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10/07/2020 | FRANCE | N°19NT01157

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 10 juillet 2020, 19NT01157


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... et la société Zurich Insurance PLC ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la Compagnie des ports du Morbihan à verser, d'une part, la somme de 25 037 euros à M. D... en réparation du préjudice que lui a causé l'incendie de son voilier au port de Foleux, et, d'autre part, la somme de 53 404 euros à la société Zurich Insurance PLC à titre de remboursement des sommes versées à M. D..., de constater la nullité de la clause exonératoire de responsabilité figurant au co

ntrat souscrit par M. D..., ou subsidiairement d'en écarter l'application.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... et la société Zurich Insurance PLC ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la Compagnie des ports du Morbihan à verser, d'une part, la somme de 25 037 euros à M. D... en réparation du préjudice que lui a causé l'incendie de son voilier au port de Foleux, et, d'autre part, la somme de 53 404 euros à la société Zurich Insurance PLC à titre de remboursement des sommes versées à M. D..., de constater la nullité de la clause exonératoire de responsabilité figurant au contrat souscrit par M. D..., ou subsidiairement d'en écarter l'application.

Par un jugement n° 1604944 du 24 janvier 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 mars 2019 et 27 février 2020, M. B... D... et la société Zurich Insurance PLC, représentés par Me H... et Me A..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 janvier 2019 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de condamner la Compagnie des ports du Morbihan à verser, d'une part, la somme de 25 037 euros, avec intérêts de retard à compter de sa demande indemnitaire préalable, à M. D... en réparation des préjudices que lui a causé l'incendie de son voilier au port de Foleux, et, d'autre part, la somme de 53 404 euros, avec intérêts de retard à compter de sa demande indemnitaire préalable, à la société Zurich Insurance PLC à titre de remboursement des sommes versées à M. D... ;

3°) de mettre à la charge de la Compagnie des ports du Morbihan, pour chacun des requérants, la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la juridiction administrative est compétente pour connaître du litige eu égard aux dispositions des articles R. 5314-31 du code des transports et L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques et au contrat d'emplacement liant M. D... à la Compagnie des ports du Morbihan ; le recours de première instance n'était pas tardif ;

- le jugement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il accorde la même force probatoire aux trois rapports d'expertise versés aux débats sans privilégier celui du cabinet Charles et retient qu'il n'existe pas de lien direct entre la carence du port à imposer des règles de sécurité au propriétaire du voilier voisin et la survenance du sinistre ; le rapport de gendarmerie produit établit la responsabilité de ce dernier dans ce sinistre ;

- les carences fautives de la Compagnie des ports du Morbihan engagent sa responsabilité ; elle ne peut se prévaloir de la clause exonératoire de responsabilité figurant au contrat d'emplacement ; subsidiairement, si cette clause était appliquée, la responsabilité de la Compagnie des ports du Morbihan est engagée pour faute lourde ;

- M. D... sera indemnisé des divers préjudices subis (montant de la franchise de son assureur, préjudice né de la perte de son voilier non indemnisée par son assureur, préjudice de jouissance et préjudice moral) ; son assureur est subrogé à hauteur du montant versé à M. D... pour l'indemniser.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2019, la Compagnie des ports du Morbihan, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête, subsidiairement à ce que M. I... la garantisse de toutes les condamnations prononcées par la cour, et elle demande de mettre à la charge de M. B... D... et de la société Zurich Insurance PLC une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ainsi que soulevé en première instance la juridiction administrative est incompétente pour connaître du litige dès lors que la gestion d'un port de plaisance constitue une mission de service public à caractère industriel et commercial et que ce litige porte sur le fonctionnement de ce service public ;

- les moyens soulevés par M. B... D... et la société Zurich Insurance PLC ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 11 janvier 2020, M. I..., représenté par Me G..., conclut au rejet de la requête, subsidiairement au rejet de l'appel en garantie formé par la Compagnie des ports du Morbihan, et demande de mettre à la charge de toute partie succombante le versement à son conseil d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'appel en garantie de la Compagnie des ports du Morbihan est irrecevable en raison de l'incompétence de la juridiction administrative à connaître d'un litige entre personnes de droit privé ;

- subsidiairement, cet appel en garantie est mal fondé ;

- encore plus subsidiairement, les préjudices invoqués par M. B... D... et la société Zurich Insurance PLC ne sont pas certain.

