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18/09/2020 | FRANCE | N°20NT00231

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 18 septembre 2020, 20NT00231


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2019 par lequel le préfet du Calvados l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai et, en second lieu, d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un récépissé de demande d'asile, dans le délai d'un mois sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réex

aminer sa situation dans le délai de quinze jours et, dans l'attente, de lui délivre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2019 par lequel le préfet du Calvados l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai et, en second lieu, d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un récépissé de demande d'asile, dans le délai d'un mois sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 1901800 du 4 septembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2020, et un mémoire, enregistré le 31 janvier 2020, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 septembre 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2019 du préfet du Calvados ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'un défaut de motivation dès lors, d'une part, qu'il n'a pas répondu à l'ensemble des moyens soulevés en première instance et, d'autre part, que, pour écarter comme non probantes les pièces produites au soutien de ses allégations, et en particulier un article de presse corroborant ses explications sur les persécutions qu'il aurait subies dans son pays du fait de son orientation sexuelle, le premier juge s'est prononcé par des motifs succincts ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ; le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle, notamment au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; eu égard à l'intensité de ses liens avec la France et à l'absence de liens avec son pays d'origine, cet arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; eu égard à son orientation sexuelle et aux risques qu'elle lui fait courir dans son pays d'origine, l'article 3 de cette même convention a été violé.

Par un mémoire, enregistré le 11 mars 2020, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant nigérian né le 14 avril 1986, est entré, selon ses déclarations, sur le territoire français le 6 novembre 2016. Il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 27 novembre 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 18 octobre 2018. Le 23 novembre suivant, il a demandé le réexamen de sa demande d'asile, lequel a été jugé irrecevable par l'OFPRA le 26 novembre 2018, puis rejeté par la CNDA le 24 juin 2019. Par un arrêté du 11 juillet 2019, le préfet du Calvados a, sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, obligé l'intéressé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel il a vocation à être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. Par un jugement du 4 septembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de ces deux décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce qui est allégué, le jugement attaqué répond à l'ensemble des moyens soulevés en première instance. En outre, il répond de manière suffisante, tant en fait qu'en droit, au moyen tiré de ce que le requérant est susceptible de subir des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement ne répondrait pas aux exigences de la motivation prévue par l'article L. 9 du code de justice administrative ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, l'arrêté contesté comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles il repose, en sorte que le requérant est à même de le contester utilement. En particulier, il mentionne le 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur lequel il est fondé, et analyse les risques encourus par l'intéressé en cas de retour dans son pays d'origine de même que les effets de la mesure d'éloignement sur sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que, contrairement à ce qui est allégué, le préfet a procédé à un examen particulier, et au surplus circonstancié, de la situation personnelle de l'intéressé.

5. En troisième lieu, M. B..., célibataire et sans enfant, est entré en France moins de trois ans avant l'adoption de l'arrêté contesté. Aucun élément du dossier ne permet d'établir qu'il aurait, durant cette période, noué en France des liens d'une particulière intensité. Dans ces conditions, l'arrêté contesté ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. En quatrième lieu, M. B..., dont il n'est pas contesté qu'il est originaire de l'Etat d'Edo au Nigéria, soutient qu'il risque, en cas de retour dans son pays d'origine, de subir des traitements inhumains ou dégradants en raison de son homosexualité. A l'appui de ce moyen, il produit des photographies de la " marche des fiertés " du 5 juin 2018, à laquelle il a participé, ainsi qu'une attestation du " centre LGBTI de Normandie ". Toutefois, d'une part, les photographies ainsi produites ne suffisent pas à elles seules à établir l'orientation sexuelle du requérant. D'autre part, l'attestation dont se prévaut le requérant contient certes des affirmations circonstanciées, notamment quant à l'identité du partenaire de l'intéressé et aux circonstances de leur rencontre, de nature, si elles étaient corroborées, à établir l'orientation sexuelle du requérant. Mais, l'une de ces affirmations précises a été contredite par le requérant lui-même lors de l'audience qui s'est tenue devant la CNDA le 17 juin 2019, en sorte que la réalité de l'ensemble des faits que cette attestation mentionne ne saurait être regardée comme démontrée. Enfin, les indications données par le requérant sur la manière dont son homosexualité alléguée aurait affecté ses conditions de vie lorsqu'il résidait au Nigéria sont sommaires. Par suite, les risques dont se prévaut le requérant en cas de retour au Nigéria ne peuvent être regardés comme établis. Le moyen tiré d'une violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par suite, sa requête, y compris les conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- M. C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 septembre 2020.

Le rapporteur,

T. C...Le président,

L. Lainé

Le greffier,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20NT00231

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00231
Date de la décision : 18/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Thurian JOUNO
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : CABINET MAXIME GOUACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-09-18;20nt00231 ?
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