Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Vert Marine a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'ordre de reversement de la somme de 200 325,31 euros TTC émis par la commune de Bourges le 6 décembre 2017 et de prononcer la décharge de l'obligation de payer cette somme.
Par une ordonnance n° 1800557 du 2 avril 2019, le vice-président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté cette demande comme manifestement irrecevable.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 avril 2019, et un mémoire, enregistré le 14 octobre 2019, la société Vert Marine, représentée par la SELARL Pierre-Xavier Boyer, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du vice-président du tribunal administratif d'Orléans du 2 avril 2019 ;
2°) d'annuler l'ordre de reversement et de la décharger de l'obligation de payer la somme de 200 325,31 euros TTC ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Bourges la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ordonnance est irrégulière dès lors, d'une part, que les premiers juges ont cité une version de l'article R. 222-1 du code de justice administrative qui n'était plus applicable, d'autre part, que la fin de non-recevoir tirée du défaut de production de l'acte attaqué, soulevée en défense devant le tribunal administratif, ne pouvait être opposée en l'absence d'une invitation à régulariser ce défaut de production de l'acte attaqué, et enfin, que l'acte attaqué, à savoir un ordre de reversement, était effectivement joint au mémoire introductif d'instance ;
- la fin de non-recevoir tirée du caractère imprécis des conclusions manque en fait ;
- en méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, l'ordre de reversement contesté ne mentionne pas les nom, prénom et qualité de la personne qui l'a émis ni n'est signé par elle ;
- il n'est pas établi que le maire de la commune de Bourges, ordonnateur, ait donné délégation à l'auteur de l'acte contesté ;
- en dépit de l'incendie survenue dans les locaux de la patinoire qu'elle exploite, la commune de Bourges devait lui verser les sommes prévues à l'article 24 de la convention conclue le 29 janvier 2014.
Par un mémoire, enregistré le 1er octobre 2019, la commune de Bourges, représentée par la SELARL Casadei-Jung, demande à la cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner la société Vert Marine au paiement de la somme de 200 325,31 euros TTC ;
3°) de mettre à la charge de la société Vert Marine une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir :
- à titre principal, que l'ordonnance attaquée est régulière ;
- à titre subsidiaire, que les conclusions à fin d'annulation de l'ordre de reversement sont irrecevables dès lors que, compte tenu de l'imprécision de leur formulation, elles ne permettent pas d'identifier l'acte contestée, et que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés ;
- à titre infiniment subsidiaire, que, si l'ordre de reversement contesté était annulé, la cour devrait mettre à la charge de la requérante la somme de 200 325,31 euros TTC qui y est portée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jouno, rapporteur,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la commune de Bourges.
Considérant ce qui suit :
1. Le 29 janvier 2014, la commune de Bourges a conclu avec la société Vert Marine une convention de délégation de service public ayant pour objet l'exploitation d'une patinoire. Cette convention a été modifiée par un premier avenant, le 22 juillet 2016, et un second avenant, le 31 juillet 2017. Le 13 août 2017, un incendie s'est déclaré dans le bâtiment de la patinoire et l'a rendue inexploitable. Par un courrier du 6 décembre 2017, le maire de Bourges a informé la société vert Marine de ce qu'en raison de l'arrêt de l'activité de la patinoire, les participations financières dues par la commune à l'exploitant en vertu des articles 24-1 et 24-2 de la convention et la redevance due par la société en vertu de son article 22 devaient être respectivement réduites au prorata de la durée d'arrêt de l'exploitation pour le second semestre 2017 et qu'en conséquence la société se trouvait contractuellement redevable envers la commune d'une somme de 200 325,31 euros TTC au titre de l'année 2017 et l'a invitée à régler cette somme auprès du comptable public. Le 15 décembre 2017, le comptable public, se référant au courrier précité du 6 décembre 2017, a adressé à la société une lettre intitulée " règlement patinoire Bourges - ordre de reversement " pour obtenir le paiement de la somme de 200 325,31 euros TTC. Par un mémoire introduit le 13 février 2018, la société Vert Marine a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer l'annulation de " l'ordre de reversement émis par la ville de Bourges " et en conséquence de la décharger de l'obligation de payer la somme de 200 325,31 euros TTC. Cette demande a été rejetée comme irrecevable, pour défaut de production de la décision attaquée, par une ordonnance du 2 avril 2019 dont la société Vert Marine relève appel devant la cour.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 4° rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ". D'autre part, aux termes de l'article R. 412-1 du même code : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de l'acte attaqué (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 612-1 du code de justice administrative : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. / (...) / La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours (...) ".
