Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a décidé son transfert aux autorités allemandes.
Par un jugement n° 2000312 du 20 février 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 mars 2020, M. D... B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) de lui accorder à titre provisoire l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 20 février 2020 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2020 du préfet de la Seine-Maritime ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle est fondée sur le b) du I de l'article 18 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 alors qu'il a vu sa demande d'asile rejetée en Allemagne ;
- l'arrêté procède d'une application manifestement erronée de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile avec un risque de violation de l'article 3 du même règlement dès lors qu'il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire allemand exécutoire et devenue définitive ;
- la décision est intervenue en violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il va être renvoyé en Afghanistan où il craint pour son intégrité.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 26 mars et 9 juin 2020, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... B..., ressortissant afghan né le 1er janvier 1988, est entré irrégulièrement sur le territoire français et a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 2 décembre 2019. La consultation du système Eurodac a révélé que ses empreintes avaient été relevées en Allemagne et qu'il y avait été identifié en tant que demandeur d'asile le 26 juin 2015. Le préfet de la Seine-Maritime a sollicité sa prise en charge par les autorités allemandes le 9 janvier 2020 et ces dernières l'ont acceptée le 17 janvier suivant. Par un arrêté du 22 janvier 2020, le préfet de la Seine-Maritime a décidé le transfert de M. B... aux autorités allemandes. Par un jugement du 20 février 2020, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :
2. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 8 juin 2020. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur sa demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, il ressort précisément de l'arrêté litigieux que si le préfet de la Seine-Maritime a sollicité le transfert de M. B... auprès de l'Allemagne sur le fondement du b) du I de l'article 8 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, les autorités de ce pays de son pays lui ont fait part de leur accord sur le fondement du d) du I du même article et le préfet a explicitement statué sur ce fondement dans l'arrêté du 22 janvier 2020. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision serait entachée d'une erreur de droit.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...)". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
5. S'il est constant que la demande d'asile déposée en novembre 2015 par M. B... auprès des autorités allemandes a été rejetée le 23 mai 2017, puisque ces autorités ont accepté de reprendre en charge l'intéressé sur le fondement des dispositions du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et que sa contestation de ce rejet de sa demande d'asile a également été rejetée par un tribunal allemand le 20 septembre 2019, il soutient qu'il a été assujetti à une obligation de quitter le territoire allemand en 2017, encore exécutoire, ainsi qu'à une interdiction de retour dans ce pays. Il n'est toutefois pas établi par l'instruction que ce jugement concernant sa situation au regard de l'asile aurait acquis un caractère définitif eu égard aux voies d'appel qui y sont mentionnées. A supposer même que la décision allemande de rejet d'asile ait acquis un caractère définitif, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que M. B... ne serait pas en mesure de faire valoir auprès des autorités allemandes, à l'occasion d'une éventuelle procédure d'éloignement, tout élément nouveau relatif à l'évolution de sa situation personnelle et à la situation qui prévaut en Afghanistan, ni que les autorités allemandes n'évalueront pas d'office les risques réels de mauvais traitements auxquels il serait exposé en cas de renvoi dans son pays d'origine. Par ailleurs l'interdiction de retour en Allemagne dont l'intéressé fait état n'est pas établie. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'en ne mettant pas en oeuvre la clause dérogatoire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, le préfet de la Seine-Maritime aurait commis une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
6. En dernier lieu, M. B... invoque la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au motif des risques encourus en cas d'éloignement à destination de l'Afghanistan exécuté par l'Allemagne. Toutefois, l'arrêté litigieux n'a ni pour objet ni pour effet de le renvoyer dans son pays d'origine mais seulement en Allemagne. Par suite ce moyen ne peut qu'être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 janvier 2020 du préfet de la Seine-Maritime. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire de M. B....
Article 2 : La requête de M. B... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience du 7 juillet 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.
Le rapporteur,
C. A...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01007