Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Le voyage à Nantes et le conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner solidairement la société Arcadis, la société SLE et la société Socotec à leur verser la somme de 1 525 236,99 euros au titre des désordres affectant la passerelle en bois de l'observatoire situé à Lavau-sur-Loire, ainsi que la somme de 39 648,37 euros au titre des dépens, outre les intérêts et leur capitalisation.
Par un jugement n° 1509867 du 14 août 2018, le tribunal administratif de Nantes a condamné, en premier lieu, les sociétés Arcadis, Socotec et SLE à verser solidairement à la société le Voyage à Nantes et au conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres la somme de 756 266,35 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisation, en deuxième lieu, les sociétés Arcadis et SLE à verser solidairement à la société le Voyage à Nantes et au conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres une somme de 737 428,59 euros avec intérêts et capitalisation dans les mêmes conditions, en troisième lieu, les sociétés Arcadis, Socotec et SLE à verser solidairement la somme de 39 648,37 euros au titre des dépens, en quatrième lieu a condamné les sociétés Socotec et SLE à garantir la société Arcadis à hauteur chacune de 10 % de la condamnation de 756 266,35 euros, en cinquième lieu, a condamné la société SLE à garantir la société Arcadis à hauteur de 10 % de la condamnation de 737 428,59 euros, et en dernier lieu a condamné les sociétés SLE et Arcadis à garantir la société Socotec à hauteur respectivement de 10 % et 80 % des condamnations de 756 266,35 euros et de 39 648,37 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 octobre 2018 et 6 janvier 2020, la société Arcadis ESG, représentée par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 14 août 2018 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Nantes par la société Le voyage à Nantes et le conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ;
3°) subsidiairement, d'ordonner une nouvelle expertise ;
4°) de condamner les sociétés Socotec, SLE, Belleme bois et Rahuel bois, à la garantir de toute condamnation mise à sa charge ;
5°) de mettre à la charge de toute partie succombante la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé et a omis de statuer sur des moyens, dont la non application au cas d'espèce de la réglementation opposable aux établissements recevant du public (EPR) pour l'observatoire et aux installations ouvertes au public (IOP) pour la promenade, et donc de la réglementation applicable aux personnes à mobilité réduite (PMR) justifiant les travaux disproportionnés prescrits par l'expert ainsi que la réglementation eurocode 1 ;
- le caractère décennal des désordres ne peut être retenu dans la mesure où l'impropriété à la destination des PMR doit être écartée :
- s'agissant des désordres affectant la structure primaire de l'ouvrage le choix de l'essence de bois a été imposée par le maître d'ouvrage et elle était adaptée à la durabilité de l'ouvrage d'une durée de vie de 20 ans avec un entretien courant ;
- s'agissant des désordres affectant la structure secondaire : aucun manquement dans la conception ou dans le dimensionnement du platelage n'est établi ; elle n'est pas assujettie à la réglementation NF EN 1991-1.1 et son annexe, ainsi qu'il résulte des termes mêmes du marché conclu, et du fait qu'il s'agit d'une passerelle ; les pièces du marché ne prévoient pas que la réglementation relative aux personnes à mobilité réduite s'applique ; l'observatoire ne constitue pas un EPR et la passerelle une IOP ; la souplesse invoquée de l'ouvrage n'est pas établie et l'expert se réfère à une norme qui ne lui est pas applicable ;
- le préjudice retenu par le jugement repose sur un calcul qui permet, non pas la remise en état de l'ouvrage, mais la construction d'un nouvel ouvrage d'une durée de vie de 50 ans et accessible aux PMR alors que le contrat initial prévoyait un ouvrage d'une durée de vie de 20 ans non accessibles aux PMR ; la réfection totale de l'ouvrage est inutile au plan technique ainsi que démontré par un nouvel avis d'un professionnel et constitue une amélioration ;
- subsidiairement, si une condamnation devait être prononcée à son encontre, sa responsabilité ne pourrait qu'être limitée à 46%, et elle devrait être garantie, au titre de leur responsabilité extracontractuelle, par la société Socotec, contrôleur technique, la société SLE débitrice d'une obligation de conseil, y compris au titre de la part imputable à ses fournisseurs, les sociétés Belleme Bois et Rahuelbois également professionnels du bois ; le jugement n'est pas suffisamment motivé en lui imputant une part de responsabilité prépondérante alors qu'elle est un maître d'oeuvre généraliste et que la société spécialisée ici est la société SLE.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 27 mars 2019, le 7 janvier 2020 et le 28 février 2020, la société Le Voyage à Nantes et le conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres demandent à la cour :
1°) de rejeter la requête de la société Arcadis ;
2°) par la voie de l'appel incident et provoqué, de réformer le jugement du 14 août 2018 afin de porter l'indemnisation des travaux de renforcement provisoires à 204 728,89 euros ;
3°) de mettre à la charge des sociétés Arcadis, SLE et Socotec la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les moyens soulevés par la société Arcadis ESG ne sont pas fondés ;
- il y lieu de porter l'indemnisation des travaux de renforcement provisoires à 204 728,89 euros eu égard aux justificatifs produits ;
- les conclusions d'appel provoqué des sociétés Socotec et SLE seront écartées car infondées.
