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17/07/2020 | FRANCE | N°19NT01651

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 17 juillet 2020, 19NT01651


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 29 avril et 21 novembre 2019, 17 janvier, 10 février et 18 février 2020, l'association "Sans offshore à l'horizon", l'association "Sauvegarde des côtes d'opale picarde et d'albâtre", la société pour la protection des paysages et de l'esthétique et de la France, la coopérative des artisans pêcheurs associés, le comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Normandie, le comité régional des pêches maritimes et des élevages marins des Hauts-

de-France, les communes d'Ault, de Cayeux-sur-Mer, de Criel-sur-Mer, du Crotoy, de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 29 avril et 21 novembre 2019, 17 janvier, 10 février et 18 février 2020, l'association "Sans offshore à l'horizon", l'association "Sauvegarde des côtes d'opale picarde et d'albâtre", la société pour la protection des paysages et de l'esthétique et de la France, la coopérative des artisans pêcheurs associés, le comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Normandie, le comité régional des pêches maritimes et des élevages marins des Hauts-de-France, les communes d'Ault, de Cayeux-sur-Mer, de Criel-sur-Mer, du Crotoy, de Mers-les-Bains, M. A... B..., M. F... H..., M. E... K..., M. J... G..., la SARL Héraclès, la SARL Les comptoirs de l'océan et le cabinet de Simencourt, représentés par Me D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler la convention des 21 et 26 février 2019 de concession d'utilisation du domaine public maritime conclue entre l'État et la société Éoliennes en mer de Dieppe-Le Tréport (EMDT) ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 26 février 2019 approuvant cette convention ;

3°) de mettre à la charge de l'État et de la société Éoliennes en mer de Dieppe-Le Tréport (EMDT), au bénéfice des exposants, la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur requête est recevable ;

- l'article R. 2124-5 du code général de la propriété des personnes publiques a été méconnu ;

- l'article R. 2124-6 du code général de la propriété des personnes publiques a été méconnu ;

- l'article R. 2124-7 du code général de la propriété des personnes publiques a été méconnu, ainsi que l'article L. 123-9 du code de l'environnement ;

- l'article R. 2124-56 du code général de la propriété des personnes publiques a été méconnu ;

- l'Agence française de la biodiversité et l'autorité environnementale auraient dû être à nouveau consultées après le dépôt de la dernière version du dossier de demande de concession ;

- l'avis de l'Agence française de la biodiversité était illégal et le conseil de gestion du parc naturel marin des estuaires picards et de la mer d'Opale n'a pas émis d'avis favorable sur le projet ;

- l'étude d'impact était insuffisante s'agissant de l'impact visuel du projet, de la déstabilisation des falaises côtières, des méthodes employées pour caractériser l'état initial et estimer les impacts et plus précisément l'impact du projet sur la pêche, et des compléments apportés au dossier à la suite de l'avis conforme de l'Agence française de la biodiversité ;

- l'article N-1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Criel-sur-Mer a été méconnu ;

- l'article L. 2124-1 du code général de la propriété des personnes publiques a été méconnu ;

- l'article L. 2124-2 du code général de la propriété des personnes publiques a été méconnu ;

- l'arrêté du 2 avril 2008 méconnaît les dispositions de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques et aurait dû être écarté par le préfet ;

- l'article R. 2124-9 du code général de la propriété des personnes publiques a été méconnu ;

- l'exigence de stratégie de maintien du bon état écologique du milieu marin n'a pas été respectée ;

- l'obligation de planification stratégique de l'espace maritime n'a pas été respectée ;

- la zone de pêche sera fermée à terme illégalement ;

- la concession et l'arrêté l'approuvant contiennent des aides d'État illégales contraires à l'article 107 1. du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) interdisant les aides d'État sauf exception et à l'article 108 3. TFUE interdisant la mise en oeuvre de toute mesure d'aide d'État avant son approbation par la Commission européenne ;

- l'arrêté préfectoral du 26 février 2019 portant approbation de la convention de concession d'utilisation du domaine public conclue les 21 et 26 février 2019 entre l'Etat et la société EMDT sera annulé par voie de conséquence de l'annulation de ladite convention.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 septembre 2019, 1er janvier, 29 janvier et 28 février 2020, la société Éoliennes en mer de Dieppe-Le Tréport, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande que soit fixée une date au-delà de laquelle des moyens nouveaux ne pourront plus être invoqués par les requérants et, dans le dernier état de ses écritures, que soit mise solidairement à la charge de chacun des requérants la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'il n'est pas établi par les requérants que les formalités obligatoires prévues à l'article 4 du décret n° 2016-9 du 8 janvier 2016 concernant les ouvrages de production et de transport d'énergie renouvelable en mer, ont été accomplies, que les associations et sociétés requérantes ne démontrent pas leur qualité à agir et l'ensemble des requérants, personnes - physiques comme morales - ne justifient pas d'un intérêt à agir contre l'acte attaqué ;

- s'agissant des moyens tels qu'ils sont dirigés contre la convention des 21 et 26 février 2019, à titre principal, ils ne sont pas opérants et à titre subsidiaire, ils ne sont pas fondés ;

- s'agissant des moyens tels qu'ils sont dirigés contre l'arrêté préfectoral du 26 février 2019 à titre principal, ils ne sont pas opérants et à titre subsidiaire, ils ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'il n'est pas établi par les requérantes que les formalités obligatoires prévues à l'article 4 du décret n° 2016-9 du 8 janvier 2016 concernant les ouvrages de production et de transport d'énergie renouvelable en mer, ont été accomplies à l'égard de la préfète, que l'association "Sauvegarde des côtes d'opale Picardie et d'albâtre" et le comité régional des pêches maritimes et des élevages marins des Hauts-de-France ne démontrent pas leur qualité à agir et la SARL Les comptoirs de l'océan et le cabinet de Simencourt n'ont pas intérêt à agir contre les actes attaqués ;

- les moyens soulevés à l'encontre de la convention ne sont pas fondés ;

- les requérants ne soulèvent aucun moyen tiré d'un vice propre à l'arrêté préfectoral du 29 février 2019 et cet arrêté ne saurait être annulé par voie de conséquence de l'illégalité de la convention.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code de l'environnement ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le décret n° 2004-112 du 6 février 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme I...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant les requérants, et de Me C... représentant la société Éoliennes en mer de Dieppe-Le Tréport.