3. Les requêtes manifestement irrecevables qui peuvent être rejetées par ordonnance en application des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative sont, d'une part, celles dont l'irrecevabilité ne peut en aucun cas être couverte, d'autre part, celles qui ne peuvent être régularisées que jusqu'à l'expiration du délai de recours, si ce délai est expiré et, enfin, celles qui ont donné lieu à une invitation à régulariser, si le délai que la juridiction avait imparti au requérant à cette fin, en l'informant des conséquences qu'emporte un défaut de régularisation comme l'exige l'article R. 612-1 du code de justice administrative, est expiré. En revanche, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre un rejet par ordonnance lorsque la juridiction s'est bornée à communiquer au requérant, en lui indiquant le délai dans lequel il lui serait loisible de répondre, le mémoire dans lequel une partie adverse a opposé une fin de non-recevoir. En pareil cas, à moins que son auteur n'ait été invité à la régulariser dans les conditions prévues à l'article R. 612-1 du code de justice administrative, la requête ne peut être rejetée pour irrecevabilité que par une décision prise après audience publique.
4. Le vice-président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté comme manifestement irrecevable la demande de première instance de la société Vert Marine au motif que celle-ci n'était pas accompagnée de l'ordre de reversement contesté. Toutefois, il résulte des dispositions précitées qu'il ne pouvait, par l'ordonnance attaquée, opposer cette fin de non-recevoir sans avoir préalablement invité la requérante à la régulariser dans le délai qui devait lui être imparti, alors même que la commune de Bourges l'avait elle-même opposée dans son mémoire en défense. Par suite, cette ordonnance doit être annulée.
5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée devant le tribunal administratif d'Orléans.
Sur le bien-fondé de la demande de première instance :
En ce qui concerne la régularité formelle de l'acte contesté :
6. Il résulte de l'instruction, comme le précise d'ailleurs la société Vert Marine dans ses écritures devant la cour, que l'ordre de reversement qu'elle entend contester est constitué par le courrier du 6 décembre 2017 adressé à elle par l'adjointe au maire chargée des sports, qui explique précisément le fondement contractuel et le calcul du montant de la somme en cause et indique ainsi les bases de liquidation de la créance. D'ailleurs, la lettre du comptable public du 15 décembre 2017 portant en objet " règlement patinoire de Bourges - ordre de reversement " se réfère au courrier du 6 décembre 2017 et au " détail des calculs exposés dans le courrier de la mairie... ". Contrairement à ce qu'a estimé l'auteur de l'ordonnance attaquée, elle ne constitue pas elle-même l'acte contesté mais seulement une opération d'exécution comptable, conformément à la règle de l'article L. 2343-1 du code général des collectivités territoriales selon laquelle " ... le comptable de la commune est chargé seul et sous sa responsabilité d'exécuter les recettes et les dépenses, de poursuivre la rentrée de tous les revenus de la commune et de toutes les sommes qui lui sont dues... ".
7. En premier lieu, l'irrégularité tirée du défaut de signature de l'ordre de reversement manque en fait dès lors que le courrier mentionné ci-dessus du 6 décembre 2017 est signé par l'adjointe au maire chargée des sports dont les nom, prénom et qualité sont indiqués avec sa signature.
8. En second lieu, si le maire de la commune a seul la qualité d'ordonnateur et doit à ce titre, comme le prévoit l'article 11 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, constater les droits et obligations et liquider les recettes, il peut en vertu du premier alinéa de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales déléguer une partie de ses fonctions à ses adjoints. En l'espèce, il résulte de l'instruction que Mme A..., adjointe au maire chargée des sports, avait reçu régulièrement délégation du maire de Bourges. La société Vert Marine n'est dès lors pas fondée à soutenir que l'ordre de reversement contesté serait entaché d'incompétence.
