Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Vernouillet a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL) à lui verser la somme de 80 704,33 euros, assortie des intérêts au taux légal.
Par un jugement n° 1801327 du 24 janvier 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 février 2019, la commune de Vernouillet, représentée par la SCP Mery et Associés, demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 24 janvier 2019 et de condamner la SMACL à lui verser la somme de 80 704,33 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation ;
2°) à titre subsidiaire, de réformer ce jugement et de condamner la SMACL à lui verser une somme de 36 499,56 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation ;
3°) de mettre à la charge de la SMACL la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la prescription biennale ne lui est pas opposable dès lors que, par un arrêt du 26 novembre 2015, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a considéré que les exigences de l'article R. 112-1 du code des assurances ne pouvaient être considérées comme remplies lorsque le contrat ne précise pas les causes ordinaires de la prescription ; or en l'espèce, l'assureur se prévaut de l'article 18 des conditions générales " prestations statutaires modèle 3-05/2008 ", lesquelles ne précisent pas les causes ordinaires d'interruption de la prescription ;
- à supposer même que la prescription biennale lui soit opposable, le délai deux ans n'a commencé à courir que le 1er juillet 2015, date à laquelle elle a été informée du refus de garantie de son assureur ; ce délai a été interrompu par le courrier recommandé du 16 juin 2015, puis par une assignation du 2 juin 2017 ; ainsi, sa créance n'était pas atteinte par la prescription biennale ;
- l'action en répétition de l'indu n'est pas soumise à la prescription biennale de l'article L. 114-1 du code des assurances, quelle que soit la source du paiement indu ; ainsi, ses conclusions tendant au paiement de la somme de 36 499,56 euros qu'elle a restituée à tort à la SMACL ne peuvent être rejetées au motif qu'elles portent sur une créance atteinte par la prescription biennale ;
- sur le fond, si la compagnie d'assurance soutient que sa garantie ne serait plus acquise à compter du 8 mai 2013, au motif que le congé longue durée accordé à l'agent relève d'une pathologie différente du congé longue maladie, un tel motif est infondé.
Par un mémoire, enregistré le 27 septembre 2019, la SMACL, représentée par la SELARL Casadei-Jung, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la commune de Vernouillet une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la délibération du 30 mars 2014 du conseil municipal de la commune de Vernouillet indique que le maire de cette commune ne peut agir en justice au nom de celle-ci que dans les cas définis par lui ; or, faute de délibération ultérieure précisant ces cas, il ne peut régulièrement agir en justice au nom de la commune ;
- la demande de paiement au titre de la répétition de l'indu est nouvelle en appel et ne peut à ce titre qu'être rejetée comme irrecevable ;
- les moyens soulevés par la commune de Vernouillet ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 28 août 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er octobre 2019.
Un mémoire, enregistré le 24 décembre 2019, a été produit par la commune de Vernouillet.
Les parties ont été informées, par lettre du 11 février 2020, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office, tiré de ce que la commune de Vernouillet ne peut invoquer pour la première fois en appel, à l'appui de ses conclusions, le moyen tiré de la responsabilité quasi-contractuelle de la SMACL (répétition de l'indu), lequel repose sur une cause juridique distincte du moyen tiré de la responsabilité contractuelle de cet assureur, seul invoqué en première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code des assurances ;
- le code des marchés publics ;
- l'arrêté du 14 mars 1986 relatif à la liste des maladies donnant droit à l'octroi de congés de longue maladie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jouno, rapporteur,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la société mutuelle d'assurances des collectivités locales.
Considérant ce qui suit :
1. Le 8 mai 2010, M. A..., adjoint technique de deuxième classe titulaire exerçant ses fonctions au sein de la commune de Vernouillet, a été placé en congé de longue maladie. Ce congé a été renouvelé jusqu'au 7 mai 2013. Cet agent a été placé, par arrêté du 4 juillet 2013, en congé de longue durée pour une période de douze mois à compter du 8 mai 2013. Ce congé a été prolongé jusqu'au 7 mai 2016 inclus. En vertu d'un contrat d'assurances conclu par un acte d'engagement du 21 novembre 2008 et applicable à compter du 1er janvier 2009, la société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL) a remboursé à la commune de Vernouillet les sommes que celle-ci avait versées à M. A... au titre de son congé de longue maladie et qui étaient restées à sa charge. Par courrier du 3 avril 2015, la SMACL a en revanche refusé de rembourser à la commune, en application du contrat d'assurance, les sommes qu'elle avait versées à son agent au titre de son congé de longue durée et a demandé en conséquence le remboursement d'un trop-perçu d'indemnités d'assurances d'un montant de 36 499,56 euros pour la période du 8 mai 2013 au 28 février 2015. Compte tenu de ce refus, la commune a saisi le tribunal administratif d'Orléans, le 12 avril 2018, d'une demande tendant à la condamnation de cet assureur au versement de la somme de 80 704,33 euros, assortie des intérêts au taux légal, correspondant aux indemnités d'assurances destinées à couvrir l'ensemble des sommes versées par elle à M. A... durant son congé de longue durée du 8 mai 2013 au 7 mai 2018, date prévisionnelle de l'admission à la retraite de l'intéressé. Par un jugement du 24 janvier 2019, le tribunal a rejeté cette demande au motif que la créance revendiquée par la commune était atteinte par la prescription biennale prévue par l'article L. 114-1 du code des assurances.