Considérant ce qui suit :

1. Au terme de la procédure d'appel d'offres n° 2013/S 054-088441 portant sur des installations éoliennes de production d'électricité en mer en France métropolitaine, ouverte sur le fondement des articles L. 311-10 à L. 311-13 du code de l'énergie et du décret n°2002-1434 du 4 décembre 2002 par un avis d'appel public à la concurrence publié au Journal officiel de l'Union européenne du 16 mars 2013, le ministre chargé de l'énergie a retenu l'offre présentée par le consortium composé des sociétés ENGIE, EDP Renewables et Neoen Marine, associé à ADWEN. Par un arrêté du 1er juillet 2014, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a autorisé la société Éoliennes en mer de Dieppe-Le Tréport (EMDT) à exploiter un parc éolien d'une capacité de production de 496 MW, localisé sur le domaine public maritime au large des communes de Dieppe et du Tréport. La même autorisation lui sera, à nouveau, délivrée le 12 octobre 2018. Le 10 mai 2017, la société EMDT a, sur le fondement des articles L. 2124-1 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques, sollicité l'octroi d'une concession d'utilisation du domaine public maritime en dehors des ports afin d'installer, d'exploiter et d'assurer la maintenance de ce projet. Par un porter à connaissance du 28 septembre 2017, la société pétitionnaire a informé le service instructeur du changement de modèle d'aérogénérateur utilisé. Le 7 mai 2018, à la suite de l'avis conforme de l'Agence française de la biodiversité du 20 février précédent, la société pétitionnaire a complété sa demande. Le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) a, en qualité d'autorité environnementale, émis un avis le 29 août 2018. Une enquête publique a été organisée du 16 octobre au 29 novembre 2018. La commission d'enquête, qui avait été désignée par des décisions du président du tribunal administratif de Rouen des 5 juillet et 25 septembre 2018, a déposé son rapport et ses conclusions le 23 janvier 2019. Par une lettre du 1er février 2019, le pétitionnaire a informé le service instructeur qu'il entendait répondre favorablement aux deux réserves émises par la commission d'enquête. Les 21 et 26 février 2019, l'État, représenté par le préfet de la région Normandie, préfet de la Seine-Maritime, et la société EMDT ont conclu une convention de concession d'utilisation du domaine public maritime en dehors des ports portant sur l'implantation, l'exploitation et la maintenance d'un parc éolien composé de 62 aérogénérateurs, de câbles inter-éoliennes, d'un poste de livraison, d'un mât de mesure et d'éléments accessoires au large des communes de Dieppe et du Tréport. Par un arrêté du 26 février 2019, le préfet de la Seine-Maritime a approuvé cette convention. L'association " Sans offshore à l'horizon " et d'autres requérants demandent l'annulation de la convention de concession d'utilisation du domaine public maritime précitée ainsi que de l'arrêté préfectoral du 26 février 2019.

2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. La légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini.

3. Le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini. Les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Saisi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences.

4. Indépendamment du recours de pleine juridiction dont disposent les tiers à un contrat administratif pour en contester la validité dans les conditions rappelées aux point 2 et 3, les tiers qui se prévalent d'intérêts auxquels l'exécution du contrat est de nature à porter une atteinte directe et certaine sont recevables à contester devant le juge de l'excès de pouvoir la légalité de l'acte administratif portant approbation du contrat. Ils ne peuvent toutefois soulever, dans le cadre d'un tel recours, que des moyens tirés de vices propres à l'acte d'approbation, et non des moyens relatifs au contrat lui-même.

Sur les conclusions dirigées contre la convention de concession d'utilisation du domaine public maritime :

5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2124-5 du code général de la propriété des personnes publiques : " Avant ouverture de l'instruction administrative prévue à l'article R. 2124-6, le préfet procède à une publicité préalable consistant en un avis publié dans deux journaux à diffusion locale ou régionale habilités à recevoir des annonces légales diffusées dans le ou les départements intéressés. Si l'importance du projet le justifie, le préfet procède à la même publication dans deux journaux à diffusion nationale. / L'avis mentionne les caractéristiques principales de la demande. (...) ".

6. Il résulte de l'instruction que la demande de concession déposée par la société EMDT a fait objet d'une publication dans les journaux, à diffusion locale ou régionale, " Les informations dieppoises " du 30 mai 2017, " Paris Normandie " du 30 mai 2017, " Courrier Picard " du 31 mai 2017, " Le Monde " du 31 mai 2017, " Les Echos " du 1er juin 2017, " L'informateur " du 2 juin 2017. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions précitées n'auraient pas été respectées manque en fait.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 2124-6 du code général de la propriété des personnes publiques : " La demande fait l'objet d'une instruction administrative conduite par le service gestionnaire du domaine public maritime qui consulte les administrations civiles, notamment le chef du service déconcentré chargé des affaires maritimes, ainsi que les autorités militaires intéressées. / Le service gestionnaire du domaine public maritime recueille l'avis du directeur départemental des finances publiques qui est chargé de fixer les conditions financières de la concession. / Le projet est soumis à l'avis de la commission nautique locale ou de la grande commission nautique conformément aux dispositions des articles 1er à 3 du décret n° 86-606 du 14 mars 1986 relatif aux commissions nautiques. L'avis du préfet maritime ou du délégué du Gouvernement pour l'action de l'Etat en mer est joint au dossier soumis à consultation. / Le projet est soumis pour avis aux communes et établissements publics de coopération intercommunale territorialement intéressés et aux communes et établissements publics de coopération intercommunale dans le ressort desquels, au vu des éléments du dossier, l'opération est de nature à entraîner un changement substantiel dans le domaine public maritime. / L'absence de réponse dans le délai de deux mois vaut avis favorable. / A l'issue de l'instruction administrative, le service gestionnaire du domaine public maritime transmet le dossier au préfet avec sa proposition et, si le projet paraît pouvoir être accepté, un projet de convention. ".

