acquisition en décembre 2003, dès lors que les biens publics sont insaisissables et que les dépendances du domaine public sont inaliénables. Dans ces conditions, à défaut pour la société Touristique de la Trinité d'obtenir la mainlevée amiable de cette nouvelle hypothèque, la commune de La Trinité-sur-Mer est fondée à demander à ce qu'il soit enjoint à la société de saisir le juge judiciaire conformément aux dispositions de l'article 2243 du code civil pour obtenir radiation de l'hypothèque consentie en février 2020, dans un délai qu'il y a lieu de fixer à un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il y a enfin lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte de 2 000 euros par jour de retard.

Sur les frais du litige :

13. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce soit mise à la charge de la commune de La Trinité-sur-Mer, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Touristique de la Trinité demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

14. En second lieu, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Touristique de la Trinité la somme de 2 000 euros à verser à la commune de La Trinité-sur-Mer en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE

Article 1er : Il est enjoint à la société Touristique de la Trinité, à défaut d'obtenir la mainlevée amiable de l'hypothèque consentie le 23 février 2020 au profit de la société Groupe Partouche sur l'immeuble situé 4-6 rue de Carnac à la Trinité-sur-Mer, de saisir le juge judiciaire pour obtenir la radiation de cette hypothèque, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de La Trinité-sur-Mer est rejeté.

Article 3 : La société Touristique de la Trinité versera à la commune de La Trinité-sur-Mer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la société Touristique de la Trinité tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La société Touristique de la Trinité communiquera à la cour administrative d'appel de Nantes copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter l'article 1er du présent arrêt.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Trinité-sur-Mer et à la SAS Touristique de la Trinité.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme C..., première conseillère.

Lu en audience publique le 16 octobre 2020.

La rapporteure,

M. C...Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT00615


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00615
Date de la décision : 16/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exécution décision justice adm

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : CABINET COUDRAY CONSEIL et CONTENTIEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-16;20nt00615 ?
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