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17/07/2020 | FRANCE | N°19NT01549

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 17 juillet 2020, 19NT01549


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... F... épouse A... et M.C... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours présenté contre la décision du 9 octobre 2017 par laquelle les autorités consulaires françaises à Tunis ont refusé de délivrer à M. A... un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française.

Par un jugement n° 1806540 du 31 octobre 2

018 le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... F... épouse A... et M.C... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours présenté contre la décision du 9 octobre 2017 par laquelle les autorités consulaires françaises à Tunis ont refusé de délivrer à M. A... un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française.

Par un jugement n° 1806540 du 31 octobre 2018 le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 avril 2019, Mme G... F... épouse A... et M. C... A..., représentés par Me E..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 31 octobre 2018 ;

2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer à M. A... le visa sollicité ou subsidiairement de réexaminer sa demande, dans le délai de 15 jours suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à leur conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Ils soutiennent que :

- le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Angoulême est revêtu de l'autorité de la chose jugée ; l'intention matrimoniale doit ainsi être constatée ;

- une erreur a été commise quant à la charge de la preuve ;

- une erreur manifeste a été commise quant à l'intention matrimoniale ;

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 juillet 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 14 mars 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les observations de Me B..., substituant Me E..., représentant M. et Mme A....

Une note en délibéré, présentée pour M. A..., a été enregistrée le 1er juillet 2020.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien né le 1er mars 1986, a, le 21 novembre 2015, épousé Mme F..., ressortissante française née le 15 octobre 1968. Il a sollicité, le 2 février 2016, la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française, que le préfet de Charente a, par un arrêté du 11 mai 2016, refusé de lui délivrer, assortissant sa décision d'une obligation de quitter le territoire français. Son recours dirigé contre cette décision a été rejeté par un jugement du 29 septembre 2016 du tribunal administratif de Poitiers. M. A..., qui a exécuté la mesure d'éloignement le 14 décembre suivant, a sollicité la délivrance d'un visa de long séjour en cette même qualité de conjoint d'une ressortissante française auprès des autorités consulaires françaises à Tunis, qui ont rejeté sa demande le 9 octobre 2017. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a, par une décision implicite, rejeté son recours déposé le 2 novembre suivant contre ce refus. Par un jugement du 31 octobre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Mme F... et M. A... relèvent appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article. ". Il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Toutefois, s'il est établi que le demandeur entend rejoindre un conjoint de nationalité française, que le mariage a été contracté dans le but exclusif de permettre, dans un premier temps, l'obtention du visa puis, ultérieurement, celle d'un titre de séjour, il appartient à l'autorité consulaire de faire échec à cette fraude et de refuser à l'intéressé, sous le contrôle du juge, le visa sollicité. La seule circonstance que l'intention matrimoniale d'un seul des deux époux ne soit pas contestée ne fait pas obstacle à ce qu'une telle fraude soit établie.

3. Il ressort des pièces du dossier que l'Union départementale des associations familiales (UDAF) s'est opposée au mariage de Mme F..., ressortissante française qui fait l'objet d'une mesure de curatelle renforcée, dont cet organisme a la charge, et de M. A..., du fait que ce dernier ne justifiait pas d'un droit au séjour sur le territoire français. M A... qui, selon ses déclarations, serait entré en France en 2008, et qui ne disposait pas d'un titre de séjour régulier lui permettant de séjourner sur le territoire national, a alors fourni, en vue de son mariage une carte nationalité d'identité italienne. Ce document a permis la célébration du mariage. L'analyse de cette pièce par la police de l'air et des frontières a révélé que ce document était falsifié. Les autorités italiennes ont, à cette occasion, indiqué que l'intéressé n'a pas la nationalité de ce pays.

4. Toutefois, par un jugement du 13 décembre 2018, le tribunal de grande instance d'Angoulême a rejeté le recours formé par le procureur de la République aux fins de voir prononcer l'annulation du mariage conclu entre M. A... et Mme F..., eu égard à la circonstance qu'une communauté de vie devait être constatée entre les intéressés animés d'une intention matrimoniale au sens de l'article 146 du code civil. Alors même que ce jugement du tribunal de grande instance est postérieur à la date à laquelle la décision en litige a été prise, il révèle néanmoins une situation antérieure. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que les époux entretiennent des relations électroniques suivies depuis leur séparation et que Mme A..., dont les revenus sont modestes, s'est rendue en Tunisie en avril 2017 pour y rejoindre son époux. Dans ces conditions, en rejetant son recours formé contre la décision des autorités consulaires, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

5. Par suite, M. et Mme A....sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Il y a lieu, sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer à M. A... un visa d'entrée en France dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais du litige :

7. Mme F... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, le versement de la somme de 1 200 euros à Me E... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 31 octobre 2018 et la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. A... le visa sollicité dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le versement de la somme de 1 200 euros à Me E... est mis à la charge de l'Etat dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... F... épouse A..., à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez président de chambre,

- Mme D..., président-assesseur,

- Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.

Le rapporteur,

C. D...

Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT01549


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01549
Date de la décision : 17/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : REGENT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-17;19nt01549 ?
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