Par des mémoires enregistrés les 27 décembre 2019 et 10 février 2020, Me A... et Me D..., respectivement mandataire liquidateur et administrateur judiciaire de la société Loisirs équipements (SLE), représentés par Me C..., demandent à la cour de :
1°) réformer le jugement du 14 août 2018 en ce qu'il a fait droit aux demandes de la société Le Voyage à Nantes et du conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres pour un montant supérieur à 410 000 euros HT ;
2°) rejeter les conclusions d'appel incident présentées par la société Le Voyage à Nantes et le conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres à leur encontre ;
3°) mettre à la charge de la société Le Voyage à Nantes et du conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, ou à défaut de toute partie succombante, la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les opérations d'expertise et les conclusions de l'expert sont à écarter pour les motifs exposés par la société Arcadis ESG s'agissant de la non application de la norme Eurocode 1.1, de l'accessibilité aux PMR ou de l'essence de bois utilisée ; la société a respecté les termes de son marché ;
- les seuls travaux strictement nécessaires à la reprise des désordres sont le changement des lambourdes existantes et des lames endommagées ; l'indemnisation supplémentaire de travaux dont la société Le Voyage à Nantes et le conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres demandent l'indemnisation est déjà comprise dans le coût global de reprise de l'ouvrage.
Par des mémoires enregistrés les 12 avril 2019 et 13 janvier 2020, la société Socotec construction, venant aux droits de la société Socotec France, représentée par Me J..., demande à la cour :
1°) de mettre hors de cause la société Socotec France et de réformer le jugement du 14 août 2018 en ce qu'il retient la responsabilité de la société Socotec s'agissant de la structure primaire ;
2°) subsidiairement, de limiter sa condamnation à la somme de 8 700 euros et le montant des travaux réparatoires à 410 000 euros et condamner les sociétés Arcadis ESG, SLE, Rahuel et Belleme à la garantir intégralement de toute condamnation éventuelle ;
3°) de mettre à la charge solidaire de la société Le Voyage à Nantes, du conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, des sociétés Aracadis ESG, SLE, Rahuel et Belleme, la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la société Socotec construction vient aux droits de la société Socotec France suite à un apport partiel d'actifs ;
- c'est à tort que le jugement retient qu'elle avait la qualité de contrôleur technique alors qu'elle intervenait comme vérificateur technique ; sa responsabilité ne peut être recherchée par le constructeur que sur le fondement contractuel et celle-ci n'est pas engagée au cas d'espèce ;
- subsidiairement, il convient d'appliquer la clause limitative de responsabilité figurant à l'article 8 de son contrat, soit 8 700 euros ;
- le montant des travaux réparatoires doit être limité à 410 000 euros par référence au devis de la société SLE ; les conclusions d'appel provoqué de la société Le Voyage à Nantes et du conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres seront écartées faute de justification.
Par un mémoire, enregistré le 13 mars 2019, les sociétés Belleme bois et Rahuel bois, représentées par Me E..., demandent à la cour de :
1°) de rejeter l'appel en garantie formé à leur encontre par la société Arcadis ESG ;
2°) mettre à la charge de la société Aracadis ESG la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la juridiction administrative est incompétente pour connaître de l'appel en garantie de la société Arcadis ESG à leur encontre alors qu'elles ne sont que de simples fournisseurs de matériaux ;
- subsidiairement, l'obligation de garantie n'est pas établie en l'absence de toute faute des exposantes.
