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01/10/2020 | FRANCE | N°19NT04417

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 01 octobre 2020, 19NT04417


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... et Sophie D..., M. et Mme K... et Aline B..., M. et Mme N... et Manuela Marie, M. et Mme M... C... et Manuela Moulin, M. et Mme H... et Elodie Nigaud et M. et Mme K... et Anaïs G..., ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 18 décembre 2017 par laquelle le maire de Domjean (Manche) a délivré, au nom de l'Etat, à M. A... J... un permis de construire en vue de réaliser un poulailler pour poules pondeuses avec local technique et bâtiment de stockage du matériel a

insi que la décision implicite du 10 avril 2018 de rejet de leur recours...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... et Sophie D..., M. et Mme K... et Aline B..., M. et Mme N... et Manuela Marie, M. et Mme M... C... et Manuela Moulin, M. et Mme H... et Elodie Nigaud et M. et Mme K... et Anaïs G..., ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 18 décembre 2017 par laquelle le maire de Domjean (Manche) a délivré, au nom de l'Etat, à M. A... J... un permis de construire en vue de réaliser un poulailler pour poules pondeuses avec local technique et bâtiment de stockage du matériel ainsi que la décision implicite du 10 avril 2018 de rejet de leur recours gracieux et le permis modificatif délivré le 18 mai 2018.

Par un jugement du 21 mars 2019 le tribunal administratif de Caen, après avoir écarté les autres moyens, a sursis à statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme puis par un jugement du 18 septembre 2019 a rejeté la demande de M et Mme D... et autres.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 16 novembre 2019, 17 juin 2020 et 31 août 2020, M. et Mme E... et Sophie D..., M. et Mme K... et Aline B... et M. et Mme K... G..., représentés par Me L..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 septembre 2019 ;

2°) d'annuler le permis de construire du 18 décembre 2017 et les permis de construire modificatifs des 18 mai 2018 et 27 mai 2019 ainsi que la décision de rejet de leur recours gracieux du 10 février 2018 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Domjean une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur requête est recevable ;

- un vice de procédure a été commis : le maire n'avait pas à saisir pour avis la direction départementale de la protection des populations de la Manche et s'est cru lié par cet avis ;

- l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme a été méconnu au regard des nuisances sonores, olfactives, visuelles, l'atteinte et à la sécurité, au regard des conditions d'accès.

Par un mémoire enregistré le 26 août 2020, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme I...,

- les conclusions de M. F....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 18 décembre 2017, le maire de Domjean a accordé à M. A... J..., au nom de l'Etat, un permis de construire en vue de réaliser, au lieu-dit Le Pallis, un poulailler pour vingt mille poules pondeuses et deux mille coqs, ainsi qu'un local technique et un bâtiment de stockage du matériel, sur une surface totale de 2 976 m2. M. et Mme E... et Sophie D..., et autres, tous voisins du projet, ont formé un recours gracieux, reçu le 10 février 2018, contre ce permis, auquel la commune a opposé un refus implicite. Le 18 mai 2018, la commune a délivré à M. J... un permis de construire modificatif. Par un jugement du 21 mars 2019, le tribunal administratif de Caen a, sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, après avoir écarté tous les autres moyens de la requête, prononcé un sursis à statuer dans l'attente de la notification au tribunal d'un permis de construire modificatif régularisant l'illégalité des permis de construire initial et modificatif au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Par un arrêté du 27 mai 2019, le préfet de la Manche a délivré à M. J... un permis de construire modificatif. Par le jugement attaqué du 18 septembre 2019, le tribunal a rejeté la demande de M. et Mme D... et autres. M. et Mme D..., M. et Mme B... et M. et Mme G... relèvent appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, avant de prendre le permis de construire modificatif le maire de Domjean a, alors même qu'il n'y était pas tenu, saisi pour avis le directeur départemental de la protection des populations. Il ne ressort ni des termes de la décision en litige, ni des autres pièces du dossier que le maire se serait estimé lié par cet avis qui au demeurant se borne à rappeler que le projet d'installation devra respecter les prescriptions applicables aux élevages de volailles fixées par l'arrêté ministériel du 27 décembre 2013. Par suite, le moyen tiré de ce que le maire aurait méconnu sa compétence ne peut qu'être écarté.

