La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/07/2020 | FRANCE | N°19NT01026

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 10 juillet 2020, 19NT01026


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SETRI a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la région Pays de la Loire à lui verser la somme de 73 412,54 euros HT, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2015 et de leur capitalisation, au titre des travaux de construction du lycée public des Mauges qu'elle a réalisés en qualité de sous-traitant de second rang.

Par un jugement n° 1609741 du 9 janvier 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cou

r :

Par une requête, enregistrée le 11 mars 2019, et un mémoire, enregistré le 30 septemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SETRI a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la région Pays de la Loire à lui verser la somme de 73 412,54 euros HT, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2015 et de leur capitalisation, au titre des travaux de construction du lycée public des Mauges qu'elle a réalisés en qualité de sous-traitant de second rang.

Par un jugement n° 1609741 du 9 janvier 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mars 2019, et un mémoire, enregistré le 30 septembre 2019, la société SETRI, représentée par la SELARL Patrice Hugel Avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 janvier 2019 ;

2°) de condamner la région Pays de la Loire à lui verser la somme de 71 295,05 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2015 et de leur capitalisation, au titre des travaux de construction du lycée public des Mauges qu'elle a réalisés en qualité de sous-traitant de second rang ;

3°) de mettre à la charge de la région Pays de la Loire la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a accompli, en qualité de sous-traitant de second rang, non seulement des travaux de plomberie, d'un montant de 14 000 euros HT, pour lesquels elle a été expressément acceptée par le maître d'ouvrage, mais aussi des travaux de chauffage pour un devis de 56 000 euros HT ; or le maître d'ouvrage est tenu de lui verser une indemnité d'un montant égal au prix de ces dernières prestations dès lors que celles-ci constituent des travaux supplémentaires indispensables ou des sujétions imprévues et que la société sous-traitante de premier rang, qui est liquidée, ne peut en régler le prix ;

- à titre subsidiaire, elle a le droit à être payée directement par le maître d'ouvrage pour les prestations de chauffage dès lors qu'elle a été agréée et acceptée en qualité de sous-traitant ; la circonstance qu'elle soit sous-traitant de second rang est indifférente ;

- à titre infiniment subsidiaire, la région Pays de la Loire était au fait de l'intervention de la société SETRI au titre du lot chauffage ; or elle s'est abstenue de régulariser la situation de la société SETRI ; elle doit donc, sur un fondement quasi-délictuel, l'indemniser à hauteur de la quote-part du prix de ses prestations non couvertes par une caution ou une délégation de paiement.

Par un mémoire, enregistré le 24 avril 2019, la région Pays de la Loire, représentée par la SELARL Claisse et Associés, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société SETRI une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jouno, rapporteur,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la société SETRI, et de Me B..., représentant la région Pays de la Loire.

Considérant ce qui suit :

1. Le 3 octobre 2013, la région Pays de la Loire a conclu un marché de travaux avec un groupement conjoint ayant pour mandataire la société Eiffage Construction Pays de Loire en vue de la construction du lycée des Mauges, situé à Beaupréau-en-Mauges (Maine-et-Loire). Pour l'exécution de ce marché, la société Eiffage Construction Pays de Loire a conclu un contrat de sous-traitance avec la société Baudouin afin que celle-ci réalise une partie des travaux portant sur les lots " plomberie " et " chauffage ". La société Baudouin a elle-même sous-traité une partie de ces travaux à la société SETRI. Le 3 juin 2015, la région des Pays de la Loire a accepté cette sous-traitance de second rang et agréé les conditions de paiement de la société SETRI, pour des prestations de calorifugeage des tuyaux, d'un montant de 14 000 euros HT. Par un courrier du 8 juin 2015, la société SETRI a informé la région Pays de la Loire que la société Baudouin, placée en redressement judiciaire, lui restait redevable de la somme de 73 412,54 euros HT. Par un courrier du 23 juin suivant, la région lui a répondu qu'elle n'avait pas à lui régler directement cette somme. Par deux courriers des 11 mars et 29 juin 2016, la société SETRI a de nouveau sollicité de la région Pays de la Loire le règlement de la somme de 73 412,54 euros HT, tout en précisant que son intervention avait porté non seulement sur les travaux de plomberie, objet de son agrément, mais également sur des travaux de chauffage, d'un montant de 56 000 euros HT, pour lesquels la société Baudouin ne l'avait pas déclarée. La région Pays de la Loire a rejeté cette demande par des courriers des 7 avril et 21 septembre 2016. Par un jugement du 9 janvier 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de la société SETRI tendant à la condamnation de la région Pays de la Loire au versement de la somme de 73 412,54 euros HT au titre des travaux réalisés par elle en qualité de sous-traitante de second rang. La société SETRI relève appel de ce jugement et demande à la cour de condamner la région au paiement, non plus de la somme principale de 73 412,54 euros HT, mais de celle de 71 295,05 euros TTC, laquelle correspond, selon elle, au prix des travaux réalisés déduction faite de la somme précitée de 14 000 euros HT, ayant fait l'objet d'une caution bancaire qu'elle a actionnée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 6 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 : " Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution ". Il résulte de ces dispositions que l'obligation de payer les prestations réalisées par un sous-traitant accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées incombe au maître d'ouvrage. En cas de désaccord sur les sommes dues, le sous-traitant peut engager, devant le juge administratif si le contrat principal est administratif, une action en paiement direct, dont l'objet n'est pas de poursuivre sa responsabilité quasi-délictuelle, mais d'obtenir le paiement des sommes qu'il estime lui être dues.