Par une ordonnance du 15 janvier 2020 la clôture d'instruction a été fixée au 12 février 2020.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel incident et provoqué de la société le Voyage à Nantes et du conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres tendant à la réformation du jugement du 14 août 2018 afin de porter l'indemnisation des travaux de renforcement provisoires à 204 728,89 euros dès lors qu'elles sont nouvelles en appel.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations de Me G..., représentant la société Arcadis, de Me H..., représentant le conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et la société Le Voyage à Nantes et de Me I..., représentant Me A... liquidateur judiciaire de la société Loisirs Environnement (SLE).
Considérant ce qui suit :
1. Dans le but de relier l'observatoire ornithologique situé dans les marais de Lavau-sur-Loire, l'association centre de recherche et de développement culturel - le lieu unique (CRDC-LU), à laquelle s'est substituée la société publique locale le Voyage à Nantes, a confié à la société Arcadis, par acte d'engagement signé le 30 mai 2008, la maîtrise d'oeuvre d'un projet de passerelle piétonne de 750 mètres depuis le centre de la commune, la construction de celle-ci à la société Loisirs Equipement (SLE) par acte d'encagement du 17 octobre 2008 et la mission de vérification technique à la société Socotec par acte d'engagement signé le 16 mai 2008. Les sociétés Rahuel bois et Belleme bois ont fourni le bois commandé par la société SLE. La réception de l'ouvrage a été prononcée avec réserves le 5 mai 2009 et effet au 24 mars 2009. A compter du 7 mai 2010, cette promenade a intégré le domaine public du conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, en application d'une convention d'occupation signée le 7 mai 2009. En 2012 des désordres sont apparus sur l'ouvrage. Par ordonnance du président du tribunal administratif de Nantes du 17 avril 2014, M. F... a été désigné en qualité d'expert afin de constater en urgence les désordres affectant la passerelle et il a rendu son rapport le 28 avril 2014. Par une ordonnance du 23 mai 2014, cet expert a été désigné afin notamment de décrire les désordres et les malfaçons affectant cette passerelle et de donner tous les éléments utiles d'appréciation sur la ou les causes des désordres constatés, d'indiquer la nature et le coût des travaux nécessaires à la réparation des désordres et de fournir au tribunal tous autres éléments jugés utiles pour lui permettre d'apprécier les responsabilités encourues et l'étendue des préjudices. L'expert a rendu son rapport définitif le 17 avril 2015. Par un jugement n° 1509867 du 14 août 2018, dont la société Arcadis relève appel, le tribunal administratif de Nantes, en premier lieu, a condamné les sociétés Arcadis, Socotec et SLE à verser solidairement à la société le Voyage à Nantes et au conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres une somme de 756 266,35 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisation, au titre de la reprise des désordres affectant la structure primaire de l'ouvrage (pieux et lambourdes), en deuxième lieu, a condamné les sociétés Arcadis et SLE à verser solidairement à la société le Voyage à Nantes et au conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres une somme de 737 428,59 euros avec intérêts et capitalisation dans les mêmes conditions, au titre de la reprise des désordres affectant la structure secondaire de l'ouvrage (platelage), en troisième lieu, a condamné les sociétés Arcadis, Socotec et SLE à verser solidairement la somme de 39 648,37 euros au titre des dépens, en quatrième lieu, a condamné les sociétés Socotec et SLE à garantir la société Arcadis à hauteur chacune de 10 % de l'indemnité de 756 266,35 euros, en cinquième lieu, a condamné la société SLE à garantir la société Arcadis à hauteur de 10 % de l'indemnité de 737 428,59 euros, et en dernier lieu a condamné les sociétés SLE et Arcadis à garantir la société Socotec à hauteur respectivement de 10 % et 80 % des condamnations de 756 266,35 euros et de 39 648,37 euros.