8. Il résulte de l'instruction que la commission nautique locale s'est réunie le 5 juillet 2017 et il est constant que la grande commission nautique s'est réunie le 11 septembre 2017. Si les requérants soutiennent qu'il ne ressort pas du procès-verbal de cette séance du 11 septembre que l'avis simple du préfet maritime rendu le 30 juin 2017 aurait été joint au dossier soumis à consultation, le contenu de cet avis, alors même qu'il a été confirmé le 12 juillet 2018, a pu être discuté lors de la séance qui s'est tenue en présence de deux représentants de la préfecture maritime. Les requérants soutiennent également, de manière plus générale, que ces dispositions ont été méconnues en ce qu'il n'est pas établi que les consultations, devant être réalisées par le service gestionnaire du domaine public maritime, dans le cadre de l'instruction administrative de la demande de concession, auraient été effectuées, que la commission nautique aurait été convoquée dans des conditions régulières et que les avis de la commission nautique seraient intervenus dans des conditions régulières. Toutefois, les vices ainsi allégués de façon très générale ne sont pas en rapport direct avec l'intérêt lésé dont les associations requérantes se prévalent qui se rapportent à la protection de la nature et de l'environnement, à la préservation des milieux et ressources maritimes, à la protection des sites et des paysages, à la défense des espèces menacées, de la biodiversité animale et végétale, ni avec les intérêts lésés, à les supposer même suffisamment certains, qu'invoquent les autres requérants, liés aux effets du projet sur l'activité touristique, sur l'activité de la pêche, sur les conditions de la navigation de plaisance et, plus généralement, sur leurs conditions et lieux de vie. Par suite, et alors que les vices allégués ne présentent pas un caractère de gravité telle que le juge devrait les relever d'office, ils ne peuvent utilement être invoqués par les requérants en application des principes énoncés au point 3 du présent arrêt. Ainsi, et en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 2124-6 du code général de la propriété des personnes publiques doit être écarté.

9. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'autorité environnementale, qui a émis son avis le 29 août 2018, aurait dû être à nouveau saisie sur la version finale de la concession de septembre 2018, dès lors qu'il n'est pas établi que les éléments complémentaires produits par le demandeur auraient été destinés à combler des lacunes de l'étude d'impact d'une importance telle que l'autorité environnementale n'aurait pu, en leur absence, rendre un avis sur la demande d'autorisation, en ce qui concerne ses effets sur l'environnement.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 334-5 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au présent litige : " (...) Lorsqu'une activité est susceptible d'altérer de façon notable le milieu marin d'un parc naturel marin, l'autorisation à laquelle elle est soumise ne peut être délivrée que sur avis conforme de l'Agence française pour la biodiversité ou, sur délégation, du conseil de gestion. Cette procédure n'est pas applicable aux activités répondant aux besoins de la défense nationale, de l'ordre public, de la sécurité maritime et de la lutte contre la pollution. ". Aux termes de l'article R. 334-33 du même code : " Le conseil de gestion du parc naturel marin exerce notamment les attributions suivantes : (...) 6° Il se prononce sur les demandes d'autorisations d'activités mentionnées au quatrième alinéa de l'article L. 334-5, dans les conditions fixées par cet alinéa, à l'exclusion de celles concernant des projets relevant du I de l'article L. 121-8 ou de l'article L. 121-8-1 ; (...) ", c'est-à-dire les projets soumis à la Commission nationale du débat public.

11. D'une part, il résulte de l'instruction que le projet contesté de parc éolien en mer au large de Dieppe et du Tréport doit en grande partie prendre place dans le parc naturel marin des estuaires picards et de la mer d'Opale. Il est constant que l'Agence française pour la biodiversité a émis un avis conforme favorable au projet litigieux, avec réserves, le 20 février 2018. Si les requérants soutiennent que la société EMDT a modifié et complété sa demande, notamment pour lever les réserves émises par l'Agence française de la biodiversité, cette seule circonstance, en l'absence de précisions apportées par les requérants sur la teneur exacte des modifications, ne suffit pas à établir qu'un nouvel avis de l'Agence française de la biodiversité aurait été nécessaire.

12. D'autre part, les requérants soutiennent que l'avis favorable du conseil d'administration de l'Agence française pour la biodiversité (AFB) est entaché d'incompétence et que le préfet de la Seine-Maritime ne pouvait octroyer au pétitionnaire la concession d'utilisation du domaine public maritime contestée au vu de l'avis défavorable rendu le 20 octobre 2017 par le conseil de gestion du parc naturel marin des estuaires picards et de la mer d'Opale, seul compétent en vertu d'une délégation. Toutefois, au vu des textes applicables à la date des actes en litige, seule l'Agence française pour la biodiversité était compétente pour émettre un avis en l'espèce, la délibération du 21 février 2017 par laquelle l'AFB a délégué sa compétence au conseil de gestion du parc naturel marin des estuaires picards et de la mer d'Opale ne pouvant légalement déroger à l'article R. 334-33 du code l'environnement dès lors que le projet litigieux avait été soumis à un débat public du 27 avril 2015 au 31 juillet 2015. En outre, l'avis du conseil de gestion était lui-même présenté comme un simple avis technique devant ensuite être validé par le conseil d'administration de l'AFB. En tout état de cause, les différentes réserves et prescriptions issues de l'avis défavorable du parc naturel marin des estuaires picards et de la mer d'Opale ont été reprises dans l'avis conforme émis par l'AFB.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 2124-7 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le projet fait l'objet, préalablement à son approbation, d'une enquête publique menée dans les formes prévues par les articles R. 123-2 à R. 123-27 du code de l'environnement. / Le dossier soumis à l'enquête comprend obligatoirement : (...) 2° Les pièces énumérées à l'article R. 2124-2 du présent code ; 3° L'avis du préfet maritime ou du délégué du Gouvernement pour l'action de l'Etat en mer ; 4° Les avis recueillis lors de l'instruction administrative ; (...) / A l'issue de l'enquête publique, la convention est approuvée par arrêté du préfet. En cas d'avis défavorable du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête, le préfet peut néanmoins approuver la convention par arrêté motivé. ". Aux termes de l'article R. 2124-2 du même code : " La demande de concession est adressée au préfet. Elle est accompagnée d'un dossier comportant les renseignements suivants (...) S'il y a lieu, le demandeur fournit également l'étude d'impact ou la notice d'impact établies dans les conditions prévues par les articles R. 122-1 à R. 122-6 du code de l'environnement. ". Il résulte du 31° du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement que les installations en mer de production d'énergie font l'objet d'une étude d'impact.

14. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) II. - En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : (...) / 4° Une description des facteurs mentionnés au III de l'article L. 122-1 susceptibles d'être affectés de manière notable par le projet : la population, la santé humaine, la biodiversité, les terres, le sol, l'eau, l'air, le climat, les biens matériels, le patrimoine culturel, y compris les aspects architecturaux et archéologiques, et le paysage ; / 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement résultant, entre autres :a) De la construction et de l'existence du projet, y compris, le cas échéant, des travaux de démolition ; b) De l'utilisation des ressources naturelles, en particulier (...) l'eau et la biodiversité (...) ; c)(...) du bruit, de la vibration, (...)de la création de nuisances (...);d) Des risques (...) pour l'environnement ; e) Du cumul des incidences avec d'autres projets existants ou approuvés, en tenant compte le cas échéant des problèmes environnementaux relatifs à l'utilisation des ressources naturelles et des zones revêtant une importance particulière pour l'environnement susceptibles d'être touchées. (...). ".

15. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

16. La seule circonstance que les photomontages n'aient pas appliqué la correction de réfraction atmosphérique ne suffit pas à établir que la différence de hauteur des machines était telle qu'elle aurait induit en erreur le public ou le préfet sur la visibilité du parc éolien. Par exemple, la perception de 17,3 mètres de plus depuis le point de vue à Fort-Mahon ne représente que moins de 10 % de la hauteur de l'éolienne. S'agissant du choix des lieux de prises de vue, la seule circonstance que " certaines prises de vue sont réalisées avec une distance excessive qui ne correspond pas aux points d'observation habituels ", et que " les zones à forte sensibilité, au plus proche du site ont été traitées a minima " ne suffit pas davantage à établir qu'au vu de l'intégralité des 42 photomontages, le public ou le préfet auraient été induits en erreur, les lieux choisis permettant de représenter la diversité des situations de visibilité, notamment d'éclairage. S'agissant du choix des moments de prises de vue, plusieurs photomontages ont été pris par temps clair, comme les n°s 1, 8, 36 et deux photomontages représentent la vue sur le projet au coucher de soleil. Alors même que l'autorité environnementale a indiqué, dans son avis, que " Même si elle est bien décomposée par unité paysagère, l'analyse reste largement qualitative sur un linéaire de côte important, sans pouvoir garantir la représentativité des photographies fournies, en l'absence de précisions méthodologiques, ni caractériser les enjeux à une échelle suffisamment fine en fonction des secteurs présentant les sensibilités les plus fortes ", il ne résulte pas de l'instruction que l'étude d'impact aurait été insuffisante sur l'insertion du projet dans son environnement, les requérants se prévalant d'une contre-expertise de la " SCOPA ", qui émane en fait de l'association de sauvegarde des Côtes d'Opale, picarde et d'Albâtre, une des requérantes.

17. Les requérants se bornent à reproduire, sur plusieurs pages, les observations émises pendant l'enquête publique par les comités régionaux des pêches maritimes et des élevages marins des Normandie et des Hauts-de-France, sans en tirer aucune conclusion dans leurs écritures. Il en est de même avec la citation, sur plusieurs pages, de l'avis de l'autorité environnementale, introduit par les termes " il est intéressant de signaler que l'autorité environnementale a indiqué (...) ", ces branches du moyen étant, dès lors, dépourvues des précisions nécessaires permettant d'en apprécier le bien fondé. Au demeurant, les requérants ne contestent pas la réponse qui a été apportée aux observations des comités régionaux des pêches maritimes et des élevages marins des Normandie et des Hauts-de-France par la société EMDT. De plus, l'autorité environnementale se borne à recommander " de préciser l'évolution des règles applicables à la pêche pendant l'exploitation du parc, d'en évaluer les conséquences pour les activités de pêche professionnelle et d'en tenir compte dans l'ensemble de l'analyse des impacts, notamment pour l'écosystème marin. (...) ". Il résulte de l'instruction que les choix opérés par l'étude d'impact reposent sur les pratiques de pêche locales qui montrent une utilisation indifférenciée suivant le jour et la nuit pour le chalut canadien. Ainsi, les campagnes de pêche ont été réalisées uniquement de jour pour cet engin comme le fait l'IFREMER dans ses campagnes. Quant aux campagnes au chalut à perche, elles ont été effectuées de nuit. Les campagnes de terrain mentionnées dans le rapport d'expertise sur les ressources halieutiques mentionnent les biomasses et les taux de captures de toutes les espèces d'intérêt halieutique y compris les rougets qui sont reconnus comme présents parfois en abondance sur cette zone. L'étude d'impact confère à la seiche un enjeu moyen compte tenu de l'absence de statuts de protection et de danger pour cette espèce, la faible unicité de la zone concernée au regard de la Manche-Est mais a toutefois pris en compte le fait qu'elle fait partie des zones de frayères. L'impact sur les stocks compte tenu de cette large répartition de zones de frayères et nourriceries ne pourra être fort en raison du caractère temporaire des travaux, du fait que les supports jacket pourront également servir de support pour la fixation des oeufs de seiche et du fait que ces structures, en phase exploitation, ne concerneront que 0,55% de la surface totale du territoire du parc éolien. Par ailleurs, les mesures de réduction des impacts sont nombreuses en lien avec la ressource halieutique et peuvent donc également concerner les seiches.