En ce qui concerne le bien-fondé de la créance :
9. Aux termes de l'article 22 de la convention de délégation de service public conclue le 29 janvier 2014 : " En contrepartie de la mise à disposition des ouvrages, le délégataire verse à l'autorité délégante une redevance annuelle. / Le montant de cette redevance est fixé à 40 000 euros HT (...) ". Aux termes de l'article 24 de la même convention, relatif à la " participation pour contraintes de service public ", dans sa rédaction résultant de l'avenant n° 2, signé le 31 juillet 2017 : " Pour chaque année considérée, la participation sera exigible d'avance par le délégataire par moitié au 1er juillet, payable au 31 juillet, et pour l'autre moitié au 15 décembre payable au 31 janvier. / Les montants évolueront dans les mêmes proportions, au même moment et suivant les mêmes modalités que les tarifs par référence à la formule d'indexation de l'article 21-2 ci-dessus. / Le montant de la participation est augmenté du taux de TVA en vigueur lors de son versement. / La participation pour contraintes de service public inclut les deux types de contraintes suivantes. / 1 - Afin de compenser les contraintes de service public générales figurant au présent contrat (tarif, horaires d'ouverture, calendrier, etc.) l'autorité délégante verse une participation annuelle et forfaitaire au délégataire. / Le montant annuel de cette participation (hors indexation) est arrêté à 410 966 euros HT (...). / Pour les première et dernière années, le versement s'effectuera prorata temporis soit 205 483 euros HT (...) au titre du deuxième semestre de l'année 2014 et 205 483 euros HT (...) revalorisé en application de la formule d'indexation au titre du premier semestre de l'année 2019. / 2 - L'autorité délégante impose au délégataire, comme contraintes de service public, la réalisation des prestations suivantes :/- délivrance de 2 000 tickets enfants et adultes remis à la ville pour ses actions de promotion ou d'intérêt général ; / - mise à disposition de créneaux horaires de l'équipement pour la réalisation des activités scolaires ; / - mise à disposition de créneaux horaires de l'équipement dans le cadre des "écoles de sports" et des CATSS. / Afin de tenir compte de ces obligations considérées comme des contraintes imposées au délégataire, l'autorité délégante s'engage à verser au délégataire une participation annuelle et forfaitaire. / Le montant annuel de cette participation (hors indexation) est arrêté à 62 350 euros HT (...) au titre de l'année 2017 (...) ".
10. Il résulte des termes mêmes de ces stipulations contractuelles que le versement par la commune de Bourges à la société Vert Marine des deux composantes de la " participation pour contraintes de service public ", qui a le caractère d'un complément de prix versé par la collectivité délégante au bénéfice des usagers de l'équipement, est destiné à compenser des contraintes de service public générales imposées au délégataire telles que les tarifs, les horaires et le calendrier d'ouverture, ou des contraintes particulières constituées par les prestations énoncées à l'article 24.2 de la convention. Ainsi, dès lors que le délégataire n'a, pour quelque cause que ce soit, pas subi ces contraintes ou n'a pas réalisé ces prestations, la participation destinée à les compenser ne saurait être due par la commune de Bourges.
11. Or, il n'est pas contesté qu'entre le 13 août 2017, date de l'incendie qui a affecté le bâtiment, et le 31 décembre 2017, la patinoire exploitée par la société Vert Marine n'était pas ouverte au public et qu'aucune des catégories d'usagers susceptibles de la fréquenter n'a pu y mener les activités auxquelles cet équipement est normalement affecté. Ainsi, la société délégataire n'a, durant cette période, ni subi les contraintes de service public mentionnées dans le contrat précité, ni réalisé les prestations énoncées à l'article 24.2 de ce même contrat. Dans ces conditions, aucune des deux composantes de la " participation pour contraintes de service public " prévue contractuellement n'était due par la commune de Bourges au titre de cette période. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle devait percevoir la totalité de cette " participation " au titre de l'année 2017.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de la société Vert Marine présentée devant le tribunal administratif d'Orléans doit être rejetée.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la société Vert Marine, partie perdante, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a par ailleurs pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette société le versement au titre de ces dispositions d'une somme à la commune de Bourges.
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 1800557 du tribunal administratif d'Orléans, en date du 2 avril 2019, est annulée.
Article 2 : La demande présentée par la société Vert Marine devant le tribunal administratif d'Orléans est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Bourges au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Vert Marine, au ministre de l'action et des comptes publics et à la commune de Bourges.
Délibéré après l'audience du 7 juillet 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.
Le rapporteur,
T. JounoLe président,
L. Lainé
Le greffier,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT01550
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