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22/09/2020 | FRANCE | N°19NT03128

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 22 septembre 2020, 19NT03128


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 23 juillet 2019, le 30 septembre 2019, et le 30 avril 2020, la SARL Keranna Energies, représentée par Me B..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler la décision implicite née le 26 mai 2019 par laquelle le préfet des Côtes-d'Armor a refusé de lui délivrer une autorisation unique en vue de la construction et l'exploitation d'un parc composé de cinq éoliennes et d'un poste de livraison, situé sur les communes de Plumieux et Saint-Étienne-du-Gué-de-l'Isle

;

2°) de délivrer l'autorisation unique sollicitée et de fixer les prescriptio...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 23 juillet 2019, le 30 septembre 2019, et le 30 avril 2020, la SARL Keranna Energies, représentée par Me B..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler la décision implicite née le 26 mai 2019 par laquelle le préfet des Côtes-d'Armor a refusé de lui délivrer une autorisation unique en vue de la construction et l'exploitation d'un parc composé de cinq éoliennes et d'un poste de livraison, situé sur les communes de Plumieux et Saint-Étienne-du-Gué-de-l'Isle ;

2°) de délivrer l'autorisation unique sollicitée et de fixer les prescriptions nécessaires à la préservation des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ; à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Côtes d'Armor de fixer lesdites prescriptions ; à titre infiniment subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Côtes-d'Armor de délivrer l'autorisation unique sollicitée, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de refus n'est pas suffisamment motivée ;

- la décision est entachée d'incompétence négative ; le préfet s'est cru lié par les conclusions du commissaire enquêteur rendues le 26 novembre 2018, ainsi que par les avis défavorables des communes situées au sein du périmètre d'enquête ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit, en ce qu'il se fonde sur un motif qui n'est pas prévu par la législation des installations classées ; le motif tiré de la mauvaise acceptabilité sociale du projet n'est pas au nombre de ceux qui peuvent être légalement opposés pour refuser l'autorisation unique sollicitée ;

- le préfet a entaché sa décision d'erreur d'appréciation ; le projet a été bien accueilli ; l'opposition au projet, manifestée pendant la tenue de l'enquête publique, ne reflète pas la réalité ; la participation du public a été faible par rapport à l'importance de l'information et de la concertation réalisées par le pétitionnaire ;

- la décision est entaché d'une erreur de droit ; aucune disposition légale ou réglementaire ne permet au préfet de conditionner l'autorisation sollicitée à une consultation pour avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites ; le préfet n'était pas tenu de rejeter la demande d'autorisation en raison de ce que la requérante ne souhaitait pas que cette commission soit saisie ;

- la substitution de motifs, sollicitée par le ministre, ne peut être accueillie : le projet ne porte pas atteinte aux chiroptères ; le projet ne porte pas atteinte aux paysages ; le site d'implantation est propice à l'exploitation d'un parc éolien ; le préfet n'a pas apprécié la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et n'a pas évalué, ensuite, l'impact de cette construction au regard de sa nature et de ses effets ; la recherche d'une concentration des parcs éoliens au sein d'une zone propice à leur implantation est recommandée ; les mesures compensatoires proposées au sein du projet sont satisfaisantes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2020, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- les moyens soulevés par la SARL Keranna ne sont pas fondés ;

- en supposant que les motifs retenus par le préfet des Côtes-d'Armor soient erronés, le ministre demande que leur soient substitués ceux tirés du risque modéré à fort de collision avec onze espèces de chauve-souris qu'entraînerait le projet, et de l'atteinte aux paysages.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me D... pour la SARL Keranna Energies.

Considérant ce qui suit :

1. Le 14 septembre 2016, la société Keranna Energies a déposé auprès du préfet des Côtes-d'Armor, une demande d'autorisation unique portant sur la construction et l'exploitation d'un parc éolien composé de cinq éoliennes et d'un poste de livraison, sur le territoire des communes de Plumieux et de Saint-Etienne-du-Gué-de-l'Isle. Cette demande a été complétée par la société le 11 juillet 2017. Par un arrêté du 29 janvier 2019, le préfet des Côtes-d'Armor a prorogé le délai d'instruction de la demande, jusqu'au 26 mai 2019, date à laquelle est née une décision implicite de refus. La société Keranna demande l'annulation de cette décision.