Sur les conclusions d'appel principal de la société Arcadis ESG :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
2. Le jugement attaqué expose en ses points 5 à 7 l'analyse des premiers juges sur les origines des désordres affectant la passerelle en litige, les motifs retenus pour établir la responsabilité de la société Arcadis ESG ainsi que le caractère décennal des désordres observés. Il précise également qu'il s'agit d'une promenade accessible également aux personnes à mobilité réduite, notamment en raison de ses aménagements, dont la mobilité est entravée en raison des désordres constatés. Les premiers juges n'étaient par ailleurs pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments de cette société, notamment à celui l'opposant aux conclusions de l'expert sur les normes applicables à cet ouvrage. Par ailleurs le jugement expose en ses points 23 et 24 avec suffisamment de précision en fait les motifs retenus pour répondre aux appels en garantie présentés par la société Arcadis ESG. Par suite, la société Arcadis ESG n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier pour omission de répondre à certains de ses moyens ou pour insuffisances de motivation.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.
S'agissant de la nature des désordres affectant la promenade :
4. La structure primaire de la promenade est constituée de pieux en châtaigniers, fichés dans des terrains marécageux et végétalisés sujets à des submersions, supportant des lambourdes. Le choix de cette essence de bois résulte du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché qui impose l'utilisation de châtaigniers non traités de classe de résistance D 30 et de classe d'environnement 4. Or le rapport d'expertise relève la présence de fentes dans les pieux et de fentes évolutives dans les lambourdes, dont les deux tiers sont ainsi fragilisées, menaçant la permanence de l'ouvrage. Par ailleurs, la structure secondaire de l'ouvrage est constituée d'un platelage en châtaignier, dont les lames sont fixées longitudinalement. Ce platelage est caractérisé par la présence généralisée de fentes au bout des lames posées, une souplesse excessive de sa surface s'expliquant par l'entraxe élevé entre les lambourdes, et un soulèvement consécutif des extrémités de ces lames ainsi que leur disjointement significatif.
5. Ces divers désordres ont justifié plusieurs interventions confortatives de la structure en 2013 ainsi que sa fermeture temporaire au public peu après l'expertise en raison des risques existants pour la sécurité des personnes. Il résulte de ce qui précède, indépendamment mêmes des normes retenues par l'expert, que ces désordres présentent un caractère décennal dès lors qu'ils sont de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage et le rendent impropre à sa destination de promenade pour tous publics.
S'agissant de l'imputabilité des désordres affectant la promenade :
6. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que les désordres constatés sont en lien avec le choix inadapté d'un bois de châtaigniers non traités de classe de résistance D 30 et de classe d'environnement 4, prévus par le CCTP, qui se sont révélés inadaptés aux conditions d'humidité ambiantes pour la durée de vie attendue de l'ouvrage, estimée à vingt ans. Contrairement aux affirmations de la société Arcadis non étayées par la seule mention d'une copie d'un courriel, un tel choix n'a pas été imposé par le maitre d'ouvrage. Par suite, le choix de la nature et des caractéristiques du bois retenu résulte notamment des erreurs de la société Arcadis ESG, agissant en qualité de maitre d'oeuvre en charge de la conception de l'ouvrage, dont la mission " PRO " portant sur les études de projet impliquait en particulier de préciser les choix techniques traduits dans le CCTP, de sorte que les désordres en cause lui sont imputables.
S'agissant de la réparation des préjudices résultant des désordres affectant la promenade:
7. La société Arcadis fait valoir que le montant total de l'indemnisation fixée par les premiers juges, soit 1 493 694 euros au titre des désordres affectant tant la structure primaire que secondaire de l'ouvrage, permettrait la construction d'un nouvel ouvrage d'une durée de vie de cinquante ans, accessible aux personnes à mobilité réduite alors même que le cahier des charges initial prévoyait la construction d'un ouvrage de vingt ans et non accessible à ces personnes. Cependant l'instruction établit que les réparations ainsi évaluées permettent seulement une remise en état de l'ouvrage aux fins qu'il soit accessible à tout public, dont le montant s'explique par l'erreur initiale tenant au choix d'une essence de bois aux caractéristiques inadaptées entraînant l'obligation de procéder au remplacement de l'essentiel de la structure existante.
