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22/09/2020 | FRANCE | N°19NT03339

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 22 septembre 2020, 19NT03339


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... F... épouse E... et Mme G... C... C... née E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 27 janvier 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision du 2 décembre 2015 de l'autorité consulaire française à Yaoundé (Cameroun) refusant de délivrer à Mme A... F... épouse E... un visa de court séjour pour visite familiale.

Par un jugement n° 1602719 du 13 ju

in 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... F... épouse E... et Mme G... C... C... née E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 27 janvier 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision du 2 décembre 2015 de l'autorité consulaire française à Yaoundé (Cameroun) refusant de délivrer à Mme A... F... épouse E... un visa de court séjour pour visite familiale.

Par un jugement n° 1602719 du 13 juin 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 13 août et 5 septembre 2019 et 25 février 2020, Mme A... F... épouse E..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 27 janvier 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 2 décembre 2015 de l'autorité consulaire française à Yaoundé (Cameroun) refusant de lui délivrer un visa de court séjour pour visite familiale ;

3°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer le visa demandé.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en ce qu'il comporte une erreur sur son identité ;

- la décision contestée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est entachée d'erreur dans l'appréciation de ses ressources personnelles et des moyens financiers et matériels de sa fille qui doit l'accueillir en France ;

- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires ;

- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 et modifiée par le règlement (UE) n° 610/ 2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (CE) n° 810/2009 du 13 juillet 2009 du Parlement européen et du Conseil établissant un code communautaire des visas ;

- le règlement (UE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 abrogeant le règlement (CE) n° 562/2006 établissant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les observations de Me D..., pour Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante camerounaise, a demandé un visa de court séjour pour visite familiale. Par une décision du 2 décembre 2015, l'autorité consulaire française à Yaoundé (Cameroun) a refusé de lui délivrer le visa sollicité. Saisie d'un recours contre cette décision, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France l'a rejeté par une décision du 27 janvier 2016. Mme A... F... épouse E... et Mme G... C... C... née E..., sa fille, E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de cette décision. Par un jugement du 13 juin 2019, le tribunal administratif a rejeté leur demande. Mme A... F... épouse E... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La requérante soutient que le jugement du 13 juin 2019 est irrégulier en ce qu'il est entaché d'une erreur quant à son identité. Toutefois, en mentionnant dans l'article 2 de son dispositif que le jugement sera notifié à Mme F... E... née A..., au lieu de Mme E... née A... F... ou Mme A... F... épouse E..., les premiers juges ont seulement commis une erreur de plume sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fondé sa décision du 27 janvier 2016 sur deux motifs tirés, d'une part, de l'insuffisance des ressources de Mme E... pour garantir le financement de son séjour en France et de son retour dans son pays d'origine et des moyens financiers et matériels de sa fille pour assumer son accueil et son entretien pendant la durée de son séjour en France, d'autre part, de l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires.

4. Aux termes de l'article 10 de la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990 : " 1. Il est institué un visa uniforme valable pour le territoire de l'ensemble des Parties contractantes. Ce visa (...) peut être délivré pour un séjour de trois mois au maximum (...) ". Aux termes de l'article 6 du règlement (UE) n°2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 : " 1. Pour un séjour prévu sur le territoire des Etats membres, d'une durée n'excédant pas 90 jours sur toute période de 180 jours (...), les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes : (...) c) justifier l'objet et les conditions du séjour envisagé, et disposer de moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans leur pays d'origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel leur admission est garantie, ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens (...) " / (...) 4. L'appréciation des moyens de subsistance se fait en fonction de la durée et de l'objet du séjour et par référence aux prix moyens en matière d'hébergement et de nourriture dans l'État membre ou les États membres concernés, pour un logement à prix modéré, multipliés par le nombre de jours de séjour. (...) L'appréciation des moyens de subsistance suffisants peut se fonder sur la possession d'argent liquide, de chèques de voyage et de cartes de crédit par le ressortissant de pays tiers. Les déclarations de prise en charge, lorsqu'elles sont prévues par le droit national, et les lettres de garantie telles que définies par le droit national, dans le cas des ressortissants de pays tiers logés chez l'habitant, peuvent aussi constituer une preuve de moyens de subsistance suffisants. (...) ".