Sur la légalité du refus d'autorisation :

En ce qui concerne l'étude d'impact :

2. L'article R. 122-5 du code de l'environnement définit le contenu de l'étude d'impact, qui est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et à la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. L'étude d'impact ne peut comporter d'inexactitudes, omissions ou insuffisances susceptibles d'avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

3. Il résulte de l'instruction que l'étude d'impact menée par le maître d'ouvrage comprend une analyse détaillée portant sur l'état sonore du site, tant en phase de travaux qu'en phase d'exploitation, ainsi que des hypothèses et des modélisations en période diurne et nocturne en fonction de diverses conditions météorologiques. Le document présente, par ailleurs, une description des mesures d'évitement, de réduction et de suivi dans le choix des équipements, du matériel et des modalités d'exploitation susceptibles de les réduire. Si l'autorité environnementale, qui a qualifié l'étude d'impact et son résumé de satisfaisants et précis tant d'un point de formel que qualitatif, a relevé que certains tableaux relatifs aux émergences sonores, très détaillés et descriptives, pouvaient gagner en lisibilité, cette circonstance n'a pas eu pour effet de nuire à l'information complète de la population.

4. Il résulte de ce qui précède que l'autorité administrative ne pouvait légalement se fonder, pour rejeter la demande d'autorisation environnementale, sur l'insuffisance de l'étude d'impact quant aux nuisances sonores du projet sur la population, et en particulier sur les résidents de hameaux situés entre le projet litigieux et un autre projet de parc éolien.

En ce qui concerne l'opposition locale au projet, les atteintes portées aux paysages, à la commodité du voisinage et aux chiroptères :

5. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ". L'article L. 512-1 du même code dispose que : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. / L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral. (...) ". L'article L. 211-1 du même code prévoit que : " I. -Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; (...) ; 2° La protection des eaux et la lutte contre toute pollution par déversements, écoulements, rejets, dépôts directs ou indirects de matières de toute nature et plus généralement par tout fait susceptible de provoquer ou d'accroître la dégradation des eaux en modifiant leurs caractéristiques physiques, chimiques, biologiques ou bactériologiques, (...) ; 3° La restauration de la qualité de ces eaux et leur régénération ; 4° Le développement, la mobilisation, la création et la protection de la ressource en eau ; 5° La valorisation de l'eau comme ressource économique et, en particulier, pour le développement de la production d'électricité d'origine renouvelable ainsi que la répartition de cette ressource ; 5° bis La promotion d'une politique active de stockage de l'eau pour un usage partagé de l'eau (...) ; 6° La promotion d'une utilisation efficace, économe et durable de la ressource en eau ; 7° Le rétablissement de la continuité écologique au sein des bassins hydrographiques ".

S'agissant de l'opposition locale au projet :

6. Il résulte de l'instruction que pour rejeter la demande d'autorisation sollicitée, le préfet s'est notamment fondé sur l'opposition de la population locale concernée par le projet litigieux. Toutefois, un tel motif ne se rattache à aucun des intérêts mentionnés aux articles du code de l'environnement rappelés au point 5. Dès lors, il est insusceptible de fonder le rejet d'une demande d'autorisation unique de construire et d'exploiter un parc éolien.

S'agissant de l'atteinte portée aux paysages :

7. D'une part, le projet prévoit l'implantation du parc éolien à l'ouest du bourg de Plumieux entre les hameaux de Foyer, Tresnel et Keranna (côté Plumieux) et Le Linio, Le Guindard et Gas de Bois (côté Saint-Étienne-du-Gué-de-l'Isle). L'aire d'implantation représente une surface de 824 946 m², et se situe dans une zone agricole cultivée, sur un plateau à environ 120 mètres d'altitude offrant un panorama ouvert qui amplifie les impacts paysagers. Il ne résulte pas de l'instruction que le site du projet bénéficierait d'une quelconque protection en raison de son aspect pittoresque. Ce site, constitué de vastes plaines cultivées, doucement vallonnées et ponctuellement boisées, et composé de quelques fermes et hameaux, ne présente pas d'intérêt significatif. Par ailleurs, le projet se situe dans une zone à faibles enjeux faunistiques et floristiques, et n'est pas susceptible de détruire des espèces protégées.

8. D'autre part, le projet prévoit l'installation, sur le territoire des communes de Plumieux et de Saint-Étienne-du-Gué-de-l'Isle, respectivement de quatre éoliennes et d'un poste de livraison, et d'une éolienne, dont les pales peuvent atteindre une hauteur totale de 150 mètres.

