La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/10/2020 | FRANCE | N°19NT03615

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 06 octobre 2020, 19NT03615


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile du Clos Saint-Marc a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Santec à lui verser une indemnité d'un montant de 207 658,84 euros en réparation de son préjudice causé par la délivrance de renseignements d'urbanisme erronés concernant la constructibilité des parcelles qu'elle a acquises cadastrées section AC n°s 536 et 537, avec intérêts au taux légal et la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 1602832 du 11 juillet 2019, le tribun

al administratif de Rennes a condamné la commune de Santec à verser à la société civile...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile du Clos Saint-Marc a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Santec à lui verser une indemnité d'un montant de 207 658,84 euros en réparation de son préjudice causé par la délivrance de renseignements d'urbanisme erronés concernant la constructibilité des parcelles qu'elle a acquises cadastrées section AC n°s 536 et 537, avec intérêts au taux légal et la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 1602832 du 11 juillet 2019, le tribunal administratif de Rennes a condamné la commune de Santec à verser à la société civile du Clos Saint-Marc la somme de 5 112,43 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2016, assortie de la capitalisation des intérêts à compter du 4 avril 2017, puis à chaque échéance annuelle ultérieure.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 septembre 2019 et 14 mai 2020, la société civile du Clos Saint-Marc, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Rennes pour condamner la commune de Santec à lui verser la somme de 173 220,92 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2016, avec capitalisation de ces intérêts ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Santec le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune de Santec a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité par des décisions illégales prises avant le 18 décembre 2013, telles que le classement du secteur du Prat en zone UHb(in) au plan local d'urbanisme approuvé le 5 mai 2008, le permis d'aménager délivré le 1er décembre 2010 autorisant la réalisation du lotissement du quartier du Prat et le certificat d'urbanisme du 28 mars 2013 comportant des mentions erronées quant au caractère constructible des parcelles ainsi que deux permis de construire illégaux délivrés le 16 avril 2014 ;

- les illégalités fautives commises par la commune de Santec lui ont causé des préjudices qui doivent être intégralement réparés ;

- même en l'absence d'illégalité, la responsabilité de la commune de Santec sera engagée sans faute, pour rupture d'égalité devant les charges publiques ;

- la perte de valeur vénale de ses parcelles sera indemnisée par une somme de 124 212,78 euros ;

- les frais d'acte notarié d'un montant de 14 884,39 doivent être indemnisés ;

- la perte de bénéfice liée à l'immobilisation du capital sera réparée par une indemnité d'un montant de 5 827,73 euros ;

- l'étude de sols et l'étude thermique réalisées inutilement pour des montants respectivement de 2 520 euros et 1 506,96 euros doivent être indemnisées ;

- les frais de bureau d'étude pour un montant de 7 646,40 euros doivent être remboursés ;

- les frais d'huissier pour un montant de 378,13 euros doivent être remboursés ;

- les frais d'avocats pour les procédures de référé et au fond s'étant élevés à la somme de 5 795,96 euros, le jugement doit être réformé en ce qu'il a accordé seulement la somme de 4 734,30 euros ;

- le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence seront indemnisés par la somme de 15 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 février 2020 et 23 juin 2020, la commune de Santec, représentée par la SELARL Le Roy, Gourvennec, Prieur, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du 11 juillet 2019 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il l'a condamnée à verser à la SC du Clos Saint-Marc la somme de 5 112,43 euros ;

3°) à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SC du Clos Saint-Marc au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que le moyen tiré de la responsabilité sans faute est irrecevable et que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- les observations de la SC du Clos Saint-Marc représentée par Me C... et celles de la commune de Santec, représentée par Me B....

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 11 juillet 2019, le tribunal administratif de Rennes a condamné la commune de Santec à verser à la SC du Clos Saint-Marc la somme de 5 112,43 euros en réparation des préjudices résultant pour elle de l'illégalité des deux arrêtés du 16 avril 2014 portant permis de construire deux maisons d'habitation sur des parcelles situées au lieu-dit du Prat à Santec. La SC du Clos Saint-Marc relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a fait droit que partiellement à ses conclusions à fin d'indemnisation et demande la condamnation de la commune de Santec à lui verser une indemnité de 173 220,92 euros. Par la voie de l'appel incident, la commune de Santec demande l'annulation de ce même jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser à la SC du Clos Saint-Marc une indemnité de 5 112,43 euros.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

En ce qui concerne la responsabilité pour faute de la commune de Santec :

S'agissant de la loi Littoral :

