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26/06/2020 | FRANCE | N°19NT03212

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 26 juin 2020, 19NT03212


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme F... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler la décision du 16 juin 2017 par laquelle le maire de la commune de Saint-Laurent-en- Gâtines a refusé d'exercer son pouvoir de police et de conservation des chemins ruraux et, d'autre part, d'enjoindre au maire de cette commune d'exercer son pouvoir de police afin de retirer les obstacles empêchant la circulation des véhicules sur le chemin rural n° 109 menant à la rue de la Fontaine dans un délai d'un mois à compter du

jugement à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme F... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler la décision du 16 juin 2017 par laquelle le maire de la commune de Saint-Laurent-en- Gâtines a refusé d'exercer son pouvoir de police et de conservation des chemins ruraux et, d'autre part, d'enjoindre au maire de cette commune d'exercer son pouvoir de police afin de retirer les obstacles empêchant la circulation des véhicules sur le chemin rural n° 109 menant à la rue de la Fontaine dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1702865 du 11 juin 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 août et 5 novembre 2019, M. et Mme F..., représentés par Me C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 juin 2019 du tribunal administratif d'Orléans ;

2°) d'annuler la décision du 16 juin 2017 par laquelle le maire de la commune de Saint- Laurent-en-Gâtines a refusé d'exercer son pouvoir de police de la conservation des chemins ruraux ;

3°) d'enjoindre au maire de cette commune d'exercer son pouvoir de police afin de retirer les obstacles empêchant la circulation des véhicules sur le chemin rural n° 109 menant à la rue de la Fontaine, dans un délai d'un mois sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Laurent-en-Gâtines la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il n'expose pas en quoi la délibération du 3 novembre 2015 n'est pas un acte réglementaire ;

- la délibération du 3 novembre 2015 est un acte réglementaire dont ils peuvent soulever l'illégalité par la voie de l'exception ; cette délibération est illégale en ce que la portion du chemin rural a été supprimée en méconnaissance de l'article L. 161-10 du code rural et de la pêche maritime faute d'enquête publique particulière, alors que ce chemin n'a jamais cessé d'être affecté à l'usage du public et la commune n'a pas proposé d'itinéraire de substitution alors que le chemin figurait au plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée ; par suite, le transfert de propriété est illégal pour la portion de chemin désormais entravée ; le maire était dès lors tenu d'assurer la libre circulation en faisant application de ses pouvoirs de police et de conservation des chemins ruraux précisés aux articles L. 161-5 et D. 161-11 du code rural et de la pêche maritime ;

- en tout état de cause, l'article L. 121-17 du code rural et de la pêche maritime ne permet pas de transfert de propriété, aucune décision n'est intervenue au cas d'espèce dans le respect de l'article L. 161-10 du même code, et la commune demeure donc propriétaire de cette portion du chemin qui doit demeurer ouvert à la circulation publique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2019, la commune de Saint-Laurent-en-Gâtines, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. et Mme F..., d'une part, une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, et d'autre part, une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête est irrecevable en l'absence de toute décision faisant grief aux requérants et, subsidiairement, que les moyens soulevés par M. et Mme F... ne sont pas fondés. L'obstination de ces derniers constitue un abus, voire une " tentative d'escroquerie au jugement ".

Par ordonnance du 11 février 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 28 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme F..., domiciliés au lieu-dit La Hallault sur le territoire de la commune de Saint-Laurent-en-Gâtines, ont mis en demeure le maire de cette commune, le 14 mai 2017, de faire usage de ses pouvoirs de police et de conservation des chemins ruraux après avoir été empêchés, en avril 2015, de continuer à utiliser une portion du chemin rural n° 109, leur permettant de rejoindre la RD 54, du fait de l'action d'un riverain se déclarant propriétaire. Par un courrier du 16 juin 2017 le maire de cette commune leur a opposé un refus. M. et Mme F... relèvent appel du jugement du 11 juin 2019 du tribunal administratif d'Orléans qui a rejeté leur requête tendant à l'annulation de cette décision du 16 juin 2017.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Il ressort du point 5 du jugement attaqué que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les premiers juges ont énoncé de façon suffisante, en se fondant sur les dispositions de l'article L. 121-17 du code rural et de la pêche maritime, les raisons pour lesquels ils ont écarté le moyen, soulevé par la voie de l'exception, tiré de l'illégalité de la délibération du conseil municipal de Saint-Laurent-en-Gâtines du 3 novembre 2005 approuvant le nouveau réseau des chemins ruraux et des voies communales de la commune.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