9. Il résulte de l'instruction que, de manière générale, les hameaux qui composent l'aire immédiate sont peu habités et présentent des vues fermées sur le paysage alentour, notamment du fait de la présence de bâtiments annexes (dépendances, hangar, garages) et de végétations (bosquet et haies). Si le tracé et la création des chemins d'accès entraîneront le déboisement d'environ 430 m² de talus, et la destruction d'environ 175 mètres de haies, la société Keranna s'est engagée, dans le cadre d'un programme régional de plantation bocagère suivi par la communauté de communes " Loudéac communauté Bretagne centre ", à renforcer l'effet écran du linéaire bocager en créant 3 kilomètres de haies arbustives composées d'essences de haut jet sur le territoire des deux communes et en replantant environ 150 mètres linéaires de haies nouvelles et 15 mètres linéaires de talus bocager au sud du site, alors que l'autorité environnementale a jugé ces mesures suffisantes et de nature à contribuer à une amélioration de la qualité des écosystèmes environnants. Il résulte notamment de l'étude paysagère, dont la sincérité n'est pas contestée, que le parc projeté sera perçu depuis les hameaux proches, au premier plan des vues s'ouvrant à l'ouest vers la vallée du Lié. Le parti d'implantation sera toutefois lisible et la souplesse générée par la courbe du parc s'accordera avec les courbures du relief qui caractérisent le paysage à la descente dans la vallée. Les visibilités ou covisibilités qui subsistent ne sont pas prégnantes. La ministre fait valoir, en défense, que le secteur d'implantation immédiat est largement impacté par la présence du parc éolien de la Lande, composé de 8 éoliennes, et situé à moins de 4 kilomètres du projet, ainsi que par celle d'un autre projet concurrent, dit " les Landiers ", situé à moins de 3 kilomètres, sur le territoire des mêmes communes, et consistant en la création d'un parc composé de 4 éoliennes et d'un poste de livraison. Toutefois, il résulte de l'instruction que la construction du parc éolien " les Landiers " n'a pas été autorisée par la préfecture des Côtes-d'Armor et que le projet a été abandonné.

10. Dans le périmètre intermédiaire ou éloigné du parc envisagé, le projet s'inscrit au sein de parcs composés de 50 éoliennes (38 construites et 12 autorisées) dans un périmètre de 10 kilomètres, et de 76 éoliennes dans un périmètre de 13 kilomètres (59 construites, et 17 autorisées). Le faible relief rendra les éoliennes projetées fréquemment visibles depuis les points de vue lointains. Toutefois, l'impact paysager sera limité par l'absence de rupture d'échelle, la dissimulation fréquente des mats derrière des espaces boisés et la préexistence de plusieurs éoliennes, dont certaines se superposeront avec celles projetées. La distance entre les différents parcs, le léger relief et la présence régulière d'espaces boisés ou de bosquets atténueront la fréquence et l'étendue de cette covisibilité, offrant des espaces de respiration et des coupures visuelles. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que le parc litigieux génèrera, par ses effets cumulés à ceux des parcs existants, une saturation visuelle du paysage par les éoliennes ou une perception d'encerclement par ces dernières. Par ailleurs, compte-tenu de sa relative proximité avec d'autres parcs, il ne résulte pas de l'instruction que l'implantation du parc de Keranna favorisera un mitage du paysage éolien.

11. Il résulte de ce qui précède que si les inconvénients pour les paysages situés à proximité du projet litigieux pourraient le cas échéant justifier des prescriptions spéciales pour en atténuer les nuisances visuelles, ils ne sont pas de nature à justifier en l'espèce le refus d'autorisation environnementale sollicitée.

S'agissant de l'atteinte portée à la commodité du voisinage :

12. La ministre fait valoir en défense que le projet litigieux, qui suscite l'opposition d'une part significative de la population locale, présentera un impact acoustique susceptible de porter atteinte à la commodité du voisinage.

13. D'une part, le rejet du projet litigieux, exprimé par de nombreux habitants des communes concernées, de même que le sentiment de saturation ressenti par les habitants du secteur concerné par l'addition de projets, ne sont pas, à eux seuls, de nature à caractériser des dangers ou des inconvénients pour la commodité du voisinage.

14. D'autre part, il résulte de l'instruction, notamment de l'étude d'impact du projet et du rapport de l'inspection de l'environnement établi le 3 janvier 2018, lesquels ont pris en compte le bruit cumulé avec le fonctionnement du parc de la Lande et du parc les Landiers, abandonné, que les émergences globales respecteront les seuils réglementaires et ne sont pas susceptibles d'avoir une incidence significative. Par ailleurs, la société Keranna a proposé des mesures d'évitement relatives à l'implantation du projet, dont l'éloignement vis-à-vis des zones habitées, ainsi que le choix de technologies et d'équipements optimaux, notamment des modèles d'éoliennes disposant d'un profil de pales spécifique. La circonstance que l'inspection des installations classées et l'agence régionale de santé aient conditionné, sur ce point, le sens de leur avis à la réalisation d'une campagne de mesures sonores après la mise en service du parc projeté, qui serait le cas échéant à prescrire dans l'arrêté préfectoral d'autorisation unique, n'est pas de nature à justifier le rejet de la demande. Dès lors qu'une prescription spéciale est possible pour prévenir les dangers ou inconvénients pour la commodité du voisinage, ceux-ci ne sont pas de nature à justifier le refus d'autorisation environnementale qui a été opposé à la société Keranna Energies.