18. La seule circonstance que toutes les réserves émises par l'AFB, qui a toutefois émis un avis favorable, n'ont pas été levées et que toutes les prescriptions n'ont pas toutes été suivies, alors que la société EMDT a étoffé son dossier, notamment en matière de gestion et de réduction des impacts, et a proposé de nouvelles mesures, ne suffit pas à établir que l'étude d'impact aurait été insuffisante et que cela aurait eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou aurait été de nature à exercer une influence sur la décision du préfet.

19. Enfin, l'étude d'impact indique, sans qu'un commencement de preuve contraire ne soit apporté, qu'" avec la distance séparant le projet en mer et les premiers riverains (au moins 15 km), l'atténuation des vibrations dans l'eau et les roches du fond marin, (...) la phase de construction du projet n'aura pas non plus d'effet sur le risque de fragilisation des falaises de la côte d'albâtre. "

20. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 421-5 du code de l'urbanisme : " Un décret en Conseil d'Etat arrête la liste des constructions, aménagements, installations et travaux qui, par dérogation aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4, sont dispensés de toute formalité au titre du présent code en raison : (...) e) De leur nature et de leur implantation en mer, sur le domaine public maritime immergé au-delà de la laisse de la basse mer. ". Aux termes de l'article L. 421-6 du même code : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique. (...) ". Aux termes de l'article L. 421-8 du même code : " A l'exception des constructions mentionnées aux b et e de l'article L. 421-5, les constructions, aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité au titre du présent code doivent être conformes aux dispositions mentionnées à l'article L. 421-6. ". Aux termes de l'article R. 421-8-1 du même code : " En application du e de l'article L. 421-5, sont dispensées de toute formalité au titre du présent code, en raison de leur nature et de leur implantation sur le domaine public maritime immergé au-delà de la laisse de la basse mer, les installations de production d'électricité à partir de sources d'énergie renouvelable, y compris leurs ouvrages de raccordement aux réseaux publics d'électricité, notamment les éoliennes, les hydroliennes, les installations houlomotrices et marémotrices ainsi que celles utilisant l'énergie thermique des mers. ". Aux termes de l'article N-1 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Criel-sur-Mer : " 1.1 Dans le secteur Nm, tous les types d'occupation ou d'utilisation du sol " sont interdits. Il résulte des dispositions précitées du code de l'urbanisme que le moyen tiré de la méconnaissance du règlement de la zone Nm du PLU ne peut qu'être écarté comme inopérant à l'encontre de la concession litigieuse relative au parc éolien en mer.

21. En septième lieu, aux termes de l'article L. 2124-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les décisions d'utilisation du domaine public maritime tiennent compte de la vocation des zones concernées et de celles des espaces terrestres avoisinants, ainsi que des impératifs de préservation des sites et paysages du littoral et des ressources biologiques ; (...) ".

22. D'une part, il résulte de l'instruction, notamment de l'étude d'impact dont les énonciations, sur ce point, ne sont pas contestées, que l'impact visuel du parc a été réduit, notamment par l'organisation géométrique des éoliennes et leur espacement régulier permettant une vision plus homogène et que le projet litigieux se situe à plus de 15 kilomètres des côtes, les éoliennes les plus proches de la côte sont comparables à des objets de 1,4 centimètre placés à 1 mètre de l'oeil. La commission d'enquête publique a d'ailleurs relevé que " Le parc sera indéniablement prégnant dans le paysage par rapport à la perception actuelle du paysage, mais situé à une distance suffisante de la côte pour créer des nuisances visuelles que la commission juge acceptables. Par ailleurs, le porteur de projet s'est engagé à mettre en place un fonds d'accompagnement touristique et économique du littoral normand-picard. ". S'agissant du balisage lumineux, qui est indispensable pour respecter la réglementation en matière de balisage des obstacles à la navigation aérienne, la ministre fait valoir sans être ensuite contredite que seules 11 éoliennes seront équipées de feux d'intensité forte, les autres étant équipées de feux de moyenne intensité, non perceptibles depuis la côte. Ainsi, compte tenu de la distance par rapport à la côte et du schéma d'implantation des éoliennes, la visibilité d'ensemble du projet sera limitée.

23. D'autre part, si les requérants soutiennent qu'il y a lieu de considérer que le projet éolien attaqué va porter atteinte au milieu marin, à la faune marine environnante ainsi qu'à l'avifaune, ils citent, sur plusieurs pages, la contribution des comités régionaux des pêches à l'enquête publique, sans en tirer, par eux-mêmes, aucun argument ou conclusion précis. Il en est de même de leur citation du résumé non technique de l'étude d'impact. L'application des dispositions précitées de l'article L. 2124-1 du code général de la propriété des personnes publiques n'excluait pas l'attribution d'une dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées sur le fondement du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement et les seules énonciations du Conseil national de la protection de la nature reproduites par les requérants relatives à l'examen par ce dernier, dans le cadre d'une procédure distincte, d'une demande ayant un autre objet, ne suffisent pas à établir la méconnaissance de l'article L. 2124-1 du code général de la propriété des personnes publiques. Il en est de même de l'avis de l'autorité environnementale émis au titre de la " loi sur l'eau ". Il ressort de l'avis de l'Agence française pour la biodiversité que la société EMDT a prévu l'exclusion de toute opération de battage de pieux pendant la période de 4 mois la plus sensible pour les espèces marines afin de réduire l'impact des nuisances sonores des travaux. En outre, il ressort de l'étude d'impact que des mesures de réduction et de suivi ont été prévues, comme la réduction du bruit du battage des pieux - de minimum 7db - dans la colonne d'eau et dans la colonne d'air et une mesure de suivis acoustiques des niveaux de bruits sous-marins avant et pendant la construction, pendant l'exploitation et durant le démantèlement. Le pétitionnaire a également pris une mesure d'engagement E4 destinée à évaluer l'efficacité des mesures de réduction prévues.

