Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. H... C... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 26 avril 2018 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises en poste à Djibouti rejetant les demandes de visa de long séjour formées par Mme K... E... J... et les jeunes D... H... C..., Amir H... C... et B... H... C... qu'il présente comme son épouse et leurs trois enfants.
Par un jugement n° 1811996 du 29 mai 2019, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision seulement en tant qu'elle concerne Mme E... J....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 novembre 2019 et le 3 mars 2020, M. C... F..., M. D... H... C... et M. A... H... C..., représentés par Me G..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 mai 2019 en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à la demande ;
2°) d'annuler la décision contestée en tant qu'elle confirme les refus de visa opposés à D... H... C..., Amir H... C... et B... H... C... ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer à D... H... C..., Amir H... C... et B... H... C... un visa de long séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me G... d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- en estimant que les liens de filiation n'étaient pas établis, le tribunal a porté sur leur situation une appréciation erronée ;
- les refus de visa qui leur sont opposés méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3 § 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. C... F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 septembre 2019.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bougrine a été entendu au cours de l'audience publique.
Une note en délibéré présentée par M. C... F... et autres a été enregistrée le 11 septembre 2020.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... F..., ressortissant somalien, est bénéficiaire de la protection subsidiaire. Le 15 avril 2017, Mme K... E... J..., qu'il présente comme son épouse et les jeunes D... H... C... né le 17 août 1999, Amir H... C... né le 5 octobre 2000 et B... H... C... née le 23 novembre 2006, qu'il présente comme leurs enfants ont sollicité la délivrance de visas de long séjour au titre de la réunification familiale. Par une décision du 26 avril 2018, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé les refus opposés à ces demandes de visa par les autorités consulaires françaises en poste à Djibouti. Le tribunal administratif de Nantes, par un jugement du 29 mai 2019, a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle a maintenu le refus de visa opposé à Mme K... E... J.... M. C... F..., M. H... C... et M. B... H... C... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il n'a que partiellement annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes des dispositions du I de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui (...) qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint (...) / ... / 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. / ... / L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. ". Il résulte des dispositions du II du même article qu'à l'appui de leur demande de visa présentée au titre de la réunification familiale, les membres de la famille d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire produisent les actes de l'état civil justifiant leur identité et leurs liens familiaux avec ce dernier et, en cas d'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, permettent de justifier la situation de famille ou l'identité des demandeurs. Aux termes de l'article 311-1 du code civil : " La possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir. / Les principaux de ces faits sont : / 1° Que cette personne a été traitée par celui ou ceux dont on la dit issue comme leur enfant et qu'elle-même les a traités comme son ou ses parents ; / 2° Que ceux-ci ont, en cette qualité, pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation ; / 3° Que cette personne est reconnue comme leur enfant, dans la société et par la famille ; / 4° Qu'elle est considérée comme telle par l'autorité publique ; / 5° Qu'elle porte le nom de celui ou ceux dont on la dit issue. ". L'article 311-2 du même code dispose : " La possession d'état doit être continue, paisible, publique et non équivoque. ". Aux termes de l'article 311-14 du même code : " La filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant ; si la mère n'est pas connue, par la loi personnelle de l'enfant. ".
3. D'une part, ainsi que l'a relevé le tribunal pour annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle a maintenu le refus de visa opposé à Mme K... E... J..., il ressort des pièces du dossier et notamment du certificat de mariage tenant lieu d'acte civil établi le 9 décembre 2014, en application de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que M. H... C... F..., né le 21 février 1982 à Qorioley et Mme K... E... J..., née le 5 juin 1983 à Qorioley, se sont mariés le 18 mai 1998 à Qorioley. D'autre part, il ressort des certificats de naissance versés à l'instance, dont ni le contenu ni la date d'établissement ne démontrent le caractère frauduleux, que Mme K... E... J... est la mère des jeunes D..., Amir et B..., nés respectivement en 1999, 2000 et 2006, soit pendant son mariage avec M. H... C... F.... Ces mentions relatives à l'identité, aux dates et lieux de naissance de ces enfants concordent avec les éléments figurant sur les passeports des intéressés. Enfin, ces derniers ont pour patronyme H... C... correspondant aux prénoms de leurs père et grand-père paternel comme il est d'usage en Somalie. L'ensemble de ces éléments permet d'établir l'existence d'une situation de possession d'état révélant le lien de paternité entre M. H... C... F... et les enfants B..., Amir et D... H... C.... Il suit de là qu'en estimant que l'identité et les liens de filiation paternelle de ces derniers n'étaient pas établis, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions citées au point 2.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... F... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision contestée seulement en tant qu'elle concerne Mme E... J....
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Sous réserve d'un changement de circonstances de droit ou de fait, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard aux motifs sur lesquels il se fonde, que le ministre de l'intérieur délivre un visa de long séjour à B... H... C..., Amir H... C... et D... H... C.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre d'y procéder dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. M. C... F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me G..., avocat de M. C... F..., de la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
D E C I D E:
Article 1er : La décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 26 avril 2018, en tant qu'elle maintient les décisions de refus de visa opposés à B... H... C..., Amir H... C... et D... H... C... et le jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 mai 2019 en tant qu'il rejette les conclusions de la demande dirigées contre ces décisions de refus sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, un visa de long séjour à B... H... C..., Amir H... C... et D... H... C....
Article 3 : L'Etat versera à Me G... une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... F..., M. D... H... C... et M. A... H... C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 8 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Douet, président-assesseur,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er octobre 2020.
Le rapporteur,
K. Bougrine
Le président,
A. PEREZLe greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT04335