S'agissant du risque d'atteinte porté aux chiroptères :

15. La ministre fait valoir en défense que le positionnement des éoliennes n°1, n°2 et n°3 entraîne un risque modéré à fort de collision avec 11 espèces de chauve-souris, tandis que les éoliennes n°4 et n°5 sont positionnées dans des zones où le risque de collision est faible à modéré.

16. Il résulte toutefois de l'instruction que la société Keranna Energies a retenu un scenario d'implantation permettant l'évitement des zones à enjeux forts, lequel a au demeurant été qualifié de " satisfaisant " par l'inspection des installations classées. Par ailleurs, en raison de ce risque, la société Keranna Energies s'est engagée à limiter le fonctionnement des éoliennes pendant les périodes critiques d'activité des chauve-souris, à mettre en place des périodes d'arrêt entre les mois d'avril et octobre, notamment lors de la survenance de vents d'une vitesse inférieure à 6 mètres par seconde, ainsi qu'à ajuster les modalités de bridage à l'issue de la réalisation d'un suivi sur la mortalité des mammifères concernés après trois années de fonctionnement. L'inspection des installations classées a en outre formalisé, au sein de son rapport, les prescriptions spéciales susceptibles d'être retenues afin de prévenir et de limiter les risques d'atteinte. Par suite, et alors même qu'il ne résulte pas de l'instruction que le parc projeté comporte d'autres dangers pour la faune et l'avifaune environnantes, les risques de collision avec les chiroptères ne sont pas de nature à justifier le refus d'autorisation environnementale opposé à la société Keranna Energies.

17. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la décision implicite par laquelle préfet des Côtes-d'Armor a refusé de délivrer à la société Keranna Energies une autorisation unique en vue de la construction et l'exploitation d'un parc composé de cinq éoliennes et d'un poste de livraison, situé sur les communes de Plumieux et Saint-Étienne-du-Gué-de-l'Isle, doit être annulée.

Sur les conclusions aux fins de délivrance de l'autorisation et à fin d'injonction :

18. Lorsqu'il statue en vertu de l'article L. 514-6 du code de l'environnement, le juge administratif a le pouvoir d'autoriser la création et le fonctionnement d'une installation classée pour la protection de l'environnement en l'assortissant des conditions qu'il juge indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 de ce code. Il a, en particulier, le pouvoir d'annuler la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé l'autorisation sollicitée et, après avoir, si nécessaire, régularisé ou complété la procédure, d'accorder lui-même cette autorisation aux conditions qu'il fixe ou, le cas échéant, en renvoyant le bénéficiaire devant le préfet pour la fixation de ces conditions.

19. La ministre de la transition écologique ne se prévaut d'aucun autre motif de refus de l'autorisation de construire et d'exploiter le parc éolien litigieux. Eu égard aux motifs d'annulation retenus par le présent arrêt, il y a, dès lors, lieu pour la cour de faire usage de ses pouvoirs de pleine juridiction en délivrant à la société pétitionnaire l'autorisation de construire et d'exploiter le parc projeté et en la renvoyant devant le préfet des Côtes-d'Armor pour fixer les conditions indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Il est enjoint au préfet des Côtes-d'Armor de fixer les conditions qui, le cas échéant, doivent assortir cette autorisation, dans le délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Keranna Energies de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : la décision implicite par laquelle le préfet des Côtes-d'Armor a refusé de délivrer à la société Keranna Energies une autorisation unique en vue de la construction et l'exploitation d'un parc composé de cinq éoliennes et d'un poste de livraison, situé sur les communes de Plumieux et Saint-Étienne-du-Gué-de-l'Isle, est annulée.

Article 2 : L'autorisation environnementale de construire et d'exploiter un parc composé de cinq éoliennes et d'un poste de livraison, situé sur les communes de Plumieux et Saint-Étienne-du-Gué-de-l'Isle, est accordée à la société Keranna Energies. Cette autorisation est assortie des conditions indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement qui seront fixées par le préfet des Côtes-d'Armor.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Côtes-d'Armor d'assortir l'autorisation mentionnée au précédent article, des prescriptions de nature à prévenir les dangers ou inconvénients que peut présenter cette installation, dans le délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la société Keranna Energies une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Keranna Energies, au préfet des Côtes-d'Armor et à la ministre de la transition écologique.

Délibéré après l'audience du 4 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme C..., présidente-assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 septembre 2020.

Le rapporteur,

A. A...Le président,

T. CELERIER

Le greffier,

C. POPSE

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

N° 19NT03128


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03128
Date de la décision : 22/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : SK et PARTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 03/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-09-22;19nt03128 ?
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