5. En vertu de l'article L. 211-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger qui déclare vouloir séjourner en France pour une durée n'excédant pas trois mois dans le cadre d'une visite familiale ou privée doit présenter un justificatif d'hébergement. Ce justificatif prend la forme d'une attestation d'accueil signée par la personne qui se propose d'assurer le logement de l'étranger, ou son représentant légal, et validée par l'autorité administrative. Cette attestation d'accueil constitue le document prévu par la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 pour justifier les conditions de séjour dans le cas d'une visite familiale ou privée. ". Selon l'article L. 211-4 du même code, l'attestation d'accueil " est accompagnée de l'engagement de l'hébergeant de prendre en charge, pendant toute la durée de validité du visa (...) et au cas où l'étranger accueilli n'y pourvoirait pas, les frais de séjour en France de celui-ci, limités au montant des ressources exigées de la part de l'étranger pour son entrée sur le territoire en l'absence d'une attestation d'accueil. ".

6. Il résulte de ces dispositions que l'obtention d'un visa de court séjour est subordonnée à la condition que le demandeur justifie à la fois de sa capacité à retourner dans son pays d'origine et de moyens de subsistance suffisants pendant son séjour. Il appartient au demandeur de visa dont les ressources personnelles ne lui assurent pas ces moyens d'apporter la preuve de ce que les ressources de la personne qui l'héberge et qui s'est engagée à prendre en charge ses frais de séjour au cas où il n'y pourvoirait pas sont suffisantes pour ce faire. Cette preuve peut résulter de la production d'une attestation d'accueil validée par l'autorité compétente et comportant l'engagement de l'hébergeant de prendre en charge les frais de séjour du demandeur, sauf pour l'administration à produire des éléments de nature à démontrer que l'hébergeant se trouverait dans l'incapacité d'assumer effectivement l'engagement qu'il a ainsi souscrit.

7. Il est constant que Mme E..., âgée de 67 ans à la date de la décision contestée, est veuve et retraitée et ne justifie pas de revenus réguliers. Si l'intéressée, qui se borne à produire un relevé de change de devises, non daté, portant sur une somme de 1 500 euros, ne justifie pas disposer de moyens de subsistance suffisants pour la durée prévue pour son séjour en France et pour garantir son retour dans son pays d'origine, il ressort des pièces du dossier que sa fille, qui s'est engagée à l'héberger et la prendre en charge pendant la durée de son séjour, travaille comme assistante socio-éducative pour l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et perçoit un revenu mensuel d'environ 2 000 euros. En outre, son époux perçoit l'allocation aux adultes handicapés pour un montant d'environ 800 euros par mois et le couple et leur fils, né en 2004, sont locataires d'un appartement de type 4, suffisamment grand pour accueillir Mme E.... Il suit de là qu'en se fondant sur l'insuffisance des ressources de Mme E... et des moyens financiers et matériels de sa fille pour assumer son accueil et son entretien pendant la durée de son séjour en France, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions précitées.

8. Toutefois, aux termes de l'article 21 du règlement (CE) du 13 juillet 2009 : " 1. Lors de l'examen d'une demande de visa uniforme, (...) une attention particulière est accordée à l'évaluation du risque d'immigration illégale (...) que présenterait le demandeur ainsi qu'à sa volonté de quitter le territoire des États membres avant la date d'expiration du visa demandé. ". Aux termes de l'article 32 du même règlement : " 1. (...) le visa est refusé : (...) b) s'il existe des doutes raisonnables sur (...) la fiabilité des déclarations effectuées par le demandeur ou sur sa volonté de quitter le territoire des États membres avant l'expiration du visa demandé. (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que la requérante est propriétaire de son appartement au Cameroun. Si elle soutient que deux de ses fils et des petits-enfants vivent au Cameroun, elle ne l'établit pas par les pièces qu'elle produit. Il ressort, également, des pièces du dossier que Mme E... est veuve depuis 2008 et que deux de ses enfants sont de nationalité française et vivent en France, sa fille étant, à la date de la décision contestée, assistante socio-éducative pour l'AP-HP et son fils aîné exerçant la profession d'avocat. Par suite, et alors même que Mme E... a respecté la durée de validité d'un précédent visa de court séjour obtenu en 2002, la commission n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en se fondant sur l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires. Il résulte de l'instruction que la commission aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif.

10. Enfin, eu égard à la nature du visa demandé et dès lors qu'il n'est pas établi que les membres de sa famille qui résident en France seraient dans l'impossibilité de lui rendre visite au Cameroun, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision de la commission porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F... épouse E... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 4 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, président assesseur,

- M. Franck, premier conseiller,

- Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 22 septembre 2020.

Le rapporteur,

C. B...

Le président,

C. BUFFET

Le greffier,

C. POPSE

La République mande et ordonne au

ministre de l'intérieur

en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis

en ce qui concerne les voies de droit commun

contre les parties privées, de pourvoir

à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT03339


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03339
Date de la décision : 22/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : BOND

Origine de la décision
Date de l'import : 03/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-09-22;19nt03339 ?
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