24. Enfin, dans sa réponse au procès-verbal de synthèse de la commission d'enquête publique, la société EMDT a répondu, sans que ces éléments ne soient utilement contredits, que : " Les modélisations numériques effectuées par le bureau d'étude BRLi démontrent que ni les opérations de construction du parc, ni la présence du parc éolien n'auront d'effets sur la baie de Somme. Il n'y a pas par conséquent pas de risque d'un "engraissement" de la baie de Somme. ". Des mesures d'évitement ont également été prévues, comme ne pas utiliser de peinture anti-fouling sur les parties immergées des fondations et récupérer et évacuer les dépôts des forages en cas de contamination du sous-sol. Si les requérants, pour établir l'impact du parc éolien sur les sédiments, se réfèrent à des photo-satellites prises par la NASA au-dessus des parcs éoliens en mer installés au large de l'embouchure de la Tamise, en tout état de cause ils ne les produisent pas.

25. Il résulte des développements qui précèdent que, contrairement à ce qui est soutenu par les requérants, la décision d'utilisation du domaine public n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des impératifs de préservation des sites et paysages du littoral et des ressources biologiques.

26. En huitième lieu, aux termes de l'article L. 2124-2 du code de la propriété des personnes publiques : " En dehors des zones portuaires et industrialo-portuaires, et sous réserve de l'exécution des opérations de défense contre la mer et de la réalisation des ouvrages et installations nécessaires à la sécurité maritime, à la défense nationale, à la pêche maritime, à la saliculture et aux cultures marines, il ne peut être porté atteinte à l'état naturel du rivage de la mer, notamment par endiguement, assèchement, enrochement ou remblaiement, sauf pour des ouvrages ou installations liés à l'exercice d'un service public ou l'exécution d'un travail public dont la localisation au bord de mer s'impose pour des raisons topographiques ou techniques impératives et qui ont donné lieu à une déclaration d'utilité publique. (...). ".

27. Les falaises mentionnées par les requérants ne peuvent être regardées comme le " rivage de la mer " au sens des dispositions précitées dès lors qu'elles ne sont pas couvertes par la mer. Si les requérants se réfèrent à des témoignages des pêcheurs lors des forages de l'été 2018 sur la plateforme Excalibur, ils ne les reproduisent pas au soutien de leur moyen et elles ne sauraient suffire à contredire les conclusions de l'étude d'impact, qui s'appuie sur des études scientifiques existantes. Cette étude d'impact indique, au paragraphe 3.6.6, concernant la phase de construction : " Avec la distance séparant le projet en mer et les premiers riverains (au moins 15 km), l'atténuation des vibrations dans l'eau et les roches du fond marin, implique que l'effet du projet par vibration est négligeable du point de vue des vibrations. Pour cette même raison, la phase de construction du projet n'aura pas non plus d'effet sur le risque de fragilisation des falaises de la côte d'albâtre. ".

28. En neuvième lieu, les requérants excipent de l'illégalité, au regard des principes de fixation des redevances domaniales résultant de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques, de l'arrêté du 2 avril 2008 fixant le tarif des redevances dues pour occupation du domaine public de l'Etat par des installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, au vu duquel le directeur départemental des finances publiques a émis son avis, le montant des parts fixe et variable de la redevance ayant été arrêté par le service des domaines sur le fondement des articles 1er et 4 de cet arrêté. Toutefois, ce moyen, par lequel les requérants invoquent les conditions financières de la convention, n'est pas en rapport direct avec les intérêts, mentionnés au point 8, dont ils se prévalent au soutien de leurs conclusions. Enfin, le vice allégué n'est pas d'une gravité telle que le juge devrait le relever d'office. Ce moyen ne peut, dès lors, qu'être écarté en application des principes rappelés au point 3. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 2124-9 du code général de la propriété des personnes publiques qui prévoit que " La convention indique que la mise en oeuvre par le préfet des mesures indispensables à la conservation du domaine public maritime n'ouvre pas droit à indemnité au profit du titulaire ", doit être écarté pour les mêmes raisons.

29. En dixième lieu, aux termes de l'article L. 219-7 du code de l'environnement : " Le milieu marin fait partie du patrimoine commun de la Nation. Sa protection, la conservation de sa biodiversité et son utilisation durable par les activités maritimes et littorales dans le respect des habitats et des écosystèmes marins sont d'intérêt général. (...) ". Aux termes de l'article L. 219-9 de ce code : " I- L'autorité administrative prend toutes les mesures nécessaires pour réaliser ou maintenir un bon état écologique du milieu marin au plus tard en 2020. Pour chaque région marine ou sous-région marine délimitée en application du II du présent article, l'autorité administrative élabore et met en oeuvre, après mise à disposition du public, un plan d'action pour le milieu marin (...) ". Aux termes de l'article L. 219-12 du même code : " L'autorité administrative peut identifier les cas dans lesquels elle ne peut atteindre, au moyen des mesures qu'elle a prises, les objectifs environnementaux ou le bon état écologique des eaux marines sous tous les aspects (...) / L'autorité administrative indique ces cas dans le programme de mesures et les justifie. ".