S'agissant des appels en garantie :
8. En premier lieu, le jugement attaqué rejette l'appel en garantie formulé à l'encontre des sociétés Rahuel bois et Belleme bois par la société Arcadis ESG pour incompétence de la juridiction administrative dès lors que ces sociétés sont intervenues uniquement en qualité de fournisseur et n'ont pas participé à l'opération de construction. Dans la présente instance, il y a lieu de rejeter pour le même motif les conclusions identiques présentées devant la cour à l'encontre de ces mêmes entreprises par la société Arcadis ESG en l'absence de toute précision supplémentaire susceptible de les fonder.
9. En second lieu, le même jugement a fixé à 80 % la part de responsabilité de la société Arcadis ESG au titre de la réparation des désordres affectant la structure primaire de l'ouvrage et à 90 % sa part de responsabilité pour la structure secondaire. Au titre des premiers désordres a été également retenue la responsabilité des sociétés Socotec et SLE pour 10 % chacune et au titre des seconds celle de la société SLE pour 10 %. Une telle répartition apparaît conforme aux manquements respectifs de chacun de ces constructeurs dès lors, d'une part, que la société Arcadis ESG avait une mission de conception et que les désordres trouvent leurs origines dans un choix inadapté de l'essence de bois utilisé ainsi que dans une insuffisance des études pour le calcul de charge concentrée de la structure, d'autre part que la responsabilité de la société SLE en charge de la construction de la passerelle consistait essentiellement en une carence au regard de son devoir de conseil sur le caractère inadapté de l'essence de bois retenue et les insuffisances des études, enfin que la société Socotec aurait dû exercer avec davantage d'acuité les vérifications lui incombant sur la solidité de l'ouvrage. Par suite, la société Arcadis ESG n'est pas fondée à demander la modification de la répartition des responsabilités adoptée par les premiers juges.
10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de procéder à une nouvelle expertise, que les conclusions d'appel principal de la société Arcadis ESG doivent être rejetées.
Sur les conclusions d'appel incident et provoqué de la société le Voyage à Nantes et du conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres :
11. La société le Voyage à Nantes et le conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres demandent que soit porté à 204 728,89 euros TTC le montant de la somme qui leur a été allouée au titre de l'indemnisation des frais exposés pour des travaux de confortation provisoire de l'ouvrage pendant les années 2016 à 2018 alors que le jugement attaqué a retenu la somme de 64 553,69 euros TTC pour la seule année 2016. Toutefois, il résulte du dossier de première instance que, avant qu'intervienne la clôture de l'instruction, ils avaient limité à cette dernière somme leur demande devant le tribunal administratif. En effet, leur demande de sommes d'un montant supérieur, tant pour 2016 que pour les années 2017 et 2018, n'a été présentée que dans un mémoire enregistré au greffe du tribunal le 24 mai 2018 à 18 heures 26, alors que l'instruction venait d'être close par une ordonnance à effet immédiat du même jour mise disposition de leur conseil à 10h58 et dont celui-ci a accusé réception à 11H17. Par suite, ces conclusions d'appel incident et provoqué, qui n'ont pas été soumises aux premiers juges, constituent des conclusions nouvelles présentées pour la première fois en appel. Elles sont par conséquent irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions d'appel provoqué de la société SLE et de la société Socotec construction :
12. Les conclusions présentées par les sociétés SLE et Socotec dirigées contre le Voyage à Nantes et le conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres constituent des conclusions d'appel provoqué. Or le présent arrêt n'a pas pour effet d'aggraver les situations des sociétés SLE et Socotec telles qu'elles ont été fixées par le jugement attaqué du tribunal administratif de Nantes. Par suite, leurs conclusions d'appel provoqué sont irrecevables.
Sur les frais d'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par la société Arcadis ESG. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des autres parties présentées sur le fondement des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Arcadis ESG est rejetée.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Arcadis ESG, à la société publique locale Le Voyage à Nantes, au conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, à Me A... et Me D..., respectivement mandataire liquidateur et administrateur judiciaire de la société Loisirs équipements (SLE), à la société Socotec construction, à la société Belleme bois et à la société Rahuel bois.
Délibéré après l'audience du 23 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- M. B..., président de chambre,
- M. Jouno, premier conseiller,
- Mme K..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 10 juillet 2020.
Le président de chambre, rapporteur,
L. B...
L'assesseur le plus ancien dans le grade le plus élevé,
T. Jouno
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT03750