2. Aux termes de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " I - L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. / Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, les constructions ou installations liées aux activités agricoles ou forestières qui sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées peuvent être autorisées, en dehors des espaces proches du rivage, avec l'accord du préfet après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites. Cet accord est refusé si les constructions ou installations sont de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages. / Les dispositions du premier alinéa ne font pas obstacle à la réalisation de travaux de mise aux normes des exploitations agricoles, à condition que les effluents d'origine animale ne soient pas accrus. / II - L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 précitée doit être justifiée et motivée, dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. / Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma de cohérence territoriale ou d'un schéma d'aménagement régional ou compatible avec celles d'un schéma de mise en valeur de la mer. / En l'absence de ces documents, l'urbanisation peut être réalisée avec l'accord du représentant de l'Etat dans le département. Cet accord est donné après que la commune a motivé sa demande et après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites appréciant l'impact de l'urbanisation sur la nature. Les communes intéressées peuvent également faire connaître leur avis dans un délai de deux mois suivant le dépôt de la demande d'accord. Le plan local d'urbanisme doit respecter les dispositions de cet accord. / III - En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d'eau intérieurs désignés à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 précitée. / Cette interdiction ne s'applique pas aux constructions ou installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. Leur réalisation est toutefois soumise à enquête publique suivant les modalités de la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l'environnement. / Le plan local d'urbanisme peut porter la largeur de la bande littorale visée au premier alinéa du présent paragraphe à plus de cent mètres, lorsque des motifs liés à la sensibilité des milieux ou à l'érosion des côtes le justifient. / (...) ".

3. Il résulte des I, II et III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, sous réserve des exceptions qu'ils prévoient, notamment pour les activités agricoles, que, dans les communes littorales, ne peuvent être autorisées, dans les zones situées en dehors des espaces déjà urbanisés, que les constructions réalisées en continuité soit avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement, et, s'agissant des espaces proches du rivage, à la condition qu'elles n'entraînent qu'une extension limitée de l'urbanisation spécialement justifiée et motivée et qu'elles soient situées en dehors de la bande littorale des cent mètres à compter de la limite haute du rivage. Ne peuvent déroger à l'interdiction de toute construction sur la bande littorale des cent mètres que les projets réalisés dans des espaces urbanisés, caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions, à la condition qu'ils n'entraînent pas une densification significative de ces espaces. En outre, doivent être regardées comme une extension de l'urbanisation au sens du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, l'ouverture à la construction de zones non urbanisées ainsi que la densification significative de zones déjà urbanisées.

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la parcelle cadastrée section AC n° 537 se situe partiellement dans la bande littorale des cent mètres au sens du III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme et partiellement, ainsi que la parcelle cadastrée section AC n° 536, dans les espaces proches du rivage au sens du II du même article.

5. Il résulte de l'instruction, notamment des extraits cadastraux et des photos aériennes, que le lieu-dit du Prat, distant du bourg d'environ 1 kilomètre, comprenait une quarantaine de constructions, regroupées en bord de mer. Contrairement aux allégations de la requérante, les constructions n'étaient pas disposées de manière filamentaire, sur un seul rang le long de la voie mais formait un ensemble suffisamment important et dense pour constituer un espace urbanisé au sens de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme. Eu égard aux caractéristiques du lieu-dit du Prat, qui comptait déjà une quarantaine de constructions, la zone Uhb du plan local d'urbanisme contesté, relative au secteur du Prat, n'ouvrait pas à la construction une zone non urbanisée et ne créait pas une densification significative de l'espace urbanisé et dès lors n'entrainait pas une extension de l'urbanisation au sens des dispositions précitées du code de l'urbanisme. Dans ces conditions, la commune de Santec n'a pas méconnu les dispositions des I, II et III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme en classant les parcelles litigieuses en zone Uhb qui " couvre les formes urbaines périphériques du bourg ou dispersées sur le territoire " et correspondant " à un type d'urbanisation de densité moyenne, en ordre continu ou discontinu, destiné à l'habitation et aux activités compatibles avec l'habitat ".

6. En deuxième lieu, le permis d'aménager, délivré le 1er décembre 2010, portait sur l'aménagement d'un lotissement de huit maisons d'habitation individuelles, pour une surface de plancher hors oeuvre nette maximale de 2 000 m². Eu égard aux caractéristiques du lieu-dit du Prat, qui comptait déjà une quarantaine de constructions, le permis d'aménager contesté, réalisé dans cet espace urbanisé, n'entraînait pas une densification significative de cet espace et dès lors ne constituait pas une extension de l'urbanisation. Il suit de là que le permis d'aménager du 1er décembre 2010 n'a pas été pris en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme.

7. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient la SC du Clos Saint-Marc, les parcelles qu'elle a acquises et qui appartiennent à un lotissement légalement autorisé, ne sont pas inconstructibles en application de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme comme il a été dit ci-dessus. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le certificat d'urbanisme établi le 28 mars 2013 serait illégal en ce qu'il ne comporte aucune mention relative à l'application de la loi Littoral ni réserve relative à l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme.

8. Dans ces conditions, la SC du Clos Saint-Marc n'est pas fondée à soutenir que le classement des parcelles en zone Uhb, le permis d'aménager du 1er décembre 2010 et le certificat d'urbanisme du 28 mars 2013 sont entachés d'une illégalité de nature à engager la responsabilité pour faute de la commune de Santec.

S'agissant du risque de submersion marine :

9. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".

10. Pour apprécier si les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, il appartient à l'autorité compétente en matière d'urbanisme, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent, et pour l'application de cet article en matière de risque de submersion marine, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, en l'état des données scientifiques disponibles, ce risque de submersion en prenant en compte notamment le niveau marin de la zone du projet, le cas échéant, sa situation à l'arrière d'un ouvrage de défense contre la mer ainsi qu'en pareil cas, la probabilité de rupture ou de submersion de cet ouvrage au regard de son état, de sa solidité et des précédents connus de rupture ou de submersion.

11. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la commune de Santec est couverte par le plan de prévention des risques de submersion marine (PPRSM), approuvé par un arrêté préfectoral du 23 février 2007, répertoriant notamment les parcelles acquises par la SC du Clos Saint-Marc, en zone bleue définie comme " une zone directement exposée à l'aléa submersion, mais où l'intensité du risque est plus faible et les conséquences moins lourdes que dans la zone rouge ". Dès lors que le règlement du PPRSM autorisait, en zone bleue, les constructions nouvelles à usage d'habitation, sous réserve de l'absence de surface de plancher des principales pièces de vie et de sommeil, sous la cote de référence + 30 cm, la commune de Santec a pu légalement délivrer le permis d'aménager du 1er décembre 2010 en rappelant cette prescription à l'article 3 de l'arrêté. En outre, alors que la révision des PPRSM relève de la compétence de l'Etat, il ne saurait être reproché à la commune de Santec de ne pas avoir réévalué elle-même le risque de submersion marine encouru par les parcelles litigieuses, pour tenir compte de deux rapports d'information générale, l'un du corps d'inspection de l'Etat de mai 2010 et l'autre de la mission sénatoriale de juillet 2010, analysant les causes ayant abouti à la catastrophe de la tempête Xynthia dont il ressort que les aléas pris en compte pour élaborer les PPRSM sont sous-estimés et de la circulaire du 27 juillet 2011 adressée aux préfets relative à la prise en compte du risque de submersion marine dans les plans de prévention des risques naturels littoraux modifiant la méthodologie permettant de déterminer le niveau marin de référence. De plus, si la circulaire ministérielle du 7 avril 2010 relative aux mesures à prendre à la suite de la tempête Xynthia demande aux préfets de département de s'opposer à la délivrance d'autorisations d'urbanisme dans les zones à risque fort, et notamment dans les bandes de sécurité situées derrière les ouvrages de protection, les cordons dunaires derrière lesquels se situent les parcelles de la requérante sont des structures naturelles et non des ouvrages de protection. Enfin, la requérante invoque l'existence d'une " cuvette " dans le secteur du Prat, qui serait connue de la commune de Santec, un arrêté de catastrophe naturelle ayant été établi le 15 mai 2008, pour des faits d'inondation et chocs mécaniques liés à l'action des vagues survenus le 10 mars 2008, lequel ne précise toutefois pas si les parcelles litigieuses étaient concernées et, enfin, l'étude relative à la "vulnérabilité du territoire national aux risques littoraux" établie par le centre d'études techniques maritimes et fluviales, pour le compte du ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement Durable et de la Mer, en 2009, qui ne remet pas en cause le classement des parcelles, alors que la commune de Santec était déjà couverte par le PPRSM de 2007. Ces éléments ne suffisent pas à établir que la commune de Santec a délivré le permis d'aménager du 1er avril 2010 et le certificat d'urbanisme du 28 mars 2013 en méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

