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17/07/2020 | FRANCE | N°19NT00568

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 17 juillet 2020, 19NT00568


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. K... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 8 février 2016 par lesquels le maire de Hirel a refusé de lui délivrer des permis de construire une maison individuelle sur un terrain situé 43, rue des Tourailles

Par un jugement n°1601097 et 1601099 du 7 décembre 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 février 2019 et des mémoires des 28 et 29 octobre 2019 et du

4 février 2020, M. D... K..., représenté par Me de Broissia, demande à la cour :

- d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. K... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 8 février 2016 par lesquels le maire de Hirel a refusé de lui délivrer des permis de construire une maison individuelle sur un terrain situé 43, rue des Tourailles

Par un jugement n°1601097 et 1601099 du 7 décembre 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 février 2019 et des mémoires des 28 et 29 octobre 2019 et du 4 février 2020, M. D... K..., représenté par Me de Broissia, demande à la cour :

- d'annuler ce jugement du 7 décembre 2018 ;

- d'annuler les refus de permis de construire ;

- d'enjoindre à la commune de Hirel de procéder à une nouvelle instruction des demandes de permis de construire dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

- de mettre à la charge de la commune de Hirel le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sur la régularité du jugement : le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l'absence d'impossibilité de créer une voie d'accès en coeur d'îlot ; les articles L. 9 et R. 741-2 du code de justice administrative ont été méconnus ;

-il ne pouvait être procédé à une substitution de base légale faute de préciser la hauteur et la vitesse d'écoulement de l'eau ;

- l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme est méconnu en l'absence de risques avérés ;

- le principe du contradictoire a été méconnu, les premiers juges ont relevé d'office de nouveaux motifs ; les juges se sont fondés sur des faits erronés ;

- les articles UE 6-1-1, 6-1-2 et 6-3 du plan local d'urbanisme ont été méconnus ; les premiers juges ont irrégulièrement procédé à une substitution de motifs et de base légale.

Par des mémoires en défense enregistrés les 30 septembre 2019 et 26 décembre 2019, la commune de Hirel, représentée par Me Coudray conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que soit mis à la charge de la commune de Hirel le versement d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun moyen n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brisson,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

- et les observations de Me Robert, substituant Me Chatel, représentant la commune de Hirel.

Considérant ce qui suit :

1. Après avoir conclu le 28 août 2015 avec les consorts I... un contrat de vente immobilière sous condition suspensive d'obtention de permis de construire, M. K... a saisi le maire de Hirel (Manche) de demandes de permis de construire en vue de la construction de deux immeubles à usage d'habitation sur les parcelles de terrain cadastrées section ZH n° 142 et n° 143. Par des arrêtés du 8 février 2016, ces permis lui ont été refusés. Par un jugement du 7 décembre 2018, dont M. K... relève appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " et aux termes de l'article R. 742-1 du même code " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. ".

3. Le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments soulevés par les parties, a suffisamment répondu, aux points 14 à 16 de son jugement, au moyen tiré de la méconnaissance de l'article UE 6 du plan local d'urbanisme. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait insuffisamment motivé ne peut qu'être écarté.

4. En second lieu, pour refuser de délivrer les permis de construire sollicités, le maire de Hirel s'est fondé sur la circonstance que les projets sont implantés en zone exposée à un risque de submersion marine au titre du plan de prévention des risques de submersion marine (PPRSM). Ce plan n'a toutefois été approuvé par un arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine que le 25 août 2016 soit postérieurement aux arrêtés portant refus de permis de construire du 8 février 2016. Il s'ensuit que le maire ne pouvait légalement fonder ses décisions sur les dispositions du plan de prévention des risques.

5. Cependant, l'administration peut faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision.

6. La commune de Hirel a, dans ses écritures de première instance, fait valoir que les refus de permis de construire pouvaient être fondés sur les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme aux termes desquelles " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Le requérant a alors invoqué, pour la rejeter, la demande de substitution de base légale présentée par la commune. En l'espèce, l'administration disposait d'un même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre disposition susvisée et la base légale substituée n'offre pas moins de garanties procédurales. Dans ces conditions, M. K..., qui a pu faire valoir ses observations, n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait irrégulièrement procédé à cette substitution de base légale.

7. Par ailleurs, M. K..., dans ses écritures devant les premiers juges, avait soulevé un moyen tiré de la méconnaissance par le maire de l'article UE 6 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal. Les premiers juges ont écarté ce moyen sans procéder à une substitution de motif ou de base légale.

8. Il s'ensuit que le jugement attaqué n'est entaché d'aucune des irrégularités invoquées.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

9. En premier lieu, pour apprécier si les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, il appartient à l'autorité compétente en matière d'urbanisme de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent, et pour l'application de cet article en matière de risque de submersion marine, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, en l'état des données scientifiques disponibles, ce risque de submersion, en prenant en compte l'ensemble des éléments portés à sa connaissance.

10. Si, comme il vient d'être dit, le PPRSM de la commune de Hirel était en cours d'élaboration à la date à laquelle les arrêtés en litige ont été pris, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que le maire pût prendre en considération les éléments d'information portés à sa connaissance à cette date.

