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19/06/2020 | FRANCE | N°19NT03852

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 19 juin 2020, 19NT03852


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... L... K... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre la décision des autorités diplomatiques françaises au Cameroun rejetant sa demande de visa de long séjour au titre du regroupement familial.

Par un jugement n° 1808177 du 1er février 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure de

vant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 septembre 2019, M. K... A..., représe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... L... K... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre la décision des autorités diplomatiques françaises au Cameroun rejetant sa demande de visa de long séjour au titre du regroupement familial.

Par un jugement n° 1808177 du 1er février 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 septembre 2019, M. K... A..., représenté par Me E...-M..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er février 2019 ;

2°) d'annuler la décision contestée ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer un visa de long séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'autorité consulaire n'a pas procédé aux vérifications qui lui incombaient en vertu des dispositions de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 47 du code civil et de l'article 1er du décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 ;

- dès lors que le regroupement familial a été accordé, sa filiation avec le regroupant doit être regardée comme établie ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la commission n'a pas été régulièrement réunie ni n'a valablement délibéré dans les conditions fixées par l'article 1er de l'arrêté du 4 décembre 2009 ;

- en estimant que les actes d'état civil produits étaient apocryphes, la commission a entaché sa décision d'erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la commission ne s'étant pas réunie, le moyen tiré de l'irrégularité de sa composition est inopérant ;

- les autorités consulaires disposant de moyens d'authentification des actes d'état civil étrangers, les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure et de l'erreur de fait sont inopérants ;

- les autres moyens ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 ;

- l'arrêté du 4 décembre 2009 relatif aux modalités de fonctionnement de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme H...,

- et les observations de Me B..., substituant Me E...-M... et représentant M. A....

Une note en délibéré présentée par M. K... A... a été enregistrée le 12 juin 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... J... A..., ressortissante camerounaise née le 5 février 1981 et résidant régulièrement en France, a obtenu le 4 janvier 2017 le bénéfice du regroupement familial en faveur du jeune C... L... K... A... né le 20 juin 2000 à Yaoundé, présenté comme son fils. La demande de visa de long séjour déposée à ce titre pour l'intéressé a été rejetée le 26 janvier 2018 par les autorités diplomatiques françaises au Cameroun au motif que les documents d'état civil présentés ne pouvaient être regardés comme authentiques. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement confirmé ce refus par une décision née le 30 mai 2018 du silence conservé sur le recours préalable dont M. K... A... l'a saisie. Ce dernier relève appel du jugement du 1er février 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Dans le cas où la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité diplomatique ou consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour des motifs d'ordre public. Figure au nombre de ces motifs le défaut de valeur probante des documents destinés à établir l'identité du demandeur de visa ou encore le lien familial entre celui-ci et le membre de famille que celui-ci entend rejoindre.

3. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".

4. En premier lieu, le requérant a produit un acte de naissance n° 3268/2000, dressé le 22 juin 2000 au centre d'état civil de Yaoundé, dont il ressort que l'enfant C... L... K... A... né le 20 juin 2000 a pour mère Mme F... J... A... née en 1981 à Akoloninga. Il est, par ailleurs, versé à l'instance, une " photocopie conforme à l'original " délivrée le 14 février 2017 ainsi qu'une " photocopie conforme à la souche " et une attestation d'existence de la souche de cet acte de naissance n° 3268/2000 délivrées le 10 janvier 2019 par l'officier d'état civil de la mairie de Yaoundé. D'une part, il résulte des dispositions de l'article 34 du code civil camerounais que l'acte de naissance doit énoncer l'âge de la mère. L'acte de naissance que le requérant a produit au soutien de sa demande indique que sa mère est née en 1981. Alors que cette mention permet de connaître l'âge de la mère, la circonstance que le jour et le mois de naissance de cette dernière ne soient pas précisés ne permet pas de regarder l'acte de naissance considéré comme apocryphe ni même comme irrégulier au regard de la législation locale. D'autre part, l'article 14 de l'ordonnance camerounaise n° 81-02 du 29 juin 1981 prévoit que les actes de naissance sont signés conjointement par l'officier d'état-civil et par le secrétaire du centre. Si l'acte de naissance n° 3268/2000 indique que la sincérité de la déclaration de naissance est certifiée par M. G... D..., officier d'état civil du centre de Yaoundé II assisté de Mme Elisabeth Melingui, secrétaire d'état civil, seule la signature du premier y est apposée. Cette irrégularité ne suffit toutefois pas à priver l'acte de sa valeur probante.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le 7 avril 2016, le consulat général de la République du Cameroun à Paris a délivré une copie de l'acte de naissance n° 3268/2000 certifiée conforme à l'original. Le ministre n'apporte aucun élément de nature à démontrer que cette autorité étrangère ne détiendrait pas la compétence de délivrer à ses ressortissants résidant en France, et donc à la mère du requérant, des copies de documents d'état civil extraits de registres tenus au Cameroun. Par suite, la production de cette copie ne permet pas de regarder la demande de visa comme entachée de fraude.

6. En dernier lieu, les photographies apposées sur le passeport et la carte nationale d'identité de M. K... A... permettaient à l'administration de s'assurer que la personne ayant déposé la demande de visa était bien celle concernée par l'acte de naissance n° 3268/2000 et par l'autorisation de regroupement familial. A cet égard, contrairement aux allégations du ministre, le passeport présenté par le requérant comporte la signature de son titulaire ainsi que celle de l'autorité de délivrance, laquelle est précisément désignée, à savoir le délégué général à la sûreté nationale, M. E... I.... Par ailleurs, les dispositions de l'article 3 du décret camerounais n° 2013/002 du 4 janvier 2013 fixant les conditions d'établissement des passeports, lesquelles énumèrent, au point 6, les données devant être portées sur ce document de voyage, ne prévoient nullement la mention de la taille ou du " numéro personnel " de son titulaire.

7. Il suit de là qu'en confirmant le refus de visa opposé à M. K... A... alors que sont établis tant son identité que son lien de filiation avec Mme J... A... qu'il a été autorisé à rejoindre en France, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions précitées.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. K... A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

9. Eu égard au motif d'annulation sur lequel il est fondé, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement de circonstances de droit ou de fait, la délivrance d'un visa de long séjour à M. K... A.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur d'y procéder dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement au requérant de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er février 2019 et la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. K... A... un visa de long séjour dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. K... A... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... L... K... A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pérez, président de chambre,

Mme Brisson, président assesseur,

Mme H..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 juin 2020.

Le rapporteur,

K. H...

Le président,

A. PEREZLe greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT03852


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03852
Date de la décision : 19/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : MARTIN-CAMBON

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-06-19;19nt03852 ?
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