La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/07/2020 | FRANCE | N°19NT01132

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 17 juillet 2020, 19NT01132


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2018 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1802742 du 21 février 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 mars 2019

et 7 août 2019, M. B... E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2018 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1802742 du 21 février 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 mars 2019 et 7 août 2019, M. B... E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 21 février 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 6 septembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour avec autorisation de travailler le temps de l'instruction de sa demande, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt ;

5°) de condamner l'Etat à verser la somme de 1 200 euros à Me D... en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi sur l'aide juridique, sous réserve que Me D... se désiste du bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il était mineur au moment de son entrée en France ;

- la décision attaquée méconnaît le 2°bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur l'obligation de quitter le territoire :

- la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- la décision en litige méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires en défense enregistrés les 24 mai 2019 et 15 novembre 2019, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'il s'en rapporte à ses écritures de 1ère instance et qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

La clôture de l'instruction est intervenue le 16 décembre 2019.

Un mémoire, enregistré le 27 février 2020 et présenté pour M. E..., n'a pas été communiqué.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me A... substituant Me D..., représentant le requérant.

Une note en délibéré, enregistrée le 8 juillet 2020, a été présentée pour M. B... E....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant camerounais, se disant né le 2 novembre 1999, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 17 juillet 2015. Le 30 novembre 2017, il a déposé une demande de titre de séjour sur le fondement du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 6 septembre 2018, le préfet du Calvados lui a refusé la délivrance de ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M. E... a demandé au tribunal administratif de Caen l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 21 février 2019, le tribunal a rejeté sa demande. M. E... fait appel de ce jugement.

Sur le refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée ".

3. Lorsqu'il examine une demande de carte de séjour temporaire de plein droit portant la mention " vie privée et familiale ", présentée sur le fondement des dispositions précitées, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l'article L. 311-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Si ces conditions sont remplies, il ne peut alors refuser la délivrance de la carte de séjour qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le juge de l'excès de pouvoir exerce sur cette appréciation un entier contrôle.

4. La décision préfectorale attaquée se fonde notamment sur la circonstance que M. E... aurait commis une fraude sur son âge et son identité, l'acte de naissance produit n'étant pas authentique.

5. Il est constant que l'intéressé a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance à compter du 29 octobre 2015. Si le requérant reconnaît qu'un rapport d'estimation de l'âge chronologique établi le 18 décembre 2015 au vu d'un compte rendu radiologique avait estimé cet âge non compatible avec celui allégué de M. E... et probablement supérieur à 18 ans, le juge des enfants du tribunal de Caen a indiqué, dans un jugement du 13 janvier 2016, que les conclusions de l'examen osseux ne pouvaient, à elles seules, servir à la détermination de l'âge d'un individu et a débouté l'administration de sa demande de mainlevée du placement de l'intéressé. Ce jugement a été annulé par arrêt de la chambre spéciale des mineurs de la cour d'appel du 7 juillet 2016. M. E... a cependant produit un jugement supplétif du 22 juin 2016 et un acte de naissance du 23 juin 2016 faisant état d'une naissance le 5 novembre 1999. Il ressort des pièces du dossier que le tribunal correctionnel de Caen a relaxé, le 15 novembre 2016, M. E... des faits de fausse déclaration pour lesquels il était poursuivi, après avoir, par jugement avant dire droit du 28 juillet 2016, ordonné un supplément d'information aux fins d'analyser l'authenticité de l'acte de naissance du 23 juin 2016. Le rapport d'expertise du jugement supplétif et de l'acte de naissance de la direction centrale de la police aux frontières établi le 23 septembre 2016 a conclu que " l'absence de modèle de référence ne permet pas d'être affirmatif sur l'authenticité de ces documents qui présentent néanmoins les caractéristiques de documents authentiques ", que " le manque de fondement sur lequel se base la délivrance de ces documents laisse supposer qu'ils sont soit obtenus indûment, soit que nous sommes en présence de documents volés vierges " et qu'ils ne sont " en aucun cas preuve de l'identité de la personne, ces documents ne supportant aucune photographie ". Par un arrêt du 21 septembre 2017, la chambre spéciale des mineurs de la cour d'appel de Caen, revenant sur sa position antérieure, a indiqué qu'" aucun élément objectif du dossier ne vient conforter l'hypothèse émise par [la brigade mobile de recherche (BMR)] d'un document volé vierge personnalisé avec identité fictive " et a ordonné le placement de l'intéressé, reconnu comme mineur, à la direction de l'enfance du Calvados jusqu'à sa majorité. Toutefois, le préfet du Calvados se fonde sur un courrier du greffier en chef du 11 avril 2018 du tribunal de grande instance de Ngoketunjia et sur un courriel du 15 mai 2018, confirmé par un courriel du 13 décembre 2018, qui n'avaient pu être portés à la connaissance de la cour d'appel de Caen, dans lesquels le consulat général de France à Douala l'informe que le tribunal de grande instance de Ngoketunjia lui a indiqué que le jugement supplétif dont se prévaut M. E... " a été prononcé au nom d'une autre personne ", Cedrik Lengouh né en 2004. La seule attestation d'un avocat au Cameroun indiquant que le jugement supplétif concernerait bien M. E..., établie le 20 juin 2019, soit postérieurement à l'acte attaqué, ne saurait suffire à contredire les éléments émanant des autorités consulaires et judiciaires au Cameroun.

6. Dans ces conditions et pour le seul motif précité au point 4, le préfet a pu légalement refuser de délivrer à M. E... la carte de séjour sollicitée sur le fondement du 2° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le moyen tiré de l'erreur de fait ne peut qu'être écarté.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

7. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier que le requérant est présent sur le territoire français depuis 2015. Cette entrée en France reste récente et il est constant que la mère et le demi-frère du requérant résident au Cameroun, l'intéressé n'établissant pas que les liens seraient rompus. Dès lors et alors même qu'il est bien intégré en France, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ne peuvent qu'être écartés.

Sur la décision fixant le pays de destination :

9. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

10. Par la production de rapports d'organismes internationaux ayant trait à la situation conflictuelle dans les régions anglophones du Cameroun et l'affirmation selon laquelle il pourrait être regardé comme un militant perturbateur par les services de renseignement en cas de retour dans son pays d'origine, M. E... n'établit pas être exposé, en cas de retour au Cameroun, à des risques personnels de traitements inhumains et dégradants. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet du Calvados du 6 septembre 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles fondées sur les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme Buffet, président assesseur,

- Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 17 juillet 2020.

Le rapporteur,

P. C...

Le président,

T. CELERIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT01132


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01132
Date de la décision : 17/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : CAVELIER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-17;19nt01132 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award