30. Les requérants reconnaissent que les articles L. 219-7 et suivants et R. 219-1-7 et suivants du code l'environnement mettent en oeuvre la directive 2008/56 du 17 juin 2008 relative à la stratégie pour le milieu marin et de préservation de son bon état écologique et que l'arrêté du 11 juillet 2018 relatif aux critères et méthodes à mettre en oeuvre pour l'élaboration des deux premières parties du document stratégique de façade, mentionnées aux 1° et 2° du III de l'article R. 219-1-7 du code de l'environnement, et de sa quatrième partie mentionnée au 4° du III de ce même article, a été adopté pour mettre en oeuvre la directive de la Commission 2017/845. S'il est soutenu que la Commission européenne a engagé une procédure d'infraction à l'encontre de la France lui demandant de se conformer aux obligations de déclaration concernant l'état écologique des eaux marines au titre de la directive-cadre " stratégie pour le milieu marin" (directive 2008/56/CE), cette seule circonstance du non-respect par la France de ses obligations de déclaration à la Commission n'établit pas que la transposition des directives précitées aurait été incomplète en droit interne par les textes cités ci-dessus.

31. Si la concession ne se réfère pas aux dispositions relatives au plan d'action pour le milieu marin de la Manche - Mer du Nord et au plan de mesures approuvé en 2016, les requérants n'indiquent pas en quoi ces plans auraient été méconnus par la concession en cause. La seule circonstance que la problématique relative aux parcs éoliens pour le milieu marin identifiée dans le programme de mesures de 2016 n'ait pas été mentionnée dans la concession ne suffit pas à établir sa méconnaissance. Il n'est pas davantage établi, au vu notamment de l'étude d'impact dont les conclusions ne sont pas utilement remises en cause sur ce point et dont il n'est pas avéré qu'elle tenterait uniquement de justifier, a posteriori, un choix déjà réalisé, que la concession en cause rendrait plus difficile l'objectif d'atteindre ou de maintenir un bon état écologique du milieu marin pour 2020, contrairement à l'article L. 219-9 du code l'environnement. Il résulte de l'instruction que l'autorité environnementale a indiqué dans son avis que " dans le cas présent, les dossiers s'appuient sur une analyse fouillée de la littérature scientifique et des retours d'expérience, ainsi que sur plusieurs campagnes de mesures en mer. ", même si elle relève également que " l'ensemble ne permet pas de dissiper les incertitudes sur plusieurs compartiments de l'environnement. ". En outre, la société Eoliennes en mer Dieppe - Le Tréport devra également obtenir les autorisations requises par d'autres législations avant la réalisation des travaux et la mise en service de ces installations, en particulier l'autorisation à laquelle l'article L. 214-3 du code de l'environnement relatif à la protection des eaux soumet ces installations et ouvrages. Dès lors, le moyen tiré de ce que les articles L. 219-7 et suivants du code de l'environnement et la directive 2008/56 du 17 juin 2008 ont été méconnus ne peut qu'être écarté.

32. En onzième lieu, aux termes de l'article L. 219-1 du code de l'environnement : " La stratégie nationale pour la mer et le littoral est définie dans un document qui constitue le cadre de référence pour la protection du milieu, pour la réalisation ou le maintien du bon état écologique, mentionné au I de l'article L. 219-9, pour l'utilisation durable des ressources marines et pour la gestion intégrée et concertée des activités liées à la mer et au littoral, à l'exception de celles qui ont pour unique objet la défense ou la sécurité nationale. / Ce document en fixe les principes et les orientations générales qui concernent, tant en métropole qu'outre-mer, les espaces maritimes sous souveraineté ou sous juridiction nationale, l'espace aérien surjacent, les fonds marins et le sous-sol de la mer. / Il fixe également les principes et les orientations générales concernant les activités situées sur le territoire des régions administratives côtières ou sur celui des collectivités d'outre-mer et ayant un impact sur ces espaces. (...) ". Aux termes de l'article L. 219-4 de ce code : " I. - Doivent être compatibles, ou rendus compatibles, avec les objectifs et dispositions du document stratégique de façade ou de bassin maritime : / 1° Les plans, les programmes et les schémas relatifs aux activités exclusivement localisées dans les espaces mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 219-1 ; /2° Dans ces mêmes espaces, les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements, publics et privés, soumis à l'étude d'impact mentionnée à l'article L. 122-1 du présent code et les décisions mentionnées aux articles L. 122-1 et L. 132-2 du code minier lorsqu'elles concernent des substances minérales autres que celles énumérées à l'article L. 111-1 du même code (...) ".

33. Les requérants reconnaissent que les articles L. 219-1 et suivants du code l'environnement mettent en oeuvre la directive 2014/89 du 23 juillet 2014 et il n'est pas indiqué en quoi cette transposition aurait été incomplète. Dès lors, les requérants ne sauraient se prévaloir directement des dispositions de la directive précitée. De plus, il n'est pas établi que la concession attaquée méconnaitrait le document stratégique de façade maritime Manche Est - Mer du Nord, alors même que les deux premières parties de ce document ont été adoptées postérieurement à la concession ou serait contraire au principe de proportionnalité. A cet égard, il résulte de l'instruction que les activités de pêche professionnelle seront interdites dans un périmètre restreint uniquement pendant la phase de construction de 22 mois et seront maintenues pendant la durée d'exploitation du parc éolien, avec néanmoins des exclusions, notamment autour des fondations et des câbles inter-éoliennes mais le parc reste accessible à la pêche sur plus de 77% de la surface de l'aire d'étude immédiate, sur des linéaires importants. Enfin, le préfet maritime de Manche Mer du Nord définira les conditions d'accessibilité du site d'implantation aux navires de pêche en phase de construction dans une décision distincte. Dès lors, le moyen tiré de ce que les articles L. 219-1 et suivants du code de l'environnement ont été méconnus, ainsi que la directive 2014/89/UE du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 ne peut qu'être écarté.

