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03/07/2020 | FRANCE | N°19NT03284

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 03 juillet 2020, 19NT03284


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. T... L..., M. C... K..., M. O... H..., M. B... S..., M. P... G..., M. B... K..., M. A... Q..., Mme R... M... et la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF) ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2015 par lequel le préfet du Morbihan a autorisé la société VSB Energies Nouvelles à exploiter une installation de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent regroupant 6 éoliennes sur la commune de Bul

éon.

Par un jugement n° 1600627 du 6 juin 2019, le tribunal administratif de R...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. T... L..., M. C... K..., M. O... H..., M. B... S..., M. P... G..., M. B... K..., M. A... Q..., Mme R... M... et la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF) ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2015 par lequel le préfet du Morbihan a autorisé la société VSB Energies Nouvelles à exploiter une installation de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent regroupant 6 éoliennes sur la commune de Buléon.

Par un jugement n° 1600627 du 6 juin 2019, le tribunal administratif de Rennes a donné acte du désistement de M. S... et a rejeté la demande des autres demandeurs.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 août 2019 et 16 janvier 2020, la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF), représentée par Me F..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de diligenter, avant tout jugement au fond, une visite des lieux en application des dispositions de l'article R. 622-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler le jugement du 6 juin 2019 du tribunal administratif de Rennes ;

3°) d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2015 du préfet du Morbihan ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a intérêt pour agir ;

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'est pas établi que la minute du jugement comporte la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience ;

- la délégation de signature accordée au signataire de l'arrêté attaqué ne précise pas suffisamment l'étendue de la matière déléguée, en l'occurrence la délivrance d'autorisations d'exploiter ;

- l'étude d'impact était insuffisante s'agissant de l'analyse de l'état initial de la zone et de la prise en compte des impacts cumulés avec d'autres projets ;

- l'arrêté en cause est entaché d'une erreur d'appréciation au vu des inconvénients du projet pour l'environnement et les paysages et de l'atteinte à un site archéologique et aux chiroptères.

Par des mémoires en intervention enregistrés les 16 octobre 2019 et 16 janvier 2020 et présentés à l'appui de la requête, l'association Vent de forêt, représentée par Me F..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'admettre son intervention ;

2°) de diligenter, avant tout jugement au fond, une visite des lieux en application des dispositions de l'article R. 622-1 du code de justice administrative ;

3°) d'annuler le jugement du 6 juin 2019 du tribunal administratif de Rennes ;

4°) d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2015 du préfet du Morbihan ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a intérêt pour agir ;

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'est pas établi que la minute du jugement comporte la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience ;

- la délégation de signature accordée au signataire de l'arrêté attaqué ne précise pas suffisamment l'étendue de la matière déléguée, en l'occurrence la délivrance d'autorisations d'exploiter ;

- l'étude d'impact était insuffisante s'agissant de l'analyse de l'état initial de la zone et de la prise en compte des impacts cumulés avec d'autres projets ;

- l'arrêté en cause est entaché d'une erreur d'appréciation au vu des inconvénients du projet pour l'environnement et les paysages et de l'atteinte à un site archéologique et aux chiroptères.

Par des mémoires en intervention enregistrés les 16 octobre 2019 et 16 janvier 2020 et présentés à l'appui de la requête, l'association Vent de panique 56, représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'admettre son intervention ;

2°) dans le dernier état de ses écritures, de diligenter, avant tout jugement au fond, une visite des lieux en application des dispositions de l'article R. 622-1 du code de justice administrative ;

3°) d'annuler le jugement du 6 juin 2019 du tribunal administratif de Rennes ;

4°) d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2015 du préfet du Morbihan ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a intérêt pour agir ;

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'est pas établi que la minute du jugement comporte la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience ;

- la délégation de signature accordée au signataire de l'arrêté attaqué ne précise pas suffisamment l'étendue de la matière déléguée, en l'occurrence la délivrance d'autorisations d'exploiter ;

- l'étude d'impact était insuffisante s'agissant de l'analyse de l'état initial de la zone et de la prise en compte des impacts cumulés avec d'autres projets ;

- l'arrêté en cause est entaché d'une erreur d'appréciation au vu des inconvénients du projet pour l'environnement et les paysages et de l'atteinte à un site archéologique et aux chiroptères.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 novembre 2019 et 10 février 2020, la société VSB Energies Nouvelles, représentée par Me I..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF) la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

à titre principal :

- la SPPEF n'avait pas intérêt pour agir ;

- les intervenantes n'ont pas intérêt pour agir ;

à titre subsidiaire :

- les nouveaux moyens soulevés par la requérante dans le mémoire enregistré le 16 janvier 2020 sont irrecevables dès lors qu'ils sont intervenus après la cristallisation automatique des moyens ;

- aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2020, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme N...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me J..., représentant la requérante, et de Me D... représentant la société VSB Energies Nouvelles.

