Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... K... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Kinshasa (République démocratique du Congo) du 8 juin 2018 refusant de délivrer à E... N... J... et O... P... Banzolani Yungi des visas de long séjour en qualité d'enfants de ressortissant français.
Par un jugement n° 1807657 du 16 janvier 2019 le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 mars et le 26 novembre 2019, Mme K..., représentée par Me H... Sevesa, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 janvier 2019 ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas d'entrée et de long séjour sollicités ou subsidiairement de réexaminer les demandes dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- une erreur d'appréciation a été commise, le lien de filiation devant être constatée ;
- la possession d'état existe ;
- elle contribue à l'entretien et l'éducation des enfants.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 août 2019 le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête est tardive et qu'aucun moyen n'est fondé.
Mme K... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 avril 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Brisson,
- et les observations de Me Rodrigues, représentant Mme K....
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... Jacqueline J... et S... P... R..., nées respectivement le 26 avril 1998 et le 17 mai 2001 ont sollicité auprès des autorités consulaires françaises à Kinshasa (République démocratique du Congo) la délivrance de visas d'entrée en France et de long séjour pour établissement familial en qualité d'enfants de français. A la suite de la décision de refus opposée par ces autorités le 8 juin 2018, Mme B... K... a saisi la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France d'un recours contre ce refus. Cette commission a implicitement rejeté le recours dont elle était saisie. Mme K... relève appel du jugement du 16 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête :
2. Il ressort des pièces du dossier que le jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 janvier 2019 a été notifié à Mme K... le lendemain. Une demande d'aide juridictionnelle a été présentée le 23 janvier 2019 qui a suspendu le délai d'appel et une décision a été prise par le bureau d'aide juridictionnelle le 19 avril suivant. Il s'ensuit que la requête présentée devant la cour le 25 mars 2019, avant l'expiration du délai d'appel ainsi prorogé, n'est pas tardive.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " et aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
5. Pour établir le lien de filiation entre Mme K... et les jeunes E... N... J... et S... P... R..., la requérante a produit un jugement supplétif du tribunal de grande instance de Kinshasa du 11 juin 2012 tenant lieu d'acte de naissance sur la base duquel les actes de naissance des jeunes Djessi et S... ont été établis. Ce jugement a été pris sur la requête de M.G... I... agissant en application des articles 97 et 106 du code de la famille congolais, l'initiative d'une telle action appartenant en vertu de ce dernier article à toute personne intéressée. Dans ces conditions, la circonstance que les actes de naissance produits par la requérante ont été établis 14 et 11 ans après la naissance des deux enfants ne saurait suffire à démontrer l'absence de lien de filiation entre les intéressées. De même, le fait que le certificat de non-appel ne comporte pas la mention de sa date ne peut démontrer l'absence de valeur probante de ce jugement.
6. En outre, il ressort des pièces du dossier que les informations figurant sur les actes de naissance des enfants concordent avec les indications portées par Mme K... sur la demande de regroupement familial qu'elle a présentée et que M. I... a autorisé les enfants E... et S... à se rendre auprès de leur mère en France. Enfin, les nombreuses photographies des enfants, depuis leur naissance, ainsi que la justification des voyages faits régulièrement par Mme K... au Congo sont de nature à corroborer, par la possession d'état, l'existence du lien de filiation entre la requérante et les jeunes E... et S....
7. Il résulte de ce qui précède que Mme K... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer à E... N... J... et à O... P... Q... les visas d'entrée et de long séjour sollicités en qualité d'enfants de ressortissant français au titre du regroupement familial dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais du litige :
9. Mme K... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocat peut ainsi se prévaloir des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me H... A... le versement de la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 janvier 2019 et la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 8 juin 2018 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer, dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, des visas d'entrée et de long séjour aux enfants E... M... J... et O... P... Q...
Article 3 : L'Etat versera à Me H... F... une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... K... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.
Le rapporteur,
C. D...
Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT01186