Sur l'action présentée sur un fondement contractuel :
2. Aux termes de l'article L. 114-1 du code des assurances : " Toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance. (...) ". Aux termes de l'article L. 114-2 de ce code, dans sa rédaction applicable à la date de souscription du contrat en cause dans le présent litige : " La prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre. L'interruption de la prescription de l'action peut, en outre, résulter de l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l'assureur à l'assuré en ce qui concerne l'action en paiement de la prime et par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité. ". Aux termes de l'article R. 112-1 du même code, dans sa rédaction applicable : " Les polices d'assurance (...) doivent rappeler les dispositions des titres Ier et II du livre Ier de la partie législative du présent code concernant (...) la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour assurer une information suffisante des assurés sur ce point, les polices d'assurance entrant dans le champ d'application de ce dernier article doivent rappeler les règles de prescription des actions dérivant du contrat d'assurance, y compris les causes d'interruption de celle-ci, qu'elles soient prévues par le code des assurances ou par le code civil. A défaut, l'assureur ne peut opposer à l'assuré la prescription prévue à l'article L. 114-1 précité.
3. Il résulte de l'instruction que l'article 18 " Prescription " des conditions générales applicables au contrat d'assurance souscrit par la commune de Vernouillet auprès de la SMACL pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, après avoir rappelé le principe de la prescription selon lequel toute action dérivant du contrat ne peut valablement être engagée que dans un délai de deux ans à compter de l'évènement qui lui a donné naissance, mentionne les causes interruptives prévues par l'article L. 114-2 du code des assurances, en citant " désignation d'expert à la suite d'un sinistre " et " envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception, par l'assureur à la collectivité souscriptrice en cas de non-paiement de cotisation, par la collectivité souscriptrice à l'assureur en cas de non règlement de l'indemnité ", mais au titre des causes ordinaires d'interruption prévues par le code civil ne mentionne que " citation en justice, même en référé " et " commandement ou saisie signifiés à celui que l'on veut empêcher de prescrire ", ce qui correspond aux causes interruptives énoncées par le seul article 2244 du code civil alors applicable. Ainsi, contrairement à ce que soutient la SMACL, le contrat d'assurance ne mentionne pas l'ensemble des informations exigées par les dispositions précitées concernant la prescription, en particulier l'interruption de la prescription par " la citation en conciliation " prévue par l'ancien article 2245 du code civil, l'interruption résultant de la reconnaissance par le débiteur du droit de son créancier, prévue par l'article 2248, ainsi que la règle de l'article 2246 selon laquelle la citation en justice interrompt la prescription " même devant un juge incompétent " et la règle de l'article 2247 aux termes de laquelle " L'interruption est regardée comme non avenue (...) si l'assignation est nulle par défaut de forme, si le demandeur se désiste de sa demande, (...) ou si sa demande est rejetée ", applicable aux actions engagées devant le juge administratif. En l'absence de ces indications concernant les causes ordinaires de prescription prévues par le code civil, les stipulations du contrat d'assurance en cause méconnaissent les dispositions de l'article R. 112-1 du code des assurances, applicables au contrat d'assurance cité ci-dessus. Par suite, la prescription prévue par l'article L. 114-1 de ce code ne peut être opposée à la commune de Vernouillet.
4. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans s'est fondé sur la prescription par deux ans prévue à l'article L. 114-1 du code des assurances pour rejeter la demande de la commune de Vernouillet. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner le bien-fondé de la demande présentée par la commune devant le tribunal administratif.
