La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/10/2020 | FRANCE | N°19NT04294

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 06 octobre 2020, 19NT04294


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 3 mai 2017 du ministre de l'intérieur, rejetant sa demande de réintégration dans la nationalité française, confirmée par la décision du 25 juillet 2017 de ce ministre, prise sur recours gracieux.

Par un jugement n° 1711273 du 22 mai 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 novembre 2019, M. B... E..., représenté p

ar Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 mai 2019 du tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 3 mai 2017 du ministre de l'intérieur, rejetant sa demande de réintégration dans la nationalité française, confirmée par la décision du 25 juillet 2017 de ce ministre, prise sur recours gracieux.

Par un jugement n° 1711273 du 22 mai 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 novembre 2019, M. B... E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 mai 2019 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 25 juillet 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté le recours gracieux formé contre sa décision du 3 mai 2017 rejetant sa demande de réintégration dans la nationalité française ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 40 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision du 25 juillet 2017 portant refus de son recours gracieux s'est substituée à la décision initiale ; il pouvait utilement soulever à son encontre le moyen tiré de l'incompétence de l'acte ;

- le ministre a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'absence de déclaration à la caisse d'allocations familiales de la perception d'une pension de retraite versée par l'Etat algérien, révélait un comportement défavorable justifiant le rejet de sa demande de réintégration dans la nationalité française ;

- le motif tiré de l'insuffisance des ressources est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, compte tenu de sa qualité de réfugié, de ses efforts d'intégration professionnelle jusqu'à l'âge de la retraite et de sa situation familiale ;

- la décision du 25 juillet 2017 est entachée d'incompétence.

Par un mémoire en défense, enregistré 18 décembre 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

Un mémoire enregistré le 30 juin 2020 a été présenté pour M. E..., qui n'a pas été communiqué.

Par une décision n°2019/015937 du 9 septembre 2019, le président de la section du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes chargée d'examiner les demandes relatives aux affaires portées devant la cour a accordé à M. E... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. E... a présenté auprès du préfet du Rhône une demande de réintégration dans la nationalité française. Cette demande a reçu un avis favorable du préfet, qui l'a transmise au ministre de l'intérieur avec une proposition de naturalisation. Le ministre n'a pas suivi cette proposition et, par une décision du 3 mai 2017, a rejeté la demande de l'intéressé. Par une décision du 25 juillet 2017, le ministre a rejeté le recours gracieux dirigé contre cette décision du 3 mai 2017. Par jugement du 22 mai 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. E... tendant à l'annulation de la décision du 3 mai 2017 du ministre de l'intérieur rejetant sa demande de réintégration dans la nationalité française, confirmée par la décision du 25 juillet 2017 portant rejet de son recours gracieux. M. E... relève appel de ce jugement.

2. Il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l'encontre d'une décision administrative un recours gracieux devant l'auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. L'exercice du recours gracieux n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d'un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l'autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s'il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d'interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale.

3. Il résulte de ce qui précède que M. E... doit être regardé comme demandant l'annulation de la décision initiale du 3 mai 2017 du ministre, ainsi que de celle du 25 juillet 2017 rejetant son recours gracieux, laquelle, contrairement à ce qu'il soutient, ne s'est pas substituée à la première.

4. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". Aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande ". En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte le niveau et l'origine des ressources de l'intéressé, lui permettant de subvenir durablement à ses besoins en France, ainsi que les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant.

5. Il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande de réintégration dans la nationalité française de M. E..., le ministre de l'intérieur s'est fondé, d'une part, sur l'insuffisance des revenus personnels de l'intéressé, dont l'essentiel des ressources provient de prestations sociales et, d'autre part, sur le comportement du postulant, lequel n'a pas déclaré à la caisse d'allocations familiales la perception d'une pension de retraite versée par l'Etat algérien.

6. M. E... soutient qu'il ne peut avoir accès à son compte bancaire algérien, et que l'Algérie refuse de verser les pensions de retraite acquises à ceux de ses ressortissants qui sont domiciliés à l'étranger. Il produit, en ce sens, une réponse ministérielle n° 6904 publiée au Journal officiel de la République française du 22 mai 2018, qui fait état de ce que l'Etat algérien refuse d'exporter les prestations vieillesses relatives à des droits acquis pendant des périodes de travail sur son territoire à toute personne non ressortissante française. Le ministre se borne à faire valoir que le requérant s'est adressé, au cours de l'année 2013, à la caisse nationale des retraites algériennes, et qu'il conserve des attaches familiales dans son pays d'origine susceptibles de percevoir les droits acquis par procuration. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. E... aurait effectivement perçu la pension de retraite qui lui a été attribuée en Algérie. Par suite, le motif tiré de renseignements défavorables recueillis sur son comportement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. Toutefois, il est constant que les ressources de M. E... sont constituées de l'allocation de solidarité aux personnes âgées d'un montant d'environ 800 euros par mois, et d'une pension de retraite d'un montant de 187 euros par an. Il est également constant que ses ressources n'ont pas le caractère d'allocations accordées en compensation d'un handicap. Dans ces conditions, et alors même que sa fille, née en 1997, est handicapée et qu'il est entré tardivement en France à l'âge de 57 ans, le ministre a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, estimer, dans le cadre du large pouvoir d'appréciation dont il dispose pour accorder ou rejeter une demande de naturalisation, que M. E... ne disposait pas de revenus personnels suffisant. Il résulte de l'instruction que le ministre aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif. La décision du 3 mai 2017 rejetant la demande de réintégration dans la nationalité française de M. E... n'étant pas entachée d'illégalité, les conclusions dirigées contre la décision du 25 juillet 2017 du ministre qui se borne à rejeter son recours gracieux, dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, doivent être rejetées par voie de conséquence.

8. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées par son conseil tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 18 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme C..., présidente,

- M. A..., premier conseiller,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 octobre 2020.

Le rapporteur,

A. A...La présidente,

C. C...

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT04294


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04294
Date de la décision : 06/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : BECHAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-06;19nt04294 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award