12. En second lieu, dans l'arrêt du 17 juin 2016, rendu sous le n° 15NT02774, devenu définitif, la cour a confirmé l'annulation des permis de construire du 16 avril 2014 pour erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, au motif que la commune a été informée en décembre 2013 par le préfet du Finistère de la modification du PPRSM et de ce que le lieu-dit " Le Prat " englobe désormais trois zones exposées à des risques d'inondation, à savoir une zone d'aléa moyen au droit du littoral, située en dessous d'un mètre au maximum par rapport au niveau marin de référence, constitué par le niveau marin centennal augmenté, par mesure de précaution, de 20 cm, une zone d'aléa liée au changement climatique et d'une zone dite de " dissipation d'énergie ", dans lesquelles se situent en partie les parcelles litigieuses.

13. Dans ces conditions, la SC du Clos Saint-Marc n'est pas fondée à soutenir que le permis d'aménager du 1er décembre 2010 et le certificat d'urbanisme du 23 mars 2013 sont entachés d'une illégalité de nature à engager la responsabilité de la commune de Santec. En revanche, l'illégalité des permis de construire du 16 avril 2014 est constitutive d'une faute susceptible d'engager la responsabilité de la collectivité territoriale. Il ne résulte pas de l'instruction que la SC du Clos Saint-Marc aurait commis une faute de nature à exonérer la commune de sa responsabilité ou à l'atténuer.

En ce qui concerne la responsabilité sans faute de la commune de Santec :

14. La responsabilité extracontractuelle sans faute de la collectivité publique est d'ordre public. Des conclusions présentées sur ce terrain pour la première fois en appel sont, par suite, recevables.

15. Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. ". Aux termes de l'article L. 105-1 du code de l'urbanisme : " N'ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées par application du présent code en matière de voirie, d'hygiène et d'esthétique ou pour d'autres objets et concernant, notamment, l'utilisation du sol, la hauteur des constructions, la proportion des surfaces bâties et non bâties dans chaque propriété, l'interdiction de construire dans certaines zones et en bordure de certaines voies, la répartition des immeubles entre diverses zones. / Toutefois, une indemnité est due s'il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain. Cette indemnité, à défaut d'accord amiable, est fixée par le tribunal administratif, qui tient compte de la plus-value donnée aux immeubles par la réalisation du plan local d'urbanisme approuvé ou du document en tenant lieu. ".

16. Il résulte de l'instruction que la SC du Clos Saint-Marc a acquis les deux parcelles litigieuses par un acte de vente du 7 juin 2013 faisant état d'un permis d'aménager du 1er décembre 2010 et auquel était annexé le certificat d'urbanisme du 28 mars 2013 confirmant la constructibilité des terrains. Il suit de là que la requérante est fondée à se prévaloir d'une espérance légitime relative à son droit à construire sur ses terrains, protégée par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

17. Toutefois, les servitudes instituées par les plans de prévention des risques en application de dispositions introduites dans la loi du 22 juillet 1987 par la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, ultérieurement codifiées aux articles L. 562-1 et suivants du code de l'environnement, constituent des servitudes d'utilité publique mais ne sont pas instituées par application du code de l'urbanisme. Il résulte des termes de la loi du 2 février 1995, éclairés par ses travaux préparatoires, que le législateur a entendu faire supporter par le propriétaire concerné l'intégralité du préjudice résultant de l'inconstructibilité de son terrain nu résultant des risques naturels le menaçant, sauf dans le cas où ce propriétaire supporterait une charge spéciale et exorbitante hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi.

18. Il résulte de l'instruction que la requérante est la seule des acquéreurs des parcelles du lotissement à ne pas avoir pu réaliser son projet de construction et qu'elle a versé la somme de 173 220,92 euros en pure perte. Toutefois, à supposer même que cette charge, résultant du risque de submersion marine de ces parcelles, puisse être regardée comme étant spéciale et exorbitante, elle n'est pas hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi par les servitudes instituées par le PPRSM, dont la carte a été révisée par le préfet du Finistère en novembre 2013 à la suite de la tempête Xynthia. Il suit de là que la SC du Clos Saint-Marc n'est pas fondée à rechercher la responsabilité sans faute de la commune de Santec.

En ce qui concerne les préjudices :

19. Seuls les permis de construire du 16 avril 2014 étant entachés d'une illégalité fautive susceptible d'engager la responsabilité de la commune de Santec, seuls les chefs de préjudice en lien direct et certain avec ces actes doivent être réparés.