Une note en délibéré, enregistrée le 29 juin 2020, a été présentée pour la SPPEF et les associations Vent de forêt et Vent de panique 56.

Considérant ce qui suit :

1. La société VSB Energies Nouvelles a déposé, le 3 mai 2013, une demande d'autorisation d'exploiter pour un projet de parc éolien sur le territoire de la commune de Buléon (Morbihan). Après enquête publique, laquelle s'est déroulée du 21 janvier au 24 février 2015, le commissaire-enquêteur a rendu le 30 mars 2015 un avis défavorable. Par un arrêté du 12 octobre 2015, le préfet du Morbihan a délivré à la société VSB Energies nouvelles une autorisation d'exploiter, au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), un parc éolien sur le territoire de la commune de Buléon, composé de 6 aérogénérateurs d'une hauteur de 150 mètres en bout de pale et pour une puissance totale maximale de 12 mégawattheures. La société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF) et d'autres demandeurs ont demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 6 juin 2019, le tribunal a rejeté leur demande. La SPPEF fait appel de ce jugement.

Sur les interventions des associations Vent de forêt et Vent de panique 56 :

2. Il résulte de l'instruction que l'association Vent de forêt a pour objet de : " préserver la qualité de vie des habitants proche de la forêt de Lanouée, les activités humaines, la biodiversité, les paysages, le patrimoine naturel, bâti, historique et culturel face aux projets éoliens ou autres, d'agir pour la sauvegarde de ses intérêts dans le domaine de l'environnement, de l'aménagement harmonieux et équilibré du territoire et de l'urbanisme, d'informer les riverains de tous projets les concernant (impacts et conséquences) ; Elle exerce son action en priorité sur les communes de Lanouée, (...) Buléon (...) ". L'association Vent de panique 56 a pour objet notamment de " protéger les espaces naturels, le patrimoine bâti et non-bâti, les sites et les paysages, le cadre et la qualité de vie de la commune de Moréac et des communes environnantes, contre l'absence de réglementation dans l'implantation d'éoliennes (...) ". Au vu de leurs objets statutaires, les associations Vent de forêt et Vent de panique 56 ont intérêt à l'annulation du jugement attaqué. Ainsi leurs interventions sont recevables, alors même que, comme le soutient la société VSB Energies, elles n'étaient pas intervenues ou n'étaient pas parties en première instance.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Il ressort des pièces de la procédure que la minute du jugement attaqué comporte l'ensemble des signatures requises par les dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement serait entaché d'une irrégularité, faute d'être revêtu des signatures du président, du rapporteur et du greffier, doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les règles de compétence et de procédure :

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le préfet du Morbihan a, par un arrêté du 13 avril 2015, donné délégation à M. Galland, secrétaire général de la préfecture et signataire de l'arrêté contesté, à l'effet de signer, en toutes matières, tous les actes relevant des attributions du préfet à l'exclusion de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les arrêtés d'autorisation au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement. Contrairement à ce qui est soutenu, et en tout état de cause, cette délégation de signature n'est ni trop générale ni trop imprécise. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté doit être écarté.

5. En second lieu, aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté en cause : " (...) II.-L'étude d'impact présente :2° Une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur la population, la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages, les biens matériels, les continuités écologiques telles que définies par l'article L. 371-1, les équilibres biologiques, les facteurs climatiques, le patrimoine culturel et archéologique, le sol, l'eau, l'air, le bruit, les espaces naturels, agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que les interrelations entre ces éléments ; 3° Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses), l'hygiène, la santé, la sécurité, la salubrité publique, ainsi que l'addition et l'interaction de ces effets entre eux ; 4° Une analyse des effets cumulés du projet avec d'autres projets connus. Ces projets sont ceux qui, lors du dépôt de l'étude d'impact : -ont fait l'objet d'un document d'incidences au titre de l'article R. 214-6 et d'une enquête publique ; -ont fait l'objet d'une étude d'impact au titre du présent code et pour lesquels un avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement a été rendu public. Sont exclus les projets ayant fait l'objet d'un arrêté au titre des articles R. 214-6 à R. 214-31 mentionnant un délai et devenu caduc, ceux dont la décision d'autorisation, d'approbation ou d'exécution est devenue caduque, dont l'enquête publique n'est plus valable ainsi que ceux qui ont été officiellement abandonnés par le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage ; (...) ".

6. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

7. D'une part, le domaine de la Ferrière, hôtel privé trois étoiles qui n'est pas protégé au titre des monuments historiques et situé à 1 279 mètres de l'éolienne la plus proche, est mentionné à la page 36 de l'étude d'impact, puis dans l'étude paysagère. Cette dernière, qui comporte un photomontage depuis le perron du château, indique que les éoliennes du projet ne seront pas visibles depuis ce perron, en raison de la végétation dense. Si la requérante soutient qu'en hiver, l'écran végétal disparaitra, cela n'est pas établi. Les éléments produits par l'association requérante ne démontrent pas que l'analyse effectuée dans l'étude d'impact aurait dû être plus détaillée, la covisibilité entre le projet et le domaine de la Ferrière étant faible. Enfin, si la requérante soutient que le domaine ferait l'objet d'une procédure en cours en vue d'une protection au titre de la législation sur les monuments historiques, cette circonstance n'est en tout état de cause pas davantage établie. S'agissant de la commune de Josselin, située à environ 11 kilomètres du projet litigieux, l'avis défavorable de l'architecte des bâtiments de France rendu dans le cadre de l'instruction du permis de construire indique que " Ce projet de 6 éoliennes de 150 mètres de hauteur chacune sera, selon la carte des zones d'influence visuelle fournie dans le dossier, pleinement visible à plusieurs kilomètres de distance, depuis plusieurs monuments protégés au titres des monuments historiques mais aussi de la cité médiévale de Josselin (...). Il faut constater que l'impasse est faite sur la covisibilité entre le projet et la commune de Josselin et son riche patrimoine. ". Toutefois, l'étude d'impact mentionne, page 38, que 17 monuments protégés se trouvent dans la ville de Josselin mais précise, page 48, qu'aucun d'entre eux, et notamment le château de Josselin, n'a de visibilité sur le projet. Les photomontages produits par la société VSB Energies confirment l'absence de visibilité des éoliennes depuis le château. Si la carte des zones d'influence visuelle indique qu'entre 1 à 3 éoliennes seraient visibles de certains points de la commune de Josselin, ces points sont très limités et les photomontages produits en première instance démontrent une covisibilité faible voire inexistante, la requérante n'établissant pas que ces photomontages ne sont pas fiables. Si aucun photomontage n'a été réalisé concernant le manoir de Lemay à Guéhenno, monument historique classé et situé à plus de 5 kilomètres de l'éolienne en litige la plus proche, les éléments produits par la requérante, qui ne portent pas sur les éoliennes du projet en litige, n'établissent pas une visibilité ou covisibilité qui aurait nécessité une analyse particulière. Concernant le Mont Guéhenno, qui comporte une croix monolithe du Haut-moyen âge inscrite à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, un photomontage n° 18 produit dans l'étude d'impact complétée en novembre 2014 a été réalisé depuis le mont, le parc en cause n'étant pas orienté dans la vue principale du mont et son aire de pique-nique et il ne résulte pas de l'instruction que ce photomontage était insuffisant ou trompeur.

8. D'autre part, l'impact du projet sur la zone humide située entre les éoliennes E3 et E4 est analysé à la page 50 de l'étude d'impact, laquelle indique notamment que la traversée du secteur humide s'effectuera sous la chaussée des chemins d'exploitation existants qui franchissent celui-ci en remblai, ce qui permettra d'éviter toute transformation des fossés de ces chemins. Si la requérante soutient que l'impact du projet sur le thuya géant, propriété du domaine de la Ferrière et sur d'autres arbres remarquables, qui ne sont au demeurant pas même cités, n'a pas été analysé, l'inventaire des arbres remarquables dont elle se prévaut n'a pas de valeur réglementaire et la société VSB fait valoir sans être ensuite contredite que le projet n'était pas susceptible d'avoir d'impact sur des espèces végétales comme le thuya géant, eu égard à ses caractéristiques et à son emplacement.