3. En second lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

4. Les requérants soutiennent que le projet est de nature à créer des nuisances sonores, olfactives et visuelles de nature à porter atteinte à la sécurité et à la salubrité publiques dans des conditions telles que le maire de Domjean aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage des pouvoirs qu'il tient de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

5. Les requérants font tout d'abord valoir que le bruit provoqué par la présence simultanée de 22 000 volailles est de nature à créer d'importantes gênes pour le voisinage alors que les bâtiments abritant les animaux ne comportent que des murs de tôles d'une épaisseur insuffisante. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les animaux resteront confinés à l'intérieur des bâtiments d'élevage. Par ailleurs, et alors que les édifices sont en léger contrebas par rapport aux habitations les plus proches, les locaux techniques seront localisés entre les deux ailes des bâtiments lesquels auront ainsi nécessairement pour effet de limiter l'impact sonore induit par l'activité d'élevage. De plus, si le fonctionnement des ventilateurs sera continu, celui des turbines n'est susceptible d'être mis en oeuvre qu'en cas de fortes chaleurs. Enfin, un merlon de terre sur lequel des arbres et arbustes seront plantés sera édifié entre les constructions de l'exploitation et les propriétés voisines, lesquelles sont situées à plus de 160 mètres des locaux affectés à l'élevage. En tout état de cause, les requérants n'établissent pas, par leurs seules allégations, que le pétitionnaire, dont l'installation classée relève du régime de la déclaration, aurait été tenu par une obligation de réaliser une étude acoustique.

6. Il ressort par ailleurs de la notice jointe au dossier de demande de permis de construire que les déjections des poules tomberont sur le sol du poulailler où elles sécheront au fur et à mesure de leur production grâce à la ventilation. Elles seront évacuées annuellement, lors du curage des locaux, avant d'être épandues sur les exploitations de prêteurs de terres ou stockées sous couvert. Le séchage des fientes est de nature à contribuer à limiter les émissions olfactives. Les eaux de lavage seront réceptionnées dans une préfosse puis répandues sur les surfaces du plan d'épandage en prairies naturelles. Pour lutter contre les nuisibles, un contrat sera conclu avec un organisme spécialisé.

7. Il ressort aussi des pièces du dossier que le projet, localisé dans un paysage de bocage fermé, est entouré de haies. Le permis modificatif prévoit la création de haies doublant celles existantes et devant être implantées entre les bâtiments d'élevage et les propriétés voisines. Ces haies supplémentaires seront plantées sur un merlon de terre et composées d'espèces locales variées à feuilles soit persistantes soit caduques. Les matériaux composant les bâtiments seront de couleur marron et verte permettant de minimiser leur impact dans l'environnement. Ainsi, compte tenu à la fois de ces plantations supplémentaires, de la topographie des lieux et de leur relatif éloignement des maisons voisines, l'impact visuel du projet ne peut, en l'espèce, être regardé comme étant de nature à porter une atteinte particulière à l'environnement.

8. Si les requérants font valoir que les vents dominants sont susceptibles de propager les nuisances sonores ou olfactives liées à l'élevage de volailles et produisent à cet effet la rose des vents de la commune voisine de Cerisy-la-Salle, laquelle fait apparaître une légère prédominance des vents provenant du nord-est, et se dirigeant vers le sud-ouest, ce document, ainsi que d'ailleurs la rose des vents du pays manchois, montrent que les vents dans ce secteur proviennent fréquemment du sud et de l'ouest et se dirigent vers le nord ou l'est. Les cadavres d'animaux seront stockés, à l'intérieur des hangars, dans des congélateurs, et régulièrement enlevés par des sociétés spécialisées. Dans ces conditions, compte tenu en particulier de la localisation au sud-est de l'exploitation des habitations les plus proches, il n'est pas établi que les riverains seraient particulièrement exposés aux bruits et aux odeurs générés par l'installation classée de M. J....

9. Enfin la desserte de l'exploitation s'effectuera par un chemin aboutissant sur une voie communale. Si l'activité d'élevage est susceptible d'induire un trafic supplémentaire, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment de la configuration des lieux, que l'intersection entre ces deux axes présente un danger particulier auquel il ne pourrait être obvié par un conducteur normalement attentif. Il ressort en particulier de la notice descriptive de la demande de permis de construire modificatif que seuls des véhicules légers emprunteront le chemin d'accès dont l'empierrement est prévu. En tout état de cause, le permis de construire prévoit qu'une participation pour réalisation d'équipements publics exceptionnels pourra être mise à la charge du pétitionnaire en application de l'article L 332-8 du code de l'urbanisme.

10. Dans ces conditions, et alors que l'installation est assujettie pour son fonctionnement aux dispositions de l'arrêté ministériel du 27 décembre 2013, en délivrant le permis modificatif en litige le maire de Domjean n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

11. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas en l'espèce la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées par ces derniers sur ce fondement ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... et autres est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D..., représentant unique désigné par Me L..., à M. A... J... et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Copie en sera adressée au maire de Domjean.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2020, où siégeaient :

- M. Perez, président de chambre,

- Mme I..., président-assesseur,

- Mme Douet, président-assesseur.

Lu en audience publique le 1er octobre 2020.

Le rapporteur,

C. I...Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 19NT04417


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04417
Date de la décision : 01/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SCP ADJUDICIA

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-01;19nt04417 ?
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