20. La perte de valeur vénale des parcelles, achetées le 7 juin 2013, les frais d'acte notarié, la perte de bénéfice liée à l'immobilisation du capital ainsi que les frais d'étude de sol, d'étude thermique et du bureau d'étude sont des préjudices en lien avec le caractère inconstructible des parcelles résultant du risque de submersion marine porté à la connaissance de la commune en décembre 2013 mais ces préjudices, constitués de dépenses engagées antérieurement à la délivrance des permis de construire, ne découlent pas de l'illégalité fautive des permis de construire du 16 avril 2014. Il suit de là que ces chefs de préjudice ne sont pas indemnisables.

21. Le montant de la taxe foncière est déterminé en application de règles fixées par le code général des impôts, selon un mode de calcul associant valeur cadastrale et taux votés par les collectivités territoriales. Si le montant de la taxe foncière est établi en fonction du caractère constructible ou non du terrain, l'inconstructibilité des parcelles, pour lesquelles la taxe foncière a été acquittée par la SC du Clos Saint-Marc, ne découle pas non plus de la faute de la commune de Santec à avoir délivré les permis de construire du 16 avril 2014. Par suite, ce chef de préjudice n'est pas indemnisable.

22. Il ne résulte pas de l'instruction que la SC du Clos Saint-Marc a subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence. Par suite, et en tout état de cause, ce chef de préjudice n'est pas indemnisable.

23. Il résulte de l'instruction que la SC du Clos Saint-Marc a engagé des frais d'huissier pour prouver le respect des formalités d'affichage des permis de construire du 16 avril 2014. Ces frais sont en lien direct et certain avec la faute commise. Par suite, ce chef de préjudice doit être indemnisé par la somme de 378,13 euros.

24. Les frais exposés par le bénéficiaire d'un permis de construire à l'occasion d'un recours pour excès de pouvoir engagé par un tiers et à l'issue duquel le juge administratif annule ce permis sont susceptibles d'être pris en compte dans le préjudice résultant de l'illégalité fautive du permis dès lors que ces frais n'ont pu donner lieu à remboursement en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par suite, il y a lieu de faire droit à la demande de la requérante à hauteur de 5 795,60 euros correspondant à la facture du 16 juillet 2015 produite au dossier au titre des frais d'avocat exposés à l'occasion des litiges en référé-suspension et au fond contre les permis du 16 avril 2014 sur lesquels il a été statué par le tribunal administratif de Rennes.

25. Il résulte de ce qui précède que la SC du Clos Saint-Marc est seulement fondée à demander que l'indemnité, que la commune de Santec a été condamnée, par le jugement attaqué, à lui verser, soit portée à la somme de 6 173,73 euros en réparation de ses préjudices résultant de l'illégalité fautive des permis de construire délivrés le 16 avril 2014.

Sur l'appel incident de la commune de Santec :

26. Il résulte de ce qui précède, notamment de ce qui a été dit aux points 23 et 24, que l'indemnité devant être versée à la SC du Clos Saint-Marc, fixée à la somme de 5 112,43 euros par les premiers juges, doit être portée à la somme de 6 173,73 euros. Par suite, l'appel incident de la commune doit être rejeté.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

27. D'une part, la SC du Clos Saint-Marc a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 6 173,73 euros à compter du 4 avril 2016, date de réception par la commune de Santec de la demande préalable indemnitaire présentée par la requérante.

28. D'autre part, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée pour la première fois le 28 juin 2016. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter 4 avril 2017, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais liés au litige :

29. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SC du Clos Saint-Marc, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la commune de Santec de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Santec le versement à la SC du Clos Saint-Marc d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais.

D E C I D E :

Article 1er : La somme de 5 112,43 euros que le jugement du tribunal administratif de Rennes du 11 juillet 2019 a condamné la commune de Santec à verser à la SC du Clos Saint-Marc, est portée à la somme de 6 173,73 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2016. Les intérêts échus à la date du 4 avril 2017 porteront eux-mêmes intérêts à compter de cette date et à chaque échéance annuelle.

Article 2 : L'article 1er du jugement du 11 juillet 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : La commune de Santec versera à la SC du Clos Saint-Marc la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la SC du Clos Saint-Marc et à la commune de Santec.

Délibéré après l'audience du 18 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme Buffet, président assesseur,

- Mme A..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 6 octobre 2020.

Le rapporteur,

C. A...

Le président,

T. CELERIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT03615


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03615
Date de la décision : 06/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : SELARL LE ROY GOURVENNEC PRIEUR

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-06;19nt03615 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award