4. Le courrier du 16 juin 2017 adressé par le maire de Saint-Laurent-en-Gâtines à M. et Mme F..., intitulé "réponse au courrier du 14 avril 2017", s'analyse comme un rejet de leur demande de mise en oeuvre de ses pouvoirs de police motivé par le fait que la commune n'est plus propriétaire de la portion de chemin rural désormais entravée, pour divers motifs qu'il expose. Par suite, la commune de Saint-Laurent-en-Gâtines n'est pas fondée à soutenir que ce courrier se bornerait à rappeler la situation juridique de l'ancien chemin rural n° 109 et ne constituerait pas une décision administrative faisant grief aux requérants.

En ce qui concerne la légalité de la décision du maire du 16 juin 2017 :

5. Aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune.", L'article L. 161-5 du même code dispose : " L'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux.". Enfin, aux termes de l'article L. 161-10 de ce code : " Lorsqu'un chemin rural cesse d'être affecté à l'usage du public, la vente peut être décidée après enquête par le conseil municipal, à moins que les intéressés groupés en association syndicale conformément à l'article L. 161-11 n'aient demandé à se charger de l'entretien dans les deux mois qui suivent l'ouverture de l'enquête. / Lorsque l'aliénation est ordonnée, les propriétaires riverains sont mis en demeure d'acquérir les terrains attenant à leurs propriétés. /Si, dans le délai d'un mois à dater de l'avertissement, les propriétaires riverains n'ont pas déposé leur soumission ou si leurs offres sont insuffisantes, il est procédé à l'aliénation des terrains selon les règles suivies pour la vente des propriétés communales.".

6. Il ressort des pièces du dossier que le refus du maire de la commune de Saint-Laurent-en-Gâtines de mettre en oeuvre les pouvoirs de police issus de l'article L. 161-5 du code rural et de la pêche maritime est fondé sur la circonstance que la commune n'est plus propriétaire de la portion de ce chemin que les époux F... ont utilisé jusqu'en 2015 du fait d'un échange de parcelles avec un tiers intervenu dans le cadre d'une procédure d'aménagement foncier initiée en 2001 et conclue par un arrêté préfectoral du 11 janvier 2007 ordonnant le dépôt en mairie du plan de remembrement de la commune. M. et Mme F... invoquent ainsi, en premier lieu, l'illégalité par voie d'exception de la délibération du conseil municipal de Saint-Laurent en Gâtines du 3 novembre 2005 approuvant le nouveau réseau des chemins ruraux et voies communales issu de la procédure de remembrement rural, dans le cadre de laquelle les époux E... ont échangé la partie du chemin rural n° 109 passant au milieu de leur corps de ferme contre des parcelles cadastrées section ZO n° 12 et 13 sur lesquelles a été créée une nouvelle voie communale n° 312 menant à la route départementale n° 4.

7. Toutefois, aux termes de l'article L. 121-17 du code rural et de la pêche maritime : " La commission communale, au cours des opérations de délimitation des ouvrages faisant partie du domaine communal, propose à l'approbation du conseil municipal l'état : 1o Des chemins ruraux susceptibles d'être supprimés, dont l'assiette peut être comprise dans le périmètre d'aménagement foncier, au titre de propriété privée de la commune; 2o Des modifications de tracé et d'emprise qu'il convient d'apporter au réseau des chemins ruraux et des voies communales. / De même, le conseil municipal indique à la commission communale les voies communales ou les chemins ruraux dont il juge la création nécessaire à l'intérieur du périmètre d'aménagement foncier. / Le classement, l'ouverture, la modification de tracé et d'emprise des voies communales effectués dans le cadre des dispositions du présent article sont prononcés sans enquête. Sont, dans les mêmes conditions, dispensées d'enquête toutes les modifications apportées au réseau des chemins ruraux. / (...) / Le conseil municipal, lorsqu'il est saisi par la commission communale d'aménagement foncier de propositions tendant à la suppression de chemins ruraux ou à la modification de leur tracé ou de leur emprise, est tenu de se prononcer dans le délai de deux mois à compter de la notification qui en sera faite au maire et qui devra reproduire le texte du présent article. Ce délai expiré, le conseil municipal est réputé avoir approuvé les suppressions ou modifications demandées. / La suppression d'un chemin inscrit sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée ne peut intervenir que sur décision expresse du conseil municipal, qui doit avoir proposé au conseil départemental un itinéraire de substitution approprié à la pratique de la promenade et de la randonnée. ".