Par ordonnance du 11 février 2020 la clôture d'instruction a été fixée au 28 février 2020.

M. I... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publique ;

- le code des transports ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant la Compagnie des Ports du Morbihan, et de Me G..., représentant M. I....

Considérant ce qui suit :

1. Dans la nuit du 5 au 6 mars 2015 un incendie s'est déclaré dans le port de Foleux sur le territoire de la commune de Béganne, entrainant la destruction de deux voiliers, le Morfout, appartenant à M. D..., et le Khamsin propriété de M. I.... Par une réclamation préalable indemnitaire du 15 juillet 2016, M. D..., en sa qualité de propriétaire du Morfout, et la société Zurich Insurance PLC, son assureur, ont demandé à la Compagnie des ports du Morbihan la réparation des préjudices nés de la destruction du Morfout. Par une décision explicite du 25 août 2016, la Compagnie des ports du Morbihan a rejeté cette demande indemnitaire en tant qu'elle concernait la société Zurich Insurance PLC. Par une décision implicite née le 18 septembre 2016 celle de M. D... a également été rejetée. Par un jugement du 24 janvier 2019 le tribunal administratif de Rennes a rejeté les conclusions indemnitaires présentées en conséquence par M. D... et son assureur. Par la requête visée ci-dessus, ces derniers relèvent appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les litiges relatifs à la passation et à l'exécution de contrats comportant occupation du domaine public relèvent, en vertu de l'article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques, de la compétence du juge administratif. Il en va de même des litiges nés des contrats conclus entre un délégataire de service public et un tiers et comportant occupation du domaine public. Cependant les litiges entre le gestionnaire d'un service public industriel et commercial et ses usagers, quand bien même l'activité de ce service a lieu sur le domaine public, relèvent de la compétence des juridictions judiciaires, ces litiges étant par nature détachables de l'occupation domaniale.

3. Il résulte de l'instruction que la Compagnie des ports du Morbihan, société publique locale revêtant la forme d'une société anonyme en vertu de l'article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales, est en charge de l'exploitation du service public industriel et commercial que constitue le port de plaisance de Foleux/Péaule-Béganne-Nivillac, ainsi qu'il résulte de ses statuts constitutifs. Au cas d'espèce, les indemnisations sollicitées par M. D... et la société Zurich Insurance PLC consécutivement à la destruction du voilier de M. D... sont en lien avec les conditions d'exploitation de ce port, qu'elles considèrent défaillantes, par la Compagnie des ports du Morbihan. Cette mise en cause se rattache à l'exécution par cette dernière de sa mission de service public industriel et commercial au bénéfice de ses usagers. En application des principes rappelés au point précédent, elle relève en conséquence de la compétence du juge judiciaire. Par voie de conséquence, ainsi que le soutient la Compagnie des ports du Morbihan, c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes n'a pas décliné la compétence de la juridiction administrative pour connaître de ce litige. Dès lors, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué, d'évoquer la demande de M. D... et de la société Zurich Insurance PLC, et de la rejeter comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

4. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... et la société Zurich Insurance PLC ne sont pas fondés à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes indemnitaires.

Sur les frais d'instance :

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par M. D... et la société Zurich Insurance PLC. En revanche, il convient, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ces derniers, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la Compagnie des ports du Morbihan. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. I... au profit de son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 24 janvier 2019 est annulé en tant qu'il statue sur la demande indemnitaire formée par M. D... et la société Zurich Insurance PLC.

Article 2 : Les conclusions indemnitaires présentées par M. D... et la société Zurich Insurance PLC sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 3 : M. D... et la société Zurich Insurance PLC verseront à la Compagnie des ports du Morbihan une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. I... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à la société Zurich Insurance PLC, à la Compagnie des ports du Morbihan et à M. I....

Délibéré après l'audience du 23 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. C..., président de chambre,

- M. Jouno, premier conseiller,

- Mme J..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 10 juillet 2020.

Le président de chambre, rapporteur,

L. C...

L'assesseur le plus ancien dans le grade le plus élevé,

T. Jouno

La greffière,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT01157


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01157
Date de la décision : 10/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Laurent LAINE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : BAUDIFFIER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-10;19nt01157 ?
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