5. Il résulte des avis du comité médical en date des 24 mars 2011, 1er décembre 2011 et 13 septembre 2012, où est cochée la case " Article 1 ", que les périodes de congé de longue maladie accordées à M. A... par les arrêtés du maire de Vernouillet du 31 mars 2011, pour la période de dix-huit mois du 8 mai 2010 au 7 novembre 2011, du 9 mai 2012, pour la période de douze mois du 8 novembre 2011 au 7 novembre 2012, et du 20 septembre 2012, pour la période de six mois du 8 novembre 2012 au 7 mai 2013, étaient fondés sur une des pathologies énumérées à l'article 1 de l'arrêté du 14 mars 1986 relatif à la liste des maladies donnant droit à l'octroi de congés de longue maladie, aux termes duquel " Un fonctionnaire est mis en congé de longue maladie lorsqu'il est dûment constaté qu'il est dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions au cours d'une des affections suivantes lorsqu'elle est devenue invalidante : 1. Hémopathies graves. 2. Insuffisance respiratoire chronique grave. 3. Hypertension artérielle avec retentissement viscéral sévère. 4. Lèpre mutilante ou paralytique. 5. Maladies cardiaques et vasculaires : (...) 6. Maladies du système nerveux : (...) 7. Affections évolutives de l'appareil oculaire avec menace de cécité. 8. Néphropathies avec insuffisance rénale relevant de l'hémodialyse ou de la transplantation. 9. Rhumatismes chroniques invalidants, inflammatoires ou dégénératifs. 10. Maladies invalidantes de l'appareil digestif : (...) 11. Collagénoses diffuses, polymysites. 12. Endocrinopathies invalidantes. ". En revanche, l'arrêté du maire de Vernouillet du 4 juillet 2013 plaçant M. A... en congé de longue durée pour une période de douze mois courant du 8 mai 2013 au 7 mai 2014 est fondé, de même que les arrêtés ultérieurs prolongeant ce congé de longue durée, comme cela ressort de l'avis du comité médical du 17 mai 2013, sur une pathologie mentionnée à l'article 2 du même arrêté du 14 mars 1986. Il s'agit nécessairement d'une autre pathologie dès lors que les deux listes sont distinctes et mentionnent des pathologies différentes. L'article 2 dispose en effet que " Les affections suivantes peuvent donner droit à un congé de longue maladie dans les conditions prévues aux articles 29 et 30 des décrets susvisés : - tuberculose ; - maladies mentales ; - affections cancéreuses ; - poliomyélite antérieure aiguë ; - déficit immunitaire grave et acquis. ".
6. Or le paragraphe 2.1 de l'article 2 des conditions générales du contrat d'assurance en cause stipule que les garanties s'appliquent certes " quel que soit le type de congé ", mais " pour les congés survenant entre la date d'effet du contrat ou de la garantie et la date de résiliation... ". Ainsi, dès lors que le congé de longue durée accordé par l'arrêté du maire du 4 juillet 2013 constituait un nouveau congé, fondé sur une autre pathologie que les précédents congés de longue maladie, qui est survenu après la date de résiliation à laquelle expirait le contrat, la SMACL était fondée à opposer un refus de garantie par son courrier du 3 avril 2015. La commune ne peut utilement invoquer la notion de " transformations de congés " mentionnée au troisième alinéa du paragraphe 2.2 de l'article 2 des conditions générales, dès lors qu'elle ne peut logiquement s'appliquer qu'à la transformation pour une même pathologie, qui dure, d'un congé de maladie, évoluant par exemple en congé de longue maladie puis en congé de longue durée en vertu des 2° à 4° de l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.
Sur l'action tendant à la répétition de l'indu :
7. Il résulte de l'instruction, notamment des énonciations de son mémoire introductif d'instance devant le tribunal administratif d'Orléans, que les conclusions présentées par la commune de Vernouillet devant les premiers juges reposaient sur un fondement strictement contractuel dès lors que la demande tendant à la condamnation de la SMACL au paiement d'une somme en principal de 80 704,33 euros reposait uniquement sur l'invocation de l'article 2 des conditions générales " prestations statutaires ", faisant partie des pièces du marché conclu avec cet assureur en vertu du point 1 des " observations " de celui-ci sur l'acte d'engagement du 21 novembre 2008. Ce n'est que par une note en délibéré que la commune de Vernouillet a fait valoir devant le tribunal qu'à hauteur de 36 499,56 euros sa demande devait être regardée comme une action en répétition de l'indu. Ainsi, la commune doit être regardée comme invoquant pour la première fois en appel ce fondement quasi-contractuel, qui n'est pas d'ordre public. Dans ces conditions, les conclusions fondées sur la répétition de l'indu, cause juridique nouvelle invoquée pour la première fois devant la cour, ne sont pas recevables.
8. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la SMACL, la commune de Vernouillet n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SMACL, qui n'est pas la partie perdante, verse à la commune de Vernouillet la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, la SMACL est fondée à demander, sur le fondement de ces mêmes dispositions, qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la commune.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Vernouillet est rejetée.
Article 2 : La commune de Vernouillet versera à la société mutuelle d'assurance des collectivités locales une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Vernouillet et à la société mutuelle d'assurance des collectivités locales.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Jouno, premier conseiller,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 26 juin 2020.
Le rapporteur,
T. JounoLe président,
L. Lainé
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au préfet d'Eure-et-Loir en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT00736
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