34. En douzième lieu, aux termes de l'article 46 du règlement 850/98 du Conseil du 30 mars 1998 : " 1. Les États membres sont habilités à prendre des mesures pour la conservation et la gestion des stocks en ce qui concerne: a) des stocks strictement locaux ne présentant un intérêt que pour l'État membre concerné ou b) des conditions ou des modalités visant à limiter les prises par des mesures techniques: i) complétant celles qui sont définies dans la réglementation communautaire concernant la pêche ou ii) allant au-delà des exigences minimales définies dans ladite réglementation, à condition que ces mesures soient applicables uniquement aux bateaux de pêche battant pavillon de l'État membre concerné et immatriculés dans la Communauté ou, en cas d'activités de pêche qui ne sont pas effectuées par un bateau de pêche, à des personnes établies dans l'État membre concerné. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, de tout projet portant sur l'introduction ou la modification de mesures techniques nationales. (...) ". Si les requérants soutiennent que l'arrêté d'autorisation attaqué constitue une mesure de fermeture à terme mais certaine d'une zone de pêche existante qui ne rentre pas dans les conditions prévues par l'article 46 du règlement 850/98, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que ce moyen ne peut qu'être écarté.

35. En treizième et dernier lieu, si les requérants soutiennent que les articles 107 et 108 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ont été méconnus, ce moyen n'est pas en rapport direct avec les intérêts, mentionnés au point 8, dont ils se prévalent au soutien de leurs conclusions. Enfin, le vice allégué n'est pas d'une gravité telle que le juge devrait le relever d'office. Ce moyen ne peut, dès lors, qu'être écarté en application des principes rappelés au point 3. En tout état de cause, il ressort d'une décision de la Commission européenne du 26 juillet 2019 que les autorités françaises ont notifié la mesure individuelle d'aide en faveur du parc éolien maritime de Dieppe / Le Tréport le 6 janvier 2017 avec des informations complémentaires le 18 mai 2017 et le 21 juin 2017 et que la Commission a conclu que l'aide d'Etat était compatible avec le marché intérieur.

36. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées à la requête, que l'association "Sans offshore à l'horizon" et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de la convention de concession conclue les 21 et 26 février 2019 entre l'Etat et la société EMDT.

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 26 février 2019 approuvant la convention de concession d'utilisation du domaine public maritime :

37. En premier lieu, compte tenu de qui a été dit aux points 5 à 36, le moyen tiré de ce que l'arrêté d'approbation devrait être annulé " par voie de conséquence de la nullité de la convention " auquel il se rapporte ne peut être accueilli.

38. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été rappelé au point 4, les tiers ne peuvent invoquer, à l'encontre de l'acte administratif portant approbation du contrat, que des moyens tirés de vices propres à l'arrêté d'approbation, et non des moyens relatifs au contrat lui-même. Les moyens tirés de la méconnaissance des articles R. 2124-7 du code général de la propriété des personnes publiques et de l'article L. 123-9 du code de l'environnement, en ce que la durée de l'enquête publique, de 45 jours, aurait été insuffisante et les moyens auxquels il a déjà été répondu aux points précédents s'agissant de la concession et qui sont soulevés sans distinction entre la concession et l'arrêté d'approbation, ne peuvent, dès lors, qu'être écartés.

39. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article R. 2124-56 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les avis conformes du préfet maritime ou du délégué du Gouvernement pour l'action de l'Etat en mer et de l'autorité militaire compétente doivent être demandés pour les autorisations relatives à la formation d'établissement de quelque nature que ce soit sur la mer ou sur ses rivages. / L'autorité militaire compétente est, en métropole, le commandant de zone maritime (...) ". Aux termes de l'article 6 du décret du 6 février 2004 relatif à l'organisation de l'Etat en mer : " (...) Le préfet maritime de l'Atlantique est le commandant de la zone maritime Atlantique. Le siège de la préfecture maritime est à Brest. (...) ".

40. Si les requérants soutiennent que les avis conformes du préfet maritime et du commandant de la zone maritime du 12 juillet 2018 sont irréguliers dès lors que le préfet maritime et le commandant de la zone maritime auraient dû être saisis à nouveau, la société EMDT ayant déposé la version finale de sa demande de concession en septembre 2018, après avoir répondu à l'avis de l'autorité environnementale du 29 août 2018, ils se bornent à alléguer, sans autre précision, que " la version finale du dossier de demande de concession de la société EMDT diffère pourtant substantiellement de la version du dossier de demande à jour au 7 mai 2018. ". Il n'est ainsi pas établi que les modifications apportées étaient telles qu'un nouvel avis des deux autorités précitées était nécessaire. S'agissant de la consultation, pour un nouvel avis, du directeur départemental des finances publiques et des communes et établissements publics de coopération intercommunale territorialement intéressés et des communes et établissements publics de coopération intercommunale dans le ressort desquels, au vu des éléments du dossier, l'opération est de nature à entraîner un changement substantiel dans le domaine public maritime, le moyen, dont seule l'opérance est soutenue par les requérants, est dépourvu des précisions nécessaires permettant d'en apprécier le bien fondé.

41. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées à la requête, que l'association "Sans offshore à l'horizon" et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 26 février 2019 approuvant la convention de concession d'utilisation du domaine public maritime.

Sur les frais liés au litige :

42. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat et de la société EMDT, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement d'une somme au titre de ces dispositions. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants le versement de la somme demandée au titre des frais exposés à ce titre par la société EMDT.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par l'association "Sans offshore à l'horizon" et autres est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Éoliennes en mer de Dieppe-Le Tréport au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association "Sans offshore à l'horizon", représentante unique désignée par Me D..., à la société Éoliennes en mer de Dieppe-Le Tréport et au ministre de la transition écologique.

Copie sera adressée, pour information, au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme Buffet, président assesseur,

- Mme I..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 17 juillet 2020.

Le rapporteur,

P. I...

Le président,

T. CELERIER Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT01651


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01651
Date de la décision : 17/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : MONAMY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-17;19nt01651 ?
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