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03/07/2020 | FRANCE | N°19NT01230

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 03 juillet 2020, 19NT01230


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif C... d'annuler l'arrêté du 29 octobre 2018 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1802820 du 20 février 2019, le tribunal administratif C... a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 mars 2019, M. F... E..., représ

enté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 février 2019 du tribunal a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif C... d'annuler l'arrêté du 29 octobre 2018 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1802820 du 20 février 2019, le tribunal administratif C... a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 mars 2019, M. F... E..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 février 2019 du tribunal administratif C... ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 29 octobre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou subsidiairement de réexaminer sa demande, dans un délai de 8 jours à compter de la notification du présent arrêt ;

4°) de condamner l'Etat à verser la somme de 1 000 euros à Me B... en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi sur l'aide juridique, sous réserve que Me B... se désiste du bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

* sur le refus de titre de séjour :

- la décision contestée méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile;

- la décision contestée méconnaît l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision contestée méconnaît l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

* sur l'obligation de quitter le territoire :

- l'annulation de la décision portant refus de séjour entraîne l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

* sur la décision fixant le pays de destination :

- l'annulation des décisions précédentes entraine nécessairement l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi ;

- la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 juin 2019, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'il s'en rapporte à ses écritures de première instance et que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la charge de la preuve de l'existence de liens familiaux au Bangladesh reposait sur l'administration.

La clôture de l'instruction est intervenue le 19 décembre 2019.

Un mémoire, enregistré le 28 janvier 2020 et présenté pour M. E..., n'a pas été communiqué. Il en est de même des pièces enregistrées le 9 mars 2020.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant bangladais, né le 21 juin 2000, qui est entré irrégulièrement en France en avril 2016 selon ses déclarations, a fait l'objet le 2 décembre 2016 d'une mesure de placement comme mineur isolé. Le 12 juillet 2018, il a déposé une demande de titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et des articles L. 313-15 et L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 29 octobre 2018, le préfet du Calvados lui a refusé la délivrance de ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M. E... a demandé au tribunal administratif C... l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 20 février 2019, le tribunal a rejeté sa demande. M. E... fait appel de ce jugement.

Sur le refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".

3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de

" salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

4. En premier lieu, la décision préfectorale contestée se fonde notamment sur la circonstance qu'il existe un doute sur l'âge allégué de l'intéressé dont le test osseux réalisé le 21 juillet 2016 a révélé un âge supérieur à 18 ans.

5. Toutefois, par un jugement définitif rendu le 2 décembre 2016, au vu du " birth certificate " produit et d'un document établi par l'ambassade du Bangladesh en France validant l'identité telle qu'elle était mentionnée dans l'acte de naissance, le tribunal pour enfants C... a jugé que les pièces de la procédure établissaient que M. E... était mineur, l'examen d'âge osseux contestant la minorité de l'intéressé ne constituant pas une preuve contraire. Cet élément n'est pas contesté par le préfet.

6. En second lieu, la décision préfectorale contestée se fonde également notamment sur les circonstances que le séjour en France de l'intéressé " est trop récent pour qu'il puisse être affirmé de manière certaine et irréfutable qu'il justifie d'une bonne intégration dans la société française " et que l'isolement dans son pays d'origine n'était pas avéré.

7. Il ressort des pièces du dossier que le requérant était scolarisé, pour l'année 2016-2017, en classe allophone français langues étrangères, puis a été admis en 1ère année de certificat d'aptitude professionnelle (CAP) " service hôtel-café-restaurant " pour l'année 2017-2018, avec des appréciations sur ses bulletins de note confirmant un travail très sérieux et satisfaisant, et a ensuite été admis en 2ème année de CAP. Il a bénéficié d'un avis positif de sa structure d'accueil du 2 août 2018, faisant état d'un " jeune homme aimable et sérieux ", sans problème de comportement. En outre, il a obtenu deux diplômes d'études en langue française, onze lettres de soutien émanant notamment d'enseignants et d'amis et s'implique dans l'association sportive de son lycée. Enfin, le préfet fait valoir que les motivations de départ de son pays sont avant tout économiques. Toutefois, alors même que sa mère, son frère et son oncle vivent dans son pays d'origine et que son oncle l'aurait aidé à préparer son départ, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des rapports des structures sociales que l'intéressé aurait maintenu des liens réguliers avec sa famille.

8. Dans ces conditions, le préfet du Calvados, en refusant de délivrer à M. E... un titre de séjour sur le fondement des dispositions l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande d'annulation de la décision de refus de titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de celle fixant le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent arrêt implique, eu égard au motif qui le fonde, que le préfet du Calvados délivre à M. E... un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

11. M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Ainsi, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à Me B..., avocate de M. E..., dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1802820 du 20 février 2019 du tribunal administratif C... et l'arrêté du 29 octobre 2018 du préfet du Calvados relatif à M. E... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Calvados de délivrer à M. E... un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me B... une somme de 1 000 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 19 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme A..., présidente,

- Mme D..., premier conseiller,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Lu en audience publique le 3 juillet 2020.

Le rapporteur,

P. D...

La présidente,

C. A...

Le greffier,

C. POPSE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT01230


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01230
Date de la décision : 03/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : CABINET SARAH BALOUKA

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-03;19nt01230 ?
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