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22/09/2020 | FRANCE | N°19NT01610

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 22 septembre 2020, 19NT01610


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant la demande de visa d'entrée et de long séjour en France présentée pour l'enfant A... F....

Par un jugement n° 1810404 du 28 février 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 avril 2019, Mme E..., représentée par Me

D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant la demande de visa d'entrée et de long séjour en France présentée pour l'enfant A... F....

Par un jugement n° 1810404 du 28 février 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 avril 2019, Mme E..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer la demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit ; la commission de recours ne critique pas l'authenticité de l'acte de naissance produit de sorte qu'elle ne pouvait exiger la production d'éléments de possession d'état ; elle a été prise en méconnaissance de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- le lien de filiation est établi par les actes d'état civil produits et par la possession d'état ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les observations de Me D..., pour Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 28 février 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme E... tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visa d'entrée et de long séjour en France présentée pour l'enfant A... F.... Mme E... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

3. La commission de recours a refusé de délivrer le visa sollicité au motif que la réalité du décès du père de l'enfant n'était pas établie. Toutefois, Mme E... a produit à l'appui de sa demande un jugement supplétif du 30 janvier 2017 du tribunal de première instance de Conakry III tenant lieu d'acte de décès dont le ministre ne conteste plus l'authenticité.

4. Pour établir que la décision contestée était légale, le ministre a, toutefois, invoqué, en première instance, dans son mémoire en défense communiqué à Mme E..., un autre motif tiré de ce que le lien de filiation entre l'intéressée et Aïcha F... n'est pas établi.

5. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " (...) Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. (...). ".

6. Aux termes de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".

7. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

8. Pour justifier du lien de filiation, la requérante a produit à l'appui de la demande de visa un extrait d'acte de naissance de l'enfant A... F... n°276, dressé le 24 juillet 2006 par l'officier de l'état civil de la commune de Matoto, mentionnant qu'elle a pour mère Mme E.... Les circonstances que les dates figurant dans ce document sont inscrites en chiffres, en méconnaissance de l'article 179 du code civil guinéen, ou que ce document mentionne la nationalité des parents, mention qui n'est pas prévue par l'article 196 de ce code, ne suffisent pas à lui retirer son caractère probant. Le ministre, qui soutient que la naissance a été déclarée par une nièce, n'établit pas que cet acte aurait été délivré en méconnaissance des dispositions de l'article 194 du code civil guinéen, lequel prévoit que la déclaration peut être faite par le père ou à défaut " par les médecins, sages-femmes ou autre personnes qui auront assisté à l'accouchement ". Enfin, si le numéro de cet acte de naissance du 24 juillet 2006 ne concorde pas avec les trois chiffres " 035 " figurant dans le numéro d'identification apposé sur le passeport de l'enfant, contrairement aux énonciations d'une note du 19 mai 2014 émanant de la direction nationale de l'état civil guinéenne, Mme E... soutient que le passeport de l'enfant n'a pas été établi à partir de cet acte de naissance mais sur la base du jugement supplétif du 24 octobre 2016, tenant lieu d'acte de naissance qu'elle verse aux débats, dont l'authenticité n'est pas contestée par le ministre, transcrit dans le registre de la commune de Matoto et dont la numérotation satisfait aux énonciations de cette note. En outre, Mme E... a déclaré l'existence de son enfant dès le dépôt de sa demande d'asile, le 26 mars 2013, ainsi que dans sa déclaration à l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides. Dans ces conditions, le lien de filiation entre Mme E... et l'enfant A... F... est établi. Par suite, la demande de substitution de motifs sollicitée par le ministre ne peut être accueillie.

9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme E... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à Aïcha F.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer un tel visa dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

11. Mme E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me D... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 28 février 2019 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visa d'entrée et de long séjour en France présentée par Mme E..., pour l'enfant A... F..., est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à l'enfant A... F... un visa de long séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me D... la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 4 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme B..., présidente-assesseur,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 septembre 2020.

Le rapporteur,

C. B...Le président,

T. CELERIER

La greffière,

C. POPSE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT01610


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01610
Date de la décision : 22/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : LEUDET

Origine de la décision
Date de l'import : 03/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-09-22;19nt01610 ?
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