9. Enfin, concernant les effets cumulés du projet avec les parcs éoliens voisins, le commissaire enquêteur a émis un avis défavorable mentionnant que les photomontages produits par la société VSB ne font pas apparaître les 4 éoliennes du parc de Radenac, alors que le pétitionnaire aurait pu compléter son dossier en ce sens en y incluant des photomontages supplémentaires, entre l'émission par l'autorité environnementale de son avis, lequel mentionnait sur ce point une insuffisance, et le début de l'enquête publique. Toutefois, les pages 75 et 76 de l'étude d'impact et les photomontages 10, 13 et 13, notamment, portent sur la covisibilité du projet avec d'autres parcs et permettent une vue d'ensemble. Dès lors, la seule circonstance que le commissaire-enquêteur ait indiqué que " les prises de vues sont trop éloignées du site de la Lande de Vachegare pour apprécier l'impact dans l'environnement proche du site " ne suffit pas à caractériser une insuffisance telle qu'elle aurait eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou aurait été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. S'agissant des impacts sonores cumulés, l'étude d'impact indique que " compte tenu de l'implantation des éoliennes existantes et projetées par rapport aux habitations, le cumul des niveaux de bruit n'est pas susceptible d'avoir une incidence significative " et il ne résulte pas de l'instruction que ces énonciations seraient erronées ou auraient nécessité une analyse plus détaillée.

10. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne les règles de fond :

11. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. / L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral. (...) ". L'article L. 181-3 du même code dispose que " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et

L. 511-1, selon les cas ".

12. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le parc projeté de six éoliennes est implanté dans un paysage bocager et agricole déjà artificialisé, de part et d'autre de la route nationale RN 24, mais à proximité de plusieurs monuments historiques et d'un patrimoine bâti de qualité. Si le plateau de Rohan ne constitue pas un paysage de caractère identitaire, le projet s'inscrit donc dans un environnement patrimonial sensible. Cependant, il résulte également de l'instruction que la topographie, la distance, la végétation et les perspectives permettront de masquer, au moins partiellement, le projet depuis la plupart des points de vue, malgré la taille des éoliennes de 150 mètres de hauteur, s'agissant notamment de la commune de Josselin située à 10 kilomètres du projet, de deux mégalithes proches de Locminé, d'un moulin à vent à Cruguel, d'une colonne de justice à Trégranteur située à 7 kilomètres, de la chapelle et la fontaine Sainte-Anne, situées à 1,8 kilomètre du projet et inscrites à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, de la croix en façade sud de l'église paroissiale de Buléon, située à 1 kilomètre de la zone d'implantation, de la croix du point du jour dans l'échangeur de la RN 24 à Saint-Allouestre, de la croix du cimetière de Saint-Allouestre, du manoir de Lemay à Guéhenno et de la chapelle du Faouët d'en haut à Moréac. Comme l'attestent les photomontages, dont l'inexactitude n'est pas établie, les visibilités ou covisibilités qui subsistent ne sont pas suffisamment prégnantes pour que le projet puisse être regardé comme portant atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, alors même que le commissaire enquêteur a émis un avis défavorable, tout comme la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CNDPS) et que l'architecte des bâtiments de France a émis, le 27 juin 2013, un avis défavorable à la demande de permis de construire au regard, ainsi qu'il a été dit plus haut, de " l'impasse " qui aurait été faite par le dossier joint à cette demande de permis " sur la covisibilité entre le projet et la commune de Josselin ". En outre, si l'étude d'impact a indiqué que " les impacts cumulés avec les nombreux éléments d'artificialisation du paysage (RN 24 et ses voies parallèles, zone d'activités, élevages hors-sol, éoliennes, réseaux aériens, silos de la CECAB à l'horizon...) risquent de créer un effet d'accumulation désordonnée voire de saturation du paysage, d'autant que l'élimination des arbres du bocage rend les aménagements très visibles sous certains angles ", cette saturation du paysage ne sera perceptible que par les usagers de la route nationale 24. S'agissant du parc éolien de Radenac, l'effet cumulé est atténué par l'existence d'un important massif boisé l'entourant. En outre, le regroupement de parcs éoliens permet de limiter le mitage du paysage. Si la requérante se prévaut du manque de lisibilité du projet, eu égard à la disposition des aérogénérateurs, et plus particulièrement de l'éolienne E4 du projet, laquelle ne résulterait que de la présence d'une zone humide, il résulte de l'instruction que cette éolienne se trouve dans la continuité du parc éolien implanté sur la commune de Saint-Allouestre, en cohérence visuelle avec celui-ci.