11. Il ressort des pièces du dossier que le projet de PPRSM repose sur une double hypothèse de risque, la première avec une élévation du niveau marin de 20 cm due au changement climatique et fixant le niveau de la mer à 9,12 m NGF 69 dite aléa de référence, la deuxième, avec une élévation du niveau marin de 60 cm à l'horizon 2100 fixant le niveau de la mer à 9,52 m NGF 69 dite aléa 2100. L'aléa de référence de 9,12 m correspond à un niveau marin extrême centennal de 8,55 m auquel sont ajoutés 0,12 m de houle, 0,20 m pour l'élévation du niveau marin dû au changement climatique et 0,25 m de marge d'incertitude. Dans le cadre des études menées lors de l'élaboration de ce plan, les parcelles cadastrées ZH n°142 et 143, sur lesquelles les constructions envisagées doivent être édifiées, sont, eu égard en particulier à leur altimétrie, comprises en zone rouge " r " inconstructible du futur plan de prévention. Ces zones correspondent, s'agissant des secteurs non urbanisés, à des lieux exposés à un aléa de référence nul à très fort et à un aléa 2100 fort à très fort et une hauteur d'eau pouvant atteindre jusqu'à plus de deux mètres de hauteur, de sorte qu'il convient d'éviter l'apport de population nouvelle et de réduire ou ne pas aggraver la vulnérabilité de la population déjà présente.

12. Alors même que, dans son avis du 3 février 2016 émis dans le cadre de l'instruction des demandes de permis de construire, la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) de la Manche a mentionné que le terrain d'assiette du projet se situe dans une zone d'aléa de référence faible et dans une zone d'aléa 2100 moyen, elle a également noté qu'il ressort des données Lidar que ce terrain présente une topographie de 6,25 à 6,50 m NGF, que la hauteur d'eau prévisible à l'horizon 2100 pourra atteindre 85 cm au lieu d'implantation des projets et a, en conséquence, émis un avis défavorable à toute construction qui augmenterait le nombre de personnes exposées au risque de submersion.

13. Si M. K... fait valoir que, compte tenu à la fois de l'éloignement de ses projets de 720 m de la mer, du remblaiement projeté du terrain naturel et de la surélévation du rez-de-chaussée, le risque de submersion marine n'est pas avéré, il ne l'établit pas par ces seules allégations, alors au demeurant qu'il ne remet en cause ni la méthode ni les résultats obtenus par la DDTM à la suite de ses études lesquelles reposent en particulier sur des relevés altimétriques mettant en oeuvre la méthode Lidar et l'utilisation d'un logiciel HydraRiv de modélisation hydrologique et hydraulique adapté aux cours d'eau et estuaires.

14. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le maire a fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doit être écarté.

15. En second lieu, aux termes de l'article UE 6 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Hirel : " (...) 6.1.1 : Sauf dispositions particulières portées au plan, l'implantation de la construction principale se fera selon l'implantation (façade) définie par une ou des constructions avoisinantes afin de ne pas rompre l'harmonie d'ensemble. (...) 6.3 - Règles alternatives aux dispositions ci-dessus, dans les cas suivants : (...) - Pour les constructions principales ou autres en coeur d'îlot, dès lors que l'espace non bâti en front de rue se limite à l'accès du coeur de cet îlot ou des parcelles arrière, (...) ".

16. Il ressort des pièces du dossier que les constructions voisines du terrain d'assiette du pétitionnaire, construites sur les parcelles cadastrées section ZH n° 53, 54, 102 et 103, sont implantées le long de la rue des Tourailles ou avec un recul allant jusqu'à 10 m. En retrait de ce premier ensemble bâti se trouvent une habitation et deux bâtiments à rénover implantés parallèlement aux immeubles les plus proches de la voie.

17. Alors même d'une part, que sur la parcelle cadastrée section ZH n° 144, seules les dépendances sont implantées le long de la rue, l'habitation étant située à une trentaine de mètres en léger retrait de celle-ci et que d'autre part, un accès permet la desserte, depuis la rue des Tourailles, au fond des parcelles cadastrées ZH n° 142 et 143, l'implantation projetée par le pétitionnaire des deux pavillons à une distance de 120 m de la voie publique ne peut être regardée comme une localisation en coeur d'ilôt au sens de l'article 6-1-3 du règlement du plan local d'urbanisme.

18. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 6-1-1 du règlement du plan local d'urbanisme doit être écarté.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. K... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Hirel, qui n'est pas la partie perdante, verse à M. K... une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

21. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. K... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Hirel et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. K... est rejetée.

Article 2 : M. K... versera à la commune de Hirel une somme de 1 500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... K... et à la commune de Hirel.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Brisson, président-assesseur,

- M. L'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.

Le rapporteur,

C. Brisson

Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT00568


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : CONCORDE AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 17/07/2020
Date de l'import : 28/07/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19NT00568
Numéro NOR : CETATEXT000042133265 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-17;19nt00568 ?
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