8. Par la délibération du 3 novembre 2005 le conseil municipal de Saint-Laurent en Gâtines, dans le cadre des " travaux connexes au remembrement pris en charge par la commune ", a décidé " d'approuver le nouveau réseau des chemins ruraux et des voies communales dont les plans figurent en annexe... ", comprenant en particulier la suppression sur 60 mètres linéaires du chemin rural n° 109 menant à la rue de La Fontaine. Cette délibération est intervenue dans le cadre d'une opération déterminée de remembrement rural diligentée sur un périmètre délimité pour les besoins de cette opération d'aménagement foncier agricole. Elle n'a ainsi pas de caractère règlementaire et, dès lors qu'il est constant qu'elle est devenue définitive du fait de sa publication le 12 novembre 2005 et de sa transmission au préfet d'Indre-et-Loire le 5 novembre 2005, les requérants ne sont pas recevables à exciper de son illégalité pour contester la décision du maire du 16 juin 2017, laquelle en tout état de cause ne peut être regardée comme prise pour l'application de cette délibération.

9. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 121-17 du code rural et de la pêche maritime citées au point 7 que, dans le cadre de la procédure de remembrement susmentionnée, la commission communale d'aménagement foncier a pu légalement, après l'approbation du conseil municipal, seul compétent pour décider la création, la suppression, la modification du tracé ou de l'emprise des chemins ruraux situés à l'intérieur du périmètre d'aménagement, décidée par la délibération du 3 novembre 2005, procéder à la suppression du chemin litigieux pour sa partie située sur les parcelles incluses dans le périmètre de remembrement. Ainsi, en vertu de ces mêmes dispositions, les parcelles constituant l'assiette du chemin rural n° 109 supprimé, qui appartenaient au domaine privé de la commune, ont dès lors pu, dans le cadre des attributions et échanges de parcelles intervenant du fait de la procédure de remembrement diligentée, être légalement incorporées dans le patrimoine privé d'un autre propriétaire foncier. Il en résulte que M. et Mme F... ne peuvent utilement se prévaloir ni de ce que le chemin rural n° 109 appartiendrait toujours à la commune parce qu'il aurait été illégalement cédé par la délibération du 3 novembre 2005, qui l'a seulement supprimé dans le cadre des modifications de voirie pouvant résulter du remembrement, ni de ce que les dispositions de l'article L. 161-10 du code rural et de la pêche maritime, prévoyant l'aliénation d'un chemin rural uniquement par la vente, auraient été méconnues.

10. En dernier lieu, le chemin rural n° 109 ayant été supprimé, dans les conditions décrites ci-dessus, et la commune n'étant plus propriétaire des parcelles correspondantes, les requérants ne peuvent être fondés à contester le refus par le maire de faire usage des pouvoirs de police et de conservation des chemins ruraux qu'il tient des articles L. 161-5 et D. 161-11 du code rural et de la pêche maritime.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.

Sur les frais d'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par M. et Mme F.... Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande présentée au titre de ces mêmes dispositions par la commune de Saint-Laurent-en-Gâtines.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme F... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Saint-Laurent-en-Gâtines au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme F..., à la commune de Saint-Laurent-en-Gâtines.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. A..., président de chambre,

- M. Jouno, premier conseiller,

- Mme G..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 26 juin 2020.

Le président de chambre, rapporteur,

L. A...

L'assesseur le plus ancien dans le grade le plus élevé,

T. Jouno

La greffière,

M. D...

La République mande et ordonne au préfet d'Indre-et-Loire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT03212


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03212
Date de la décision : 26/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Laurent LAINE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : CABINET BENOIT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-06-26;19nt03212 ?
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