13. En second lieu, aux termes de l'article R. 311-5 du code de justice administrative : " Les cours administratives d'appel sont compétentes pour connaître, en premier et dernier ressort, des litiges portant sur les décisions suivantes, y compris leur refus, relatives aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent classées au titre de l'article L. 511-2 du code de l'environnement, à leurs ouvrages connexes, ainsi qu'aux ouvrages de raccordement propres au producteur et aux premiers postes du réseau public auxquels ils sont directement raccordés : (...) 3° L'autorisation prise sur le fondement du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ; (...) ". Aux termes de l'article R. 611-7-2 du même code : " Par dérogation à l'article R. 611-7-1, et sans préjudice de l'application de l'article R. 613-1, lorsque la juridiction est saisie d'une décision mentionnée à l'article R. 311-5, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Cette communication s'effectue dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 611-3 du code de justice administrative. (...) ".

14. La société VSB nouvelles fait valoir que les atteintes à des sites archéologiques et aux chiroptères, mentionnées dans le mémoire enregistré le 16 janvier 2020 de la requérante et des intervenantes, ne sont pas des moyens recevables dès lors que le mémoire du 16 janvier 2020 est intervenu plus de deux mois après la communication du premier mémoire en défense. Toutefois, ces atteintes à des sites archéologiques et aux chiroptères ne sont que des branches du moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 511-1 et L. 512-1 du code de l'environnement, moyen déjà soulevé dans la requête introductive et concernant les atteintes portées au patrimoine bâti et au paysage. Dès lors, ces deux branches du moyen sont recevables.

15. D'une part, il résulte de l'instruction qu'il n'existe pas de site archéologique sur les parcelles d'implantation du projet et que la direction régionale des affaires culturelles (DRAC), saisie le 11 juin 2013, n'a pas prescrit de diagnostic archéologique préalable. Contrairement à ce que soutient la requérante, s'agissant de la voie romaine de Vannes à Corseul qui traverse Buléon, le chemin d'accès et l'aire de grutage de l'éolienne n° 2 ne se trouveront pas sur ce tracé et l'étude d'impact n'avait donc pas à la mentionner.

16. D'autre part, si la requérante se prévaut de l'étude d'impact réalisée pour un parc éolien voisin, il résulte de l'instruction, notamment de l'étude d'impact du projet en cause, que la sensibilité du site vis-à-vis des chiroptères est faible, dès lors que le site est pauvre en nombre d'espèces, essentiellement des pipistrelles communes et accessoirement les pipistrelles de Kuhl, et en effectifs. Dès lors, il ne résulte pas de l'instruction que l'étude d'impact serait insuffisante sur cet aspect. En outre, une mesure de suivi de la mortalité des chiroptères a été prescrite par l'arrêté en cause.

17. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 511-1 et L. 512-1 du code de l'environnement ne peut qu'être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin ni de procéder à la visite sur les lieux sollicitée, ni d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance, que la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France et d'autres demandeurs dirigée contre l'arrêté préfectoral du 12 octobre 2015.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France la somme demandée à ce titre par la société VSB Energies nouvelles. Enfin, et en tout état de cause, l'association Vent de forêt et l'association Vent de panique 56, qui ont la qualité d'intervenant, ne peuvent prétendre au bénéfice de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Les interventions des associations Vent de forêt et Vent de panique 56 sont admises.

Article 2 : La requête de la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la société VSB Energies nouvelles, de l'association Vent de forêt et de l'association Vent de panique 56 tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF), au ministre de la transition écologique et solidaire, à la société VSB Energies nouvelles, à l'association Vent de forêt et à l'association Vent de panique 56.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Morbihan.

Délibéré après l'audience du 19 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme E..., présidente,

- Mme N..., premier conseiller,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Lu en audience publique le 3 juillet 2020.

Le rapporteur,

P. N...

La présidente,

C. E...

Le greffier,

C. POPSE

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT03284


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03284
Date de la décision : 03/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : AARPI VIA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-03;19nt03284 ?
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