3. La société SETRI recherche devant la cour le paiement direct de ses prestations par le maître d'ouvrage, la région Pays de la Loire. Toutefois, ainsi qu'il a été dit, elle est intervenue lors de la construction du lycée des Mauges en tant que sous-traitante de la société Baudouin, elle-même sous-traitante de la société Eiffage Construction Pays de Loire, membre du groupement conjoint titulaire du marché. Ainsi, elle n'a pas la qualité de sous-traitant direct du titulaire du marché et ne peut donc utilement se prévaloir des dispositions de l'article 6 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, prévoyant, pour les sous-traitants directs qu'elles désignent, un paiement direct par le maître d'ouvrage. Contrairement à ce que soutient la requérante, il n'en résulte aucune discrimination illégale pour le sous-traitant de second rang dès lors, d'une part, que ce dernier se trouve dans une situation distincte pouvant faire l'objet d'un traitement différent, et d'autre part que le dernier alinéa de l'article 6 et l'article 14 de la loi précitée prévoient que les droits du sous-traitant d'un sous-traitant doivent être garantis par une caution ou une délégation de paiement.

4. En deuxième lieu, contrairement à ce qu'allègue la requérante, ni la circonstance, à la supposer établie, que les prestations réalisées par la société SETRI soient indispensables à la bonne exécution du marché ni celle que ces prestations n'aient pas été réglées par la société Baudouin sous-traitante de premier rang, laquelle a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire désormais clôturée, ne révèlent une faute imputable à la région Pays de la Loire et seule de nature à engager la responsabilité quasi-délictuelle de celle-ci.

5. Le dernier alinéa de l'article 6 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 dispose que : " Le sous-traitant qui confie à un autre sous-traitant l'exécution d'une partie du marché dont il est chargé est tenu de lui délivrer une caution ou une délégation de paiement (...) ". L'article 14-1 de la même loi, dont les dispositions s'imposent à tous les contrats de sous-traitance, ajoute que : " Pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics : / - le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies (...) à l'article 6 (...) mettre (...) le sous-traitant en demeure de s'acquitter de ces obligations. Ces dispositions s'appliquent aux marchés publics et privés (...) ". Lorsque le sous-traitant direct du titulaire d'un marché de travaux a confié à un sous-traitant de second rang tout ou partie des missions qui lui incombent sans délivrer de caution ou de délégation de paiement à ce sous-traitant de second rang, le maître d'ouvrage public est tenu, lorsqu'il a connaissance de cet état de fait, de mettre en demeure le sous-traitant direct du titulaire du marché de régulariser sa situation. A défaut, il engage sa responsabilité quasi-délictuelle.

6. En l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que le maître d'ouvrage ait été informé en temps utile de ce que la société SETRI intervenait sur le chantier au titre de missions pour lesquelles la caution ou la délégation de paiement exigée par l'article 6 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ne lui avaient pas été délivrées. En particulier, ni les courriels adressés en copie à un agent de la région Pays de la Loire, lesquels ne révèlent pas à eux-seuls la présence effective de la société SETRI sur le chantier pour des missions relatives au " chauffage " excédant les travaux de calorifugeage des tuyaux à hauteur de 14 000 euros HT seuls mentionnés dans la déclaration de sous-traitance de second rang de type DC4 signée le 3 juin 2015 par le représentant du maître d'ouvrage, ni le " compte-rendu d'inspection " établi par le coordonnateur SPS le 16 février 2015, qui se borne à indiquer, en des termes succincts et imprécis, que l'entreprise intervient en matière de " calorifuge[age] des tuyauteries plomberie et chauffage ", ne démontrent que la région Pays de la Loire était au fait de ce que les interventions de la société SETRI outrepassaient celles de " calorifugeage des tuyaux " pour lesquelles elle avait fait l'objet de la déclaration de sous-traitance et bénéficié d'une caution bancaire. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que la région Pays de la Loire aurait manqué aux obligations lui incombant et ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

7. En troisième lieu, d'une part, si un sous-traitant bénéficiant du paiement direct des prestations sous-traitées a également droit à ce paiement direct pour les dépenses résultant pour lui de sujétions imprévues qui ont bouleversé l'économie générale du marché, en l'espèce la société SETRI ne peut prétendre au paiement direct par le maître d'ouvrage des prestations qui ne lui ont pas été réglées par le sous-traitant de premier rang et, au surplus, il ne résulte de l'instruction ni qu'elle aurait rencontré des sujétions imprévues, lesquelles se définissent comme celles présentant un caractère exceptionnel et imprévisible et dont la cause est extérieure aux parties, ni que l'économie générale du marché public s'en serait trouvée bouleversée. D'autre part, il résulte de l'instruction que les travaux de calorifugeage des canalisations de chauffage réalisés par la société SETRI n'avaient pas le caractère de travaux supplémentaires mais étaient simplement prévus dans le marché initial dont la partie en cause avait été sous-traitée par la société Eiffage Construction Pays de Loire à la société Baudouin qui a elle-même sous-traité une partie de ces travaux à la requérante. Ainsi, la société SETRI ne saurait davantage prétendre à la rémunération de prestations à ces deux titres.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société SETRI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la société SETRI, partie perdante, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a par ailleurs pas lieu de faire droit, dans les circonstances particulières de l'espèce, aux conclusions présentées à ce même titre par la région Pays de la Loire.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société SETRI est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la région Pays de la Loire au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société SETRI et à la région Pays de la Loire.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Jouno, premier conseiller,

- Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 10 juillet 2020.

Le rapporteur,

T. JounoLe président,

L. Lainé

Le greffier,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique, préfet de la région Pays de la Loire, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

2

N° 19NT01026

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01026
Date de la décision : 10/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Thurian JOUNO
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : HUGEL PATRICE AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-10;19nt01026 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award